Chapitre 27
Je ne voulais pas parler de Raoul à Momar, car je ne voulais pas qu'il ait une image négative de ma mère. Elle n'était peut-être pas parfaite, mais c'est ma mère. Je préférais garder ses défauts pour moi. Momar m'encourageait beaucoup et on se voyait systématiquement à l'école, après mes cours particuliers. Il m'a fait savoir qu'il allait rejoindre une école de formation pour se spécialiser en droit fiscal. J'étais si fière de lui et me demandait ce qu'il pouvait bien trouver à une fille comme moi. J'avais une grosse poitrine que je détestais, de gros yeux que je n'aimais pas non plus, un front bombé, de longues jambes, de grands pieds, de l'acné et un caractère impossible. Je ne me trouvais pas jolie du tout! Je souffrais de manque de confiance en soi très aigu. Raï disait que j'avais du charme et que j'étais belle. Elle essayait sûrement de me flatter. J'aurais aimé lui ressembler et être moins grande. Ma taille est mon plus grand complexe, je ne peux pas porter de hauts talons, j'ai l'air d'un travesti. Ahhhh, je haïssais ce corps.
Comme Momar me rejoignait les samedis après-midi à l'école pour m'aider à réviser, il m'avait envoyé un sms en ne me voyant pas. Je ne lui avais pas répondu. Il m'avait appelé aussi, je ne décrochais pas. Je le fuyais depuis une bonne dizaine de jours. J'avais juste envie de dormir, dormir et surtout de faire le vide dans mon esprit. Je ne me sentais pas bien. Il s'est pointé chez moi, et Aminata m'a réveillée.
Aminata: Maguy, Maguy, Maguy!!! Momar est là deh!!!
Moi : Quel Momar?
Aminata: Mooooo!!! Ton petit ami khana. Il est dans le salon avec tonton Souleymane.
Moi : Mais qu'est-ce qu'il fout ici? Je lui avais demandé de ne jamais mettre les pieds ici!! Quel con!!
Aminata : Ohhh calmos Mamasita!!! Pourquoi tu cries comme ça. Dépêche-toi, il t'attend.
Je me suis débarbouillée et l'ai rejoint.
Tonton Souleymane : Maguy, je ne savais pas que tu connaissais Momar.
Moi : On était dans la même école. Il m'aide dans mes révisions.
Tonton Souleymane : Ah d'accord, je vous laisse discuter donc. Donnes lui quelque chose à boire.
Moi: Ok.
Tonton nous a laissé seuls.
Momar : Où est ton téléphone ?
Moi : Dans ma chambre!
Momar : Pourquoi tu n'as pas répondu à mes messages et à mes appels? Je m'inquiétais !
Moi : Je vais bien. J'étais juste allongée , en quête de solitude.
Momar : Pourquoi t'es aussi froide? Je croyais que l'on avait dépassé cette étape!
Moi : Je suis comme ça.
Momar : Pourquoi tu me fuis dernièrement? T'aurais je dit ou fait quelque chose?
Moi : Non! Tu m'étouffes! J'en ai marre de toi! Je ne veux plus te voir ni te sentir! Laisse-moi tranquille.
Momar : Quoi? Tu sais bien que je ne le ferais pas.
Moi : Tu es intelligent non? Bah, si une fille t'évite c'est qu'elle ne veut pas de toi.
Momar : Tu étais comme çà avec moi au début! Tu m'ignorais, tu me criais dessus et tout. Donc j'ai l'habitude. C'est le Bac qui te stresse ?
Moi : C'était avant. J'ai appris à te connaitre et je ne veux plus de toi. Je ne suis pas la seule fille dans le coin! Vas voir ailleurs, j'en peux plus de te voir tout le temps dans mes pattes. C'est fini entre nous. Vis ta vie et laisse moi vivre la mienne.
Momar : Penses-tu vraiment ce que tu dis là?
Moi : Oui Momar. Je ne t'ai même jamais aimé, je suis fatiguée de prétendre le contraire. Tu me fais perdre mon temps. Mon Bac me regarde. Ce n'est pas ton problème. Bon rentre chez toi maintenant et ne reviens plus ici. Bye.
Je me levais en le laissant choqué et abattu, dans le salon. Je me sentais bien. Il m'a envoyé plein de messages, que je n'ai même pas pris le temps de lire. Il me dégoûtait. Raïssa m'a appelée, et je l'ai ignorée aussi. Elle m'a envoyé ce sms: " Momar vient de me dire que tu as rompu avec lui, en utilisant des termes durs et méchants. Qu'est ce qui se passe? Fais signe! "
Ah, il s'était confié à Raï!! Rien de me ferait changer d'avis, j'avais l'impression d'avoir perdu du temps avec lui, quel con! Je le détestais. Je ne supportais même plus d'entendre son nom. Les jours suivants, je me sentais bizarre, j'avais l'impression d'avoir la grippe, sans pour autant avoir la fièvre, ni des douleurs. Je me sentais lourde et rien ne m'intéressait.
Ma maman m'a appelée un jour et j'ai décroché.
Moi: Allo
Maman : Maguy, vas tu épouser Raoul?
