La nuit avait été longue et cela faisait déjà une heure que j'attendais Owl dans le grand salon. Deux jours s'étaient écoulés depuis notre arrivé et ses blessures avaient toutes disparues grâce à notre technologie. Il était donc désormais temps pour nous de retourner sur terre.
Lorsque je lui avais annoncé, il n'avait pas eu l'air très enthousiaste ; là était sans doute la cause de son retard. Pourtant, j'avais pensé que retrouver une vie à peu près normale parmi les humains était plus plaisant que de rester ici à ne rien faire.
J'entendis de légers bruits de pas arriver derrière moi, ce qui me fit me retourner. Endlyss entra alors dans la pièce. Elle paraissait jeune, et cela n'avait pas changé depuis des années. L'impératrice était plus fine, mais aussi beaucoup plus élégamment habillée que moi. Elle portait une jupe serrée, courte et à la taille très haute. Son haut traversait sa poitrine, attaché derrière le coup et en bas par des lanières se croisant dans le bas du dos et rejoignant sa jupe devant ses hanches. Sa tenue en entière était colorée d'un dégradé rouge vif à noir, en harmonie avec sa peau et ses cheveux.
- Les évènements de l'incendie ont été effacées déclara-t-elle, vous ne devriez pas tarder.
- J'aimerais bien mais monsieur se fait désirer. Il fallait que je lui explique quelques trucs à propos des « impacts » de notre voyage mais il va falloir faire sans on dirait !
Endlyss esquissa un sourire lorsqu'Owl se présenta à l'entrée de la pièce. Son regard était sombre et ses yeux fatigué ; lui non plus n'avais pas du bien dormir.
- Allez, annonçai-je froidement, on bouge de là !
Ce fut un regard noir qu'il me renvoya et je sentis en moi le lourd poids de l'amertume.
***
- Tu aurais tout de même pu me prévenir ! me cria-t-il tout en descendant les marches deux par deux.
- C'était prévus mais étant donné que tu as mis trois plombs à arriver...
Les couloirs du lycée étaient désormais vides. La première sonnerie avait déjà retenti et il ne nous restait plus que quelques précieuses minutes pour descendre trois étages. Sur terre, une heure à peine s'étaient seulement écoulé depuis notre départ et comme toute trace de l'incendie avait été effacée par Endlyss, les cours avaient continués normalement.
En enfer, le temps ne s'écoulait pas à la même vitesse. Le temps qu'avaient pris les démons sur terre pour s'infiltrer dans le lycée et le ravager n'avais duré qu'un d'un instant en enfer. Les pouvoirs de l'impératrice permettant de remonter et changer le temps de quelques minutes, sur terre, cela avait permis d'effacer la duré de l'incident. Endlyss avait déjà eu recours à cette méthode pour cacher aux humain leur existence, mais cela lui demandait énormément d'énergie à chaque fois.
Nous arrivions heureusement rapidement dans la salle et, par chance, le professeur n'était pas encore arrivé et les élèves toujours pas installés. A peine eu-je posé mon sac sur ma table qu'Alaya m'interpella avec son grand sourire :
- Healsia, tiens donc, où étais-tu passée ?
Elle me fit un clin d'œil et lança un regard en direction d'Owl. Elle n'allait pas s'y mettre elle aussi ?
- J'étais occupée, répondis-je le plus neutralement possible, c'est tout.
Elle alla rajouter quelques chose mais le professeur arriva et elle du retourner à sa place. Un soupir de soulagement s'échappa de ma bouche et le professeur demanda, en me fixant :
- Alors comme ça le cours t'ennuie déjà ?
- Quoi ? Non, répondis-je instinctivement, l'air ahuris, ce n'est pas pour ça que je...
- Bon, alors tais toi maintenant, et sors donc tes affaires.
Ce prof, je n'avais jamais pu le supporter... mon retour sur terre s'annonçait mal, sans compter Owl qui semblait totalement vide depuis notre arrivé dans la classe. Il avait l'air d'un zombie. Le cours se passerait donc dans le plus grand ennui, comme l'avais dit le prof, et j'avais déjà hâte que la journée se termine. Nous pourrions donc ensuite profiter de nos trois heures de perm - je ne remercierais jamais assez Monsieur prof-absent - pour commencer l'entraînement que j'avais promis à Owl.
Je l'attendais d'un quartier plutôt isolé de la ville, non loin. Deux trois maisons et un vieux bâtiment s'y trouvaient ; après c'était la campagne. Je lui avais envoyé un message à la fin du cours pour le prévenir, avec une adresse.
