BALLERINA

By freeasart

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Angelina Carter et Hayden Reed n'ont en apparence rien en commun, si ce n'est une détermination farouche à ré... More

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By freeasart




— A —

Oh, putain de bordel de merde! Je jure comme un camionneur, mais comparativement à ce que je viens de faire, m'en offusquer me semble ridicule. Je peine à réaliser ce qui vient de se passer. Comment la situation a-t-elle pu déraper aussi vite ? Probablement parce que j'ai complètement perdu la raison! Y a-t-il une meilleure explication ? À l'instant même où je me suis détourné, j'ai eu envie de lui présenter des excuses, mais l'humiliation cuisante d'une claque étant un sujet sensible, j'ai préféré m'abstenir. J'entends que le moteur de sa moto rugit furieusement et j'expire tout l'air que j'ai dans les poumons pour relâcher la pression qui m'enserre la poitrine depuis mon geste déplacé. Je ne m'explique absolument pas ma réaction violente alors que je gravis les premières marches. J'ai tout de même giflé Hayden Reed ! Un homme puissant à la portée médiatique et économique incommensurable. Mon patron de surcroît ! Je me morfonds sur mon sort un instant. Moi qui croyais l'avoir échappé belle en ne me faisant pas renvoyer après mon petit spectacle au Convivium, cette fois... Je n'arrive même pas à terminer cette pensée. J'ai baffé Hayden Reed! Mais qu'est-ce qui m'a pris ? Surprise, j'entends mon rire résonner autour de moi. Je revois sans peine son expression et mon hilarité redouble. Je donnerais cher pour revivre cette scène une nouvelle fois, bien qu'il soit peu probable que je le revois tout court après ce soir. Cette pensée me ramène crûment sur terre. Je m'assieds sur une marche pour recouvrer un peu mes esprits. L'air de rien, sauter d'une émotion à une autre demande un effort colossal. Après tout, il ne l'a pas volé non plus ! Je repasse ma journée dans ma tête et je dois dire qu'il m'a profondément agacé à de nombreuses reprises. Certes, je suis à vif depuis les dernières semaines et j'ai de plus en plus de mal à gérer mes émotions, mais qui gifle les gens comme ça ? Moi... moi, il semblerait... Mon téléphone vibre dans ma poche et je tente tant bien que mal de l'extirper sans me relever. Immanquablement, il m'échappe des mains et dévale les marches devant mes yeux impuissants. Pétrifiée, j'assiste à sa chute jusqu'à ce qu'il se fracasse contre un mur. Connard de karma! Sa punition a été instantanée. Je descends le récupérer et je le soulève prudemment tel un grand blessé de guerre. L'écran est dans un état lamentable, mais contre toute attente il fonctionne toujours. J'ai presque envie de sauter de joie, mais le coût d'une potentielle réparation cloue mes pieds au sol. J'entraperçois que le message provient de Kristen. Je n'arrive pas à le lire correctement et je n'ai pas la force de la rappeler pour le moment. Avec ma chance légendaire, je serais capable de m'entailler le visage avec cet objet devenu presque létal. Je dramatise sans doute un peu, mais je n'en démords pas... le karma ! Après le vélo, le téléphone. Je me demande bien comment je vais payer pour tout ça sans toucher à mes économies.

***

— Angy ! Il y a une lettre pour toi !

Tout en continuant de me brosser les dents, j'attrape l'enveloppe des mains d'Alec. Je suis étonnée d'avoir du courrier, car c'est rarement le cas. J'espère que ce n'est pas une quelconque facture dont je dois m'acquitter. Elle n'a ni timbre ni expéditeur. Seul mon prénom est tracé sur son recto. L'écriture est tellement raffinée que je comprends de qui elle provient avant même de l'ouvrir. Je fais glisser son contenu dans le creux de ma main. Ma carte! Comment est-ce que je peux être aussi écervelée chaque fois que nos chemins se croisent ? À croire que mon subconscient se joue de moi ! Une désagréable sensation s'empare de moi. J'avais donc raison hier soir en rentrant... je ne le reverrai jamais. En terminant de me préparer, je me répète en boucle que c'est mieux ainsi. Il ne me faut pas plus de deux minutes pour me rendre compte que je ne crois pas un traître mot de ce que je me raconte et je ne sais pas vraiment pourquoi, mais cela me chiffonne.

