— Tu n'es pas bavarde, ce matin ! constata Cassie dans la voiture.
Maddie était appuyée contre la vitre, l'air absent.
— Ta Saint-Valentin avec Tone ? Raconte ! insista Sally en la fixant dans le rétroviseur.
Maddie se força à répondre joyeusement, un faux sourire en travers du visage.
— Super ! Je ne m'attendais pas à vivre ça !
Cette dernière phrase venait du cœur. Elle ne s'attendait vraiment pas à vivre un tel week-end.
Mal à l'aise de se retrouver au centre de l'attention, elle se hâta de renvoyer la question à Sally.
— Et toi, ta Saint-Valentin avec Ashton ?
Sally grimaça un sourire en rejetant ses longs cheveux dorés en arrière.
— Je n'ai qu'un mot : FA-BU-LEUX ! Hôtel sublime, service parfait, cadeau superbe, petit copain aux petits soins, que demander de plus ?
Sally tendit sous le nez des filles son poignet droit habillé d'un bracelet étincelant.
— On ne peut pas demander grand-chose de plus, c'est clair ! La chance ! commenta Cassie en touchant le bijou du bout des doigts.
Célibataire, Cassie était restée en famille tout le week-end et avait été couverte de cadeaux par ses parents. Elle enviait Sally de sa relation avec Ashton, bien que dans les faits, passer d'un garçon à un autre lui convenait plus.
— Pff, trop de chance ! Bon moi, au moins, j'ai eu ça, ajouta Cassie en caressant son sac de marques, une édition limitée, offerte par sa mère dans le week-end.
Maddie fut heureuse qu'aucune ne la questionne sur le cadeau qu'elle était censée avoir reçu d'Anthony, puisqu'elle n'en avait eu aucun.
Sur le parking du lycée, le trio fut rejoint par Rachel. Elle prit Maddie dans ses bras.
— Maddie ! Comment tu vas ? Tu t'es remise de tes émotions du...
Maddie sut instantanément que Rachel n'avait pas pris connaissance de son texto et de sa demande de garder secret le déroulement de sa Saint-Valentin. Elle ne laissa pas Rachel poursuivre et, tout en lui assénant un discret coup de coude, elle la coupa.
— Oui, de mon week-end chargé !
Rachel comprit que Maddie n'avait pas raconté la vraie version de son week-end. Elle se tut et sourit. Le clin d'œil qu'elle lui adressa était le signe qu'elle ne dirait rien.
Maddie se rapprocha de son amie qui lui chuchota :
— Tout s'est bien terminé, alors ? Je t'avais dit que ça valait le coup d'en discuter !
Maddie hocha la tête et partit soulagée en classe.
En cours d'Anglais, Sally était dubitative. La soirée de Maddie n'aurait pas dû être magique. Anthony aurait dû dormir comme un bébé. Elle s'était pourtant appliquée à préparer cette fameuse sucette. Elle avait passé un temps fou à réduire en poudre des cachets de somnifère. Sally était consciente qu'elle était mauvaise en science et que lire une boite de médicaments n'était pas sa tasse de thé, mais elle avait la certitude que c'était bien de somnifère qu'elle avait badigeonné la sucette.
— Est-ce qu'il l'a mangée ? se posa-t-elle la question à voix haute.
— Mademoiselle Smith, je ne crois pas que Roméo ait prévu de manger Juliette, ironisa Madame Powell, la professeure d'anglais.
Cela n'impressionna guère Sally qui rétorqua d'un air très présomptueux.
— C'est évident. Mais la fiole de poison, vous en êtes sûre que Roméo l'a avalée ?
Cette réponse provoqua l'hilarité générale. Mme Powell fut surprise par la répartie de la jeune fille et reprit son cours sur la tragédie de Shakespeare comme si de rien n'était. Cassie jeta un regard chargé de fierté à Sally avant de lui mimer que le cours était soporifique en s'étalant sur sa table. La capitaine lui adressa un sourire amusé avant de tourner la tête et de se perdre dans ses pensées, les yeux fixés sur la vitre couverte de buée.
Elle avait déjà une nouvelle idée en tête et celle-ci ne tomberait pas à l'eau. Tant mieux pour Maddie si elle avait passé une bonne Saint-Valentin, celle-ci ferait partie de ses rares bons moments vécus en tant que Venus.
Lors des différents entraînements, Vicky mit une forte pression sur les Venus.
— Il me faut plus de motivation, mesdemoiselles ! On ne dirait pas que vous avez le match le plus important de l'année la semaine prochaine ! assénait-elle sans cesse.
