Water Lily

Oleh RosalineOscar

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Son doigt effleura ma peau. Froid et chaud à la fois. M'électrisant au simple contact. Il traça la courbe lég... Lebih Banyak

Pitié, pas de rat.
Ou comment se retrouver sur le cul.
Adieu le rêve, bonjour le cauchemar.
Ce que je suis ? Oh je sais pas. Peut-être un truc poilu.
Moi bizarre ? Vous vous êtes regardés peut-être ?
Ou comment dire : je cours à la catastrophe.
Je n'ai pas besoin d'un chien de garde. Quoique. Tu mords bien ?
Ou comment se sentir plus monstrueuse que monstrueuse.
Qu'est-ce que je suis ?
Besoin de temps. Acte I, scène I.
Besoin de temps. Acte I, scène II.
Avance et ne recule plus.
Evolution. Non je ne parle pas de Darwin. Ni de Pokémon.
Avoir un petit-ami surprise en une leçon.
Oui maman, je ne suis plus une enfant. Ah et oui. J'attire les psychopathes.
J'entends des voix. C'est pas suffisant ? Bien, je vois des fantômes alors.
Finalement, je vais peut-être avoir quelques poils.
J'ai, comme qui dirait, un léger mal de crâne.
Baisé mouillé.
Doucement, tu grandiras encore. Si tu survies jusque là.
Envie d'une reconversion ? Essayez dompteuse de Lion.
Je ne deviendrai pas dompteuse de lion.
Hier, je te détestai. Aujourd'hui, tu vas me manquer.
La mélodie de la lune.
Plongé en terre inconnue.
Passion pour les frites.
Ou comment le Dieu des céréales m'a prise en grippe.
Monstre ou humaine. Un pas vite franchi.
Comment gérer les catastrophes (ou pas) pour les nuls.
Tuatha de Dannan, d'histoires en histoires.
Lien. Pas tout à fait celui que j'attendais.
Water lily, la puissance du nénuphar.
Marron. Ils étaient marron.
Sacrifice.
Epilogue
Tome 2

Passé. Présent. Rêve. Réalité. Je ne sais pas ce que je préfère.

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Oleh RosalineOscar



Chapitre 24 à 30 corrigé par _DarknessWhite ! 



Je m'arrêtai, haletante, et laissai tomber mon épaule contre le tronc d'un arbre. Du revers de la main, j'essuyai les perles de sueur qui couraient sur mon front et mes temps. Mais cela ne suffisait pas à me faire recouvrir une respiration sereine et ralentir les battements de mon cœur. Je m'accroupis, totalement épuisée. J'avais couru pendant ce qui me semblait des heures. Mes jambes étaient lourdes. J'avais soif. Faim. Chaud et froid à la fois. Et je me sentis surtout envahi par une fatigue contre laquelle je ne parvins pas à lutter. Je crois que c'était le contrecoup de l'utilisation de mes dons. 

À bout, je me laissai donc tomber sur le sol, inspirant d'un profond soulagement alors que l'air ambiant était d'une fraîcheur revigorante. Une légère brise venait adoucir la chaleur brûlante de mes joues. Mais je frissonnai dans une contradiction parfaite. Ma peau humide n'appréciait guère cette fraîcheur, pour sa part. Il faudrait que je pense à renfiler mon sweat dans quelques minutes, lorsque j'aurais recouvert un semblant de force. 

Les yeux fixés devant moi, seule ma respiration rythmait le silence pesant. J'avais toujours aimé les séjours en forêt. La nature, le ciel étoilé, le chant des oiseaux le matin, l'odeur du bois, les bruits berçants la nuit. Mais, aujourd'hui, je n'éprouvai aucun plaisir à ce calme serein. Cela me rappelait juste à quel point j'étais seule. Et cela depuis une longue journée. J'étais surprise de penser un mot frustrant. Déjà un jour. C'était peu. Et pourtant déjà trop. Qui aurait cru qu'un jour je me plaindrai de la solitude. Je souris en coin, me rappelant aisément d'un temps, pas si lointain, où je la réclamais en vain. 

Distraitement, j'attrapai, dans mon sac, une bouteille que j'avais eu la présence d'esprit d'emportée. Mon don sur l'eau me permettait de la remplir à ma guise mais face au récipient vide, je grimaçai quelque peu. Même ce mince effort me semblait insurmontable tant je me sentis arasée. Mais, à peine envisageai-je l'idée de remettre cela à plus tard, qu'elle se remplit miraculeusement. Je fronçai les sourcils avant de soupirer, ne sursautant même pas lorsque sa voix résonna, toute proche : 

- Tu as vraiment cru que tu pourrais nous semer aussi facilement ?

Je relevai la tête pour plonger mes yeux dans ceux, bleu, de Maël. Un large sourire satisfait s'étendait sur ses lèvres alors qu'il me contemplait de haut. Dans son dos, je remarquai les ailes sombres de Kenan qui le faisaient atterrir, tout en douceur. Il balança, moins élégamment, son sac au sol. Il ne m'adressa pas le moindre regard et se vautra au sol, s'allongeant dans l'herbe sans le moindre scrupule pour son jean clair. 

Et, avant que je n'aie le temps de poser la moindre question sur son absence, Isidora bondit devant moi. Son ronronnement me fit me mordre la lèvre d'un délice impossible à refouler. J'accrochai vivement mes doigts à sa fourrure, lovant ma tête contre la sienne. Je ris malgré moi, le nœud dans ma gorge se défaisant automatiquement. Je fermai les yeux, inspirant longuement et savourant la chaleur qu'elle diffusait. 

« - Tu en as mis du temps, l'accusai-je faussement avant de regarder en coin Maël. Et qu'est-ce qu'ils font ici ? Je croyais que tu allais nous en débarrasser ?

- Tu ne pouvais pas partir seule, m'annonça-t-elle sobrement. Avec eux, nous avons une chance de nous en sortir. »

Je la regardai en coin, tanguant entre mécontentement et satisfaction. Maël se laissa glisser contre le tronc auquel j'avais fini par m'adosser, précautionneusement. Son épaule se colla à la mienne. Je le laissai faire, manquant cruellement de la force nécessaire pour l'en dissuader. De toute façon, la chaleur de sa peau contre la mienne, plus froide, me procurait un bien immense. Je n'avais plus envie de lutter. Pas quand leurs présences venaient de faire voler en éclat une souffrance naissante. 

D'un regard en coin, je contemplai les cheveux blonds de Maël qui tombaient sur son visage en de petites boucles légères. Ils étaient plus longs que la première fois où je l'avais rencontré. Mais j'avais toujours cette même envie de glisser mes doigts dans sa chevelure blonde et soyeuse. Il finit par se tourner vers moi, laissant ses yeux dans les miens, son visage marquant un plus grand sérieux : 

- On t'accompagne, m'annonça-t-il. Si tu es décidée à partir, alors nous t'accompagnerons où tu le désireras.

- Vous n'êtes pas obligé...

- On sait, me coupa-t-il en m'offrant un sourire emplit de tendresse. Mais on ne te laissera pas. C'est totalement inenvisageable.

Sa main glissa sur ma joue et je serrai les dents pour lutter contre mon envie de céder aux larmes qui venaient s'agglutiner contre mes paupières. Je hochai faiblement la tête avant de la laisser tomber contre son épaule. Son bras passa dans mon dos, veillant à passer suffisamment bas pour ne pas appuyer sur mes blessures. 

