illustration : Melody la pick-me
OCTAVIA
– Hé ! Salut !
Je sursaute en découvrant une fille portant un ensemble de jogging vert et des cheveux courts violets.
– Tu es Octavia, c'est bien ça ? Moi c'est Peggy, je m'occupe du journal du lycée.
Ah ! C'est donc elle qui a écrit un article sur nous dès la première semaine !
– Bon, trêve de bavardages, il paraît que tu as vu un fantôme dans le lycée de nuit, et que tu as même mené ton enquête à ce sujet ?! Tu peux m'en dire plus ?
Pour qu'elle en fasse un article calomnieux ? Sans façon.
– Tu as découvert quelque chose ?Tu sais de qui il s'agit ou ce qui se passe ici la nuit ?
Oui mais je ne te dirai rien.
– Désolée de te décevoir mais visiblement, les rumeurs ont dépassé la vérité.
– Vraiment ? J'espère que tu ne me caches rien, un jour ou l'autre je saurai la vérité, tu sais !
Du moment qu'elle fouille pas dans mon dossier scolaire.
C'est à ce moment que des éclats de voix nous parviennent tout droit de la salle des délégués. Avec Peggy, nous échangeons un regard avant de nous approcher. Je ne suis pas sûre de faire confiance à Elise Lucet mais si ce boucan vient de la salle de délégué, alors Nathaniel est peut-être concerné et je me dois de tout savoir.
– Nathaniel, je vous préviens une dernière fois, si cette affaire n'est pas réglée rapidement, ce n'est pas une heure de colle que vous risquez mais d'être renvoyé définitivement du lycée !
PARDON ? Renvoyer un ange pareil ? Mais qu'est-ce qui va pas chez elle ?
Elle sort de la salle et nous voit :
Et vous, mesdemoiselles, qu'est-ce que vous faites là ?! Ça ne vous regarde en rien, déguerpissez d'ici !!!
Prises en flag, nous faisons mine de partir avec Peggy mais je suis bien décidée à revenir vers le beau blond pour savoir ce qu'il a fait et comment l'aider parce que si je n'ai pas ma dose de Nathaniel tous les jours, je vais tomber en dépression.
Peggy poursuit la directrice, à la recherche de son prochain scoop tandis que je me rapproche de la salle. Nathaniel a suivi la directrice du regard avant de m'aperçevoir.
– Tu étais là ? s'inquiète-t-il. Tu as tout entendu alors ?
– Seulement le grand final, je le contredis avant de demander : Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
– Quelqu'un a volé des documents qui sont gardés dans la salle des profs.
– Sérieux ? je m'exclame. Et elle veut te virer pour ça ? C'est pas de ta faute !
– Techniquement si, répond Nathaniel, le visage tournant au bleu. La salle des professeurs est toujours fermée à clé et je suis le seul étudiant à avoir un double. Ma clé a disparu et la directrice pense que j'ai quelque chose à voir là-dedans. Mais je n'y suis pour rien, je me suis fait voler la clé par quelqu'un qui a ensuite volé les documents... Si je ne remets pas de l'ordre dans tout ça très rapidement, comme disait la directrice, je vais me faire virer... Je ne sais pas quoi faire.
– Tu sais qui aurait pu faire le coup ? je demande. Et qu'est-ce qui a été volé ?
– Non, je n'ai plus la clé comme je te disais donc je peux pas savoir ce qui a été volé. Et je n'ai même plus le droit de mettre les pieds ici tant que l'affaire n'est pas close.
– Nathaniel... je commence d'une petite voix.
Je m'avance vers lui et replace sa cravate qui, dans la bataille, a été froissée et continue :
– On va trouver qui a fait le coup, je te le promets.
– Ne fais pas de promesse que tu ne peux pas tenir, répond le garçon.
Je lève les yeux et croise son magnifique regard ambré. Je ne dis rien pendant quelques secondes, déstabilisée par la terreur que j'y croise, avant d'improviser :
– J'ai un plan.
– Un plan ? répète-t-il.
– Oui, j'assure en hochant la tête. Tu va passer à la bibliothèque, y emprunter ton Sherlock Holmes préféré et rentrer chez toi, dans ton QG ou dans l'endroit où tu te sens le mieux et à chaque fois que l'âme de Sir Arthur Conan Doyle te murmurera à l'esprit, tu prendra ton téléphone et tu m'enverras un message pour m'aider dans mon enquête.
À mesure que j'expose mon plan, Nathaniel retrouve son sourire.
