Je n'avais jamais fait ça de ma vie, embrasser vraiment quelqu'un. Je vous l'avais déjà dit, je ne suis pas sortie avec beaucoup de garçons. Je me suis déjà faite embrasser, bien sur, mais c'était toujours l'autre qui voulait et qui le faisait, et tout ça sans sentiments.
Là, je ne sais pas, j'en avais envie.
Ça va faire quelques secondes que j'embrasse vigoureusement Matthew. Mon cœur n'a jamais battu aussi vite, mais je n'y porte même pas attention. Il me tient par la nuque tandis que j'agrippe ses cheveux. Il place une de ses mains dans mon dos et me fait basculer doucement en arrière, sur le lit. Je ne porte pas attention à la plaie que je sens au coin de ses lèvres, personnellement à ce moment la je m'en fiche. Il n'y a que Matthew et moi qui compte.
Brusquement, le châtain se relève. Je reste allongée sur le lit, encore chamboulée par mes émotions, sans comprendre vraiment ce qu'il se passe. Matthew regarde dans tous les recoins, comme s'il avait l'air perdu ou paniqué. J'ai l'air complètement débile, alors je m'assois sur le bout du lit et observe le garçon en fronçant les sourcils. Je n'ose rien dire, la situation est trop gênante.
Matt passe sa main dans ses cheveux et regarde par terre en respirant très fort. Il décide finalement de relever la tête vers moi, et j'arrive a lire un sentiment dans ses yeux: la peur.
Mais pourquoi la peur? J'ai peut-être fait quelque chose qu'il ne fallait pas...
Malgré moi, je décide de rompre le silence.
-Je... J'ai fait quelque chose de mal?
Il soupire et recommence a fuir mon regard, la bouche entrouverte comme s'il voulait dire quelque chose mais qu'il n'y parvenait pas.
-Je... je dois partir et... vaut mieux pas qu'on... se revoit.
Pardon?
Il veut qu'on se voit de nouveau, il m'embrasse et ne veut plus me voir? J'ai l'impression qu'il a abusé de moi, je ne sais pas, je ne sais plus. Les larmes me montent aux yeux mais je serre les dents pour ne pas les laisser couler. C'est ridicule de pleurer dans une situation pareille! Je m'avance vers Matthew pour le gifler, mais lorsque je lève la main il tourne son visage vers moi, et je vois toutes ces blessures qu'il a déjà. Je suis à la limite d'éclater en sanglots en repensant à tout ce qu'il a vécu avec son père, et que j'étais sur le point d'aggraver son cas. J'ai honte, honte, honte.
Matthew à les yeux grands ouverts et a l'air aussi chamboulé que moi. J'ai l'impression qu'il hésite à partir, comme si quelque chose le retenais. Mais rien ne le retient ici. Il ne veut plus me voir, et bien tel soit son souhait. Maintenant, je suis du même avis.
-Sors de ma maison.
Il lève la tête pour me regarder avec un regard empli de pitié, que je soutiens avec insistance. Je retourne m'assoir sur le lit et il finit par tourner lentement les talons et partir de chez moi.
Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris ce qu'il vient de se passer. Tout ce que je sais, c'est que je me sens mal, terriblement mal. Je ne me suis jamais sentie aussi honteuse de ma vie, et j'ai juste envie de me cacher dans un trou pour ne plus jamais en sortir. Je m'assois sur mon lit en fixant le sol, priant pour ce qu'il vient de se passer ne soit pas réel.
Mais c'est bien réel.
À ce moment là, Andréa eu la merveilleuse idée de m'appeler. Je décroche immédiatement.
Andréa: NORA! Tu m'as fais peur, on parlait tranquillement par sms, et d'un seul coup du ne me réponds plus. Nora? Tu... tu pleures ma chérie?
Je ne m'en étais même pas rendu compte. Je laisse les sanglots couler et je pleure librement. Je passe pour une petite faible, mais je sais que je ne pleure pas par tristesse, mais par honte de moi même, honte d'être aussi stupide et naïve.
Je raconte tout à Andréa, et elle n'a pas l'air très heureuse de ma petite histoire...
Andréa: NON MAIS POUR QUI IL SE PREND CELUI LA? D'ABUSER DE MA NORA COMME ÇA? TU VAS VOIR JE VAIS RAPPLIQUER AUSSI SEC, IL VA RIEN COMPRENDRE A SA VIE!!! JE VAIS RAMENER LE BULLDOZER ANDRÉA COMME QUAND ON ÉTAIT PETITES, TU TE RAPPELLES? TARATATTATATATAA!!!! RARARATATATATATATA!!!!
J'éclate de rire sous ses bruits de bulldozer terrassant. Je ne peux pas arrêter mes rires en repensant à Andréa, à nos 5 ans, au square de ma ville. On avait construit un super château de sable, on était tellement fières de nous (à mon avis, il devait être ridicule, mais à l'époque réussir à faire une forme avec du sable était un exploit pour moi). Un garçon plus âgé que nous arriva avec un bulldozer en plastique et terrassa notre château. J'étais la plus triste du monde, et je pleurais à torrents pour un rien (comme aujourd'hui). Andréa s'était levée, et je voyais sa chevelure brune ondulée se secouer de droite à gauche devant le garçon. Elle devait être entrain de le remettre à sa place, et à la fin de son discours, elle attrapa le bulldozer en criant "TARATATATTA RARARARTATATAA!!!!" avant de jeter l'objet en plastique par terre. Maintenant, c'était le petit garçon qui pleurait, pas moi. Moi, je rigolais aux éclats.