Sally en était consciente. Cet évènement si crucial, c'était la finale de la coupe des lycées. Le jeudi suivant, l'équipe des Mercures allait rencontrer, à domicile, celle des Giants du lycée voisin. Pendant la semaine, Sally concentra ses forces à préparer cet évènement sans négliger de réfléchir à comment compliquer la vie inintéressante de Madeleine Harrington. D'ici la finale, elle avait le temps de peaufiner son coup.
En sortant de cours le vendredi, Maddie se languissait d'arriver au dimanche et de se rendre chez les Connan pour le baby-sitting. Elle devrait se lever tôt et user d'énergie avec les deux petits monstres, mais elle espérait pouvoir discuter avec Ashton et vérifier qu'Anthony avait respecté sa promesse et n'avait rien révélé concernant la Saint-Valentin.
Elle passa une partie du samedi avec Rachel et choisit de lui raconter une fausse version de son explication avec Anthony. Malgré la confiance qu'elle plaçait dans leur amitié, Maddie préférait garder le plus de choses secrètes possible. On ne savait jamais. Maddie vit également Anthony dans la journée. Elle savait que lui pardonner ne serait pas immédiat et elle s'obligeait à ne pas passer tout son temps libre avec lui.
Le dimanche arriva enfin, son troisième en tant que baby-sitter des jeunes garçons Connan. Maddie avait l'impression qu'il s'était passé des millions d'évènements en, finalement, moins de trois semaines. Avoir une vie d'adolescente normale se révélait être peuplé de bien plus de complications et de difficultés qu'elle ne l'avait imaginé.
Après avoir croisé Liz qui lui donna diverses indications pour la matinée, Maddie questionna de suite Dean sur la présence de son grand frère dans la maison familiale.
— Il est là-haut ! Je vais le chercher ! s'écria le petit garçon.
— Pas besoin, j'arrive, répondit de loin le concerné.
Ashton se trouvait sur le palier de l'escalier qui menait dans le grand hall d'entrée de la villa. Il descendit les marches, fixant Maddie d'un air perplexe.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Pas grand-chose, fit Maddie, l'air de rien. J'étais curieuse de savoir comment avait réagi Sally face à ta surprise ?
— C'est vrai que tu étais dans la confidence, dit-il avec un grand sourire sur le visage. Elle a été épatée ! Faut dire que c'était magnifique, l'hôtel, le cadre, l'ambiance, tout ça. J'avais bien choisi, sans vouloir me vanter ! J'étais tombé juste par rapport à ce que Sally aime ! Elle ne se doutait de rien. T'aurais dû voir sa tête quand on est arrivé sur place et...
Qu'est-ce qu'elle n'avait pas fait ! Poser cette question avait déclenché chez Ashton un débit de parole incontrôlable. Et il fallait bien dire que Maddie s'en fichait royalement de la réaction de Sally. Tout ce qui l'intéressait c'était de savoir si ce cher Ashton, fameux meilleur ami, était au courant de quoi que ce soit concernant sa Saint-Valentin à elle !
Elle hocha la tête poliment, histoire de signifier à Ashton qu'elle suivait son monologue. Après une description de l'ensemble de l'hôtel et des différentes activités réalisées, et même de celles qu'ils auraient pu faire, il se tut.
— Super ! conclut Maddie, tentant de cacher qu'elle avait perdu le fil depuis longtemps.
— Et toi alors ? Tu as aimé ? s'enquit-il en souriant.
Là, ce fut la panique totale pour Maddie. Comment savoir si c'était un sourire moqueur ou de quelqu'un qui s'intéresse ? Elle répondit avec appréhension.
— Eh bien, je dirais que je ne m'attendais pas à ça, si tu vois ce que je veux dire...
Ashton éclata de rire. Maddie en eut des sueurs froides. Il savait ! Elle sentit l'énervement monter, mais avant qu'elle n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche et de renchérir quoi que ce soit, il déclara :
— Sacré Art ! Il m'avait dit qu'il avait fait les choses en grand avec le resto et les fleurs, mais je ne pensais pas que ça t'impressionnerait à ce point-là ! C'est bien, tu me diras, tu te satisfais de pas grand-chose ! Sans offense aucune, hein !
Maddie se détendit d'un coup. Anthony avait respecté leur accord et n'avait rien dit. Il aurait quand même pu s'abstenir de se vanter auprès de son meilleur ami d'une soirée qu'il avait, en réalité, rendue catastrophique.