Follow your fire

By NeoQueenSerenity28

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"Il faut suivre son coeur, suivre sa flamme, faire de notre feu intérieur le phare de notre vie. Quitte à se... More

Un petit mot & TW
Playlist
1 - El : Falling apart
2 - Phoebe : Back home
3 - El : A way out
4 - Phoebe : I need a drink, please.
5 - El : Never let a boy get you down
6 - Phœbe : I knew you were trouble
7 - El : Stand up
8 - El : To smile again
9 - Phœbe : Your fault
10 - El : Fall back and get up again
11 - El : Let's do this
12 - Phoebe : A stranger or a ghost ?
13 - Phoebe : Dance with me
14 - El : Dancing till dawn
15 - Phoebe : Talk to me
16 - El : Not alone anymore
17 - El : Scream if you want to
18 - Phoebe : Good person, good time
19 - Phoebe : I need you
20 - El : Hold me tight
21 - El : Take care of you
22 - Phoebe : Did you give up on me ?
23 - Phoebe : Lost without you
24 - El : A full heart
25 - Phoebe : I wasn't ready to say goodbye
26 - El : Where I belong
27 - El : I See You
28 - Phœbe : Afraid of myself
29 - Phœbe : Don't Let The Fear Win
30 - Phoebe : Are You Flirting With Me ?
31 - El : Let there be the light
33 - El : Feeling the wave
34 - Phœbe : Only You
35 - Phoebe : Are we too far gone ?
36 - El : The final countdown
37 - Phoebe : Cause you make me feel alive

32 - Phoebe : Better a heartbreak than nothing

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By NeoQueenSerenity28

Le feu de camp se trouve juste devant moi, je porte un sweat, et pourtant... j'ai froid. Depuis que Connor nous a avoué que cette compétition était sa dernière chance de faire ce qu'il aimait, je suis incapable de ne penser à rien d'autre. Ma gorge est serrée, et la peur s'est logée dans mon ventre. Et s'il ne gagne pas ? Pas plus tard qu'il y a deux semaines, il m'avouait à quel point il haïssait ses études. Depuis que je le connais, je ne l'ai jamais vu plus de vingt-quatre heures sans sa planche. Il vit pour ça. Le surf, la compétition, c'est son rêve. Ce sont... ses études de médecine. C'est toute sa vie — ce pour quoi il est né. Même un aveugle pourrait le voir. Lui enlever... serait désastreux.

Je serre du poing, froissant le bas de mon pull au passage, et replie mes genoux autour de ma poitrine. Le bavardage de mes amis me semble distant. Mon cerveau tourne à plein régime, cherchant une solution, passant en revue les différentes options possibles. Je me mords la lèvre, et relève les yeux vers lui. Et peut-être donne-t-il bien le change auprès des autres, peut-être Kaia et le reste de la bande se laissent-ils berner par son masque serein, mais je ne le suis pas. Je peux lire la souffrance, l'incertitude, la frustration sur son visage comme si elles étaient les miennes. L'instinct de me lever et de le prendre dans mes bras, de lisser avec mes paumes les traits de son visage tiré et inquiet me foudroie, comme sorti des profondeurs de mes entrailles.

Au même moment, il relève les yeux vers moi. Le petit sourire qu'il m'adresse me brise le cœur. Cela m'est insupportable — cette situation est injuste, et elle m'est insupportable. Je voudrais pouvoir hurler à son père tout ce que je pense, lui dire que son fils est un homme bien, qu'il a le droit de faire ce qu'il aime, qu'il ne le mérite pas... et d'un coup, la culpabilité me tombe sur le ventre comme un boulet. Notre dispute sur le bateau me revient en mémoire. Comment ai-je pu un jour remettre en question son propre mal-être, son propre bonheur ? Comment ai-je pu assumer que, parce que ses parents avaient de l'argent, il avait une vie facile, et heureuse ?

Je détourne la tête, incapable de soutenir son regard, que je sens encore sur le côté gauche de mon visage. Ma peau me brûle, et ce n'est pas à cause du feu.

Heureusement, c'est le moment que Gabriel choisit pour augmenter le son de la musique. Ni une ni deux, Fallen m'attrape le bras pour aller danser, et je me laisse faire, n'ayant pas la force de protester — et, de cette manière, j'échappe au regard brûlant de Connor. Il me faut du temps pour penser, pour réfléchir à ce que je vais pouvoir faire.