***

En fin d'après-midi, lorsque mon téléphone sonne, j'ai un mal fou à décrocher, mais l'appel est bien trop important pour que je le manque.

— Kris ! Mais que fais-tu encore réveillé ?

— Salut, Ody, renifle-t-elle bruyamment.

— Kris ? je m'inquiète.

— J'ai foiré un examen primordial Angy, sa voix se brise et mon cœur se comprime dans la foulée.

— Oh Kris... Je suis désolée d'entendre ça. Je suis si loin... Que puis-je faire pour que tu ailles mieux ?

— Rien, j'avais juste besoin de t'en parler. Le niveau est tellement plus dur que ce à quoi je m'attendais, renifle-t-elle de nouveau.

— Accroche-toi, tu vas y arriver ! Il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas. C'est le rêve de toute ta vie !

— Je ne sais plus Ody.

— Comment ça, tu ne sais plus ? Ne dis pas de bêtises ! Tu ne peux pas abandonner aussi facilement. C'est juste la fatigue qui parle pour le moment.

— Tu me manques... Ce n'est pas pareil sans toi.

— Tu me manques également et je suis sincèrement désolée de cette situation. Parfois, il m'arrive de me dire que j'aurais dû rentrer avec elle après... après... 

— C'est à ton tour de raconter des conneries ! m'interrompt-elle. 

— Je te promets qu'après les auditions je mettrai de l'argent de côté pour venir te voir. Sèche tes larmes et va te coucher, ça te fera le plus grand bien de te reposer un peu. On se rappelle à ton réveil si tu veux.

— Je t'aime Ody.

— Moi aussi.

Je range avec délicatesse mon téléphone dans ma poche arrière afin que l'écran ne s'effrite pas plus. Je ne peux pas rester indéfiniment avec un appareil dans un si piteux état, mais je n'ai pas les moyens de m'en offrir un pour le moment. Je vais donc devoir prendre mon mal en patience jusqu'à ce qu'il remonte dans ma liste de dépenses prioritaires et que je puisse le réparer. J'ai besoin de nouveaux chaussons et ça en revanche c'est vital. Je dois les casser et les faire avant les auditions. J'ai à cœur de commencer cette aventure avec des chaussons neufs.

***

Evan et moi n'avons pas discuté de ce qui s'était passé depuis notre petite querelle. J'ai la sensation qu'un mur invisible se dresse maintenant entre nous et qu'il fait tout pour le maintenir en place. Même le soir où nous avons échangé nos cadeaux, son humeur maussade ne l'a pas quitté. Les garçons m'ont offert un nouveau vélo et au moment où j'ai tenté de le prendre dans mes bras pour le remercier il a feint de devoir débarrasser la table. Je ne sais pas combien de temps cette situation sera supportable avant que l'un de nous deux décider enfin de crever l'abcès.

***

Je me raccroche à la pensée que le restaurant ainsi que le Club seront fermés demain pour supporter ce début de soirée. L'alcool coule à flots et les esprits sont encore plus échauffés que d'habitude pour fêter le passage à la nouvelle année. Le Convivium est plein à craquer. Tellement bondé que j'en viens à me demander si nous ne dépassons pas les jauges sécuritaires. Malgré les renforts, nous sommes sous l'eau. Ce n'est pas tant le nombre de clients qui est délicat à gérer, mais la rapidité avec laquelle les commandes se succèdent.
Il est un peu plus de vingt-trois heures quand je prends enfin une pause. Je me verse un verre de soda bien frais et je slalome entre les corps transpirants sur la piste pour rejoindre la partie réservée aux employés. L'énergie qui vibre autour de moi palpite dans tout mon être jusqu'à la pointe de mes orteils et malgré la fatigue, je sais que si l'occasion de danser se présentait je ne pourrais pas refuser. Je savoure pourtant le calme et la fraîcheur qui m'enveloppent une fois dehors. Je n'ai pas envie de faire la conversation avec mes collègues ce soir alors je leur fais un petit signe de tête et je vais m'installer dans un coin reculé de la cour. Un coin à l'ombre des éclairages extérieurs afin que le message soit assez clair. Mes pensées s'égarent jusqu'à Kris et je regrette amèrement de ne pas pouvoir être là pour elle. Je suis d'autant plus peiné de la situation, car elle a toujours été la plus forte de nous deux. Malheureusement, vivre de sa passion a un prix et même si nous en avions toutes les deux conscience avant de nous engager dans nos voies respectives, cela ne rend pas la tâche plus facile. J'entends la porte de la cour claquer et j'y vois un signal pour retourner à l'intérieur. Je prends tout de même un instant pour apprécier ce moment de solitude avant de rejoindre la foule qui doit être totalement déchainée à l'heure qu'il est. J'ai à peine le temps de me remettre sur mes pieds que la porte s'ouvre de nouveau. 

