Je me trouve sous la douche et la température du jet d'eau frais qui s'abat sur ma peau depuis maintenant une quinzaine de minutes varie, ou peut-être est-ce ma peau qui s'en est adaptée, peu importe. Comme à chaque fois que je me douche, il m'est inéluctable de jouer avec mon sexe. Je suis réellement incapable d'éviter de le cajoler et lorsque je pense à ce que j'aimerai faire avec Elena à cet instant même, et bien...la situation s'envenime.
Avant que mon imagination se crée davantage de fantasmes délirants, je quitte la douche et me sèche rapidement à l'aide de mon grand peignoir noir. Au moment de me vêtir, une voix dans ma tête me remémore que c'est aujourd'hui que je suis supposé faire la rencontre de la superbe Amber Lias. Je dois par conséquent, être présentable. Mais pas trop. Je veux quelque chose de très simple qui me représente bien, pas très négligé et encore moins trop soigné. Une chemise à carreau rouge et noir me fait de l'œil lorsque j'ouvre ma valise. Je l'aurai portée volontiers si il ne faisait pas aussi chaud. En farfouillant vivement dans mon immense valise, je tombe sur un de mes shorts de bain. Il est gris et m'arrive jusqu'au dessus du genou, bref il ferait l'affaire. Je le porte aussitôt puis me regarde devant la glace du placard. Je crains que ça fasse très peu couvert, surtout si Amber elle, est habillée même si il n'y a pas de raisons qu'elle le soit puisqu'il fait un soleil de trente-deux degrés. J'enfile alors un pantalon droit en jean bleu par dessus et pour compléter ma tenue, un t-shirt à manches courtes blanc. S'ensuit le tour de mes cheveux, soit le moment le plus chiant.
- Thomas, m'écrié-je fortement espérant qu'il m'entende depuis le salon.
- J'arrive, répond-il en le criant également.
En attendant qu'il vienne, je glisse mes pieds dans mes mules Adidas noires. Thomas est là.
- Pour me cheveux, tu penses qu'Amber me préférerait s'ils sont attachés ou lâchés ? je l'interroge.
Il me fusille presque du regard jusqu'au moment où je me racle la gorge.
- Les cheveux attachés feront l'affaire, répond-il froidement.
- Ce qui signifie que je dois les lâcher vu le regard que tu m'as lancé.
- Non, les cheveux attachés te vont vraiment bien, réplique-t-il le visage toujours fermé.
- Alors quoi ? Pourquoi tu fais cette tête ? Je te signale que tout ça c'était ton idée et qu'il n'est pas trop tard pour tout annu...
- Non, non. On n'annule rien du tout, me coupe-t-il en souriant hypocritement, je pense. Je tiens vraiment à ce que ce type disparaisse de la vie de ma fille.
Il se met à farfouiller dans ma boîte à bijoux sur ma table de chevet avant d'en sortir une de mes montres hors de prix et ma chevalière noire. Ensuite il me les tend.
- Met ça. Ça fera très soigné. Amber est une accro à la mode et adorera les petits détails non négligés.
J'obéis sans ronchonner.
- Oh et mes mocassins noirs iraient parfaitement bien avec ta tenue, je te les prête, ajoute-t-il.
- Thomas, il fait trente-deux deg...
- Tu as affaire à la femme la plus inaccessible et difficile que j'aie connu...
- Tu parles de celle qui est sortie avec une grande partie de ses profs d'anglais ? le sondé-je irrité.
- C'était par pur vengeance ! s'énerve-t-il. Amber est réellement la femme la plus inaccessible que je connaisse Jake, elle n'a eu des relations sexuelles qu'avec deux hommes dans sa vie: moi et le salopard que tu dois faire disparaître de sa vie...
- Oui, aux dernières nouvelles, murmuré-je en levant les yeux au ciel.
Thomas rougit. Et sa mâchoire se crispe. Et ses poings se serrent. Et sa respiration devient irrégulière. Bon, je crois que je viens de toucher à un point sensible.
- Wow calme-toi cousin, me rétracté-je en levant les mains au niveau de ma tête tout en reculant de deux pas.