– En gros, je serais ton Watson ?
– Élémentaire, mon cher Watson !
– Tu sais qu'Arthur Conan Doyle n'a jamais dit ça ?
– Tu sais à qui tu parles là ? je réplique, faussement outrée.
– À la fille qui a un dossier scolaire de taille du Texas ? blague Nathaniel.
– Tu sais quoi ? Je crois que je vais plutôt te laisser te débrouiller seul sur ce coup !
Je m'écarte et fais mine de tourner les talons mais Nathaniel me retient en me prenant la main. Dos à lui, j'attends que la panique s'empare de moi à ce contact, mais rien ne se passe, comme si mon esprit reconnaissait Nathaniel et l'acceptait.
– Merci, Octavia, murmure le beau blond.
Le blondinet s'éloigne et Elise Lucet revient :
– Oh oh ! tu as entendu ça ?! "Le délégué sur la sellette" ! Ça ferait un bon titre ! Je suis impatiente d'en savoir plus sur cette affaire !
– Pitié non, je réponds. Je te donnerai l'article que tu veux sur moi mais par pitié, laisse Nath tranquille.
– Nath, hein ? me lance Elise Lucet avant de tendre son micro. Dis-moi la nouvelle, qu'est-ce qu'il se passe entre le délégué principal et toi ?
– Quoi ? je m'exclame. Non ! Rien ! C'est juste que... Pourquoi un garçon et une fille ne peuvent pas être proches sans qu'il ne se passe quelque chose entre eux ? On est en 2014 ma vieille, le sexisme c'est ringard !
Et sans un mot de plus, je fais volte-face.
Les yeux rivés sur le sol, j'envisage de plus en plus l'idée d'investir dans une loupe et une casquette gavroche.
– Eh ! m'interpelle une fille dans la cour. Salut toi ! On s'connaît pas, non ? T'es pas la p'tite qu'est arrivée y a quelques semaines ?
Petite, petite, ça va oui ?!
– Euh, je crois pas, je réponds.
– Moi c'est Kim, à bientôt p'tite.
Euh... Ok ?
Je me repasse la scène dans la tête quelques secondes avant de continuer ma route, à la recherche de cette maudite clef. Trouver une petite clef dans tout le lycée risque d'être plus long que prévu. Je passe en priorité à l'accueil et à la vie scolaire, ce sont les premiers endroits où aller en cas d'affaires perdues. Je me dirige ensuite vers les lieux du dernier crime en date, à savoir la cage d'escaliers où, dans un moment d'égarement, je bouscule malencontreusement quelqu'un, faisant tomber quelque chose.
– Bonjour, me répond une voix pensive alors que je ramasse son carnet de notes : Octavia, c'est ça ?
– Ouaip, je réponds. Alors, comme ça Castiel et toi, vous êtes amis ?
– On se connaît depuis un moment maintenant oui, me répond Lysandre.
Et sans un mot de plus, il se détourne comme si je n'avais jamais existé. Le temps que je me remette de cette rencontre digne de deux clichés de TDAH, quelqu'un me bouscule.
– Aïe ! je m'exclame.
– Tu sais que mon frère est dans le pétrin ?
– Oui et je suppose qu'en tant que sœur modèle, tu l'aides à chercher la clef toi aussi ?
– Parce que toi tu l'aides ? Eh ben... Il est pas près d'être sauvé comme ça...
Décidant que j'ai rencontré bien trop de personnes en l'espace de quelques minutes, je décide de retourner dans la salle des délégués. Et puis, peut-être que Nathaniel l'a juste égaré dans l'une de ses piles de dossiers.
– Salut Octavia.
Je dévisage la petite brunette assise autour de la table avant de demander :
– Euh... On se connait ?
– Non, je m'appelle Melody, mais Nathaniel m'avait parlé de toi.
– Ah oui ? je demande. Il a dit quoi ? Quand ?
– Ahah, c'était un peu après ton arrivée. Je l'aide de temps en temps dans sa paperasse.
– Et il a dit quoi ? j'insiste.
– Je sais plus, répond Melody sans trop d'enthousiasme : Je crois qu'il a dit que t'étais gentille.
Gentille ?
Oh non. Quand on utilise le mot "gentil" pour définir quelqu'un, c'est parce qu'on ne sait pas quoi en dire...
Et moi qui pensait que Nathaniel m'appréciait... Je suppose que c'était stupide de penser qu'une fille comme moi pouvait attirer son attention alors que dans son QG se trouve... une fille comme elle...