— Comme on se retrouve, lâche Jamie d'une voix pâteuse.

— Qu'est-ce que tu fais là ? je crache.

Il est hors de question que je le laisse me marcher dessus une fois encore. Il ne me fait plus peur. Toutefois, une pensée me glace le sang. Il m'attendait... La coïncidence entre le départ de mes collègues et son apparition subite est peu probable. Ce qui veut dire qu'il me surveillait. Qui a bien pu le laisser entrer ? Pourquoi son badge n'est-il pas encore désactivé ? Les questions se bousculent les unes après les autres alors qu'il m'observe avec des yeux vides. La bouteille et lui sont donc toujours grandement amis... D'un pas lourd, il avance jusqu'à moi. Je tente de le contourner, mais il est étonnamment rapide et me bloque de nouveau.

— Écoute Jamie...

— Non ! Toi écoute, pouffiasse ! Je t'ai dit que je n'en avais pas terminé avec toi l'autre jour ! 

Avant que je ne puisse réagir, il me pousse brusquement contre le mur le plus proche. Ses lèvres se plaquent sans ménagement sur les miennes et son haleine chargée me donne un haut-le-cœur. Je tente de le repousser de toutes mes forces, mais même si sa corpulence n'est pas massive il tient bon. Je me débats comme je peux et cela a pour unique effet de l'exciter encore plus. Sans crier gare, il me mord brutalement. Je suis tellement choquée que l'espace d'un moment je ne bouge plus. Jamie doit y voir une quelconque acceptation de ma part, car l'une de ses mains s'aventure dans mon dos et remonte pour capturer ma nuque. Comme fouettée jusqu'au sang, je reprends mes esprits. Il a déjà connu le coup de genou dans les parties intimes et doit sans doute s'en méfier. Je réfléchis donc à toute vitesse à la meilleure tactique pour me sortir de là. Je n'en vois qu'une seule... lui rendre son baiser. Même si cela ne dure qu'une fraction de seconde, j'ai l'impression qu'une éternité me sépare du moment où j'ai pris la décision de le faire. Quand je sens que j'ai enfin plus ou moins gagné sa confiance, j'enfonce furieusement mes pouces dans ses yeux. Jamie recule en grognant de rage sans relâcher sa prise. Ses doigts se crispent avec tant de force dans ma nuque que je me retrouve à faire un pas vers lui pour essayer d'échapper à la douleur. Il en profite alors pour me faire basculer vers l'avant et il m'envoie de toutes ses forces son genou dans le visage. La violence du coup me fait lourdement chuter sur le sol et le goût métallique que j'ai instantanément en bouche m'alarme. Je passe ma langue sur mes dents de peur d'en avoir perdu une. J'entends son rire mauvais au-dessus de moi, mais je suis bien trop étourdie pour relever la tête. Impuissante, je regarde les gouttes de sang qui tombent sur mes mains. Jamie m'empoigne par le bras et me force à me remettre sur pieds. Je suis tellement sonnée que je n'ai pas la force de lui résister.

— Ce soir, ça va être ta fête, mon ange ! lance-t-il de façon lubrique.

— Hey, sac à merde ! crache férocement une voix que je reconnais malgré le brouillard dans lequel je suis.

Jamie a à peine le temps de faire volte-face que le poing de Monsieur bleu acier s'écrase avec fureur sur son visage. J'entends sans mal le bruit de son cartilage qui explose en mille morceaux. Assommé à son tour, il perd l'équilibre et tombe à ses pieds. Je me fais la réflexion que ce n'est qu'un juste retour des choses. Monsieur bleu acier s'accroupit face à lui tandis que je retiens mon souffle.

— Regarde bien mon visage et imprime-le correctement dans ton esprit. Approche-toi encore de moins d'un mètre d'Angelina et je te promets que je te ferai avaler ton putain d'extrait de naissance morceaux après morceaux, le menace-t-il d'une voix sourde.

Monsieur bleu acier se relève souplement et lui balance sans ménagement sa pochette de costume en l'observant de haut.

— Dégage d'ici !

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