Je lui tourne le dos et vais à la recherche de ses fameux mocassins.
- J'étais loin d'imaginer que tu étais encore amoureux de cette pétasse qui n'arriverait pas à la cheville d'Amanda, lâché-je en sortant de ma chambre.
Aussitôt, il attrape mon poignet qu'il sert fermement et son regard sombre, malgré la clarté de ses yeux, en dit long sur le sentiment qu'il éprouve probablement à cet instant. Il est énervé. Extrêmement. Je dirai même qu'il est furieux, comme à peu près tout le temps dernièrement.
- Cette femme que tu viens de qualifier de pétasse, c'est avant tout la mère de ma fille, alors retire ce que tu viens de dire, il m'ordonne d'un ton tranchant.
- Hors de question, je lui réponds immédiatement.
Il fronce ses sourcils et son regard déjà sombre noircit davantage. Tant, qu'il parvient à m'effrayer.
- Il faut sérieusement que tu fasses venir ton psy...
- Retire, me coupe-t-il en serrant davantage mon poignet.
- D'accord, Amber, Lias, n'est pas...une pétasse.
Il me relâche aussitôt et sourit.
- Récapitulons un peu, tu t'appelles...Daniel, tu..., planifie-t-il après avoir posé ses fameux mocassins noir à mes pieds.
- Non, hors de question et cette fois je suis on ne peut plus sérieux. Je m'appelle Jacob, pas Daniel.
Il se gratte sa barbe de trois jours hésitant et reprend.
- Jake, tu t'appelles Jake.
- Ja-cob, articulé-je en le fixant sans sourciller.
Il lève les yeux au ciel tout en soupirant.
- Très bien, Ja-cob. Je suppose que tu as aussi l'âge que tu as réellement.
- C'est cela.
- Ça marche. Tu viens d'où ?
- D'Australie.
- Oui et tu es aussi marié à la fille du premier ministre Australien nommée Elena et c'est moi qui t'envoie la séduire pour l'éloigner de Paul, pourquoi ne pas lui dire toute la vérité dans ce cas là ?
- Bon... D'accord, je viens de...
- De New-York.
- New-York ? Tu as vu mon teint ?
- On s'en fout de ton teint, tu as la tête d'un type venant de New-York.
Je m'abstiens de protester. Thomas sait se montrer convaincant. C'est quelqu'un de tenace, capable d'obtenir tout ce qu'il désire. D'ailleurs, s'il voulait que je me prénomme Mamadou Kanté, c'est ainsi que je me serais présenté à Amber. Car il se serait débrouillé pour m'imposer ce nom.
D'après Thomas, sa chère et tendre majesté aime prendre du soleil à la plage. C'est là qu'il m'a envoyé la chercher. J'y suis depuis maintenant une trentaine de minutes et je commence à me demander si j'ai réellement mémorisé son visage la dernière fois que je l'ai vu puisque il m'est impossible de la trouver. À vrai dire, habillé comme je le suis, ça paraîtrait louche si je m'aventurais dans le sable chaud sur lequel bronzent une bonne centaine de personnes. Alors je la cherche au loin. Comme si j'étais Thomas qui lui l'aurait trouvé au bout de cinq minutes, si elle se trouve réellement parmi les cents et quelques personnes qui passent du bon temps à la plage.
Suffoquant sous cette chaleur intenable mais surtout agacé de poiroter comme le ferait un vieux type que je ne suis pas, j'abandonne et commence à déambuler tout au long de la route. Amber Lias est peut-être ici mais je ne la trouverai pas. Et puis même si j'y parvenais, que lui dirais-je pour l'aborder ? "Hey, vous êtes jolie" ce à quoi elle répondrait sans doute un poli "Merci". Et ensuite quoi ? Rien. Cela fait maintenant six ans que je n'ai pas eu à aborder une fille et pour cause, je suis marié à la plus belle d'entre elles. Elena Freeman.
