Il pleut. Beaucoup.
Un orage fait rage dehors.
Je regarde d'un air absent par la fenêtre de mon salon, enveloppée dans une couverture, les gouttes qui s'écrasent avec violence contre le carreau. Bea est rentrée chez elle depuis longtemps. Elle a beaucoup insisté pour rester, mais j'avais impérativement besoin d'être seule. À présent, il doit être minuit passé. Tout est noir dehors.
Je suis vide. Mon esprit est vide. Je ne pense plus à rien.
J'ai juste mal.
Mon cœur me torture.
Sans savoir vraiment ce que je fais, je me lève, laisse tomber la couverture et ouvre la porte.
La pluie s'abat sur moi, une vague de froid m'envahit.
Je lève la tête et ferme les yeux.
Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi, sous l'orage, avec l'eau qui trempe ma peau, mes cheveux, mes vêtements, le tonnerre qui gronde au-dessus de moi et les éclairs qui déchirent le ciel.
Peut-être que je pleure, j'en sais rien.
Une pensée s'immisce dans mon cerveau sans vie;
Que fait-il à cette heure-ci?
Il doit être dans un bar, ou coucher avec une fille.
Et mon cœur se serre encore plus.
Et je lâche gémissement étouffé qui retentit dans les rues sombres et silencieuses de minuit.
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Matthieu
Qu'est-ce qu'elle fait à cette heure-ci?
Putain, pourquoi j'arrête pas de penser à elle?
Peut-être qu'elle me pleure.
Peut-être qu'elle dort.
Peut-être qu'elle regarde la pluie tomber.
Je ferme les yeux en soupirant bruyamment.
Je dois cesser de penser à ça, à elle, à ses beaux yeux rieurs qui m'observent avant de se jeter dans mes bras, à ses sourcils qui se froncent légèrement et ses yeux qui se plissent quand elle se pose trop de questions, à...
« Bordel, lâchez-moi deux minutes! je hurle aux deux filles qui s'assoient avec moi en faisant ressortir leur décolleté plongeant. »
Je devrais prendre l'air.
Dans ce bar, j'étouffe, l'atmosphère est trop pesante.
Je sors d'un pas pressant.
Je laisse la pluie tomber sur moi et tremper mes habits, et m'adosse contre le mur à la peinture blanche qui s'efface.
Pourquoi me perturbe-t-elle autant? Pourquoi occupe-t-elle tellement mes pensées?
D'habitude, j'oublie les filles si facilement...
Pourquoi pas elle?
Pourquoi n'aurait-elle pas pu être simplement une fille... comme les autres?
Il faut que je l'oublie. Il faut qu'elle m'oublie.
Tout ce qu'on a vécu, c'est fini. C'était n'importe quoi, notre relation n'aurait pas tenu longtemps même si on avait voulu qu'elle dure...
Je ne lui ai pas assez prouvé que je l'aimais, c'est vrai.
Elle m'attire, c'est sûr. Mais j'arrivais pas à l'approcher. Je ne sais pas, peut-être que j'osais pas.
J'arrive à rien avec elle.
Elle se trouvera un autre mec. Quelqu'un qu'elle mérite.
Je ne suis pas le bon. Je ne suis pas fait pour elle. Il faut que je me rentre ça dans le crâne, ou plutôt dans le cœur, parce que c'est mon cœur qui ne veut pas m'écouter.
Et si elle était dehors, sous la pluie, comme moi?
Tous les deux en train de penser tristement l'un à l'autre.
Nan, trop romantique.
Finalement, je ne toucherai aucune meuf ce soir. J'ai pas l'cœur à ça.
Mon cœur penche vers une autre.
Putain, mais je ne l'aime même pas!
Enfin, mec, qu'est-ce que t'en sais? T'essaies juste de te convaincre que tu l'aimes pas pour que ce soit plus facile de l'oublier.
Tais toi.
Je n'ai pas le droit de l'aimer.
Je ne vais pas encore lui briser le cœur...
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Chloé
Je me réveille en sursaut.
Merde, où suis-je?
Oh.
Je me suis assoupie sous la pluie, contre le mur de ma maison.
Je suis trempée jusqu'aux os, je tremble et j'ai le nez qui coule.
Le soleil se lève au loin.
Non... c'est pas possible, arrêtez, c'est une blague... j'ai pas passé toute une nuit dehors sous la pluie?
Mon dieu, si.
Mes membres sont ankylosés, je n'arrive presque plus à bouger, j'ai mal à la tête.
Tu m'étonnes, tu viens de passer au moins cinq heures sous l'orage, dehors, en legging d'été et en débardeur!
Quelle idiote, il faut vite que je rentre.
Je me lève avec un grognement de douleur.