J'avais eu tort. Je n'étais pas seule. Je ne le serai plus jamais. Isidora vint s'allonger tout contre mes jambes, me recouvrant de cette chaleur si douce qui m'avait tant manquée. Et, trop épuisée pour réfléchir plus longtemps, je me laissai envahir par le sommeil. Prononçant juste, tout bas, un merci presque inaudible mais que l'un et l'autre devait percevoir avec clarté. 

  ♫ 

- On se réveille, la belle au bois dormant. Ou plutôt, l'ours grognon.

Je grognai vaguement, m'agrippant à mon oreiller pour qu'il lutte avec moi contre celui qui osait nous déranger de la sorte. Mais l'oreiller grognait aussi. Chose plutôt surprenante, je le concédai aisément. Suffisamment pour que je daigne ouvrir un œil. Les grands iris jaunes d'Isidora me contemplèrent avec une désapprobation flagrante. Au moins, l'oreiller pourrait réellement protester avec moi. Je soupirai avant de m'allonger sur le dos, conservant ma tête confortablement installée sur son flanc. Je grimaçai quelque peu en m'étirant avant qu'un visage pâle se pencha au-dessus de moi. Le large sourire moqueur du bel ange me fit arquer un sourcil, sceptique. 

- Pas facile la vie à la dure, hein ?

- Je veux un lit, soufflai-je mollement en remontant un bras pour couvrir mes yeux et les abriter de la lumière naissante.

- On s'y fait vite, tenta-t-il de me rassurer. Kenan a trouvé un ruisseau à quelques mètres, si cela t'intéresse.

- Sérieux ? Je n'aurai pas pensé avoir le luxe de me laver, affirmai-je en me redressant vivement. Alors oui je veux !

Il me gratifia d'un nouveau sourire, sa main se tendant pour m'aider à me redresser. Avec une précaution exagérée, il me hissa sur mes jambes alors que je grimaçai. Mon dos me signalant son mécontentement après une nuit passée dans des conditions aussi précaires. Néanmoins, une fois la douleur dissipée je fus surprise de me sentir légère. Mon corps n'était pas courbaturé comme la veille et je me sentis dans une forme presque anormale pour la situation. Je dus donc reconnaître que la nuit n'avait pas été aussi catastrophique que ce que je prétendais. Vaguement, je passai mes doigts dans ma nuque, incertaine. Avant de me contenter de soupirer. Il ne servait à rien de me torturer, aucune réponse ne me serait apportée. 

Mollement, je me penchai en avant pour récupérer mon sac dont la lanière se cala naturellement sur mon épaule. Isidora s'étira longuement, plantant ses griffes dans la terre dans des ronronnements de satisfaction. Au moins, l'une de nous deux était heureuse de notre nuit à la belle étoile. Elle se sentait plus à son aise dans ce lieu vaste qui lui permettait de se déplacer à sa guise, sans risquer de ravager le mobilier. 

- Par où ? Finis-je par interroger Maël, resté immobile.

- Par là.

Son doigt se tourna vers lui, indiquant son torse alors que ses yeux pétillaient d'un amusement réel. Je fronçai les sourcils, sceptique et décidai d'ignorer ses enfantillages en m'avançant sur sa gauche. L'esprit de Kenan semblait se trouver quelque part dans cette direction. Plus je m'approcherai, plus je pourrais déterminer le lieu exact. Enfin. C'était ce que j'espérais. Mais, comme il l'avait signalé lui-même, j'étais un ours grognon le matin, il ne fallait pas me taquiner alors que je venais à peine de quitter la douceur de mon oreiller. 

Le soleil commençait à apparaître au-dessus de la cime des arbres. Quelques nuages obscurcissaient cependant le ciel, voulant m'affirmer que cette journée ne serait pas aussi plaisante que les précédentes. Comme si celles-ci l'avaient été. Je triturai mon médaillon. Et depuis quand me fiais-je au ciel pour prévoir l'état de ma journée ? Je secouai la tête, chassant cette idée saugrenue. M'y aidant, la main ferme de Maël saisit mon poignet, sans trop m'étonner. Je me tournai vers lui, le contemplant calmement. 

- Tu t'es décidé à me dire où je devais me rendre ? Interrogeai-je.

- Tu es vraiment ronchon le matin, grima-t-il avant de sourire, désinvolte. Je comptais uniquement nous faire gagner du temps. Si je te porte, nous irons plus vite. Ce sera aussi plus prudent, disons... que tu n'es pas très discrète et que tu laisses des preuves derrière toi.

J'arquai un sourcil, intriguée et il se contenta de me montrer le sentier que j'avais formé par mon passage dans la forêt. Les branches cassées. Le sol boueux couvert de mes empreintes de pas. Je grimaçai. Effectivement. Une vache y retrouverait son veau, sans le moindre problème. Je soupirai lourdement alors que je regrettai, soudainement, que Cyriel n'ait pas débuté ses enseignements. J'étais convaincue qu'il n'aurait laissé aucune trace de son passage. 

« - Il a raison, approuva Isidora, comme si je ne l'avais pas déjà réalisé ». 

- J'ai compris, j'ai compris, soupirai-je avant de me tourner vers Maël. Ne vole pas au-dessus des arbres.

- Inquiète ? Me questionna-t-il, moqueur. Il ne faut pas avoir peur, je serais très doux.

Mes joues piquèrent un fard alors que son sourire doux et les doigts qu'il venait de glisser dans ma nuque, voulaient bien me signifier que le sous-entendu n'était pas un tour de mon esprit. Cette phrase aurait pu s'appliquer à une toute autre situation. Que Maël avait bien en tête. Je tapai dans sa main et il éclata de rire quand je lui balançai mon poing dans l'épaule. 

- On doit passer inaperçue, annonçai-je, bougonne. Et je doute que les êtres ailés traînent beaucoup dans le coin.

- Tu marques un point, sourit-il. Allez, accroche-toi bien puisque tu n'as pas peur.

Je m'approchai, hésitante alors que ses iris étincelaient toujours de cette lueur taquine et sournoise. Cet ange n'en était pas un, définitivement. Son sourire s'élargit et je me stoppai à bonne distance, de plus en plus méfiant. Cependant, sans me laisser le choix, ses mains parvinrent à agripper ma taille et me ramener contre son torse. Ses bras serrèrent ma taille alors que mon cœur s'emportait doucement. Son souffle caressait ma nuque. Le frisson se répandit, me faisant me mordre la lèvre. 

Son visage se recula de quelques centimètres, ses yeux se plantant dans les miens. Plus de bruit. Hormis celui de mon cœur tambourinant sourdement dans ma poitrine. L'intimité qu'il venait d'initier aurait dû me perturber. Me déranger. M'effrayer. Mais ce n'était pas le cas. Je me sentis juste en sécurité entre ses bras. Sereine. Apaisée. Il se pencha quelque peu vers moi. Mes mains s'agrippèrent à son vêtement. Je fermai les yeux brusquement, intimidée. Et il éclata de rire dans une insouciance enfantine. Je rouvris les yeux, timidement et vins écraser mon talon sur son pied. Il esquiva le geste habilement alors qu'il avait agi délibérément dans l'espoir d'apercevoir des réactions « mignonnes ». Et ce mot claquant dans ses pensées intensifiait mes rougeurs. 

D'un geste très tendre, il embrassa le coin de mes lèvres. Mon cœur loupait un battement alors qu'il ne pouvait manquer les aléas de celui-ci tant il me tenait fermement contre lui, ne me laissant aucune chance de m'échapper. Si je l'avais désiré. 

