Le cadavre sexy du monsieur t...

By Susi-Petruchka

68.9K 10.2K 3.6K

« Qu'est-ce qui avait bien pu lui prendre, à ce jeune homme de bonne composition, pour venir mourir sur la so... More

I. Témoin muet
II. Un cadavre dans la bibliothèque
III. Pension de Touchet
IV. Le meurtre de Valmont Desmiers
V. Témoin à charge
VI. Je ne suis pas coupable
VII. Le chat et les pigeons
VIII. Cartes sur table
IX. Drame en trois actes
X. La Maison du Péril
XI. Pourquoi pas Georgianna ?
XII. Les Enquêtes de Patrick Fondement
XIII. Associés contre le crime
XIV. Témoin indésirable
XV. Les Quatre
XVI. La Nuit qui ne finit pas
XVII. Le Miroir se brisa
XVIII. Cinq petits cochons
XIX. Les Indiscrétions de Patrick Fondement
XX. La Plume empoisonnée
XXI. Cinq heures vingt-cinq
XXII. Le couteau sur la Nuque
XXIV. La dernière énigme
XXV. La duchesse de la mort
Épilogue

XXIII. Un, deux, trois...

1.5K 339 93
By Susi-Petruchka

La nouvelle du drame qui venait – encore – de frapper l'internat de Mademoiselle de Touchet ne tarda pas à parvenir aux oreilles du lieutenant Fondement, qui se dit que cette fois-là, l'institution mise sur pied par la vieille demoiselle n'avait guère de chances de s'en tirer. On se remettait d'un meurtre. De deux, plus difficilement. Alors deux meurtres et une tentative de suicide, cela correspondait quasiment à mettre la clé sous la porte.

– Je ne serais pas aussi catégorique, lui avoua l'agent Lande d'Aussac. Les vieilles familles nobles tiennent bien trop à offrir une éducation comme il faut à leurs enfants. Sans compter que ces histoires vont attirer les nouveaux riches en manque de sensationnel...

– Vous êtes macabre, commenta son supérieur.

– Réaliste.

Ils finirent leurs cafés respectifs d'un trait. Ils avaient passé l'heure précédente à enquêter sur la signification possible du blason aux trois têtes d'aigles qu'Ariane venait de remarquer sur la tête de leur tout premier cadavre. Ils n'en avaient cependant pas encore trouvé la signification, et ce mystère supplémentaire devrait attendre des instants plus propices avant d'obtenir l'éclaircissement mérité ; Louis-Gustave demeurait d'ailleurs sur place pour poursuivre les recherches.

Pour le moment, l'inspecteur et son agent devaient se rendre à l'internat au plus vite. Patrick Fondement tenait à battre le fer tant qu'il était chaud, et s'il n'avait guère rencontré de succès durant ses précédentes entreprises auprès des jeunes filles, il pensait pouvoir profiter de leur état de choc pour leur tirer de plus amples informations. Pendant ce temps-là, Ariane Montaigne se rendrait à l'hôpital de la Très Noble Charité de Sainte Ursule La Gentille, où la gamine qui s'était ouvert les veines – plutôt maladroitement, selon les premiers échos parvenus au poste de police – avait été transportée. Le lieutenant Fondement avait retenu la leçon : hors de question de laisser celle-ci lui mourir entre les doigts ; il lui avait donc assigné pour Cerbère sa légiste en mal de travail de terrain et de reconnaissance.

Patrick Fondement et Stéphane Lande d'Aussac étaient sur le point de quitter le poste de police, lorsque la vieille femme qui s'occupait de l'accueil – une sacrée peau de vache – interpella le lieutenant de sa voix traînante.

– Y'a un Monsieur qui demande à vous voir, mon mignon ! Ramenez votre joli petit cul en salle d'attente, je l'ai rangé là-bas.

Par pur esprit de contradiction, le lieutenant Fondement fut fortement tenté de poursuivre son chemin comme s'il n'avait rien entendu, mais le regard mauvais que lui jeta sa subordonnée le convainquit de ne pas jouer les enfants.