Nora: TARATATATATA RARARRARTATATATATA!!!!
Et on rigolait toutes les deux, comme avant.
-Arbénora??
Je sursautais légèrement en entendant la voix de mon père. J'avais complètement oublié qu'il était présent! Je raccroche avant de faire de gros bisous à Andréa qui doit se rendre à un dîner et sors de ma chambre.
-Oui papa?
-Pourquoi ton ami est-il parti?
Je me mords l'intérieur de la joue.
-Il... il a dû partir.
Mon père hausse les épaules et commence a chuchoter, comme si quelqu'un pouvait nous entendre.
-Ça va mieux ses problèmes de... papa?
Je détourne les yeux.
-Oui oui.
Je retourne dans ma chambre sans savoir quoi faire. Andréa est à un dîner de famille et Matthew est parti. Je serre les dents. Je n'ai pas la moindre envie de penser à ce qu'il vient de se passer. J'attrape mon téléphone et appelle Maho pour qu'on se fasse une petite soirée entre filles, j'ai besoin de me changer les idées.
Vingt minutes plus tard, je pars de chez moi et me rends chez la rousse. Elle m'ouvre directement la porte de sa belle maison de briques rouges et me fais monter à l'étage après m'avoir serrée dans ses bras. On se retrouve dans sa chambre. Elle est absolument adorable, elle a tout préparé! Du pop corn m'attend sur le lit, avec des dvds autour.
-Choisis un film! Moi je les ai déjà tous vus, ce sont mes préférés.
Je reconnais quelques classiques, mais d'autres ne me disent rien. J'opte finalement pour Le Diable S'habille en Prada.
-C'est exactement celui que j'aurais pris!! me dit Mahogany en sautillant comme une petite enfant.
Je lui fait mon plus beau sourire en rigolant. On s'allonge toutes les deux sur le lit et on commence à juger toutes les belles tenues que Meryl Streep peut porter dans le film.
-Oh mon dieu, mais regarde moi ce sac.
-Il est magnifique, j'en rêverais la nuit Nora, je te jure.
-Mmh, c'est vrai qu'il irait bien avec tes cheveux.
On rigole en terminant notre pop-corn, puis le film se finit et Maho se met en tailleur en face de moi et me regarde en souriant.
-Qu'est-ce qu'il y a? demandais-je.
-T'as craqué sur Matt, pas vrai?
Je baisse la tête et commence à rougir.
-Pas vrai? HEIN?? OUIIIIIII JE LE SAVAIS J'AI TOUJOURS RAISON, dit elle en entament une petite danse.
-Mais non Maho, tu racontes n'importe quoi...
-Oh commence pas à me mentir poulette, j'ai un don pour sentir les attirances entre deux personnes.
-Oh, donc tu sens l'attirance que Shawn a pour toi?
Elle se tait d'un seul coup et je saisis un oreiller avant de la taper avec.
-OUHOUUUU C'EST QUI QUI A TOUJOURS RAISON?
J'avais posé mon pied sur elle, l'autre jambe agenouillée en terme de victoire. Elle gémissait et moi je riais toujours. Je finis par la lâcher et elle fait mine de bouder.
-Ça crève les yeux Maho, tu pourrais tenter ta chance non?
-Laisse moi gérer ma cocotte. Mon objectif numéro un c'est de te mettre avec Matt!
Je lève les yeux au ciel.
-Maho...
-Par contre fait gaffe, il fait souvent des sports extrêmes a la plage le weekend avec son père. C'est pour ça qu'il a souvent des blessures haha, mais il ne les montre qu'à nous!
Je tressaille. Le sourire qui se dessinait sur mon visage est reparti très vite. Alors voilà comment il décrit ses blessures à ses amis qui ne sont même pas au courant? Donc... Je suis la seule informée(avec mon père, mais je lui ai déjà fait un sermon à ce propos; ca restera secret et il ne devra pas s'en mêler)... Mahogany commence a me regarder bizarrement, alors je décide de la diriger sur un tout autre sujet en reprenant le sourire.
-Et tu as d'autres anecdotes comme ça sur les garçons?
-On en a pour toute la nuit!
Je souris et elle commence toutes ses petites histoires. Il y en a des drôles: Jack Gilinsky qui ne peut pas sortir de chez lui sans avoir brossé ses sourcils, Nash qui a un caleçon porte bonheur avec des petites licornes, et Cameron a un énorme appareil dentaire qui le fait zozoter la nuit. Je ris sans retenue jusqu'à ce qu'il y en ai une qui me pince violemment le cœur quand Mahogany me l'annonce:
-Oh, et Maggie est sortie avec Matthew quelques temps. C'était pas une longue période ni une grande histoire. D'ailleurs, on a jamais su comment ou pourquoi elle s'est terminée.
Je ne sais pas pourquoi ça m'a un peu blessée, mais j'essaye d'ignorer ce ressentiment. On finit quand même par s'endormir vers trois heures du matin. C'était un très bon moment que j'ai passé, Mahogany est quelqu'un de formidable. Je suis rassurée d'avoir une amie sur qui je puisse compter à mes côtés, et pas a l'autre bout du pays.
Je m'endors en repensant à ma journée, à Nash, à Maho, à Andréa, à Matthew.