- Prête ? Me souffla-t-il, son visage toujours éclairé d'un large sourire.

- Prête, bougonnai-je.

- C'est parti, alors.

Ses ailes s'étendirent autour de nous. Mes mains s'agrippèrent vivement à son T-shirt. Et mes pieds ne touchèrent plus le sol. C'était la première fois que j'allais voler. L'appréhension et l'impatience régnaient en maîtres à tour de rôle. Maël, rassurant, serra un peu plus mon corps contre le sien et je ne protestai pas, me lovant contre lui alors que le sol s'éloignait de plus en plus, me coupant le souffle. Je laissai tomber ma tête dans sa nuque, gardant les yeux ouverts pour contempler les arbres que nous grimpions sans pourtant les touchers. À bonne hauteur, il se stabilisa un instant. Avant de s'élancer en avant. 

Et l'appréhension se volatilisa, laissant place à une fascination infinie. C'était tout bonnement incroyable. La sensation était indéfinissable. Le vent caressait mon visage, ramenant mes cheveux en arrière. Le décor défilait sous mes yeux alors que je n'éprouvai aucune crainte à voir le sol si loin de mes pieds. Les ailes puissantes de Maël nous portaient sans la moindre difficulté. Nos corps dansaient entre les arbres dans une habilité époustouflante. J'eus l'impression de rêver. Je me sentis légère. Libre. Forte. Éprouvait-il toujours ce genre d'émotion ? Le ciel à perte de vue semblait vouloir nous crier de l'arpenter, de venir découvrir toute l'étendue des possibilités que nous offraient ses ailes. 

Attirant mon attention, Isidora feula, toute proche et je ne pus m'empêcher de rire en la voyant courser un petit moineau, désarmée face à la gigantesque créature qui l'avait pris en chasse. Elle ne lui ferait évidemment pas le moindre mal. Mais ça, il ne le savait pas. Je levai les yeux au ciel alors que ce griffon avait un côté enfantin plus qu'assumé. 

La magie fut, cependant, de courte durée. Quelques minutes tout au plus où je n'eus pas l'occasion de déterminer si on pouvait s'habituer à cette sensation magique. Maël me reposait au sol dans une partie moins dense de la forêt. Un petit espace vierge laissait s'épanouir un ruisseau qui s'écoulait paisiblement. Lorsque mes pieds recouvrèrent la terre ferme, mes jambes vacillèrent mais Maël semblait avoir prévu la chose, ses mains me soutinrent  solidement avant de m'écarter. Son sourire béant faisait désormais écho au mien. 

- Je t'emmènerai voler une prochaine fois, assura-t-il. Plus haut. C'est encore plus ... incroyable.

- Ce n'est pas le moment de roucouler, souffla la voix grave de Kenan, dans mon dos. Ce n'est pas parce que tu as des ailes que tu dois te prendre pour une colombe. Tu resteras toujours un pigeon.

Je soupirai à la métaphore peu valorisante, adressant un regard noir à Kenan dont les iris faisaient écho à mon agacement. Son ton froid, lui, cadrait parfaitement avec le visage qu'il m'offrit. J'adorai ce démon. Définitivement. Isidora tourna un œil surpris vers moi, percevant mal l'ironie de ma déclaration. Pourtant elle était belle et bien présente. Quelque part. Je soupirai. 

- Si tu veux te laver, magnes-toi.

Malgré l'ordre sec, je hochai la tête, encouragé par Maël qui s'écarta pour m'accorder une mince intimité. Très mince. Tous deux m'offraient leurs dos mais j'avais du mal à faire confiance à leurs vertus respectives. Étrangement. Prudente, je préférai donc conserver mes sous-vêtements et un T-shirt ample dont le sacrifice ne serait pas un manque. 

Rapidement, je me glissai dans l'eau, un peu froide, dans un délice inespéré. Je n'allais certainement pas me plaindre d'avoir la possibilité de me laver. Après un instant restée immobile pour m'habituer à la température, je ressortis mes bras de l'eau pour ramener mes cheveux, désormais humides, en un chignon compact sur le dessus de ma tête. Sous les grognements d'une Isidora qui voulait me pousser à me dépêcher. Comme beaucoup de félin, elle n'aimait pas l'eau et ne comprenait pas mon plaisir à me trouver ici. 

« - Je ne suis pas un félin, grogna-t-elle. 

- Tu y ressemble, protestai-je. Et puis, tu en es un. En partie au moins. »

Comme pour m'affirmer qu'elle n'y ressemblait pas tant, elle me montra ses crocs pointus pourtant assez similaire à ceux d'un Lion. Quoique, je n'avais jamais eu la chance d'analyser de près les canines d'un Lion. Et je m'en passerai pour le moment. Distraitement, je me contentai donc de l'ignorer, me détournant pour fixer les dos de Maël et de Kenan. Adossés chacun derrière le tronc d'un arbre, ils ne semblaient pas avoir bougé. Ils se contentaient de discuter, leurs voix portant presque jusqu'à moi. 

Il était étrange de les voir aussi proche quand ils semblaient, habituellement, opposés. Je ne pus alors que me demander si je n'étais pas responsable de leur discorde. Lasse, je me laissai retomber en arrière, plongeant sous l'eau translucide et calme. Le silence. La sérénité. Le vide. Je me laissai bercer par ces sentiments éphémères alors que mon besoin de réponse se faisait de plus en plus présent. J'avais tant de question à poser que je peinais à savoir lesquelles formuler. Et surtout, quand le faire ? Cela ne semblait jamais être le bon moment. 

J'avais juste besoin que quelqu'un m'écoute. Juste que quelqu'un me réponde. Et pourtant, cette demande semblait surréaliste. Les événements s'accumulaient, déclenchant une série de cataclysmes incontrôlable. Je n'avais pas le temps de demander pourquoi, qu'on me donnait déjà une nouvelle information qui nécessitait de poser cette même question. Un cercle sans fin me condamnait à être le serpent qui se mord perpétuellement la queue. Je ne comprenais pas les agissements de Dana. Ne pouvait-elle pas se montrer plus claire dans ses directives ? Dans ses intentions ? Pourquoi d'autres que moi semblaient-ils mieux informés que je ne l'étais sur ma propre personne ? 

Tapi au fond de l'eau, le manque d'air allait me pousser à remonter à la surface. Mais je n'y parvins pas. Brusquement, une sensation fulgurante me paralysa. Je ne pus plus bouger. Je ne parvins plus à esquisser le moindre mouvement. J'étais lourde. Trop lourde. Mon corps coulait jusqu'à taper le fond du ruisseau, heureusement peu profond. La chaleur vrilla mon estomac. Le froid glaça ma nuque. Je suffoquai. Et deux mains agrippèrent soudainement mes épaules, me hissant hors de l'eau. Les yeux de Kenan se plantèrent dans les miens. Mais je n'étais pas capable de le réaliser. Il héla mon nom, inquiet. Mais je ne l'entendis pas, voyant à peine ses lèvres remuées. Mes bras ballottèrent dans le vide alors que je perdis connaissance. 

♠ 

Je gémis vivement, posant une main sur mon front dans un geste d'une inutilité flagrante. Comme si poser ma paume sur cette zone douloureuse allait changer quoi que ce soit. Un troupeau de zèbres avait dû me passer dessus. Où peut-être un banc de saumon sauvage ? Cela serait plus plausible dans une étendue d'eau. Lentement, je me redressai, déjà prête à questionner Kenan et Maël sur ce qui avait pu se passer mais je me stoppai net. 