– Tu es déléguée principale toi aussi ? je demande, faisant comme si mon petit cœur d'adolescente battait pour la première fois pour un garçon.
– Non, moi je suis juste déléguée de ma classe.
– Je vois, t'aurais pas vu une clef trainer dans le coin par hasard ?
– Oui c'est terrible n'est-ce pas ? répond Melody. Je me demande qui a bien pu faire cela.
– Moi aussi, je réponds distraitement.
Lorsque je referme la porte derrière moi, je suis plus déstabilisée que je ne le pensais, ce que je n'explique pas...
L'esprit embrouillé, je marche jusqu'au club de jardinage où j'espère retrouver Ginny qui, je l'espère, m'éclairera de ses lumières. Lorsque j'y arrive, le club est vide. Je suppose que, perdue dans mes pensées, j'ai fait une Lysandre et n'ai pas entendu la sonnerie. Je m'assieds sur l'un des rebords des plans de fleurs inconnues et soupire.
Pourquoi est-ce que je prends la tête à aider un type comme Nathaniel ? Dans mon ancien lycée, les garçons comme lui, je les évitais comme la peste. Ils étaient toujours trop carrés, trop intelligents, bien supérieur à la gamine à problèmes que j'étais et ils me le faisaient bien sentir. Une part de moi se demande pourquoi Nathaniel se comporte aussi gentiment avec moi alors qu'il mérite des fréquentations de bien meilleures qualités. Peut-être qu'il se sert de moi pour les tâches qui l'ennuient comme avec le mot d'absence de Castiel, ou alors peut-être qu'il se montre gentil pour mieux me manipuler par la suite ou alors...
Le soleil se reflète sur un objet à mes pieds, me coupant dans mes réflexions.
Je me penche et saisit la petite clef en bronze, victorieuse.
Sans même y réfléchir, je me précipite vers la salle des délégués en ignorant au passage Castiel qui m'interpelle (sûrement pour se moquer de moi).
– JE L'AI ! je m'écris en brandissant la clef devant Nathaniel. Je l'ai trouvé !
Nathaniel me prend la clef des mains avant de la détailler et de laisser échapper un soupir de soulagement.
– Ça c'est... commence-t-il. C'est vraiment une bonne nouvelle ! Merci beaucoup !
– Je sais, je réponds avant d'ajouter avec plus de nuance : Tu sais, je pense que c'est pas vraiment la clé qui était intéressante mais ce qu'il y avait dans la salle des professeurs. Qu'est-ce qui a été volé exactement ?
– Je n'ai pas le droit d'en parler.
– Oh... Bon, ok...
Il semble hésiter quelques instants avant de reprendre, alors que je m'apprête à passer la porte :
– Attends ! Bon, en fait... Les documents qui ont été volés, ce sont les prochains examens, tu sais le bac blanc de la semaine prochaine. Gardés précieusement sous clé en salle des professeurs, comme tu t'en doutes.
– Il y a un bac blanc la semaine prochaine ? je m'exclame avant de perdre toutes mes couleurs.
– Tu avais oublié ?
– Le TDAH fait des ravages, je réponds en commençant déjà à planifier les prochains jours de révision.
– Je vois, commente Nathaniel. Encore merci pour ton aide, il me reste plus qu'à retrouver les examens maintenant.
– Au point où j'en suis, autant que je t'aide, je propose. Peut-être que la personne a laissé un indice en salle des profs ?
– Tu regardes beaucoup de séries policières, non ?
– J'adore Esprits Criminels ! je confirme.
– Ça se voit. Et c'est une bonne idée mais je suis déjà dans une très mauvaise position, si on nous voit toi ou moi dans la salle des profs, ça va très mal se passer...
– Nathaniel... je commence en grimaçant. Vu comment les choses se profilent... ça présente déjà mal pour toi alors autant se faire choper à essayer de résoudre le mystère plutôt qu'à rien faire, non ?
– T'es sûre de vouloir prendre ce risque pour moi ?
– T'en fais pas pour moi Monsieur le délégué, je réponds avec un sourire un coin. J'ai une immunité avec la directrice.
– Vraiment ? Pourquoi ?
Je lui réponds d'un sourire qui se veut mystérieux avant l'entraîner avec moi vers le couloir. Nous attendons quelques instants devant la salle des profs, faisant mine de discuter, pour nous assurer que la voie est libre et nous passons la porte.
Nous commençons à fouiller près des étagères et je ne peux résister à l'envie d'ouvrir l'un des tiroirs.
– Qu'est-ce que tu fais ? demande Nathaniel.