— Tu tires une de ces têtes, Phœbe ! me chuchote Fallen, tandis qu'elle me tire par les poignets, en commençant à remuer des hanches.

— Le surf m'a fatiguée, mentis-je.

— Alors ça devrait te réveiller, me rassure-t-elle avec un clin d'œil.

Kaia se joint à notre ronde, puis Cora, et Éléonore. Celle-ci m'adresse un sourire compréhensif, et je dois déployer un effort surhumain pour lui rendre son sourire. Les filles m'entraînent dans la danse, et je m'applique à répliquer les mouvements. Mais la vérité, c'est que j'ai l'esprit ailleurs, et feindre de sourire devient de plus en plus compliqué. Je crains que mon rictus ne soit qu'une grimace qui ne cache rien de mon état intérieur. Et vu les coups d'œil suspicieux que Cora me jette, je sais que je ne tarderai pas à être prise à l'écart puis interrogée, si je n'améliore pas mon jeu d'acteur — et fissa.

Derrière nous, les garçons demeurent assis. Gabriel et Noah nous hèlent qu'ils finissent leur bière avant de nous rejoindre. Aspen, lui, s'est assis à côté de son meilleur ami. Leur air grave ne trompe pas, je sais de quoi ils parlent. Connor ne fait que remuer la tête, l'air détaché, mais vu la tête d'Aspen, ses réponses ne lui conviennent pas. Mon ventre se tord de douleur, et je résiste à la tentation de venir les rejoindre.

La musique change et ralentit, et je reconnais le rythme d'un slow. Je m'arrête à me rassoir, pour laisser la piste de danse aux couples, mais Noah m'attrape le poignet et m'entraîne dans le mouvement. Notre proximité n'a rien de celle, brûlante et enflammée, que je partage avec Connor ; la sienne est reposante, et m'apaise. La pression de ses mains dans mes paumes calme le flot de questions dans ma tête.

Respire, Phoeb, me souffle-t-il.

Évidemment. Noah a toujours su déchiffrer mes grimaces, mieux que Cora. J'inspire profondément, et il le fait avec moi, pour me guider. Malgré sa mine soucieuse, je ne peux m'empêcher de lire dans ses yeux un certain amusement, comme s'il savait exactement pour qui et pourquoi je m'inquiète autant.

— Connor est doué, je ne m'inquièterai pas trop, me souffle-t-il.

— Cette situation me rend malade, craché-je, sans parvenir à réfréner mon dégout.

Noah secoue la tête, l'air contrarié. Sa main descend le long de mon dos, mais son contact ne me fait pas plus d'effet que celui d'une couverture, ou de l'étreinte d'Éléonore, ou de Cora — et je ne sais même pas pourquoi je le remarque.

Un silence retombe entre nous, et je m'applique à me concentrer sur le rythme lent et apaisant de la musique, faisant de mon mieux pour ne pas lui marcher sur les pieds. Ce n'est pas facile, car je ne peux m'empêcher de tendre l'oreille pour surprendre la discussion d'Aspen et Connor ; et en plus de ça, Noah ne me quitte pas des yeux. Ses prunelles grises semblent fouiller et lire en moi comme dans un livre ouvert. Finalement, après dix minutes de danse silencieuse, sa voix grave brise notre mutisme :

— Ne fais pas la même erreur que moi, Phœbe.

Je relève la tête vers lui, perdue. Il inspire profondément, comme si la suite de ses mots lui demandait un effort douloureux. Sa prise autour de mes mains se fait plus insistante, et je ne suis plus sûre d'être celle qui a besoin qu'on l'aide à maintenir son équilibre, tout à coup.

— J'ai perdu Emy avant d'avoir pu lui dire ce que je ressentais, avant qu'on n'ait pu devenir...

Il s'interrompt, et mon cœur se brise tandis que je saisis le sens de ses paroles. Un mélange d'émotion me retourne le ventre, et manque de me faire perdre l'équilibre, moi aussi : la surprise, le chagrin, l'incompréhension...

Emy et... Noah ?