– Je vais vite passer le voir, décréta-t-il dans un soupir. Il a un nom, votre Monsieur ?

La vieille réajusta ses lunettes pour consulter l'antique registre.

– Lignières Pascalin, croassa-t-elle. Motif de la visite : suicide.

Il ne fallut qu'un chuchotement de la part de l'agent Lande d'Aussac pour que Patrick Fondement se souvienne que la fameuse demoiselle amatrice de grosses plaies sanguinolentes sur les poignets se nommait également Lignières, que son visiteur impromptu avait dès lors de bonnes chances d'être son géniteur et qu'il n'était aucunement d'humeur à gérer des parents en détresse. Il songea ainsi fortement à aller promener son charmant fessier ailleurs que dans la salle d'attente, histoire de laisser l'agent Lande d'Aussac gérer la situation de son tact légendaire, par exemple.

Malheureusement pour lui, le visiteur devait avoir l'ouïe fine, car il apparut bientôt dans l'embrasure de la porte qui menait à la salle d'attente, une expression soucieuse lui ridant le front.

– Inspecteur Fondement ? bredouilla-t-il. Je suis venu me rendre. Il est temps de mettre un terme à cette folie.

Patrick Fondement, qui s'était attendu à trouver face à lui un père désemparé venu mouiller les épaulettes de sa veste de service, accepta de l'arrêter avec le plus grand bonheur. Demeurant malgré tout sur ses gardes, parce que c'était bien la première fois qu'un criminel se rendait à lui sans le forcer à piquer un sprint pour l'arrêter, il conduisit l'homme en cette même salle d'interrogatoire où il s'était entretenu avec Calixte Valette tout au début de son enquête – cela lui semblait désormais à des années-lumière.

L'interrogatoire commença dans le formalisme le plus complet.

– Monsieur Pascalin Lignières, c'est cela ? demanda le lieutenant Fondement – sans toutefois prendre la peine de sortir une plume pour noter quoi que ce soit, puisqu'il avait confié ce poste à l'agent Lande d'Aussac, postée derrière la vitre sans tain.

– Oui, confirma son vis-à-vis. Je suis le père d'Isabeau. Elle... Elle a fait une tentative de suicide ce matin.

– Et au lieu de vous rendre à son chevet, vous avez préféré vous rendre... à moi, marmonna pensivement le lieutenant Fondement, une interrogation légitime dans la voix.

Les traits de Pascalin Lignières se décomposèrent un peu plus, si toutefois cela était physiquement possible.

– Oui, fit-il d'une toute petite voix. Mais j'ai demandé à l'hôpital d'appeler votre secrétariat si jamais ils avaient du nouveau, concernant Isabeau. J'ose espérer que vous aurez... la gentillesse de me tenir informé.

– Évidemment.

Il exhalait de ce père un désespoir si complet qu'il parvenait à mettre Patrick Fondement mal à l'aise. Il bougea un peu sur sa chaise, incapable de trouver une position confortable.

– Pourquoi êtes-vous venu ? demanda-t-il finalement, en tachant de ne pas mettre trop de reproches dans son ton.

– Pour me rendre.

– D'accord. Mais pourquoi estimez-vous devoir vous rendre ? Qu'avez-vous fait de mal ?

L'homme resta silencieux, la tête basse. Cela virait gentiment au dialogue de sourds. Le lieutenant Fondement allait devoir faire preuve d'un peu plus de psychologie s'il comptait arracher à son prisonnier nouvellement constitué des informations utiles.

Puis soudain, sans le moindre signe annonciateur, Pascalin Lignières se mit à débiter un flot ininterrompu de paroles, comme s'il se libérait enfin d'un poids porté durant de bien trop longues années.

