BALLERINA

By freeasart

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Angelina Carter et Hayden Reed n'ont en apparence rien en commun, si ce n'est une détermination farouche à ré... More

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By freeasart




— A —

Alors que je termine de parfaire mon maquillage, une question obsédante tourne en boucle dans mon esprit. Comment est-il possible qu'aucun pressing n'ait été disponible dans cette ville au moment même où j'avais le plus besoin de leurs services ? J'ai sillonné les rues, enchaînant les enseignes pendant ma pause déjeuner sans succès. J'ai donc dû me résoudre à faire les magasins pour trouver une robe de remplacement à la hauteur de celle que j'ai endommagée. Sans surprise, je n'ai pas réussi à dénicher une pièce aussi spectaculaire, mais j'ai fini par jeter mon dévolu sur une magnifique robe noire à la coupe élégante.

J'examine ma tenue complète et souris à mon reflet. L'association n'est peut-être pas aussi sophistiquée que celle que me proposait Monsieur bleu acier, mais je suis fière du résultat. Les chaussures et la pochette qu'il m'a offertes se marient harmonieusement avec ma robe et mettent en valeur chaque détail. Je fouille une dernière fois dans ma trousse de maquillage pour en sortir un rouge à lèvres rouge vif, assorti à la semelle écarlate de mes chaussures, et je l'applique avec précision. Mes cheveux sont soigneusement coiffés et mon maquillage est irréprochable. Une étincelle d'assurance danse dans mes yeux lorsque je recule d'un pas pour m'admirer de la tête aux pieds. J'aime le reflet que me renvoie le miroir. Je me sens prête pour la soirée à venir. Toutefois, mon assurance vacille d'un coup sec au moment où je consulte mon téléphone et que j'aperçois un message de Monsieur bleu acier : « Je suis là. » La peur prend le pas sur l'excitation malgré moi. Je suis reconnaissante envers lui pour son geste généreux, mais même si je n'ai pas eu l'occasion de la porter, j'ai bien l'intention de lui rembourser intégralement la robe que j'ai abîmée.

Je prends une profonde inspiration et je décide de mettre temporairement de côté mes inquiétudes. Je me parfume délicatement, j'attrape la pochette et je quitte enfin la salle de bain. Absorbée par mes pensées, je percute de plein fouet Evan alors qu'il surgit de nulle part. Surprise, je m'agrippe sans réfléchir à lui pour maintenir mon équilibre. Nos yeux se rencontrent dans cette proximité inattendue et ce que je discerne dans son regard me pousse à me détacher de lui à toute vitesse.

— Excuse-moi, Evan ! Je... je ne t'avais pas vu, je bégaie.

— Angelina... tu es... sublime, souffle-t-il.

Son compliment suscite en moi un mélange troublant d'embarras et de fierté.

— J'ai fait de mon mieux ! je plaisante en pivotant légèrement sur moi-même.

— Une occasion spéciale ?

— Oui.

— Avec le crétin prétentieux ?

Je n'apprécie pas les propos d'Evan, mais je hoche la tête. Un silence lourd de sous-entendus s'installe entre nous et je détourne les yeux en cherchant désespérément une échappatoire à cette situation inconfortable. Evan, visiblement mal à l'aise lui aussi, se racle la gorge pour se donner un semblant de contenance. Il se décide à faire un pas de côté pour me laisser le champ libre et alors que je m'éloigne, je l'entends chuchoter à contrecœur : « Il a vraiment de la chance, tu sais. » Ses mots résonnent dans l'air et je marque un bref temps d'arrêt, mais je suis incapable de trouver une réponse adéquate, alors je poursuis mon chemin en silence.

La porte de l'immeuble se referme derrière moi avec un doux grincement et mon cœur s'emballe avant de descendre en flèche dans mon ventre quand Monsieur bleu acier se tourne pour me faire face. Il est l'incarnation même de la perfection. Ses cheveux, habituellement rebelles, sont désormais disciplinés en une coiffure raffinée et le costume sombre qu'il porte à l'air d'avoir été taillé à même sa silhouette. Chaque détail de sa tenue semble choisi avec une précision obsessionnelle et je me demande comment il réussit à être encore plus séduisant et élégant à chaque nouvelle rencontre. Ses yeux perçants se posent sur moi et je dois presque ordonner à mes jambes de continuer à me soutenir. Dans un mouvement d'une grâce quasi irréelle pour un homme de son gabarit, il fait quelques pas vers moi et tend son bras. 