Je n'étais plus en forêt. Un peu à tâtons je me redressai, peu inquiète malgré le fait que je sois dans une pièce inconnue dont la seule source de lumière provenait d'une porte entrebâillée. Une hallucination ? Dan allait-il soudainement débouler dans mon champ de vision ? J'avais l'étrange sentiment que non. C'était différent. Et pourtant, j'avais la certitude que ce n'était pas entièrement la réalité. J'étais dans un rêve. Mais peut-être n'était-ce, tout simplement, pas le mien. 

Mon dos, douloureux, me fit penser que je n'étais pourtant pas si loin de la réalité. C'était un sentiment étrange et déstabilisant. Quoi qu'il en soit, il faudrait que je pense à demander l'aide de Maël afin d'estomper la douleur, prenant conscience que mon altercation avec la manticore avait laissée bien plus de séquelle que je ne le pensais et que son don m'avait clairement évité bien des tourments. Mais je parvins rapidement à en faire abstraction, me focalisant sur mon environnement. Je cherchai à trouver la moindre indication pouvant m'indiquer où je me trouvais. Mais cette pièce partiellement close ne m'était aucunement familière, elle ne m'évoquait aucun souvenir. 

Il ne me restait donc qu'une seule chose à faire : partir en exploration. La porte entrouverte semblait avoir été délibérément placée pile en face de moi pour me confirmer cette pensée. De toute façon, je n'allais pas rester planté-là comme un pot de fleurs. Je grimaçai quelque peu. L'ingéniosité de mes comparaisons étaient surprenantes. Planter comme un pot de fleurs. Très subtile. Je soupirai avant de pousser la porte en bois qui grinça lourdement. 

Méfiante, je m'avançai dans un couloir dont le sol était couvert d'un parquet brun clair. Mes yeux fouillaient l'endroit du regard en quête du moindre danger. J'avais appris à ne plus penser que quelque chose de normal allait me tomber dessus, mais plutôt d'imaginer le pire. En cet instant ? Une manticore. Ou un Basilic. Mieux. Les deux. Cependant, le décor chaleureux des murs en papier peints fleuris voulaient me faire penser à une bâtisse des plus banals. Ni créature étrange, ni anomalie flagrante. À première vue. J'avançai plus loin dans le couloir jusqu'à être arrêté par deux voix masculines raisonnant vivement. Je me tournai sur le côté, affrontant une nouvelle porte entrouverte. Les voix provenaient de cette pièce, résonnant avec clarté. 

- C'est elle, n'est-ce pas ? Elle est enfin née...

- Il semblerait.

- Nous n'avons pas le droit de l'approcher, ne l'oublie pas.

- C'est complètement stupide, rétorqua une voix que j'aurais pu reconnaître entre mille quand elle partait dans ses consonances arrogantes. Je n'ai pas l'intention de me lier à quelqu'un de futile. Je dois savoir qui elle est. Et tu devrais penser la même chose si tu n'étais pas idiot.

- Kenan ! S'indigna son frère, furieux. Ce n'est pas une décision qui nous appartient. Dana nous a ordonné de ne pas lui parler avant ses quinze ans, nous devons respecter sa demande.

- Je n'ai jamais dit que j'allais lui parler.

Alors que j'allais m'engouffrer dans la pièce où ils se trouvaient, intriguée par cette conversation dont le sujet me paraissait aussi claire qu'obscur et, surtout, pour les questionner sur l'endroit où nous nous trouvions, je ne pus que sursauter vivement lorsqu'une main se posa sur mon épaule. Une autre vint brusquement se plaquer sur mes lèvres, étouffant le cri de surprise qui avait voulu les franchir. 

Néanmoins, aucune crise de panique ne me fit frémir lorsque je me retrouvai face à une jeune femme blonde, plus petite que moi de dix bons centimètres. Elle était frêle, menue, douce. Ses grands iris vertes me contemplaient avec sérénité. Je fronçai les sourcils alors qu'elle s'écartait déjà, me libérant de son contact. Elle ressemblait aux deux garçons. Les yeux de Kenan. Les cheveux de Maël. La peau tanguant entre l'un et l'autre. Posant son index contre ses lèvres, elle m'intima le silence et je lui obéis presque malgré moi. Son sourire était celui de Maël. Mais son assurance laissait transparaître un Kenan dans toute sa splendeur. 

- Tu ne devrais pas être là, me chuchota-t-elle. Sais-tu en quelle année nous sommes ?

- 2015 ? Tentai-je, grimaçant déjà à l'idée d'obtenir une réponse.

- 1997, annonça-t-elle dans un mince sourire, navrée devant la pâleur de mon visage.

- L'année de ma naissance, soufflai-je, surprise.

- Tu comprendras donc qu'il serait plus prudent qu'ils ne te voient pas dans l'immédiat.

Je la regardai interdite. Était-ce réellement possible ? Étais-je réellement revenue dans un passé qui ne m'appartenait pas ? Andrew ne m'avait aucunement parlé d'une telle capacité lorsqu'il avait détaillé les nombreux dons que pouvaient posséder les marqués. Encore quelque chose d'anormal même pour ce monde ? Je portai vivement mes doigts à mon médaillon, rassurée de l'y retrouver. 

- T-tu es leurs sœurs, pas vrai ? Murmurai-je doucement.

- Je m'appelle Bianca, affirma-t-elle sobrement.

La jolie blonde me fit un vague signe de tête pour m'indiquer le fond du couloir. J'acquiesçai, la suivant docilement. Je me sentis en confiance, n'éprouvant aucune crainte à l'idée que la jeune fille ne soit pas celle qu'elle prétendait. Elle leur ressemblait bien trop pour que le doute soit permis. Elle était leur sœur. Sans aucun doute possible. Et puis, je n'avais guère le choix dans une situation que je ne maîtrisais pas et qu'elle semblait comprendre. Contrairement à moi. 

Je détaillai son dos lorsqu'elle se décida à passer devant moi, me guidant dans les dédales de couloirs de la maison où nous nous trouvions. Ses cheveux ondulaient jusqu'au bas de ses reins, rehaussant son aspect des plus doux. Cependant, je ne parvins pas à savoir qui elle était réellement. Au fond, elle n'avait pas confirmé ma pensée, ne répondant à mon interrogation que par une réponse qui n'en était pas une. Si elle m'avait confié son nom, elle n'avait pas non plus confirmé que ma pensée était la bonne. Elle pouvait faire partie de leur famille mais ne pas être une sœur ? Leur mère ? Si elle était une marquée, sa jeunesse s'expliquerait aisément. Mais, quoi qu'il en soit, pourquoi n'avais-je jamais entendu parler d'elle ? De toute évidence, elle était une marquée. Alors pourquoi n'était-elle pas à Dacer avec eux, peu importe qui elle était ? 

Elle s'engouffra dans une pièce et m'invita à en faire de même. Je ne fus donc pas surprise de pénétrer dans une grande chambre spacieuse qui devait lui appartenir. Les murs étaient d'un bleu très pâle, tirant presque sur le gris. Le lit à baldaquin, au centre de la pièce, était recouvert de peluches diverses et variées. C'était une chambre de jeune fille. Pas d'une mère. Bianca s'assit sur le lit, ramenant sur ses genoux une peluche en forme d'hippopotame. Elle tapota le matelas à côté d'elle pour m'inviter à l'imiter, mais je refusai en restant immobile. Peu à l'aise. 