– Je ne sais pas ce qu'il s'est véritablement passé à l'internat, avoua-t-il. Mais j'ai l'intime conviction que ce n'était que les répercussions d'un drame plus ancien, et cela a fini par conduire ma fille chérie à commettre l'irréparable. Alors pour la sauvegarde d'Isabeau, s'il lui est donné de vivre, je suis venu vous dire la vérité sur la prise d'otage de l'opéra.

Évidemment, l'homme ne reçut aucune réponse à sa déclaration-choc ; le lieutenant Fondement était bien trop occupé à imiter le poisson rouge – bouche ouverte et yeux ronds – pour seulement songer à lui poser la moindre question.

– Voyez-vous, reprit Pascalin Lignières, je suis peintre de profession. Artiste. C'était moi qui m'occupais des décors à l'opéra. Ce n'est pas une profession qui permet de vivre bien, mais je n'en connais aucune autre. Nous n'étions pas riches, à l'époque ; mon épouse était elle aussi artiste, et nous avions deux enfants à nourrir. Isabeau ; et Vladimir.

Il prononça le dernier prénom avec une douleur plus fulgurante encore que celle qui le saisissait lorsqu'il pensait à sa fille entre la vie et la mort. Une fois encore, l'inspecteur Fondement demeura muet, préférant le laisser poursuivre à son rythme.

– Lorsque le couple Desmiers m'a contacté et a décidé de m'intégrer à son projet de cambriolage à l'opéra, je n'ai pas hésité une seconde, vous savez. Ils avaient besoin de moi pour entrer sans encombre dans l'opéra, déjouant le service de sécurité ; moi, j'avais besoin d'argent, et justement, ils payaient bien. Ça ne devait être qu'un simple brigandage, une manière facile de s'emparer des bijoux et des perles que les familles nobles des environs cachent en temps normal dans leurs coffres-forts. Il ne devait pas y avoir de morts.

Il soupira et se frotta méticuleusement les tempes, comme pour se libérer de souvenirs trop durs pour lui.

– Comme vous devez le savoir, les preneurs d'otage de l'opéra ne se sont pas contentés de rafler les bijoux, il y a de cela quinze ans. Ils ont tué.

– C'était le but initial de l'opération, n'est-ce pas ? intervint enfin l'inspecteur Fondement, qui se rappelait des longues heures passées à éplucher les acquisitions du couple Desmiers après la tragédie ; ils étaient devenus infiniment riches.

Pascalin Lignières hocha tristement la tête.

– Bien sûr. Grâce à leurs hommes de main, les Desmiers se sont débarrassés de tous leurs potentiels concurrents dans les environs. Ils ont racheté des possessions ancestrales pour une bouchée de pain.

Il y eut un silence, et Patrick Fondement comprit que son vis-à-vis n'avait pas encore délivré le fin mot de l'histoire.

– Je me trouvais parmi les spectateurs ce soir-là, vous savez, expliqua-t-il. Les Desmiers me l'avaient conseillé, afin que les soupçons ne se portent pas sur moi plus tard. J'avais même emmené mon épouse et mon fils, dans un excès de zèle. Mal m'en a pris. Isabeau, heureusement, avait été confiée à la garde de sa grand-mère...

Il releva les yeux vers son interlocuteur, qui put voir en lui un homme détruit. Jusqu'à présent, il avait tenu le coup grâce à sa fille ; à présent que celle-ci se trouvait elle aussi sur la ligne de front, il craquait, n'en pouvait plus.

– Feodora, mon épouse, a été tuée par une balle perdue ce soir-là. Ou du moins je le pense ; ça ne devait pas être volontaire. Et quand les preneurs d'otage se sont aperçus de l'erreur qu'ils venaient de commettre, ils ont... Ils ont pris une décision idiote et cruelle ; ils auraient mieux fait de m'achever sur place. Mais non. À la place, ils ont pris mon fils en otage pour s'assurer que je ne parlerai pas. Vladimir. Trois ans à peine à l'époque.

Dans le cerveau du lieutenant Fondement, les rouages de cette étrange mécanique qu'avait été la prise d'otage de l'opéra se mettaient lentement en place. Il savait où Pascalin allait en venir, même s'il n'appréhendait pas encore tout à fait sa révélation finale.