Comme à son habitude, il me présente une facette énigmatique de lui et aucun mot ne franchit ses lèvres tandis qu'il me guide vers la voiture. Les questions se bousculent dans mon esprit. Je me demande ce qu'il peut bien penser de ma tenue. Est-il agacé de ne pas me voir porter la robe qu'il m'a offerte ? Est-ce qu'il désapprouve mon choix de remplacement ? Il ouvre la portière et je m'installe sur la banquette arrière en lançant un timide signe de tête à Ethan. Ce n'est que lorsqu'il me rejoint qu'il décide enfin de briser le silence.

— Tu es resplendissante.

Sa voix glisse sur moi comme un doux murmure et un sourire sincère étire mes lèvres alors que mes yeux se lient brièvement aux siens. Je suis soulagée de constater qu'il n'a fait aucune allusion à la robe. Une bouffée d'air frais remplit mes poumons, emportant avec elle les inquiétudes qui m'ont hantée tout au long de la journée. Aussi idiot que cela puisse sembler, son compliment me bouleverse. Je voulais sincèrement lui plaire ce soir.

Après un trajet silencieux, nous atteignons enfin notre destination. La voiture s'immobilise devant un somptueux lieu de réception dont la façade étincelle de mille feux. Je m'émerveille comme une enfant face à cette scène magique, car le spectacle qui s'offre à moi est à couper le souffle. Mais soudain, la vue d'une meute de paparazzi me submerge de stress. Je réalise que je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui demander où nous nous rendions.

— Hay...

Avant même que je puisse terminer ma phrase, il sort de la voiture et me tend gracieusement la main. Les flashs des appareils photo m'aveuglent aussitôt. Je jette un rapide coup d'œil vers lui et j'éprouve une sombre envie de l'étriper ! Qu'est-ce qu'il n'a pas compris dans le fait de ne pas vouloir afficher cette relation au grand jour ? Les acclamations de la foule scandant son nom se mêlent aux crépitements incessants des flashs et des questions fusent de toutes parts. Des questions portants sur lui, son entreprise, ses projets en cours et la jeune femme qui l'accompagne. Comme par magie, des gardes du corps surgissent et nous encerclent tandis que Monsieur bleu acier glisse fermement son bras autour de ma taille pour me guider à travers la foule avec une assurance inébranlable. À cet instant précis, la réalité m'assaille brutalement et je prends conscience de son statut et de l'attention constante qui lui est portée. Nous avançons à travers les rangées de journalistes avides de capturer la moindre image de notre duo. Les flashs crépitent sans relâche et projettent des éclats lumineux dans tous les sens, mais je m'efforce de garder la tête baissée jusqu'à atteindre l'entrée.

Une fois à l'intérieur, je suis surprise par la musique qui remplit la salle. Elle est étonnamment décalée par rapport à ce que je m'attendais à entendre, moins classique, beaucoup plus entraînante et dansante. La première chose que je remarque avant tout le reste est la couleur dont toutes les femmes présentes sont vêtues. Pitié... Je réprime un soupir et je prie en silence, même si je ne sais pas pourquoi je prie en réalité ! Mon regard se tourne machinalement vers Monsieur bleu acier, qui me dévisage avec un air sérieux.

— Je suis au courant pour la robe, susurre-t-il à mon oreille.

Afin d'éviter de lui planter mon talon dans l'œil devant autant de témoins, je plaque un sourire factice sur mon visage avant de lui répondre.

— Et tu n'as pas jugé utile de m'en avertir ?

— Oh, Angelina, je déteste la tromperie et si tu avais jugé utile de me le dire plutôt que de me le cacher, nous n'en serions certainement pas là.

— Il était donc préférable d'après toi de me laisser me donner en spectacle ?

— J'étais honnête lorsque je t'ai dit que je te trouvais resplendissante.

J'ouvre la bouche et la referme plusieurs fois tel un poisson hors de l'eau. Pourquoi ce compliment à la noix me fait-il autant d'effet ?