- Je savais que tu viendrais, m'annonça-t-elle dans un large sourire.

- Comment... pouvais-tu le savoir ?

- J'ai un don... particulier, sourit-elle, énigmatiquement avant de m'expliquer plus clairement. Dana a été très généreuse avec moi et m'a offert un don rare : celui de divination.

- Tu es donc bien une marquée, soufflai-je. J'aimerais... que tu répondes à ma première question. Es-tu leur sœur ?

- Je le suis, assura-t-elle d'un hochement de tête serein.

- Alors pourquoi je n'ai jamais entendu parler de toi ? Soufflai-je, sceptique. Tu n'es pas à Dacer ?

- À ton époque, je ne serais plus de ce monde depuis bien longtemps.

Le large sourire de la jeune femme s'estompa quelque peu, devenant plus timide. Pour ma part, je devins livide. Ses yeux verts se plantèrent dans les miens et elle tenta de paraître rassurante, mais il était impossible de l'être lorsqu'on avait conscience d'un tel destin. Elle avait peur. Et je le ressentis pleinement. Pourtant, elle parvenait à se tenir droite. Souriante. Sereine. Elle savait qu'elle allait mourir. Et je savais avec certitude qu'elle ne se trompait pas. Tout convergeait dans l'idée qu'elle ne faisait plus partie de la vie de Maël et de Kenan. 

- Mais ça ira, reprit-elle alors que je peinai à trouver les mots à prononcer dans une telle situation. Ma peur n'est dû qu'à mon inquiétude pour ceux que je laisserai derrière moi.

- Kenan et Maël... n'ont jamais abordé le sujet avec moi, avouai-je sans pouvoir la rassurer. Cependant... ils sont en bonne santé. C'est tout ce que je peux affirmer.

- Ce n'est pas tant pour eux que je m'inquiète, assura-t-elle vaguement, me faisant froncer les sourcils. Mes frères savaient que je n'étais pas ... bien dans ce monde. Du moins, que je ne le suis plus depuis quelques temps déjà.

- Pourquoi ? Interrogeai-je doucement.

- Disons que je suis d'une nature trop fragile, expliqua-t-elle dans un maigre sourire. Je ne peux pas sortir d'ici, je ne peux pas faire le quart des choses que j'aimerais entreprendre... une fois que j'aurai rejoint Dana, ma vie sera meilleure.

- Je veux bien te croire, soufflai-je, manquant pourtant de conviction.

- Nous n'avons que peu de temps, enchaîna-t-elle. Alors dis-moi, qu'est-ce qui t'a fait venir ici ?

- Je... suppose que je voulais comprendre, murmurai-je. Tes frères, le lien qui nous unit, ma place entre eux...

- Comprendre un tas de choses compliquées, résuma-t-elle.

- C'est ça, soupirai-je profondément.

- Je vais essayer de t'aider. Mais, malheureusement, je ne sais pas suffisamment de chose pour éclaircir tous les points obscurs qui semblent t'assaillir.

Je hochai la tête, reconnaissante. La moindre parcelle de réponse serait suffisante, je saurais pleinement m'en contenter. Bianca tapota à nouveau le matelas à côté d'elle et, cette fois, je vins m'installer à ses côtés. Pendant quelques secondes, elle conserva le silence, cherchant sans doute à trouver les bons mots pour débuter son histoire. Dans un geste inconscient, elle triturait ses boucles blondes, tout comme je jouai avec mon médaillon. 

Elle semblait jeune. Mais j'avais appris à me méfier des apparences, les marqués pouvaient être plus âgé qu'il ne le laissait supposer. Il l'était même systématiquement. Néanmoins, quelque chose dans son allure et son comportement voulait m'affirmer qu'elle était la cadette de la famille. Mais la question qui restait était plus importante : comment était-elle morte ? La question voulait franchir mes lèvres mais j'avais le sentiment qu'elle ne le savait pas plus que moi. Ce n'était qu'une intuition, néanmoins j'étais certaine de pouvoir m'y fier. 

- Il y a déjà plus de cent ans, Kenan et Maël... ont reçu un message quelque peu surprenant, débuta-t-elle enfin, tournant ses yeux dans les miens. Un message parvenu dans un rêve commun et délivrer par une femme se présentant à eux comme Dana.

- Une femme ? Questionnai-je aussitôt, presque malgré moi.

- Oui, assura-t-elle. Pourquoi ?

- J'ai rencontré un homme, dans un rêve, précisai-je. Il se fait appeler Dan... mais j'avais le sentiment qu'il pouvait être plus important qu'il ne voulait me le laisser penser.

- Hé bien... je ne pourrais pas t'apporter de réponse sur le sujet. Je sais juste que Kenan et Maël ont bien rencontré une femme, non un homme.

Je ne répondis pas, marquant un temps d'arrêt. Pourquoi Dana se serait-elle présenté à eux sous l'apparence d'une femme en délivrant son véritable nom alors qu'elle se travestirait pour m'induire en erreur ? Cela n'avait aucun sens. Que cherchait-elle à me cacher si elle était Dan ? Pourquoi choisir cette apparence ? Me détournant de mes interrogations naissantes, Bianca reprit la parole : 

- Quoi qu'il en soit, Dana leur a transmis sa volonté : dans les années à venir, une enfant verrait le jour. Une enfant qu'ils devraient protéger. Une enfant dont ils allaient éperdument tomber amoureux. Une enfant ... à qui ils seraient liés, tous deux.

- Moi, confirmai-je en me pinçant les lèvres.

- Il semblerait, sourit-elle, rassurante en venant poser sa main sur la mienne. Elle ne leur a donné que peu d'informations : ni nom, ni date, ni lieu. Mais elle a été formel sur un point : ils ne devaient pas t'adresser la parole avant que tu n'aies eu quinze ans.

- Pourquoi ? Sifflai-je aussitôt, incrédule. Quelle importance ?

- Je n'en ai aucune idée, grimaça-t-elle. Et eux non plus. Ils n'ont pas eu l'occasion de la questionner sur le sujet. Cependant... j'ai peur que Kenan ne soit guère dissuadé par la demande d'une femme, peu importe si elle est une déesse ou non.

- C'est de cela qu'il parlait, approuvai-je mollement. Mais... comment m'ont-ils retrouvé ? Et où sommes-nous actuellement ? 

- Nous sommes au Brésil, répondit-elle calmement. C'est un lieu à l'écart où nous avons trouvé refuge il y a de nombreuses années déjà. Pour ta première question, la tâche a été plus simple que tu ne l'imagines. Dans un premier temps, ils ont énormément voyagé dans l'espoir que se trouver dans le pays où tu verrais le jour suffise à les guider... mais après près de cinquante ans à arpenter le monde, ils se sont lassés. Ils ont fini par simplement attendre, feuilletant vaguement les actes de naissance paraissant dans les journaux... et qui auraient cru que ton simple nom éveillerait le lien hier en Kenan.

- Seulement mon nom ? Grimaçai-je. Si j'en avais possédé un plus... courant, comment auraient-ils fait ?

- Dana ne laisse rien au hasard, sans doute savait-elle que ta mère choisirait un nom différent. Tu l'es toi-même, sans doute là-t-elle perçu.