Après avoir vidé deux grandes bouteilles d'eau fraîches achetées au Dessertland pour me désaltérer, le besoin de vider ma vessie se fait ressentir. Il se fait même pressant. Et puisque je ne suis pas le genre de type à sortir son penis n'importe où pour pisser dans la rue, je recherche dans ma boîte crânienne un endroit plus adéquat. Pourquoi pas le bar où j'ai été acheter deux bières il y a cinq jours ? Je m'y rends après quatre petites minutes de marche et la fraîcheur sans doute dû à la climatisation m'apaise immédiatement. Il fait bon à l'intérieur qui me semble plus petit que la dernière fois que j'étais ici, probablement parce qu'aujourd'hui, c'est bondé. Une musique électro fait trémousser des dizaines de filles sur la piste de danse, ce qui m'emmène à la conclusion suivante: ce que je considérais comme étant un bar est peut-être finalement une discothèque. Ouais, une sorte de discothèque ouverte à à peine seize heures. J'aime bien. Maintenant je sais où me réfugier avec David si jamais Thomas nous prend la tête. J'aurai bien emmené mon petit Tom mais je crains qu'il soit trop jeune pour ce genre de lieu où l'alcool coule à flot.
Sans plus tarder, je me rends dans les toilettes masculines situées dans un petit endroit caché de la discothèque. À mon plus grand étonnement, c'est propre mais surtout mixtes. J'étais sur le point d'accéder à une cabine lorsque j'y découvre une femme haletante et nue assise sur un homme qui la tien par les hanches. Je ferme aussitôt la porte après que l'homme que je crois avoir déjà vu quelque part m'ait lancé un regard noir. Décidément, ce n'est pas mon jour aujourd'hui. Je patiente quelques instants avant de faire mon besoin dans une autre cabine.
Alors que je m'apprêtais à sortir du bar pour rejoindre Thomas et me rétracter de ma mission en lui disant que j'ai été rembarré, je croise, enfin, le regard brûlant de cette fameuse Amber. Je suis soudainement figé. Comme si son regard m'avait piégé et que ce piège m'avait paralysé. Comme si j'étais dans le devoir de la fixer, comme si elle me l'avait ordonné. Pour la première fois de ma vie, je crois, je viens de trouver un regard aussi vertigineux que celui d'Elena. Un regard qui te transperce et te procure le sentiment que tu es à nu devant de cette personne qui serait alors capable de lire en toi comme dans un livre ouvert. Dans ce cas, parvient-elle à lire que je suis follement intrigué et captivé par ce qu'elle représente ? Ressaisis-toi Jake ! Bon sang... Toujours incapable de bouger, mes yeux demeurent plongés dans les siens et le charisme que cette fille dégage me hérisse les poils. Nulle pétasse n'en a été capable du haut de mes trente trois années passées sur cette terre. Peut-être n'en est-elle pas une ? Je commençais à me demander combien de temps je pourrai la reluquer sans battre des cils jusqu'à ce qu'elle se racle gentiment la gorge. Je réalise alors que je lui gênais le passage de l'entrée.
- Oh...je...je suis...navré, m'excusé-je en bafouillant comme je ne l'avais jamais fait auparavant.
Elle me sourit furtivement avant de se diriger vers le bar où elle s'assoit au même endroit que la dernière fois que je l'avais vu. Et, à cet instant, des milliers de questions fusionnent dans ma cervelle. Je me sens comme qui dirait, obligé de faire ce pour quoi je me trouve actuellement dans ce bar. Mais Elena et son regard gris d'une profondeur vertigineuse apparaissent aussitôt dans ma tête et viennent tout remettre en cause. Et si j'étais sur le point de commettre une idiotie ? Et si, j'étais sur le point de commettre l'irréparable ? Elena a été très claire à ce sujet. Je peux commette toutes les erreurs possibles hormis l'adultère. Ça, elle ne me le pardonnerait jamais. Est-ce que séduire une autre c'est tromper ? Non, que dis-je. Bien-sûr que c'est tromper. La seule idée de la savoir flirter avec un autre m'anéantirait. Mais est-ce que séduire une autre, pour venir en aide à un membre de sa famille, et le faire sans arrières pensées, c'est tromper ? Sans arrières pensées, Muller ? Tu te fous de qui là ? Thomas me brûlerait vif s'il avait accès à mes pensées.
