Jeudi était là. Encore une nouvelle journée à rester enfermée alors que dehors, le temps était sublime. Maddie était de mauvaise humeur. Elle n'avait pas de nouvelles d'Anthony malgré plusieurs appels et un texto. Elle était énervée et tournait comme un animal en cage. Manger était la seule occupation qui lui apportait un peu de plaisir.
Pour la dixième fois de la journée, elle se dirigea vers la cuisine. Elle ouvrit le congélateur et attrapa le dernier pot de glace au chocolat. Elle y plongea sa cuillère en se dirigeant vers le salon.
À peine installée, la sonnette résonna. Elle jeta un œil à sa montre et remarqua que Rachel était venue à cette heure précise la veille. Elle trottina vers la porte et l'ouvrit, léchant sa cuillère. Elle resta stupide. Non, ce n'était pas Rachel.
— Salut Maddie, prononça-t-il de sa voix grave.
— Hey, lui répondit-elle en enlevant l'ustensile de sa bouche.
Anthony était là, son sac à dos sur l'épaule.
— Je suis venu après les cours, comme tu me l'as proposé.
Elle resta adossée à la porte d'entrée et pointa Anthony du bout de sa cuillère.
— Tu ne pouvais pas répondre à mes appels et mon message ?
— Je te retourne la question ! rétorqua-t-il dans un grand éclat de rire.
Elle rougit et s'écarta de la porte pour le laisser entrer. En passant à côté d'elle, il la surprit en lui déposant furtivement un baiser sur la joue. Ses joues s'empourprèrent un peu plus. Il s'installa dans le canapé du salon.
— Ça y est, tu es prête à me voir ?
Maddie hocha la tête. Elle attrapa la crème glacée sur la table basse et s'installa dans le gros fauteuil. Elle y piocha allègrement et ingurgita la totalité de la cuillère.
— Eh bien, tu ne te laisses pas abattre ! plaisanta-t-il. Tu voulais que je vienne, je suis là. Explique-moi pourquoi.
Maddie plongea son regard dans le fond du pot et creusa à l'aide de sa cuillère.
— Maddie ! s'exclama-t-il. Regarde-moi, quand même !
Elle sursauta et leva les yeux. Elle se redressa dans le fauteuil et posa la crème chocolatée. Elle joignit ses mains et entrelaça ses doigts.
— Je te dois des excuses. Je suis désolée d'avoir réagi si violemment le week-end dernier et de ne pas t'avoir écouté. Mais, à ma place, qu'est-ce que tu aurais fait ? Comment aurais-tu réagi en me trouvant allongée contre un autre mec alors que je suis censée faire une soirée entre filles ?
Anthony tapota sur le canapé pour qu'elle vienne le rejoindre. Elle ne se fit pas prier et s'exécuta.
— Je te comprends Didi, c'est pour ça que j'avais besoin qu'on parle et que je t'explique tout. Comme a fait Rachel.
Il la prit contre lui et fourra son nez dans ses cheveux.
— Tu m'as manqué, tu ne sais pas à quel point !
— Et toi, alors, répondit-elle, le sourire aux lèvres.
— On peut remercier Rachel. Sans elle, tu m'aurais ignoré jusqu'à la fin des temps !
Elle gloussa. Elle se pelotonna contre lui et l'écouta raconter comment il avait vécu ce week-end. Ils rirent aux éclats lorsqu'Anthony évoqua la scène avec Adèle dans l'attraction.
— Et enfin, Rachel est venue me voir mardi pour m'expliquer combien elle se sentait mal vis-à-vis de toi. Et combien elle doutait de la sincérité de Sally. On a longuement discuté et on a convenu qu'elle viendrait parler avec toi avant que je passe te voir.
— Tu voulais venir ? s'étonna Maddie, agréablement surprise de cette nouvelle.
— Bien sûr ! Tu ne croyais pas que j'allais baisser les bras aussi vite ? Après les mois passés ensemble et la relation que l'on avait créée, tu en vaux la peine, non ?
Maddie rougit encore une fois. Elle n'était pas sûre de ça. Et surtout, elle n'était pas sûre d'elle. En tombant follement amoureuse de ce garçon, elle s'était découverte vulnérable.
— Tu as si peu confiance en moi ? s'étonna-t-il.
— Non, c'est en moi que je n'ai pas confiance, avoua-t-elle à voix à peine audible.
Il releva son visage et plongea un regard tendre dans celui de Maddie.