– C'est le tiroir des premières, je veux voir... Oh putain mais il est énorme mon dossier !
Je retire le dossier deux fois plus gros que celui de Castiel du tiroir pour fouiller à l'intérieur. Nathaniel me rejoint et prend l'une des feuilles.
– Tu peux m'expliquer comment tu pouvais avoir 6 de moyenne en anglais et 17 en littérature anglaise ?
Je lui prends la feuille des mains et la remets dans le dossier. Malheureusement, en essayant de la remettre à sa place, le dossier m'échappe des mains et s'écroule sur le sol dans une pluie de feuilles. Nous échangeons un regard avec Nathaniel avant de nous précipiter sur le dossier.
– Ils rangent leurs dossiers par ordre chronologique, m'informe-t-il en triant certains documents.
– Cherche un indice, je lui ordonne en lui prenant les feuilles des mains. Je m'occupe de mon dossier.
– Tu as peur que je lise quelque chose de plus compromettant que "Octavia Rogers a "accidentellement" assommer l'une de ses camarades dans le vestiaire" ? lit-il.
– Elle venait de partager une photo taguée de ma meilleure amie sur le groupe de la classe, je me justifie. Je n'ai fait qu'intervenir, ce que le lycée aurait dû faire.
Mais ce n'est pas cette partie là que je crains de voir entre les mains de Nathaniel. Je dispose d'un PAI (projet d'accueil individualisé), ce qui signifie que dans mon dossier médical est inscrit en grosses lettres "CETTE FILLE EST FOLLE" et je n'ai pas forcément envie que Nathaniel tombe dessus.
Alors que je remet en place mon dossier, mon regard se pose sur un document particulier, un dossier que je pensais entièrement confidentiel. Je ne résiste pas à l'envie d'ouvrir le dossier et découvre à mon effroi un rapport rédigé par la police qui explique en long, en large, en travers tout ce qui m'a amené à changer de lycée.
L'effroi s'empare de moi à l'idée qu'un élève ait pu entrer dans cette salle et eut accès à ces documents.
– Octavia ? m'interpelle Nathaniel.
Remarquant mon trouble, il s'approche de moi alors que je me sens vaciller. Les mots de ce dossier m'envoient des flashs et mes démons me submergent. Ma vision se brouille alors qu'un sifflement aigu remplace la voix inquiète du délégué. Il me rattrape avant que je ne tombe en arrière et je me reprends aussitôt.
– Tu vas bien ? s'inquiète-t-il immédiatement lorsque je m'échappe de sa prise.
– Oui, je confirme. Je... je pensais simplement pas tomber sur ce dossier ici. Il est totalement confidentiel et...
Et le lycée ne devrait pas être en sa possession.
Sans même y réfléchir, j'ouvre mon sac et range le dossier à l'intérieur, ignorant le regard aussi inquiet qu'outré du blondinet.
C'est en évitant son regard que je vois un bracelet fantaisie usé et de mauvaise qualité sur le sol. Je m'accroupis et le ramasse avant de le montrer à Nathaniel.
– Je connais ce bracelet... murmure-t-il en me le prenant des mains.
C'est alors que la porte s'ouvre sur la directrice qui nous dévisage quelques secondes avant d'hurler :
– Qu'est-ce que vous faites ici ?!!
– C'est de ma faute ! je réplique aussitôt. J'ai forcé Nathaniel à me faire entrer, je voulais voir le contenu de mon PAI et mon professeur principal a refusé de me le montrer !
– SORTEZ IMMÉDIATEMENT D'ICI !!! S'IL MANQUE QUELQUE CHOSE, VOUS SEREZ TENUS RESPONSABLES !
Nous nous retrouvons une fois de plus dans le QG de Nathaniel, le bracelet posé sur la table.
– Nathaniel... je murmure. Pourquoi tu es aussi... pâle ?
– C'est le bracelet d'Ambre...
Ambre.
Ambre a été dans la salle des profs.
Ambre, que j'ai menacé il y a quelques jours, était dans la même salle que mon dossier scolaire...
Cette fois, je dois être aussi blême que le blondinet.
– Bon, tu m'excuseras mais il faut vraiment que je lui parle sérieusement... dit-il. Merci.
Au final, la pochette des exams a été retrouvée au-dessus d'un casier, Ginny a passé la journée à chercher le carnet d'écriture de Lysandre, Nathaniel a découvert que sa soeur était l'engeance de Satan et elle a été viré une semaine : tout est bien qui finit bien !