En une seconde, les souvenirs défilent devant mes yeux, à la recherche de ces moments de complicité que j'aurais manqué, de ces indices ratés... Mais j'ai beau chercher, je ne me souviens que d'Emy. Jamais je n'aurais cru que cette attirance, que ce... sentiment ait pu être réciproque. Et puis, pendant, de longues années, Noah était en couple, lui aussi. Je n'ai jamais eu à suspecter quoique ce soit... Mais cela n'excuse rien. Noah et moi sommes proches, et je réalise soudain que je n'ai pas uniquement laissé tomber Connor, cette année-là. J'aurais dû remarquer, et comprendre... Ma gorge se serre, et mes yeux me brûlent.

— Non, ne me fais pas ces yeux-là, Phoeb, me souffle-t-il doucement. Tu ne pouvais pas savoir. Et ne t'inquiète pas... je suis en train d'aller mieux. C'est un peu plus facile chaque jour.

Il m'adresse un sourire, mais la tristesse que j'y lis ne calme en rien la soudaine montée de larmes que je sens en moi.

— Quand ? lâché-je simplement, d'une voix brisée.

Il semble comprendre la question, car il répond :

— Il y a trois ans, l'été avant l'accident... je venais de me séparer de Laura. Je ne cherchais plus grand-chose, j'étais... éteint, et fatigué. Je comptais me concentrer sur mes études. Et, un soir au bar, avec Connor et Gabriel, les garçons m'ont fait une blague. Enfin, j'ai cru, sur le coup, que c'était une blague... bref : ils m'ont dit qu'Emy me dévorait des yeux, et que j'étais assez aveugle pour ne pas le voir.

Un léger sourire se crée au coin de ses lèvres, et cela suffit à réchauffer un peu ma poitrine. Ses cheveux châtains retombent derrière ses lunettes, tandis que Noah lâche un petit rire en baissant la tête.

— Crois-le ou non, mais ce soir-là a été l'électrochoc. Et j'ai soudain compris toutes les crises de jalousie de Laura, nos disputes... j'ai compris que mon amitié avec Emy était en train de m'échapper. Que, même si je m'obstinais à dire qu'elle était comme ma petite sœur, c'était de moins en moins vrai. Les semaines qui ont suivi, j'ai pris le temps de me remettre de ma rupture, de mettre les choses au point, pour m'assurer que ce que je ressentais n'était pas simplement le fruit de mon égo blessé ou flatté, de...

Il inspire profondément, avant de reprendre :

— Je voulais m'assurer que ce que je ressentais était réel. Je voulais voir si ce sentiment allait faiblir, ou grandir... dans le même temps, Emy passait de plus en plus de temps au centre, et certains détails devenaient d'un coup évidents. Les semaines passaient, et j'ai fini par comprendre que je n'imaginais rien, et que ce qu'elle ressentait — et que je ressentais en retour — était bien réel. Après plusieurs années d'amitié... je tombais finalement amoureux. Comment aurais-je pu faire autrement ? C'était Emy.

Un sourire tendre étire ses lèvres, ses yeux brillent, et j'en ai un moment le souffle coupé.

— Malheureusement, reprend-il d'une voix plus grave, avec cette réalisation, est aussi arrivée une certaine culpabilité vis-à-vis d'Aspen. Je ne savais pas comment lui en parler... et je ne voulais rien dire à Emy avant d'avoir d'abord demandé la bénédiction de son grand frère. Je ne voulais pas perdre mon meilleur ami. Alors j'ai attendu. J'ai hésité.

Ma poitrine se comprime, car je connais le passage de l'histoire que nous sommes sur le point d'aborder.

— Un soir, Emy est venue me voir au centre. Elle m'a tout avoué. Et malgré mes sentiments, malgré le fait que je n'avais qu'une envie — la prendre dans bras, et tout lui dire — je me suis tu. Je n'ai rien dit. Et qu'elle ait vu dans mes yeux, ou non, que je l'aimais en retour... elle est partie. Ce soir-là, je me suis fait une promesse : tout révéler à Aspen avant la fin de la semaine, et retrouver Emy après, quelque soit sa réaction, mais... deux jours plus tard, elle mourrait au volant, en revenant de la plage.

Ses yeux se bordent de larmes, et il regarde au loin, comme pour me les cacher. Sa voix s'est brisée, et il déglutit. Il tremble dans mes mains.

— Oh, Noah... je souffle, la gorge serrée.

Il secoue la tête, et un sourire triste étire ses lèvres.

— Je n'ai jamais pu lui dire. Et je vis avec ce regret, chaque jour, depuis qu'elle est morte. Une part de moi est terrifiée à l'idée d'être passé à côté de la femme de ma vie... alors je t'en conjure, Phœbe. Dis-lui. Dis-lui le plus vite possible.