— Après le bal et ta victoire à l'élection, les filles étaient à tes pieds et te collaient tout le temps. Ça m'a fait peur. J'ai découvert que tu jouissais d'une popularité que je ne mesurais pas avant.
— Tout simplement, parce que certaines se sont intéressées juste au nouveau roi ! Pas à moi particulièrement, cela aurait pu être quelqu'un d'autre.
— Avec Ashton, elles ne se seraient pas permis d'agir ainsi. Elles auraient eu chaud aux fesses avec Sally !
— Il y en a une qui s'est bien frottée à Sally ! C'est Adèle qui lui a réglé son compte !
— Du moment que ce n'est pas à toi qu'elle se frotte, la Adèle !
Il éclata de rire.
— Tu m'as vraiment manqué, Madeleine Harrington.
— Maddie ! hurla-t-elle en se jetant sur lui.
Anthony fit mine de se défendre avant de serrer Maddie contre lui.
— Sache que Sally passe une très mauvaise dernière semaine...
Maddie resta silencieuse, attendant qu'il poursuive.
— M. Whelan a dû intervenir pour séparer Adèle et Sally, et franchement c'était pas beau à voir. Adèle l'a très mauvaise, elle s'est sentie utilisée par Sally. Elle est même venue s'excuser auprès de moi et elle te cherchait pour te parler. Sally a voulu décrédibiliser Adèle auprès du reste du lycée, mais ça n'a pas marché. Ça a donné l'effet inverse, les gens se retournent contre elle !
Maddie ne renchérit rien et sourit. Allongés sur le canapé, ils s'enlacèrent et restèrent en silence. Soudain, Anthony émit un petit gloussement qui évolua en un fou rire. Maddie releva la tête et l'interrogea du regard, les sourcils froncés.
— Je pense à cet après-midi, réussit-il à dire entre deux hoquets, à Madame Borreda. On a fait la répétition pour la remise des diplômes et...
— Merde, lâcha Maddie en se redressant. C'est vrai, la répétition ! Je l'avais complètement oubliée. Je vais devoir improviser dimanche.
— Ne t'inquiète pas, c'est pas compliqué. C'est Madame Borreda qui stresse pour rien. Elle nous a fait mourir de rire avec ses « dix pas en avant, deux pas en arrière », j'avais l'impression d'apprendre une chorégraphie de danse !
Maddie s'assit sur le canapé et s'accouda sur le dossier, la tête posée dans sa main. Elle répéta.
— J'avais complètement zappé cette préparation. Je vais faire n'importe quoi.
Anthony mit son visage à quelques centimètres de celui de Maddie.
— Tu veux un coach ? Je peux te préparer, moi. J'ai compris ce qu'on va faire.
Il se leva et imita la démarche et la voix frêle de Mme Borreda.
— Les enfants, il faut savoir comment passer sur l'estrade, c'est important. Mais aussi comment recevoir le diplôme, c'est important. Où vous allez vous asseoir, c'est important. Où regarder pour que le public vous prenne en photo, c'est important !
Maddie pouffa.
— Tu peux être mon coach ! Mais pour préparer mon discours, je m'en charge seule.
— C'est vrai, tu es notre major de promo ! Tu seras parmi les quelques privilégiés à prendre la parole devant TOUT le monde. Des centaines et centaines de personnes.
— Arrête, tu me stresses, là ! gronda Maddie en simulant de mettre des coups dans le ventre d'Anthony.
— Qu'est-ce que c'est bon de te retrouver ma Didi ! souffla-t-il en la serrant de toutes ses forces contre lui.
Le soir même, Maddie fit un résumé adapté et revu de son voyage de fin d'année à sa mère. Elle justifia une petite dispute entre elle et Anthony et la réconciliation du jour. Maddie parla d'un simple coup de téléphone entre eux. Elle en profita pour évoquer Rachel et demander que son amie passe lors des prochains jours.
Joanna apparut soulagée. Elle avait envie que Maddie finisse le lycée sur une bonne note et pas seule contre tous. La savoir de nouveau avec Anthony et proche de Rachel lui faisait plaisir. Elle accepta aisément que les deux jeunes gens viennent le vendredi et le samedi pour aider Maddie à préparer la remise des diplômes prévue le dimanche.
Maddie était sur un petit nuage. Elle avait retrouvé l'homme qu'elle aimait et avait renoué avec une amie. La fin de la semaine pour la jeune Harrington fut bien plus douce que son début.