Assise en hauteur, sur le toit du vieux bâtiment, je le regardais s'avancer dans la ruelle déserte. Son regard allait de gauche à droite cherchant visiblement quelque chose, ou quelqu'un ; moi. Je l'observai ainsi un moment avant de me décider à prendre mon téléphone. Il répondit presque instantanément.
- Je suis là, déclara-t-il sans cesser de me chercher du regard.
- Lève la tête de temps en temps !
Il s'exécuta aussitôt et eu un mouvement de recule en m'apercevant si haut. Je raccrochai, puis lui désignai le côté du mur d'un geste de la tête. Owl s'en approcha alors un peu déboussolé, cherchant un moment comment me rejoindre.
- Tu peux prendre la gouttière sur le côté, et te hisser jusqu'au premier étage comme ça. Si tu n'arrives pas au moins à faire ça, je crains le pire, annonçai-je d'une voix amusée.
Sans dire un mot il m'obéit. Je ne voyais pas son visage mais je savais pertinemment que j'avais touché son égo. Si j'avais réussis à monter jusque là, pourquoi pas lui ? Il galéra pourtant un moment, glissant plusieurs fois par manque d'accroche. Il n'allait pas bien haut fort heureusement. Je descendis d'un étage afin de lui prêter main forte.
- Pose ton pied ici, et agrippe la gouttière avec tes deux mains. Tu pourras te hisser jusqu'au renfoncement à ta droite.
Il ne répondit pas, se contentant d'agir l'air renfrogné. Une fois arrivé à ma hauteur il me fit face d'un air contrarié.
- On n'avait pas parlé d'escalade à ce que je sache, lâcha-t-il.
- T'entraîner un peu ne te fera pas de mal ! Tu as besoin de te musclé apparemment.
- Bon, dit-il en voulant changer de sujet, c'est quoi le programme du coup ? Tu dois m'apprendre des formules magiques capables de massacrer des armées de monstre ?
- Mais oui bien sûr... désolée de te l'apprendre mais les formules magiques ça n'existe pas, ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas de simples tours que je vais t'apprendre, mais comment l'héritage de ton âme peut modifier ce qui se trouve autour de toi.
- Je ne vois pas de différence entre ça et des tours de magie, répliqua-t-il en s'étirant les bras devant lui.
- Pour commencer, je crois que tu vas avoir besoin de progresser physiquement. Tu manque de muscles. Contre des démons, voir même des humains bien entraînés, tu ne fait clairement pas le poids.
- Ce n'est pas avec les cours de sport du lycée que je vais casser la figure à quelqu'un, c'est clair...
- On va donc voir ça.
Sans prévenir, je lui empoignai le bras et le tira vers l'extérieur. Son visage se figea en une grimace de douleur et il jura bruyamment.
Lorsque je le lâchai, il me regarda ébahie en se frottant le poignet.
- Mais tu es folle, pourquoi tu as fait ça ?
- Ton but aujourd'hui est d'augmenter ta force physique grâce à ta force mentale. Ce n'est pas vraiment ce qu'est sensé apprendre le Maitre mais il serait mieux que tu saches te défendre par toi-même, on ne sait jamais.
- Et les tours de magies ce n'est pas plus efficace ?
Cette fois-ci, je lui attrapai les deux bras et les plaqua derrière son dos, si bien que je me retrouvai collé à lui.
- On verra plus tard si tu es sage, annonçai-je en relevant la tête pour le regarder dans les yeux, le voyant alors rougir.
Il planta ses yeux marron vifs dans les miens d'un air de défis. Il essayait de paraitre sûr de lui malgré la situation, et c'était un bon début.
- Qui es-tu vraiment, demanda-t-il alors que je le lâchais.
- C'est à dire ?
- Humaine ? Démone ? Tu m'as dit que tu étais les deux, mais tu es la seule dans ton genre, non ?
- Je suis aussi un ange, si tu veux compléter l'équation. Je viens des trois dimensions à la fois ; je suis ce qu'on appelle la gardienne. J'ai le pouvoir de voyager à ma guise entre les trois mondes et de veiller à leur équilibre. Et toi, tu es un concentré de pouvoirs puissants sensé m'aider à tout ça.
- Je te fais de l'ombre alors, je comprends mieux...
- Pour l'instant tu ne fais de l'ombre à personne ! Essai de me frapper au moins.
- Ça ne va pas, me répondit-il aussitôt, je ne frappe pas les gens !
- Tu m'en veux pour ce que j'ai dis sur toi avant-hier ?
Il rougit violement et me fixa d'un air ahuri.
- J'ai... comme un sixième sens, annonçai-je. Cela me vient de ma nature d'ange. Je savais très bien que tu étais là.