Et il tourne la tête vers Aspen et Connor, encore assis auprès du feu. Je suis son regard, le cœur battant. Comme s'il avait senti mes yeux sur lui, Connor relève la tête. Un rictus nait au coin de sa lèvre, et il lève sa main, comme pour nous saluer, et me rassurer. « Ne t'inquiète pas », semble-t-il me dire, de loin.

— Quelles que soient tes peurs, tes hésitations... elles ne font pas le poids face à ce que tu pourrais manquer, si tu ne disais rien, m'enjoint Noah, d'une voix douce.

Ma poitrine se comprime douloureusement, et le bout de mes doigts semble se réveiller, traversé d'adrénaline. Mon cœur bat plus fort, comme pour répondre à l'appel de mon ami. Mes yeux sont encore fixés sur Connor, et son regard se voile d'inquiétude tandis qu'une unique larme coule le long de ma joue. Je l'essuie aussitôt, mais je sais au froissement de ses sourcils et à la contraction de sa mâchoire qu'elle ne lui a pas échappée. Je veux secouer la tête, pour lui dire que ce n'est rien, mais en moins d'une seconde, Connor est debout, et contourne le feu pour me rejoindre.

— Dis-lui, me répète une dernière fois Noah, avant de s'éloigner.

Sa main glisse le long de mon bras, et il part se rassoir auprès du feu. Connor l'observe, l'air perdu, sans interrompre sa course. Il est devant moi en un battement de cil. Ses yeux fouillent mon visage, puis le reste de mon cœur, à la recherche d'une possible blessure. Ne trouvant rien, il place ses paumes sur mes joues, et m'interroge, d'une voix douce :

— Phoeb... Qu'est-ce qui ne va pas ?

Je secoue la tête, retenant les larmes en inspirant profondément.

— C'est Noah qui t'a fait pleurer ? me demande-t-il, perplexe.

— Oui, et... non, avoué-je. Je suis triste pour toi. Ce que ton père te demande... ce n'est pas juste.

Il pince les lèvres, et ne répond rien. L'espace d'un instant, son mutisme me terrifie. Puis, il saisit ma main et m'entraîne à l'écart. Nous marchons deux, trois, quatre, cinq minutes dans le silence, et une fois que la musique et les voix de nous amis ne sont plus qu'un doux murmure portés par le vent, nous nous arrêtons. Puis, il se plante devant moi, et je réalise que ses yeux sont bordés de larmes. Cette vue me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre.

— Est-ce que tu peux me prendre dans tes bras ? me murmure-t-il, et sa voix tremble.

Je reste une seconde pantoise, surprise par sa demande — mais, la seconde d'après, mes bras s'enroulent autour de sa taille, de son buste ; mes mains caressent son dos, remontent le long de sa colonne et viennent frôler sa nuque et la naissance de ses cheveux... Je suis petite, et il est bien plus grand, alors le tenir complètement m'est impossible. Je remarque en le serrant qu'il tremble, et mon cœur se brise. Sa respiration devient plus rapide, comme s'il retenait de pleurer. Je patiente, sans un mot. Le silence serait absolu sans le chuchotement des vagues et la respiration hachée de Connor.

Nous restons ainsi de longues minutes. Quand nous nous séparons, je suis forcée d'admettre que cette étreinte m'a fait autant de bien qu'à lui.

— J'ai peur, Phœbe, m'avoue-t-il.

Je ne sais pas quoi répondre. Il me faut plusieurs inspirations pour trouver mes mots, parce que j'ai peur, moi aussi.

— Même si tu ne finis pas premier... les recruteurs seront forcés de te remarquer. Ta glisse est exceptionnelle, Connor.

Et mon Dieu, je le pense. Pour avoir surfé à ses côtés toute l'après-midi, ainsi qu'aux côtés d'Aspen, je l'ai vu de mes propres yeux. Parfois, leur gestuelle était si parfaite et si précise que je ne savais plus si c'était bien Connor qui obéissait aux lois des vagues, ou... les vagues qui obéissaient aux lois de Connor.

— Certes, tu ne gagneras pas l'argent du prix, mais... tu pourras toujours gagner ta vie autrement. Grâce à tes contrats, et à de petits boulots... Cela demandera des sacrifices, mais tu en es capable. Le surf est trop important pour toi pour que tu y renonces.