— C'était un cadeau donc tu pouvais disposer à ta guise, Angelina. Tu aurais pu la brûler dans son intégralité si tu le souhaitais.

— Là n'est pas la question !

— Une cachoterie pour une autre, nous sommes quittes.

— Tu cherchais à te venger ?

J'ai un mouvement de recul, mais son bras se resserre imperceptiblement autour de ma taille.

— Ce n'est pas le cas, mais les mensonges et les cachoteries ont assez gangrené ma vie. Je te demande simplement de ne plus me dissimuler ce genre de choses.

Comme pour clore cet échange, il se tourne pour saisir une coupe de champagne posée sur un plateau et il me la tend avec un sourire en coin. Je repense aux confessions qu'il m'a faites sur son frère et Judith et je comprends de quoi il s'agit en réalité ici. Je ne peux pas lui reprocher sa réaction. Les mensonges et les cachoteries sont effectivement des poisons qui déchirent les liens de confiance et qui m'écœurent au plus haut point. C'est probablement la raison pour laquelle son histoire m'a touchée d'une certaine manière.

Le lieu de réception évoque un véritable chef-d'œuvre architectural. La hauteur sous plafond, presque vertigineuse, semble toucher les cieux. Je me sens d'un coup écrasée par tant d'opulence et de grandeur. Les somptueux lustres en cristal qui sont suspendus, scintillent telles des étoiles et inondent la salle d'une lumière dorée. J'ai l'impression que la salle est tout droit sortie d'un décor de conte de fées, mais la richesse des détails me rappelle tristement que je suis une étrangère dans cette mer de sophistication.

Monsieur bleu acier quant à lui se déplace dans cet environnement avec une aisance déconcertante, comme s'il était chez lui. Depuis notre brève conversation à l'entrée, nos échanges se limitent à quelques regards complices tandis qu'il me guide d'un groupe à l'autre. C'est terrifiant de réaliser que, malgré les présentations polies, personne ici ne me prête attention. Ils sont tous captivés par la présence magnétique d'Hayden. Mais comment pourrais-je leur en vouloir alors que je suis la première à être ensorcelée par son charisme ? Alors que je laisse mon regard vagabonder d'un invité à l'autre en cherchant à évaluer le coût exorbitant de leurs tenues, mes yeux s'écarquillent. J'appercois Stella qui navigue entre les convives comme si elle se trouvait elle aussi en terrain conquis. Ce doit être un événement exceptionnel pour qu'elle soit ici, mais est-ce qu'Hayden a eu vent de sa présence ? Pire encore, est-ce que Aaron est également convié ? Elle fend la foule dans notre direction et je réalise que la dernière que je l'ai croisé, c'était lors de l'anniversaire d'Hayden. Une soirée à laquelle je suis arrivée les mains vides, sans cadeau. Un lourd sentiment de culpabilité me frappe, mais je n'ai pas le loisir de laisser ce sentiment m'envahir, car elle parvient rapidement à notre niveau. Tel un aigle fondant sur sa proie, elle dépose un baiser bruyant sur la joue de son frère. Je sens la main de Monsieur bleu acier se crisper dans mon dos. Son visage amical se durcit et le sourire qu'il lui sert semble tout sauf sincère.

— Stella.

— Hayden, alors, cela te convient-il ?

Elle étend son bras en un geste théâtral, capturant tout ce qui nous entoure, et son sourire éclatant rayonne d'assurance.

— C'est exactement ce que je pouvais espérer de ma chargée de communication.

— Ravis d'entendre que cela te plaît. Oh, Angelina, bonsoir.

Elle m'étreint si vigoureusement que ma coupe de champagne vacille. Tout paraît faux et artificiel. L'un des membres de notre petit groupe s'aventure tout de même sur le terrain qui semble de plus en plus glissant et électrique en prenant la parole.

— Votre sœur excelle comme toujours dans l'art de la mise en scène, sans jamais commettre de faute de goût.

— Absolument, Philip. Cet événement revêtait une grande importance pour Hayden et en tant que chargée de communication, j'ai veillé à ne pas le décevoir. Mon objectif n'était pas seulement de satisfaire mon patron, mais surtout le frère qu'il est.

Celui-ci affiche un sourire élargi, mais le charme qui habituellement envahit ses yeux est absent. Son visage cordial dissimule des promesses sombres et menaçantes.