Moi : Oui maman.
Maman : C'est bien. Je ne veux que ton bonheur. Je te rappèlerais pour te donner des recommandations.
C'est tout ce dont je me rappelle concernant cet appel. Et elle a raccroché. Tout s'est passé très vite. Raoul s'est imposé dans ma vie. Il venait me voir tout le temps, je ne pouvais pas me passer de lui. Je pensais tout le temps à lui. Je répondais oui à toutes ses requêtes. Maman et mamie lui ont demandé de juste faire un mariage religieux simple, afin de ne pas gaspiller l'argent. Il était du même avis qu'elles. Elles ont averti mon père et ma mamie Anta, qui est rentrée automatiquement.
Mon papa n'a pas pris la peine de venir à Dakar pour me faire changer d'avis. Il paraît que je lui ai dit que s'il n'acceptait pas mon mariage, j'allais me faire engrosser par Raoul autant de fois que possible, jusqu'à ce qu'il accepte notre union. Il a dit que j'avais choisi le chemin de la facilité et de la débauche et qu'il ne voulait plus entendre parler de moi. Il paraît que Tata Cathy avait pleuré et lui a dit que ça ne me ressemblait pas de dire de genre de choses, mais il n'avait pas voulu l'écouter.
Mamie Anta était perdue à son arrivée. J'avais déjà déménagé à la demande de ma mère. Elle a tout fait pour me parler, me voir, mais ma mère me cachait et lui racontait n'importe quoi pour l'éloigner. Mamie Anta m'a donc trouvée à l'école pour me faire changer d'avis. Elle a essayé de me raisonner car la pauvre pensait que j'avais perdu l'esprit. J'étais assise dans mon coin comme d'habitude, à l'heure de la pause. Elle m'a embrassée.
Mamie Anta : Maguy, tu ne retournes pas mes appels depuis mon retour. Qu'est-ce qui se passe?
Moi : Rien mamie. Je n'avais plus de crédit.
Mamie Anta : Tu es en train de gâcher ta vie et celle des personnes qui t'aiment. Je ne sais pas ce que ta mère et ton homonyme ont fait ou dit pour te convaincre, mais saches que rien ne justifie ta décision. Ton père est tellement déçu. Tu as été impolie et très incorrecte avec lui. Il ne veut plus rien savoir sur toi. Tu ne veux même plus parler à Raïssa. Je ne comprends plus rien. Tu ne peux pas te marier avec un inconnu ma chérie, juste pour faire plaisir à ta mère, tu as toujours su lui dire non, pourquoi tu te sens obligée d'accepter ça? Tu m'as appelée il ya quelques semaines, pour les dénoncer et je leur ai parlé. Tu ne peux pas changer d'avis aussi rapidement. Parles moi ma chérie, dis moi tout.
Moi : Je veux épouser Raoul, il prendra bien soin de moi. Ne t'inquiètes pas pour moi mamie, c'est un homme bien. Personne ne m'oblige à l'épouser. Je ne refuse pas de parler à Raï. Je n'ai plus trop de temps.
Mamie : Donc c'est quoi? Ton désir de liberté? D'indépendance ? Mais tu es encore un bébé jeune fille!!! Tu n'es même pas encore née!!! Tu ne sais rien de la cruauté des gens. Je veux te protéger. Ton père reviendra à de meilleurs sentiments. Reviens à la maison et concentre-toi sur ton examen.
Moi : Mamie, je te respecte beaucoup. Mais je ne peux pas. Je dois l'épouser. Je l'aime. Tu me comprendras un jour. Je ne veux pas te faire de mal, je t'aime beaucoup et tu as fait plein de choses pour moi. Mais je vais me marier dans quelques jours. Je suis désolée, je dois retourner en classe.
Je n'avais rien à faire en classe, mais je voulais juste m'éloigner d'elle. Tout était flou et bizarre dans ma tête. J'écrivais toujours dans mon journal, ce qui s'est avéré être d'une grande utilité, car m'a permis de me rappeler de certains détails. J'ai décroché l'appel de Raïssa, elle m'a traitée de tous les noms et je lui ai répondu que je n'avais plus besoin d'elle de toutes les façons. Raoul me suffisait.
Momar m'a aussi appelé pour me traiter de pute, de vendue, de complexée, matérialiste, traîtresse, etc. Il m'a dit plein de choses et envoyé des messages remplis de haine. Je m'en foutais.
Raoul s'est converti à l'Islam, il a choisi le prénom Ridouane. Le mariage a été célébré par des oncles de Maman. La cérémonie était simple et se tenait chez ma mère. Raoul avait invité ses amis sénégalais et certains de ses collègues français, qui l'accompagnaient au séminaire. Ce qui est drôle est qu'il n'y avait presque aucun membre de ma famille paternelle. Du coté maternel, il y'avait maman, mamie Maguette et quelques oncles et tantes. Ce n'est pas l'image que l'on voudrait pour son mariage mais je croyais être amoureuse de mon petit blanc, c'était le plus important. Je ne connais pas la somme exacte que Raoul a versé à mamie et maman pour m'acheter. Oui, il m'avait bien achetée.