Il soupire, et son regard se perd sur l'horizon. Je détaille son visage, soudain fatigué, tiré.

— Je sais tout ça. Depuis ce soir où il m'a présenté ses dernières conditions... je n'ai cessé de retourner le problème dans tous les sens, et j'en suis arrivé aux mêmes conclusions que toi. Quelque part, ce n'est pas plus mal : sans leur argent, il ne pourra plus me faire de chantage. Mais ce n'est pas uniquement leur aide financière, que je risque de perdre si j'arrête mes études de Droit...

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Mon père coupera les ponts, Phœbe. Je le sais. J'ai dépassé les bornes.

Une nausée si forte me prend tout à coup, et je crains vomir mes marshmallows sur le sable. Je parviens tout de même à articuler :

— Qu'est-ce qu'en dit ta mère ?

Son regard se fait plus froid, plus triste, aussi.

— Elle se range de son côté. Elle craint qu'un jour, je ne me blesse et que je ne puisse plus exercer. Elle veut savoir que, quoiqu'il arrive, je vis dignement et à l'abri des besoins.

J'ai beau comprendre le point de vue de Mme Parker, je sais aussi que les seuls besoins dont Connor se soit jamais préoccupé sont la météo, la hauteur des vagues et le cycle des marées.

— Il faut du courage pour vivre de sa passion. Et tu as ce courage en toi, Connor. Tu as tout ce dont tu as besoin, dis-je.

Ma main se glisse dans la sienne, et il suit mon mouvement du regard. Ce dernier est soudain tordu par la souffrance, et ma gorge se serre. Il resserre ses doigts autour des miens, avant de secouer la tête. Ses yeux sont perdus dans le vide tandis qu'il souffle, tout bas :

— Sauf toi. Il ne me manque que toi.

Mon cœur s'emballe. Je déglutis.

— Tu sais que c'est faux, Connor, murmuré-je. Je suis là.

— Ce n'est plus suffisant, Phœb. Nous sommes plus que des amis, et tu le sais. Tu me veux autant que je te veux.

Sans lâcher ma main, il se place face à moi. Son torse est si proche, je peux presque sentir la chaleur émaner de sa peau. Il n'est qu'en t-shirt, je suis en pull, et pourtant le vent frais du soir ne lui fait rien. Il fait trop sombre pour que je distingue avec précision l'entièreté de son visage, mais je l'ai observé si souvent que je le connais par cœur. Et pourtant, une fois encore, je ne peux m'empêcher de le regarder, de le fouiller, comme si le risque d'avoir manqué un détail m'était insupportable.

— Tu es si belle, murmure-t-il, tout bas — si bas, que je crois un instant l'avoir rêvé, comme si ce n'était rien d'autre qu'une pensée que ses lèvres auraient laissé échapper.

Mes joues rougissent, mes oreilles me brûlent, mais je ne recule pas. Nerveuse, je guette la peur, l'appréhension, le doute — mais cette fois, ils ne viennent pas. Je fais un pas de plus, et relève la tête vers lui. Nos visages sont si proches... ses lèvres frôlent mon front.

— Cet été-là, quand tu es partie pour Sydney... tu m'as brisé le cœur. Mais malgré tout ce qui s'est passé, tu me manques encore. Tu ne cesseras de me manquer. Je n'aurais jamais assez de toi, de ta présence, de ton toucher, de tes regards et de tes mots. Tu étais... es tout pour moi. Et j'aurais dû te le dire.

— Pourquoi avoir entendu si longtemps ? Pourquoi ne m'avoir rien dit, quand nous étions au lycée ?

Cinq ans. S'il dit vrai, cela fait cinq ans. Ma tête me tourne rien que d'y penser.

Ses lèvres laissent échapper un soupir tremblant. Son autre main remonte le long de mon bras, jusqu'à mon épaule, et je frissonne de la tête aux pieds. Ses yeux se perdent sur ma peau. Je poursuis plus bas, comme si je partageais un secret :

— Et Connor... tu as eu plusieurs copines. Je n'ai jamais eu de raison de croire que nous étions plus que...