— Messieurs, Stella, veuillez nous excuser. J'ai encore de nombreuses obligations à remplir.

Monsieur bleu orage me guide un peu plus loin et ses doigts se relâchent légèrement. Je m'apprête à suggérer une petite escapade pour prendre l'air, mais la musique cesse et un orateur prend place sur l'estrade. En quelques minutes à peine, Hayden est introduit et on l'invite à monter sur scène. Avec une petite moue navrée, il s'éclipse sous les acclamations enthousiastes de la foule qui nous entoure et me laisse seule avec ma coupe de champagne. Lorsqu'il commence son discours, la pièce se fige sur-le-champ. Il captive son auditoire d'une manière presque mystique. C'est impressionnant de le voir dans son élément, si charismatique, si imposant. Le leader implacable en lui prend pleinement le contrôle pour présenter cette levée de fonds pour un projet éducatif que son entreprise organise chaque année. Je suis hypnotisée par sa voix, comme tous les autres, alors qu'il détaille les enjeux de cette cause.

Toutefois, je suis brusquement arrachée à son discours captivant par une main ronde et froide qui se pose sur mon avant-bras.

— Mademoiselle Carter, bonsoir ! Quelle agréable surprise !

— Oh, bonsoir !

Je reconnais sans mal mon interlocuteur. Il y a des visages qui s'incrustent dans votre mémoire et qui hantent vos pensées à tout jamais et le sien en fait partie.

— Je me permets de vous dire que vous êtes d'une beauté remarquable, Mademoiselle Carter.

— Je vous remercie.

— Vous savez, nous avons longuement discuté de vous après votre deuxième passage.

— Vraiment ? En bien, je l'espère, je demande en riant.

— Oui, bien sûr. Nous étions enchantés que Monsieur Reed nous ait contactés pour plaider en votre faveur, afin que nous vous donnions une seconde chance. Sans cela, nous aurions pu passer à côté d'un talent exceptionnel. Votre bonne étoile a beaucoup d'influence et nous lui devons une incroyable chandelle. Je pense que vous également, par ailleurs. Cela dit, votre prestation...

Le son de ses mots s'évapore, noyé dans un bourdonnement assourdissant qui envahit mes oreilles. Le battement frénétique de mon propre cœur résonne à mes tempes alors que ma coupe s'échappe de mes mains et se fracasse en mille morceaux sur le sol. Le bruit effroyable qu'elle fait me sort brutalement de ma torpeur. Cette nouvelle est impossible... Hayden ne peut pas avoir eu vent de mon examen d'entrée à la Juilliard. J'ai gardé jalousement cette information pour moi, veillant à ce que cette admission me revienne en entier. Et puis, il... il ne peut pas m'avoir menti, pas avoir tenu un discours pareil à notre arrivée ! N'est-ce pas ? Mon incrédulité m'étreint, mais elle est rapidement engloutie par l'indignation lorsque je réalise enfin qu'il l'a bel et bien fait. Comment a-t-il pu oser ? Les mots que nous avons échangés concernant le fait que je ne voulais pas qu'il interfère dans ma vie et la ligne claire que j'ai tracée semblent avoir été effacés d'un coup. Un nœud se forme dans mon estomac et une fureur silencieuse monte en moi.

— Mademoiselle Carter ? Vous êtes toute pâle ! s'inquiète mon interlocuteur.

Le monde autour de moi s'estompe alors que je reste figée, les yeux rivés sur Hayden tandis qu'il poursuit son discours. Plus je le regarde, plus mon cœur se brise en lambeaux. La voix de l'homme qui m'interpelle une nouvelle fois devient un murmure lointain. Mes pensées s'emmêlent dans une confusion totale. J'ai sauté la tête la première dans cette situation, sans réaliser la souffrance qui m'attendait. L'idée qu'il a pu jouer un rôle dans mon admission à la Juilliard me transperce, provoquant une douleur atroce. Une part de moi veut croire qu'il l'a fait pour me soutenir, qu'il estimait que c'était dans mon meilleur intérêt. Mais une autre, plus indépendante, se sent envahie et dépossédée de son pouvoir de décision. C'était ma chance de m'affirmer, de prouver ma valeur par mes propres mérites, de tracer mon propre chemin, mais son intervention a déchiré ces espoirs en morceaux.