Après quelques secondes d'hésitation, je rejoins Amber dans le bar une fois ma bague de mariage enfouit au fin fond de la poche de mon jean. Je m'assieds à sa droite. Elle a commandé un gin tonic qu'elle sirote doucement tout en jetant un coup d'œil de temps en temps à sa montre.
- Vous attendez quelqu'un ? je lui demande hésitant.
Elle sursaute avec élégance. J'ignorais d'ailleurs que c'était possible ça, sursauter avec élégance.
- Oui, elle me répond poliment d'une voix extrêmement douce.
- Vous...vous avez un regard...vachement impressionnant, lui avoué-je sans me contrôler.
Je le regrette aussitôt. Elle me regarde à nouveau mais cette fois, je détourne mes yeux avant d'être à nouveau piégé par les siens. Et je souris, incapable de me reconnaître. D'habitude, je suis celui qui intimide. Mais face à cette Amber, il semblerait que les rôles aient changés.
- Vous trouvez ?
J'acquiesce. Toujours sans la regarder.
- Vous...avez ce truc qui m'intimide énormément alors que...je le suis rarement. Je l'ai été très rarement.
- C'est pour ça que vous n'osez plus me regarder je suppose.
Je prends tout mon courage à deux mains et daigne à nouveau poser mes yeux sur elle mais je me rétracte aussitôt. Et elle ricane. Le son de son rire est merveilleux.
- Et bien merci, quoi de mieux pour redonner confiance à une femme qui pense ne plus rien valoir, me dit-elle.
- Comment une femme comme vous peut-elle manquer d'assurance ?
- Oh vous savez, il y a des choses qui arrivent dans votre vie et vous anéantissent à jamais, énonce-t-elle en secouant doucement son verre.
- Des choses comme...une séparation ?
Elle s'arrête de faire mumuse et me lance un regard grandement étonnée tandis que pour la première fois, je parviens à la fixer.
- Attention, là c'est votre regard qui devient intimidant.
J'esquisse un sourire ravi. Tu reprends du poil de la bête, Muller.
- Vous pouvez tout me dire, la rassuré-je. J'ai toujours estimé que lorsqu'il fallait vider ce qu'on a dans le coeur, il est plus facile de le faire avec des inconnus.
- J'espère que je n'ai pas été long, nous interrompt une voix grave.
Je suppose que c'est l'homme qu'elle attendait, cela a le don de m'agacer. Et mon agacement s'intensifie lorsque je découvre le visage de cet homme. Il s'agit en fait de celui que j'ai croisé dans les toilettes en bonne compagnie... Lui aussi semble me reconnaître puisqu'il me sourit énigmatiquement. Physiquement, c'est le portrait craché de Thomas. Ses cheveux ébouriffés, ses yeux d'un bleu foncés ainsi que son air d'un homme qui n'en a rien à faire du monde me font immédiatement saisir qui il est.
- Paul, dis-je sans à nouveau le contrôler.
Il arque un sourcil et me jette un regard interrogateur. Comme s'il cherchait où est-ce que l'on se serait vu hormis dans les toilettes il y a un quart d'heure.
- Vous vous connaissez ? nous demande Amber.
- Non...non. Je connais sa soeur.
Pitié, dites-moi qu'il a une sœur.
- Ah oui ? Tu connais Eléonore ? me questionne-t-il.
Dieu merci...
- Oui, oui. Je l'ai...fréquenté il y a quelques semaines.
- Quelques semaines ? S'étonne Amber.
- Oui.
- Je ne savais pas que les morts pouvaient sortir avec les vivants mais si tu le dis, me lance-t-il en attrapant les mains d'Amber qu'il fait lever.
- Oh et bien j'ai dû me tromper.
- Quelle coïncidence, Paul et Eléonore.
Et merde ! Amber lui donne une tape sur le torse puis me tend la main.
- Ce fût un plaisir... me dit-elle d'un air interrogateur.
- Daniel, je m'appelle Daniel.
- Ce fût un plaisir Daniel, je suis Amber et puisque vous vous êtes trompé ,voici Paul, mon fiancé.
Je déteste Paul.