- Ce que tu as dit...
Un sourire s'élargit sur mon visage ; cela commençait à devenir amusant finalement. Je vis ses sourcils se froncer et il soupira en levant les yeux. Owl me fixa quelques instants puis, sans crier garde, lança son poing en direction de mon visage. Je reculai vivement la tête, mes deux mains empoignant son bras. Une fois de plus, je lis de l'étonnement dans ses yeux. Il dégagea alors son bras, vexé, me portant ensuite d'autres coups. Toutes ses tentatives furent vaines et il finit par s'essouffler. Je le laissai respirer quelques minutes puis annonçai :
- Niveau de force : zero. On va voir comment tu te débrouilles en défense.
Ce fut à mon tour de lui donner un coup et celui-ci, il ne l'évita pas. J'avais fait exprès de viser la joue pour ne pas lui détruire le nez, mais la douleur, elle, ne fut pas entièrement évitée. La mâchoire avait été touchée mais elle allait heureusement bien. Je lu dans ses yeux qu'il m'en voulait et il me porta un autre coup. Je l'interceptai, évidemment, et m'écriai :
- Crétin, c'est moi qui frappe, toi, tu te défends, pigé ?
Je retentai un autre coup, de l'autre poing cette fois, et il se baissa au bon moment. Ayant tout planifié à l'avance, mon pied atteignis sa jambes. Je le vit tomber sur les fesses, me regardant tel un enfant apeuré. Le voir ainsi de haut me procurais une certaine fierté. Je ris intérieurement mais tendis tout de même ma main pour le relever ; il était avant tout mon élève dans cet entraînement.
- Défense : zero. On peut dire que ce n'est pas gagné !
- Faisons un vrai combat, ces exercices sont inutiles.
J'acquiesçai d'un haussement d'épaule et commençai sans tarder. Ma main droite attrapa son bras gauche et je le retournai d'un geste. Mon autre bras entourant son cou, je portai mon poids sur ses épaules en prit rapidement le dessus.
- J'ai beau être une fille tu sais, lui lançai-je en le forçai à s'agenouiller, j'ai été entraînée par des soldats démons, des vrai guerriers, qui font le double de Fear !
Comme je m'en doutais, il était plus fort dans « le feu de l'action » et il ne tarda pas à se libérer. Il rampa au sol sur quelques mètres puis se remit sur ses jambes. Le temps qu'il se relève, je lui avais déjà rattrapé les deux bras et tentai de les croiser contre lui ; j'avais désormais largement l'avantage.
- Donc du coup, réussit-il à articuler, tu es une personne "spéciale" toi aussi.
Je le lâchai subitement, et il perdit l'équilibre, avant de se remettre sur ses deux jambe et contre attaquer.
- En effet, on m'a retrouvé sur terre moi aussi, lorsque j'étais enfant. Nos capacités sont totalement différentes cependant. Mais nos missions sont liées.
Je ne voulais pas tout lui dire pour le moment ; chaque chose en son temps. Il avait l'air déjà assez déboussolé comme ça. Il avait tellement de chose à apprendre. En me regardant comme il le faisait, je savais qu'il voyait la Heasie "humaine", celle qu'il connaissait auparavant. Il essayait de superposer cette image à ce qu'il avait appris de moi ces derniers jours, ma véritable nature. Owl restait accroché à la petite humaine à qui il s'était attaché. Cette idée me fit lâcher un soupir ; ses sentiments risquaient de compliquer un peu la suite des évènements je le craignais.
Relevant soudainement la tête, je vis une ombre blanche traverser mon champ de vision : une paire d'ailes aux plumes mauves. Mes craintes s'amplifièrent contrairement à ma concentration qui perdit de son intensité. Owl en profita donc pour me retourner le bras. Ne m'y étant pas préparée, je lâchai un cri de douleur et il abandonna alors toute emprise sur moi.
- Heasie, ça va ? me demanda-t-il d'un ton désolé, excuse moi je...
- Mais tais-toi donc imbécile, on ne demanda pas pardon à un ennemi !
Prenant conscience que sa réaction avait été ridicule, il reprit de l'assurance.
- N'empêche, il faut avouer que j'ai réussis à te battre cette fois !
- Vas-y, vante toi-en, lui crachai-je en me relevant, en attendant, il y a un ange qui rôde dans le coin.
- Les anges sont nos ennemis ?
- Non, loin de là ; mais ils n'ont rien à faire sur terre, c'est ça le problème. Et je n'ai même pas été prévenu, quelque chose cloche.
Il ne répondit pas, cherchant à comprendre pourquoi je m'affolais tant.
- Je crois, Owl, que nous sommes surveillés.