Je haussai les épaules. Peut-être. En réalité, je n'avais jamais eu la curiosité de demander pourquoi j'avais été affublée de ce prénom si étrange. Keylinda. Ce n'était pas un prénom possédant une signification, ni une origine particulière. C'était une pure invention de l'esprit de ma mère. Mais avait-il un sens pour elle ? Avait-elle connu quelqu'un le portant ? Je me surprenais à me poser ce genre de question seulement maintenant alors que je le portais depuis dix-huit ans. C'était comme si je n'avais jamais eu le besoin de le faire. C'était mon nom. Il était fait pour moi. Créé par une volonté autre que la mienne. Peut-être même une volonté autre que celle de ma mère. Je me mordis la lèvre. Voilà que je me mettais à penser que Dana, elle-même, l'avait choisi. Je soupirai lourdement. Ce monde allait finir par me rendre folle. Si ce n'était pas déjà fait. 

- Dans de telles conditions, je pense qu'ils leur seront aisé de te retrouver désormais, compléta Bianca. Ils n'auront aucun mal à suivre ta vie à distance... ou de plus près. Je pense que Kenan ne se contentera pas de simplement t'épier s'il s'attache à toi. Il est d'une nature possessive et quelque peu surprotecteur. 

- Cela me fait très ... bizarre de savoir qu'ils m'ont toujours regardé, même lorsque je n'étais qu'une enfant. Je ne sais pratiquement rien d'eux et, eux, savent tout de moi. C'est presque injuste.

- C'est courant pour les marqués, m'assura-t-elle dans un léger mouvement d'épaule. Nous sommes des êtres voués à une semi-éternité. Nos âges n'ont que très peu d'importance. Regarde, par exemple, je suis certaine que tu ne connais pas leurs âges.

- Fait-moi rêver ? Tentai-je de sourire mais me contentant d'une grimace contrite. Cent ans ?

- Tu es bien loin du compte, rit-elle en me faisant pâlir. Ils avoisinent les cinq cents.

J'avalai difficilement ma salive. D'accord. Ça aussi j'allais avoir du mal à m'y faire. Cinq cents ans. Cela signifiait donc qu'ils avaient connu la première guerre mondiale. Pensée peu importante mais qui pourtant me donnait la chair de poule, d'une façon presque inexplicable. Ils avaient connu tant de chose que je n'avais fait que découvrir d'une page à l'autre d'un livre d'Histoire. Je portai ma main à mon médaillon, serrant mes doigts autour de la lettre calligraphiés. Je me sentis, soudainement, minuscule. Et réalisait à quel point Kenan avait raison. Je n'étais qu'une gamine comparée à eux. Une gamine dont la vie avait été d'une normalité qu'elle n'avait pas su savourer. 

Du coin de l'œil, je bougonnai en constatant le sourire très amusé de la jeune sœur de Kenan et Maël. Mes réactions la distrayaient visiblement. Mais, d'une grande douceur, sa main revint se poser sur la mienne, la serrant brièvement. Le calme m'envahit aussitôt et je n'eus aucun mal à comprendre qu'elle possédait le même don que son frère angélique. Elle contrôlait les émotions. Dès qu'elle fut assurée de mon calme, elle retira sa main de la mienne, ne m'imposant pas sa présence dans une délicatesse concordant avec son aspect. Je la remerciai du bout des lèvres, plus intimidée face à sa jeune femme dont la splendeur commençait à me déstabiliser. 

- Tu as du t'en rendre compte... mais mes deux frères ne s'entendent pas à la perfection. Cela a toujours été le cas, enchaîna-t-elle en me voyant me rembrunir. Tu n'es pas fautive. Ils ont du mal à se comprendre et notre passée a fait que les choses soient ainsi.

- Mais j'ai aggravé la situation, ajoutai-je.

- Disons que depuis qu'ils ont appris ton arrivée, ils ont trouvé un nouveau terrain où se quereller, approuva-t-elle, désolée. Ils ne te connaissent pas encore mais ils pressentent l'inévitable : un seul d'entre eux ne pourra gagner ton cœur.

- Comment je suis censée gérer cela ? Soupirai-je en me crispant un peu plus que je ne l'étais déjà.

- Je pourrais te donner une liste de conseil qui te serait inutile, grimaça-t-elle. J'ai tenté tellement de fois de les rabibocher... ils sont infernaux. J'aborde ce sujet uniquement pour t'assurer que tu n'as pas à t'en inquiéter. Ils se sont toujours disputés, tu n'as été qu'une excuse supplémentaire pour eux. Ne te sens pas responsable.

- C'est plus facile à dire qu'à faire, rétorquai-je. Je me sens concernée.... Bien que je semble être moins affecté par le lien. Sais-tu pourquoi ? Pourquoi je ne l'ai pas ressenti avant ? Pourquoi Dana les a-t-elle avertis et me laisse, moi, dans l'ignorance ?

- Je ne peux que faire une hypothèse ... cependant si le lien est plus fort de ton côté c'est sans doute dans le but de te laisser l'occasion de te détacher, plus aisément qu'eux. En réalité, je suis certaine que Dana n'a créé ce lien que pour les pousser vers toi le plus rapidement possible. Vos destins étaient unis avant même que le lien ne soit établi... mais tu es amenée à faire de grandes choses, Keylinda Tuatha de Dannan. Tu avais besoin que l'on te protège.

Je fronçai les sourcils à l'appellation. C'était la seconde fois que quelqu'un l'utilisait pour me désigner. Dans la bouche de cet homme, j'avais fini par l'oublier. J'avais cru ce nom sans importance. Mais j'avais eu tort. Cependant, lorsque je voulus interroger Bianca sur sa signification, une sensation brusque m'envahissait. J'eus à peine le temps de relever les yeux vers Bianca que le décor commença à vaciller sous mes yeux. Sombrant en arrière, je perçu néanmoins sa voix pénétrant dans mes pensées. Une dernière demande. Une demande emprunte de souffrance. Mais aussi d'affection. De tendresse. De douceur. 

« - Dis à mes frères que je les aime. » 

♠ 

Je revins difficilement à la réalité. Mais était-ce réellement la réalité ? Ou l'avais-je seulement quitté ? Hésitante, je n'ouvris pas encore les yeux alors que je n'avais pas besoin de le faire pour savoir que les bras solides de Kenan étaient passés sous mes épaules et mes genoux, me collant fermement à lui. La sensation lourde que j'éprouvai me témoignait que nous étions en hauteur. Et je ne savais pas si c'était le moment idéal pour signaler mon éveil. Surtout après ce que j'avais rêvé. Ou vu. Je n'avais pas encore décidé le terme à employer. 

Je ne pouvais pas soudainement leur parler de Bianca alors qu'ils n'avaient, ni l'un ni l'autre, exprimé l'envie de me parler d'elle. Comment étais-je censée leur annoncer que je l'avais rencontrée ? Qu'étais-je censée dire ? Pouvais-je réellement parler d'elle comme si de rien n'était alors qu'elle ne faisait plus partie de leur vie ? Le souvenir devait être douloureux. Difficile. Et je ne me sentis pas le droit de raviver tout cela. 

- Elle ne se réveille toujours pas ? Questionna la voix de Maël, toute proche.

- Non.

- On doit s'arrêter, annonça-t-il, nerveux. Je dois lui prodiguer ses soins. Ses blessures ont dû s'infecter et si je n'interviens pas ell...

- Nous n'avons pas ce luxe, coupa Kenan, aussi crispé que l'était son frère. Dois-je te rappeler qu'à moins d'un kilomètre, une meute de loups espère bien nous avoir rattrapés avant la nuit ?