Mon souffle s'accélère et une larme douloureuse glisse le long de ma joue lorsque je prends conscience que je suis follement amoureuse de lui et qu'il vient de briser mon cœur de la pire des manières. L'idée que je sois perçue comme une bénéficiaire de ses faveurs à la Juilliard m'est insupportable. Je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie et je ne me suis jamais sentie autant trahie. Que suis-je donc aux yeux des représentants de la Juilliard ? La fille du moment du grand Hayden Reed à qui il faut accorder des faveurs pour qu'il ne cesse pas ses donations ? J'ai eu beau lui répéter continuellement que je ne voulais pas que les gens tirent de mauvaises conclusions sur nous, mais il n'a rien écouté et pire encore, c'est lui qui a fait fausse route.

Mon cœur n'est plus qu'un amas de cendres. Une vague d'émotions incontrôlables me submerge, allant de la colère à la déception, en passant par l'amertume. Sans réfléchir, je me mets à courir en ignorant la douleur dans mes pieds. Je cours sans but, sans destination, seulement animée par le désir ardent de m'éloigner de tout ça. Une fois à l'extérieur, une horde de paparazzi m'attend, mais je cache mon visage comme je le peux et me fraye un chemin jusqu'au trottoir. Je m'engouffre dans un taxi et le supplie de partir aussi vite que possible. 

La douleur en moi est incommensurable, une douleur que je n'ai jamais ressentie jusqu'à présent. Pas même lorsque j'ai raté ma première audition à la Juilliard. Aujourd'hui, je comprends qu'il existe des abysses de désespoir bien plus profonds que tout ce que j'ai connu. Comment peut-on se moquer à ce point des sentiments de quelqu'un ? Pourquoi me suis-je autant investie pour un homme qui, au final, ne le mérite pas ? Je ne peux pas... je ne peux plus. Il est clair que je ne peux plus continuer ainsi. Il me contrôlait depuis le début. Il connaissait mes moindres faits et gestes et mes yeux étaient clos, aveuglés par ma naïveté, mais la réalité m'a rattrapée violemment. Il a broyé entre ses mains mon rêve sans scrupule. Je ne pourrai jamais entrer à la Juilliard School. Une part de moi restera à jamais sceptique quant à ma réussite et se demandera toujours si j'en suis arrivée là à la faveur de mon talent ou grâce à lui. Ce rêve était toute ma vie. L'entrée dans cette école est la raison pour laquelle je me suis tant battue, j'ai tant sacrifié, tant donné. Mes heures libres, mon énergie, mes amis, ma relation avec ma mère... mon existence entière.

Une aversion profonde envers lui s'installe en moi, une aversion que je n'ai jamais ressentie pour personne et elle m'effraie autant qu'elle me blesse. Jamais je ne pourrais lui pardonner une telle trahison. Je me suis totalement fourvoyée et ma chute n'en est que plus brutale. Il s'est joué de moi comme d'une marionnette, sans penser aux dégâts collatéraux que cette décision engendrerait. Je n'ai pas besoin d'explications pour qu'il me confesse avoir cru bien faire. Mentir n'est pas bien faire ! Cacher la vérité n'est pas bien faire ! Il est le premier à m'avoir rappelé cette leçon ce soir. De quel droit s'est-il autorisé à s'immiscer ainsi dans ma vie sans mon accord ? Qui lui a donné la permission de fouiller impunément mon existence ?

La déception qui m'envahit ne connaît pas de limite et ma colère redouble. Je suis en colère, non seulement contre lui, mais aussi contre moi-même. Pourquoi n'ai-je pas écouté ma voix intérieure, cette petite voix qui me criait de maintenir mes distances ? Pourquoi ai-je ignoré ma propre intuition, ma raison qui me sommait de ne pas me laisser emporter par cette relation ? Je le regrette amèrement alors que mon cœur saigne aujourd'hui. Cette révélation bouleverse tout. C'est un point de non-retour. Les rêves que j'ai chéris, les espoirs que j'ai nourris, tout s'effondre à cause de lui. Je ne me suis pas écoutée par le passé, mais je ne ferai pas deux fois la même erreur...

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