Danney n'en crût pas ses yeux lorsque la corde qui retenait les mains de Luzo céda d'un seul coup ; la flèche avait parfaitement atteint sa cible.
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- Qu'est-ce qu'il se passe ? lâcha Luzo d'un air ahuri en frottant ses poignets.
- Danney est ici, expliqua Mostès d'un ton pressant. Dépêche-toi de nous délivrer maintenant.
À vrai dire, Mostès était angoissé à l'idée que Luzo, leur instable camarade, les laisse croupir ici. Heureusement, celui-ci s'était saisi d'une pierre et commençait à s'acharner sur les liens de Mostès.
- J'ai bien entendu ? s'enquit Sinoran, sceptique et apparement insensible à ce qu'il se passait. Danney est venue nous chercher ?
- Oui, confirma Mostès. Elle est là-haut, ajouta-t-il avec un mouvement du menton.
À ce moment-là, le jeune homme leva les yeux et découvrir avec surprise que Danney n'était plus là. Pris d'une étrange angoisse, il s'exclama sèchement :
- Mais qu'est-ce que tu fais, Luzo ? Dépêche-toi, les Charognes ne vont pas tarder à rappliquer.
- Je fais ce que je peux, répliqua-t-il en essayant tant bien que mal de trancher les liens. Ces cordes sont impossibles à couper.
Mostès se mit à réfléchir à toute allure, puis il lança soudain :
- Utilise la flèche de Danney ! Bien qu'elle soit en bois, elle a bien réussi à trancher tes liens.
Luzo s'empara alors de la flèche et entreprit de couper les cordes. Comme par miracle, elles cédèrent presque instantanément.
- Ça alors, marmonna Sinoran tandis que Luzo tranchait ses liens.
- On se tire, maintenant, lança Luzo une fois avoir délivré son camarade.
- Attendez ! les arrêta Mostès. Où est Danney ?
- Je suis là, répondit une voix derrière eux.
Ils se retournèrent d'un même mouvement et découvrirent Danney, essoufflée mais souriante.
- C'est bon, maintenant on y va.
Le petit groupe se mit à courir, avançant tout de même prudemment dans la pénombre.
- Je reviens, chuchota alors Luzo en faisant brusquement demi-tour.
- C'est pas vrai ! Mais qu'est-ce qu'il fout ? siffla Sinoran entre ses dents.
- Tant pis, on continue à avancer, il nous rattrapera, dit Mostès en se remettant en marche.
Quelques instants plus tard, ils arrivèrent dans une petite caverne et ils virent leurs affaires, entreposées au centre. Sans plus attendre, ils se précipitèrent dessus et, étant toujours torses nus, ils se rhabillèrent rapidement. Luzo les rejoignit vite et se mit à saisir une à une ses nombreuses armes.
- Euh... Mostès ? murmura Danney, la voix chevrotante.
- Quoi ? répondit le concerné, occupé à récupérer ses affaires.
- On va avoir un léger problème.
Les quatre compagnons étaient désormais encerclés par des dizaines de Charognes, leurs regards jaunes fixés sur eux. Les créatures avançaient doucement et leurs babines retroussées laissaient entrevoir leurs crocs impressionnants.
Tout à coup, Luzo projeta deux petits poignards qui allèrent se ficher dans les poitrines de deux Charognes. Les bêtes se ruèrent alors en avant, une rage soudaine les ayant comme habitées .
- Ne vous laissez pas mordre ! cria Luzo par-dessus la mêlée.
L'épée de Mostès dansait dans les airs, tranchant çà et là de la chair et des os. Il veillait du coin de l'œil à ce que Danney ne se fasse pas attaquer, mais il fut bientôt submerger par les attaques des Charognes. Il ne faisait plus que se défendre et ne parvenait pas à asséner un seul coup.
- Utilise tes pouvoirs ! ordonna Sinoran au jeune homme, tentant de se faire entendre malgré le tumulte.
Mostès se demanda alors pourquoi il n'y avait pas pensé plus tôt. Il ne savait pas si ses dons d'Alchimiste feraient effet sur les Charognes, qui n'étaient pas humains, mais il se devait d'essayer.
Rassemblant le peu de concentration qu'il pouvait avoir, il releva la tête et sentit son pouvoir s'étendre autour de lui. Il le contrôlait désormais parfaitement et il prit soin de ne pas englober ses compagnons.