Maël demeura silencieux, me confirmant ce que les paroles de Kenan avaient induit. Nous étions en danger. Et ils savaient, l'un comme l'autre, que nous ne pouvions pas prendre le risque de nous arrêter. Ma nervosité grimpa en flèche alors que je pris conscience que je n'avais pas non plus le temps de réfléchir longuement au comportement à adopter. Rester à faire semblant d'être assoupis les inquiéterait et nous mettrait un peu plus en danger. Ce n'était pas envisageable. 

Grimaçante, je finis par soulever une paupière, puis l'autre. Les rayons du soleil m'aveuglèrent un instant alors que je gémis de douleur. Maël n'avait peut-être pas totalement tort sur le fait que mes blessures se soient infectées. Mon dos me faisait atrocement souffrir, peu aidée par le bras de Kenan appuyant sur une zone abîmée, sans avoir d'autres choix. Mais à peine cherchai-je à regarder autour de moi que je rencontrai les iris verts de Kenan. Comme celle de Bianca. Le visage de la jeune fille me sauta à la figure et celui-ci du démon vacilla une seconde. Ses ailes cessèrent de battre, le maintenant simplement immobile à plusieurs mètres du sol. Il écarquilla les yeux, incrédule. 

- Comment... l'as connais-tu ?

- C'est compliqué, débutai-je, nerveuse. Je ne sais pas vraiment exp...

- Arrête, me coupa fermement Maël. Plus tard. Ce n'est pas le moment.

- On doit trouver un endroit où se mettre en sécurité, approuva Kenan à contre-coeur alors que ses doigts s'étaient refermés sur ma peau.

« - Par ici. » 

Je tournai la tête vers Isidora alors qu'elle se trouvait à peine au-dessus de nous, effleurant la cime des arbres. Avant même que je n'ai le temps d'avertir les garçons, elle bifurquait déjà. Cependant, sans que je n'aie besoin d'ouvrir la bouche, Kenan suivait le mouvement. Docile. Maël ne posa pas plus de question que le démon et je me rendis seulement compte que tous mes murs étaient tombés. Et surtout que je ne ressentis aucunement le besoin de les remettre en place pour le moment. Je me sentais rassurée en leur présence. Soupirante, malgré tout, je fermai les yeux avant de basculer la tête en arrière, la laissant reposer contre l'épaule de Kenan. 

- On est suivis ? Questionnai-je, bien plus calmement que je ne l'aurai craint.

- Devon vient de m'avertir que la majorité de nos assaillants avaient quitté Dacer en comprenant que tu n'y es pas. Andrew et les autres ont pu en retenir une partie mais pas tous.

- Tu parviens à communiquer avec lui malgré une telle distance ?

- Le lien unissant un marqué avec son loup se fortifie au fil des années. Cependant je ne tarderais pas à peindre la connexion si nous nous éloignons encore.

Dans un geste voulant signaler ma compréhension, ma tête se dandina de haut en bas. Je me sentis épuisée mais je parvins encore à réfléchir. Mon départ de Dacer n'avait pas été une mauvaise décision. Comme je l'avais prévue, ceux qui nous attaquaient n'en avaient qu'après moi. J'étais la cible. Pas Dacer. Je me sentis rassurée par cette information bien que l'idée qu'Andrew et les autres tentent de les arrêter reste une idée angoissante.

- Tu n'as pas à t'en faire, m'assura Maël. Plusieurs élèves ont souhait  prêter main-forte et des amis d'Andrew arrivaient lorsque nous quittions le château. Ils sont en sécurité.

- Bien plus que nous, enchaîna, froidement, Kenan. Tu devrais donc te soucier un peu plus de ton cas avant de paniquer pour eux.

Je restai impassible, conscient qu'ils avaient raison. Nous étions dans une situation qui se faisait critique. Nous étions trois. Quatre plutôt vu le grognement de protestation significatif que l'on venait de m'adresser. Mais je doutais que cela suffise pour affronter une horde de loup et de créature dont le nom m'échapperait. Et il y avait un autre détail. Les loups. Ils étaient résistants. Rapides. Puissants. On ne pouvait pas les tuer aisément alors que s'ils ne possédaient aucun don réel, ils avaient néanmoins une capacité de régénération peu commune. Sans parler du fait que leur odorat, leur endurance et leur aisance à se déplacer en forêt allait jouer contre nous. Nous allions nous faire rattraper. C'était une évidence que nous ne devions pas nier. 

Cependant il ne fallait pas non plus négliger nos atouts. Ils ne possédaient pas de don. Mais nous si. De plus, leurs atouts pouvaient devenir leurs défauts. Il suffisait de bien savoir jouer sur ceux-ci. Je me sentis soudainement très heureuse d'avoir suivi un entraînement intensif avec un membre de cette espèce, j'étais apte à les comprendre, apte à prévoir leur réaction. 

- Pose-toi, ordonnai-je à Kenan en redressant la tête.

- On n'a pas de temps à perdre, rétorqua-t-il en fronçant les sourcils. Ne commence pas à faire des histoires.

- Ils vont pouvoir nous suivre à la trace, voler ne suffit pas à tout effacer, répondis-je, agacée. Nous devons donc faire en sorte de les déstabiliser.

- Et comment comptes-tu faire cela ? M'interrogea-t-il, sceptique. J'écoute notre petite tacticienne de gé....

- Il suffit de faire cramer quelques plantes, coupai-je, froidement devant son rictus moqueur. La fumée les empêchera d'utiliser leur odorat et ils auront tendance à se diriger vers la provenance du feu en supposant que nous sommes dans cette direction.

Kenan me regarda, réellement surpris. Je me vexai aussitôt alors qu'il n'était pas si surprenant que je sois capable de fournir quelques bonnes idées. De temps en temps. Je soupirai, contrite. D'accord, je n'avais pas toujours fait preuve d'une grande intelligence, surtout ces derniers mois. Mais je progressai d'heure en heure. Du moins, je l'espérai. 

Le démon concéda enfin à obéir, se déportant vers une zone plus au nord avant d'atterrir. J'allais m'apprêter à user de mes dons, mais je pu découvrir que je n'étais pas la seule à pouvoir faire flamber des pantalons. Kenan en était tout autant capable. Je ne pus que noter que cela ajoutait un point à la longue liste d'opposition que je commençai à établir entre deux frères. L'eau et le feu. Je souris en coin. Dana devait avoir un sens de l'humour quelque peu particulier. 

  ♫ 

« - Comment connais-tu cet endroit ? Sifflai-je, émerveillée. 

- Tu oublies trop aisément que je suis une créature ayant traversé les millénaires. Je sais bien plus de chose que tu ne le supposes, me répondit la griffonne, hautaine. »

Je levai les yeux au ciel mais la remerciai chaleureusement en venant passer ma main derrière son oreille droite pour l'y frotter vigoureusement. Moins arrogante, elle me gratifia même d'un ronronnement satisfait avant de se laisser choir au sol, épuisée. Je me détendis à mon tour alors que nous semblions enfin en sécurité. Pour l'instant. Je ne savais pas combien de temps cela durerait mais je comptais bien en profiter le plus sereinement possible. Je commençai à comprendre que paniquer et me torturer ne me servais à rien. Progrès certain. 