Je m'interromps. Les souvenirs me reviennent, et je revois ses filles, comme des ombres parmi le groupe, à la fois présentes et absentes ; assez là pour que nous les remarquions, et à la fois invisibles, car Connor ne les ramenait jamais à nos sorties, ou si peu souvent que ma mémoire me fait défaut. Dans ma tête, peu ont encore un nom, ou même un visage. Je ne crois pas qu'il m'en ait même déjà présenté une. Sa vie sentimentale et, disons-le, sexuelle, m'apparaissaient de manière inattendue : une fille qui sort précipitamment de chez lui, à peine habillée, une autre qui l'embrasse en l'accompagnant à la plage, avant de s'éloigner... je ne comprenais que plus tard, en voyant certains visages se répéter, que ces filles étaient ses petites amies.

— Ça aurait dû être toi. Ça aurait dû être toi, me répète-t-il simplement.

Et avec les regrets, les remords que je lis sur son visage... je le crois. Mais c'est douloureux, tellement douloureux. Ma main se resserre autour de la sienne, et je dois me souvenir d'inspirer profondément. Certains mots commencent à se former sur ma langue, de plus en plus forte, de plus en plus difficile à retenir...

— Je ne peux plus embrasser des filles, et prétendre qu'elles sont toi, souffle-t-il. Je ne peux plus.

Ses yeux sont fermés, tandis que son front retombe contre le mien. Ses cheveux bruns, qui apparaissent presque noirs dans l'obscurité du soir, frôlent ma peau. Je ferme les yeux, car mon cœur bat si vite, et je tremble, et les vertiges me secouent si fort... mais j'inspire, expire, profondément, plusieurs fois... et je dis :

— Je t'ai aimé la première.

Six mots, et pourtant, ils résonnent entre nous — et en moi-même — comme une bombe. Mon monde vole en éclats, et j'en suis seule responsable. Pourtant, je les laisse glisser sur ma langue, remplir notre silence, ces centimètres qui nous séparent. Je les laisse retentir entre mes oreilles, secouer mes membres, faucher le sol sous mes pieds.

Quand je rouvre les yeux, à bout de souffle, Connor me dévisage. Ses yeux sont ronds comme deux soucoupes, et rouges. Seules les veines de ses tempes, qui battent la cadence, me confirment qu'il vit encore. Sa lèvre tremble, tandis qu'il ouvre et referme sa bouche, plusieurs fois.

— Qu'est-ce que tu as dit ? finit-il par chuchoter, la stupéfaction faisant vibrer sa voix grave.

— Tu étais trop occupé à sortir avec ces filles, à les embrasser, pour remarquer que j'étais amoureuse de toi, susurré-je en fuyant son regard. Depuis le premier jour.

Et tandis que ces mots s'échappent depuis le fond de mon ventre, je me sens prête à tomber à genou. Seule la prise de Connor sur ma main et sur mon épaule me maintient encore debout.

Le sourire et le regard qu'il m'a adressé cette soirée-là, déguisé en Anakin... ils ne m'ont jamais quittée. « Sérieusement ? Tu lis en pleine soirée, Padmé ? » m'avait-il lancé sur le ton de la confidence, me sortant de ma lecture. Il n'était encore qu'un parfait étranger... j'étais loin de me douter qu'il allait bouleverser ma vie comme il l'a fait. À ses mots, énoncés comme si nous étions déjà des amis de longue date, mes joues avaient rougi violemment. Et moi qui ai toujours eu la langue bien tranchée, qui n'ai jamais eu peur d'exprimer ce que je pensais... Les mots me faisaient soudain défaut. Ça ne m'était jamais arrivé, avant ce soir-là. Brusquement, je n'étais plus capable de rien, de rien sauf de me demander en boucle ce qu'un garçon aussi beau faisait juste en face de moi. Et dans mon embarras... j'avais répondu : « Eh oui, contrairement à d'autres, certains savent lire. » Il m'avait dévisagé, stupéfait une seconde, avant de rétorquer avec un rire : « Et certains, contrairement à d'autres, savent s'amuser. » Puis il m'avait invité à danser, et à me joindre à Aspen et lui. Ce soir-là, j'ai su que j'étais enfoncée jusqu'au cou ; trop profondément pour faire machine arrière. J'ai compris que, dorénavant, il y aurait un avant et un après Connor.

Oui, une partie de moi l'a toujours su. Il y a toujours eu plus, entre nous. Les mois, les années qui ont suivi n'ont fait que confirmer ce sentiment. Même moi, je ne suis pas assez naïve pour le nier. La Phœbe qui a posé les yeux sur Connor pour la première fois en était même certaine. Mais avec le temps, les études et la vision de ces filles qui défilaient, je l'ai oublié. J'ai préféré l'enfouir au fond de moi. C'était plus simple — moins effrayant.