Comme par miracle, les Charognes reculèrent en titubant puis se prosternèrent devant Mostès. Celui-ci ne comprenait pas ce qui se déroulait sous ses yeux, mais avant qu'il n'ait pu se poser la moindre question, Sinoran et Luzo avait déjà entamé le travail. Ils liquidaient une à une les créatures, ne laissant aucune forme de vie sur leur passage. Très vite, Mostès se joignit à eux, sous le regard horrifié de Danney.
- On se tire, lâcha Mostès une fois le massacre terminé. D'autres Charognes peuvent arriver, on n'en sait rien.
Ils ramassèrent leurs dernières affaires et s'éloignèrent en courant. Ils virent alors une sortie devant eux ; ils accélèrent le pas. Lorsqu'ils arrivèrent à l'embouchure, ils s'arrêtèrent net, mais aucun vide ne les attendait. L'aube se montrant au loin leur dévoilait un vaste pré en lisière de forêt.
- On est de l'autre côté de la falaise, déduisit oralement Danney, même si tout le monde avait déjà compris.
- Bon, on ne va pas traîner ici, lança Mostès. Avançons, nous nous reposerons plus loin.
Personne n'émit d'objection et la petite troupe se mit en marche. Ils progressèrent pendant quelques heures en silence, chacun tentant de se remettre des événements qu'ils avaient vécus.
Ils décidèrent de faire une pause lorsque le soleil était déjà haut dans le ciel. Ils étaient de nouveau dans la forêt, mais elle était plus verdoyante et accueillante que la précédente. Qui tendait l'oreille pouvait entendre les insectes voler ou les animaux gratter la terre.
Ils posèrent leurs peu nombreuses affaires par terre et aménagèrent un campement sommaire. Une fois que tous furent plus ou moins installés, Sinoran s'approcha de Mostès et, sans un mot, il lui envoya un coup de poing dans la mâchoire. Déstabilisé quelques secondes, Mostès se ressaisit vite et fit face à son camarade.
- Tu l'as bien mérité, cracha Sinoran. Si tout ça est arrivé, c'est bien de ta faute.
Mostès voulut lui rendre la pareille mais il se ravisa au dernier moment. Il avait perdu son calme légendaire et quelque chose d'étrange montait en lui. Il eut soudainement envie de lui faire comprendre que lui, Mostès, était autrement plus puissant que lui.
Le jeune homme laissa alors son pouvoir déferler hors de lui. Même s'il savait que Sinoran n'était étrangement pas atteint par ses dons d'Alchimiste, il avait envie de repousser ses limites, leurs limites. Lentement, l'expression qu'affichait Sinoran se déforma pour laisser place à un rictus de douleur.
- Arrête ça, siffla le Guerrier-pêcheur en se tenant la tête.
Mostès fit la sourde oreille. Il adorait cette sensation de bien-être en lui. Il ne ressentait plus aucune colère.
- Mostès, s'interposa Danney. C'est bon, ça suffit.
Le regard du jeune homme se posa sur elle et les gémissements de Sinoran cessèrent. Danney, inquiète, tenta de déchiffrer l'expression de Mostès, en vain. Celui-ci s'approcha doucement de Sinoran et murmura :
- Je suis parfaitement conscient de mes erreurs. Ne t'avise plus de lever la main sur moi.
Sur ces paroles, le jeune homme disparut entre les arbres. Personne ne tenta de le retenir.
- Ça va ? s'enquit Danney auprès de Sinoran.
- C'est bon, marmonna le concerné en s'écartant d'elle.
Luzo avait observé les échanges et, pour une fois, il n'avait pas le sourire aux lèvres.
Danney alla s'assoir seule, non loin de Sinoran et Luzo. Elle observa le campement de fortune qu'ils avaient rapidement aménagé. Elle était vraiment heureuse d'avoir retrouvé ses camarades sains et saufs, même si ceux-ci n'avaient exprimé aucune gratitude à son égard.
Cependant, l'altercation qui avait eu lieu quelques minutes auparavant la troublait. Le comportement dont avait fait preuve Mostès ne lui ressemblait pas. Lorsque le jeune femme l'avait regardé, elle avait vu quelque chose de différent en lui. Même si elle était persuadée que Mostès allait revenir, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver toutes les craintes du monde à son sujet.