Et de toute façon, j'avais besoin de repos. Tout comme l'ange et le démon qui se laissaient tomber au sol, lourdement. Maël laissa même échapper un gémissement de soulagement en me faisant sourire. Visiblement, je n'étais pas la seule à ne pas avoir l'habitude d'une telle vie. Cependant, je devais aussi souligner qu'ils avaient fourni plus d'efforts que moi durant toute la journée, volant et devant se trimballer, tour à tour, le poids que j'étais. Je me maudissais d'avoir englouti toutes ces assiettes de frites avant notre départ. J'aurais mieux fait de me venger sur les épinards. 

Plus élégamment que les deux garçons, je m'accroupis au sol afin de pouvoir plonger mes mains dans l'eau translucide et froide. La lune ronde et argentée s'y reflétait alors que la nuit avait gagné ciel. En contemplant les faibles mouvements de l'eau, mon esprit divaguait. Dacer me manquait. J'aurai dû me trouver dans ma chambre à cette heure si, attendant patiemment que Maël vienne me chercher pour m'emmener jusqu'à la cantine. L'endroit me manquait. Et mon inquiétude pour ceux s'y trouvant voulait croître soudainement. Mais Kenan semblait décidé à me tourmenter sur un autre sujet que j'avais presque pu écarter quelques instants. 

- Comment connais-tu Bianca ?

Je ne relevai pas les yeux alors que, de toute manière, je savais qu'il ne me contemplait pas. Il fixait le ciel étoilé, allongé sur le dos et abrité par les arbres qui nous entouraient. Alors elle existait vraiment. Bianca. Leur sœur. Cela n'avait pas été un tour de mon esprit, une pure invention. Soupirante, je laissai tomber mes fesses sur l'herbe humide avant de retirer mes chaussures et remonter le bas de mon jean pour pouvoir plonger mes pieds dans l'eau froide. 

- Je ne sais pas vraiment comment l'expliquer, débutai-je lorsque je fus enfin installée. Je m'interrogeais sur notre lien... et la seconde d'après je tombais dans les pommes avant de me réveiller dans un endroit que je ne connaissais pas.

- Bianca était là-bas ? Murmura Maël dont la voix se cassait quelque peu. C'est impossible. Elle est...

- Morte, compléta Kenan lorsque son frère fut incapable de prononcer ce mot.

- Je sais, avouai-je en me crispant, chamboulée par la souffrance qui résonnait en eux. Est-il pensable, selon vous, que je sois retournée dans le passé ?

Le silence qui répondit à ma question voulait m'affirmer que la réponse était positive. Je soupirai une nouvelle fois avant de m'allonger à mon tour. Le ciel était parsemé d'étoile étincelante mais le spectacle ne suffisait pas à adoucir les sentiments qui me submergeaient. Nous submergeaient. Je possédais donc un énième don. Mais qu'est-ce que cela signifiait ? Que devais-je comprendre ? Quel intérêt de posséder un tel don ? Que cherchait-on à me faire comprendre ? Les questions se bousculaient et je mis quelques minutes avant de réaliser que toutes n'étaient pas les miennes. Les esprits de Maël et de Kenan fourmillaient dans le mien, tourbillonnant dans une incohérence que je parvins pourtant à saisir. 

- Lorsque je me suis éveillée dans cet endroit que je ne connaissais pas, repris-je en aplanissant leurs pensées. J'ai entendu vos voix provenant d'une pièce voisine, j'ai voulu y entrer mais une fille, blonde, m'a arrêté. Elle... vous ressemblait beaucoup. Alors, quand elle m'a demandé de la suivre, je l'ai fait. Elle était extrêmement gentille et d'une douceur infinie.

- Cela lui ressemble bien, sourit Maël alors que je pouvais, désormais, voir le sourire de sa sœur à travers ses traits masculins, tous deux arborant un même charme.

- Elle a répondu à certaines de mes interrogations, continuai-je après quelques secondes d'hésitation. Affirmant que, grâce à son don de divination, elle avait prédit ma venue. Ainsi que...

- Sa propre mort, approuva Kenan, détaché. Elle le savait donc depuis longtemps avant que cela ne se produise.

- Comment est-elle morte ? Questionnai-je faiblement. Je croyais que les marqués ne pouvaient mourir que très difficilement ?

- Il existe pourtant de nombreux moyens de nous faire mourir, murmura Maël qui s'obstinait soudainement à fixer ses pieds. Tu en connais certains. 

- Le poison de manticore, approuvai-je dans un soupir. 

- Tu as mal, n'est-ce pas ? Je sais que tu tentes de le cacher mais tu es de plus en plus pâle.

J'esquissai une vague grimace alors qu'il visait juste. La douleur devenait de plus en plus insupportable et des sueurs froides venaient perler le long de mes tempes. Pourtant, je ne me sentis pas en droit de me plaindre. Pas maintenant. Pas quand leurs blessures étaient plus profondes que les miennes. Néanmoins, je ne pouvais que constater que Maël tentait de changer de conversation, voulant éviter de répondre clairement à mon interrogation. 

Je le laissai faire, malgré tout, lorsqu'il se redressa pour venir se placer dans mon dos en m'ordonnant de me redresser. J'obtempérai et il remonta mon vêtement sans que je n'émette la moindre protestation, gémissant de soulagement lorsque ses doigts passèrent sur ma peau, apaisant la sensation de brûlure qui s'insinuait dans ma chair. Je le remerciai donc alors qu'il continuait à s'affairer à la tâche. Mais son visage restait fermé. Ses yeux étaient concentrés sur mes plaies mais ils étaient surtout bien plus sombres, moins éclatant que d'habitude. Ils me cachaient quelque chose. Et je ne comptais pas les laisser s'en tirer aussi aisément qu'ils semblaient l'espérer. 

- Vous n'avez pas répondu, soulignai-je donc, doucement.

- Sujet tendu, répondit Kenan. Mais je peux te répondre si l'ange me donne son accord.

- C'est une conversation que je ne tiens personnellement pas à avoir. Ni à entendre, souffla l'intéressé, crispé. Je continuerai les soins plus tard, cela devrait suffire à te soulager pour le moment. Je vais faire un tour.

Les grandes ailes blanches de Maël se déployèrent et avant que je n'aie le temps de protester, il s'éloignait d'un battement d'ailes. Je soupirai avant d'adresser un regard suppliant à Isidora qui me fusilla en retour. J'insistai. Et elle gronda en se redressant, vaincu par ma supplication. Elle s'enfonça dans les bois à la suite de Maël. Je détestai l'idée de le savoir seul, surtout quand ses émotions semblaient à ce point le plonger dans une habitude qui ne lui correspondait pas. Mais je voulais savoir. Je voulais comprendre. Et seul Kenan semblait apte à pouvoir me raconter cette histoire qui était la leur. 

Nerveusement, je jouai avec mon médaillon, battant des pieds pour rumeur l'eau et occuper mon esprit. Mais, bien vite, le bras de Kenan venant se coller au mien fut bien plus efficace pour me distraire. Ses jambes glissèrent dans l'eau, frôlant les miennes et, presque trop naturellement, je laissai tomber ma tête contre son épaule. Sans l'ombre d'une hésitation, il passa son bras autour de ma taille et ses doigts caressèrent bientôt le creux de celle-ci. Je fermai les yeux, mon cœur ralentissant dans un délice profond. J'aimais être proche de lui. Mais le cocon qu'il venait d'initier se fissura brutalement, sa voix résonnant dans un glas lugubre : 

- Notre sœur est morte à cause de ton existence.

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