Je relève la tête vers Connor. Je me sens si petite ; et une fois de plus, je ne peux que remarquer à quel point il est grand. Un immense sourire barre son visage. Ses yeux brillent, comme je ne l'ai jamais vu — sauf que contrairement à toute à l'heure, je n'y lis aucune tristesse. Qu'une joie ardente et lumineuse.

Sa main quitte mes doigts, et ses paumes remontent le long de mon corps pour se retrouver autour de mon cou, puis de mes joues. Son toucher est doux, délicat. Il se penche, et, tout contre mes lèvres, il chuchote :

— Enfin.

Et il m'embrasse.

Ma tête se vide, et mon corps prend le relais ; je ne sais pourquoi ni même comment c'est possible, mais il semble se souvenir alors même que c'est la première fois.

Les lèvres de Connor sont fermes et impatientes, et si les miennes sont d'abord surprises et nerveuses, elles ne tardent pas à prendre le rythme et à leur rendre la même passion. Notre baiser est sucré, comme ces friandises que nous dévorions quelques minutes plus tôt.

Mon cœur tambourine dans mes oreilles, alors que ma température corporelle monte en flèche. Je n'ai plus froid, et ce sentiment ne fait que s'intensifier tandis que ses doigts caressent les contours de ma mâchoire ; en réponse, mes mains se glissent le long de son cou, puis dans ses cheveux. Il lâche un grognement qui me fait frissonner de la tête aux pieds, jusque dans le fond de mon ventre. Je soupire contre sa bouche, dans une feinte tentative de soulager toutes ces sensations qui m'assaillent de toute part, et menacent de me faire exploser. Connor est partout, et je ne sais plus où donner de la tête. Je ne sens plus que lui, lui et rien d'autre. C'est trop... trop, et pourtant, ce ne sera jamais assez.

Je m'accroche à ses épaules. Mes genoux flagellent tandis que sa langue caresse la mienne ; nous ne disons pas un mot, et pourtant, quelque chose de bien plus puissant et explicite que nos mots se dit dans leur danse. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale tandis que sa bouche quitte précipitamment mes lèvres pour se poser sur la peau fine de mon cou, sur mon oreille. Je penche la tête de côté, cherchant de l'air, de l'air — bien que ce baiser me fasse l'effet d'une bouffée d'air salvatrice ; comme si je m'étais trouvée sous l'eau, toutes ces années, et que ce soir, je retrouvais la surface.

Mon corps se cambre contre le sien. Le mouvement est si soudain que je doute avoir encore le moindre contrôle sur lui. Je me vois de haut, alors que mes hanches se frottent aux siennes, que mes seins se pressent contre son torse. Il lâche un gémissement. Son cœur bat à toute vitesse, je le sens contre moi.

Et tout à coup, comme pour désamorcer cette bombe que nous sentons grandir entre nous, Connor cède à un rire, qui retentit contre mes lèvres. Il est clair, cristallin et presque enfantin, porteur d'un bonheur que je n'avais encore jamais perçu dans sa voix.

Ses mains se posent de part et d'autre de mes joues, jouant avec mes cheveux, caressant du bout de l'index le haut de mes pommettes. Je relève les yeux vers lui, essoufflée ; mes joues et mes lèvres sont certainement écarlates, mais je n'arrive à penser à rien d'autre qu'à Pourquoi s'est-il arrêté ?

La tendresse et la passion que je lis dans les yeux ambrés de Connor, pourtant, m'ôtent tout mot.

— Est-ce que tu me fais confiance ? me chuchote-t-il alors, comme s'il craignait que le monde nous entende.

— Plus que quiconque.

Il rougit, et l'émotion submerge ses traits. Il se mord la lèvre, avant de me demander :

— Est-ce que je peux être ton petit-ami, maintenant ?

Je n'ai pas les mots, alors je hoche la tête. Mes yeux parlent pour moi. Ils ne tremblent plus.

Connor sourit de toutes ses dents. Je souris en retour. Mon cœur va exploser, pensé-je.

Quand il me prend dans ses bras, me serrant fort contre lui, je sais que je suis à ma place. Et une voix, de moins en moins petite en moi, chuchote : « Et j'y reste ».

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