– Vous comprenez, n'est-ce pas ? lui demanda d'ailleurs l'homme, afin de bien confirmer qu'il avait été suivi jusque-là.

– Je crois, oui, avoua lentement Patrick Fondement. Valmont était votre fils.

Pascalin Lignières hocha gravement la tête.

– Les Desmiers l'ont gardé auprès d'eux durant toutes ces années afin de s'assurer de mon silence. J'avais les mains liées. Ne rien dire, c'était perdre Vladimir ; parler, ça signifiait sans doute perdre aussi Isabeau. On ne m'aurait plus jamais laissé revoir mes enfants, si j'avais avoué ma participation à cette boucherie. Isabeau et Vladimir auraient fini en foyer pour enfants. Alors j'ai été lâche, je n'ai rien dit. Et j'ai gardé au moins ma fille.

– Jusqu'à aujourd'hui.

Pascalin Lignières hocha tristement la tête. Malgré son implication et ses fautes, Patrick Fondement ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la compassion à son égard – ce qui était suffisamment rare pour être signalé.

– Les tatouages sur le crâne de Val... de Vladimir ? reprit malgré tout le représentant des forces de l'ordre. Que signifient-ils ?

– Ah, vous avez vu les tatouages... Une vieille tradition familiale. Chaque enfant Lignières se les voit tatoués ; pour prouver son appartenance à la famille. Nous aussi, nous avions des racines nobles à l'époque, vous savez. La noblesse s'est perdue, mais pas la tradition. Isabeau a les mêmes. Et moi aussi.

Il écarta un peu sa masse de cheveux toujours conséquente pour son âge, laissant entrevoir les dessins d'un noir vieilli sur son cuir chevelu. Patrick Fondement se garda bien de commenter la chose, maintenant habitué aux excentricités des vieux nobles – et de ceux qui ne l'étaient plus.

La discussion des deux hommes n'alla pas vraiment plus loin. Pascalin Lignières avait pris part – un peu malgré lui peut-être – à un meurtre de masse ayant eu lieu des années auparavant, et il l'avait suffisamment payé durant sa vie. Le lieutenant Fondement, quant à lui, devait se concentrer sur l'affaire qu'on lui avait confiée, et qui aujourd'hui encore, faisait des victimes. Il fit donc enfermer l'homme dans une de ces cellules d'isolement où il dormait parfois et voulut arracher à la vieille réceptionniste la promesse d'aller aussitôt l'informer si jamais l'hôpital donnait des nouvelles d'Isabeau Lignières.

Il n'eut toutefois pas besoin de supplier la vieille : Ariane Montaigne appela à ce moment même pour les informer que la jeune fille était hors de danger et qu'elle avait repris connaissance.

– Il est temps d'aller tirer cette affaire au clair, agent Lande d'Aussac, déclama le lieutenant Fondement en passant à nouveau sa veste de fonction. Je me rends à l'hôpital, vous m'accompagnez ?

La jeune femme hocha gravement la tête.

Continue Reading

You'll Also Like

22.5K 5.5K 44
(À lire après "LA Dernière Banshee" pour éviter tout risque de spoilers !). Montée sur le trône des Enfers après la disparition de son père Lucifer...
936 201 25
A mes éclats de vers brisés Mes morceaux de sourires forcés Mes fragments de larmes versées Mes débris d'âme dispersés
1.8K 145 36
꧁ UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE FANTASTIQUE ET MAGIQUE ENRICHIE DE GRAINS D'HUMOUR 🤣 ET D'AMITIÉ 💖 ! ꧂ ⋆⋅☆⋅⋆ Trois sœurs de la famille Desjours, Amary...
2.2K 127 19
Le retour a la vie des chevaliers s'annonce plus ou moins difficile, en particulier pour ceux qui n'ont pas pu enterrer le passé, avec leurs erreurs...