J'en ai marre.
J'éternue fortement plusieurs fois d'affilée. Bravo, je me suis chopée un gros rhume en plein été!
Je file chercher un paquet de mouchoirs, puis prendre une douche.
Je laisse l'eau chaude réchauffer mon corps gelé un bon moment, enfile des habits propres et un gros gilet.
Ensuite... ensuite, je m'ennuie. Je n'ai plus goût à rien. Je n'ai pas mangé depuis hier midi, mais je n'ai pas faim.
Je décide de me forcer à prendre l'air dehors. Il fait encore un peu humide, mais il fait chaud et je crois que ça me ferait du bien.
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Matthieu
Je dois rentrer.
J'en peux plus.
J'ai pas trouvé de logement hier soir et j'ai passé la nuit dehors. Il n'y a même pas d'hôtel à proximité!
Puis, même, je dois avoir à peine vingt euros sur moi.
J'imagine pas de quoi je dois avoir l'air... cheveux en bataille, cernes sous les yeux, pâle à faire peur...
On peut dire que j'ai définitivement passé une très mauvaise nuit.
Dehors, et, en plus, sous la pluie. Génial.
Non, vraiment, j'ai besoin rentrer. Mais j'ai peur de la voir. Elle.
Mais, un de ces jours, il faudra bien que je lui fasse face. J'ai réalisé que je ne pourrai pas éviter ce moment.
Comment va-t-elle réagir face à moi?
Et ses parents? Sont-ils au courant?
Ils doivent se demander ce que je fabrique... ils doivent stresser, puisqu'ils sont responsables de moi jusqu'à ce que mon père sorte de prison ; s'il m'arrive quelque chose, ils auront la faute sur leur dos.
Je déglutis, hésite une dernière fois, puis prends le chemin de la maison.
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Chloé
Avant de quitter la maison pour emmener mon chien Sam en balade, je réalise que tout est vide et silencieux. Je veux dire que, depuis hier marin, je n'ai pas vu ma famille une seule fois, pas même ma sœur. Je n'y avais pas fait attention jusqu'à présent. Un silence parfait plane dans l'habitation.
Où sont-ils tous?
Je vérifie sur mon téléphone, mais aucun message ni appel manqué. Bizarre.
Légèrement anxieuse, je décide qu'il vaut mieux appeler ma mère pour m'assurer que tout va bien et savoir ce qu'ils font depuis vingt-quatre heures.
Je prends mon portable et ferme la porte à clef.
Je laisse Sam partir devant se défouler dans les champs tandis que je le suis plus lentement, en marchant. Je compose le numéro de maman.
« Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie de Stéphanie, elle n'est pas disponible pour l'instant. Veuillez laisser un messa-»
Je raccroche net.
Tout ça commence vraiment à m'inquiéter. Ma mère a toujours son téléphone sur elle, et elle l'éteint rarement.
Je tente mon père — pas plus de réponse.
Désespérée, j'appelle ma sœur.
Au bout d'une attente qui me semble interminable... elle décroche!
« Quoi?
Elle semble sur les nerfs.
– Kath, c'est moi!
– Ça m'aide beaucoup, raille-t-elle.
– Chloé, ta sœur, soupiré-je.
– J'avais deviné, merci.
– Qu'est-ce que vous foutez? Tu es avec maman et papa? Pourquoi vous êtes pas là depuis hier? Il se passe un truc grave?
– Eh ben, commence-t-elle d'une voix agacée, il se trouve que notre chère maman...-
Attends... hein? Si maman, je vais lui dire! Tant pis si ce n'est pas toi qui le fais! Chloé doit savoir, tu nous l'a bien caché assez longtemps, hein, alors chut! ... Oui, voilà, Chloé, je disais! Il se trouve que notre chère maman... est enceinte, voilà. Depuis bientôt trois mois. Et que là, on est à l'hôpital car depuis deux jours elle est prise de vertiges et de malaises. Et elle ne nous l'avait pas dit, t'imagine!
– Pardon? Maman, enceinte? C'est pas vrai?
– Bah, si. Bon allez, je parlais à ma pote, là, tu m'as interrompue. Tchao. »
Sur ce, elle raccroche.
Je reste immobile quelques instants. Ce n'est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle. Mais bon, ça fait quand même un choc.
Ok... il me faut un peu de temps pour assimiler pour de bon. Dans quelques mois, je vais avoir un petit frère ou une petite sœur. Euh... d'accord.
Personnellement, ça m'est un peu égal. Je ne préfère pas trop y penser pour l'instant.
Après m'être mouchée, je file rejoindre le chien en profitant du doux soleil qui réchauffe ma peau, et en essayant de me changer les idées.
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corrigé & relu entièrement le 23 août 2017