Follow your fire

By NeoQueenSerenity28

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"Il faut suivre son coeur, suivre sa flamme, faire de notre feu intérieur le phare de notre vie. Quitte à se... More

Un petit mot & TW
Playlist
1 - El : Falling apart
2 - Phoebe : Back home
3 - El : A way out
4 - Phoebe : I need a drink, please.
5 - El : Never let a boy get you down
6 - Phœbe : I knew you were trouble
7 - El : Stand up
8 - El : To smile again
9 - Phœbe : Your fault
10 - El : Fall back and get up again
11 - El : Let's do this
12 - Phoebe : A stranger or a ghost ?
13 - Phoebe : Dance with me
14 - El : Dancing till dawn
15 - Phoebe : Talk to me
16 - El : Not alone anymore
17 - El : Scream if you want to
18 - Phoebe : Good person, good time
19 - Phoebe : I need you
20 - El : Hold me tight
21 - El : Take care of you
22 - Phoebe : Did you give up on me ?
23 - Phoebe : Lost without you
24 - El : A full heart
25 - Phoebe : I wasn't ready to say goodbye
26 - El : Where I belong
27 - El : I See You
29 - Phœbe : Don't Let The Fear Win
30 - Phoebe : Are You Flirting With Me ?
31 - El : Let there be the light
32 - Phoebe : Better a heartbreak than nothing
33 - El : Feeling the wave
34 - Phœbe : Only You
35 - Phoebe : Are we too far gone ?
36 - El : The final countdown
37 - Phoebe : Cause you make me feel alive

28 - Phœbe : Afraid of myself

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By NeoQueenSerenity28

Les yeux fermés, je savoure la sensation des doigts de Fallen glissant dans mes cheveux. Voilà une demie-heure que mon amie prend le temps de les peigner et de les tresser — et je la suspecte de faire durer la chose, puisqu'elle sait à quel point cela m'aide à me détendre. Je lâche un soupir de plénitude, appréciant le souffle du vent du soir contre mes joues. Un sourire étire mes lèvres tandis que je me rappelle notre danse, toute à l'heure. Éléonore me serrait les mains, elle avait l'air si heureuse. Mon rire s'est joint au sien, je n'ai pas pu le retenir. Je n'arrivais plus à m'arrêter — et cela ne m'était pas arrivé depuis très longtemps. Mes pieds frappaient contre le bois du bateau, et je me sentais si libre, et si légère. Les pensées obsessionnelles qui ne me quittaient plus depuis quatre jours se sont soudain éteintes : je n'entendais plus que la musique, cette musique d'une autre époque, celle que nos parents écoutaient quand ils avaient notre âge et que nous reprenions en espérant rattraper le temps.

À côté de moi, Noah et Kaia discutent gaiement. Je perçois les frottements des pages du carnet, le rire de Cora aux plaisanteries de Gabriel, et même Aspen et Éléonore chuchoter, dans leur coin. Seul Connor est silencieux. Pourtant, comme d'habitude, il est celui qui prend le plus place. Je pourrais être dans une salle noire de monde, bondée et bruyante, et ne voir que lui, n'entendre que lui. Lui, lui, lui. Voilà quatre jours, et ce qu'il m'a dit dans le couloir de cet hôpital ne quitte pas mes pensées : « Je t'ai confié mon cœur. Je te l'ai donné ce premier jour où tu as croisé mon regard. » ; « Je sais que j'ai été horrible, que ce garçon que tu as vu pendant deux ans t'a fait peur. Tu as besoin de temps, je comprends, et je serai là quand tu seras prête. La balle est dans ton camp. »

Peut-être arriverais-je à penser correctement si je parvenais à dormir la nuit. Mais depuis l'incendie, je dors très mal. Quand je ne rejoue pas en boucle le regard que Connor m'a lancé quand je lui ai tourné le dos, je le revois en train de se jeter dans les flemmes. Je me réveille une fois sur deux en sueur, tremblante, et il me faut une minute pour me souvenir qu'il en est ressorti, qu'il est vivant et qu'il dort dans la pièce d'à côté. La plupart du temps, je me blottis un peu plus contre Fallen, et me rendors. Parfois, je n'ai pas cette chance, et les premiers rayons du soleil apparaissent dans le hublot pour noyer la pièce de lumière ; à partir de là, impossible de me rendormir. Noah, le lève-tôt de la bande, m'a plusieurs fois surprise sur le pont à huit heures et lisant au soleil. Si, le premier jour, il a tenté d'engager une discussion, les jours suivants, il a compris que j'avais besoin d'être seule.

Mais ce soir, je me sens bien. Sereine. Peut-être aurai-je droit à une nuit calme, cette nuit. Le temps où j'angoissais pour mes examens paraît loin, tout d'un coup. Gribouiller quelques réponses sur une feuille de papier me semble si insignifiant, maintenant.

Je sursaute tandis qu'on me frôle la hanche. Mes yeux se rouvrent à toute vitesse, et je découvre que Connor m'a touchée en voulant ajuster sa position sur le coussin. En me voyant, il murmure un rapide « excuse-moi », mais je lis sur son visage qu'il n'en pense pas un mot. Sa lèvre frémit, et je devine un sourire. Mes joues rosissent. Il détourne la tête, comme si de rien n'était, et referme les yeux, les bras croisés derrière sa nuque. Sa chemise remonte légèrement sur son ventre, dévoilant les contours de ses abdominaux, et je dois résister à la tentation de le sentir sous mes doigts. Mes yeux remontent le long de son ventre, de ses bras, et arrivent sur son visage. Je profite qu'il somnole pour l'observer — et, s'il le sait, il n'en fait rien, me laissant l'examiner à ma guise. Je détaille les contours de sa mâchoire, bien plus marquée depuis deux ans ; il ressemble de plus en plus à son père, mais je sais que pour lui ce commentaire n'aurait rien d'un compliment. Sa peau est moins lisse que d'habitude, il ne s'est pas rasé. Je m'attarde sur les grains de beauté sur son visage — un dans le coin extérieur de son œil droit, et l'autre au-dessus de son arcade sourcilière gauche. Je les connais par cœur, mais je dois reconnaître que je les aime toujours autant. Fut un temps, c'est là que j'appréciais l'embrasser, quand nous étions jeunes et innocents, quand le geste n'avait pas autant de signification qu'il n'en aurait eu aujourd'hui. Mon regard suit la tracé en amande de ses yeux, ses épais sourcils noirs et froncés, la ligne droite de son nez, l'arc de ses lèvres pleines — et son air à la fois taquin et boudeur, même quand il est endormi.

Une petite tape sur mon épaule me tire de ma contemplation. C'est Fallen, qui se relève d'un air satisfait, en me montrant ma tresse — mes cheveux sont assez longs pour qu'elle puisse la brandir devant mon nez sans que ceux-ci ne me tirent.

Tadaam ! J'avoue que je ne suis pas peu fière, elle est très bien réussie. Ses yeux bleus me détaillent avec fierté, et elle met une seconde de plus avant d'ajouter, pensive :

– Tu ressembles à une sirène, maintenant.

Je rougis. Elle ponctue sa remarque d'un petit sourire sincère, et se redresse puis s'éloigne, rejoignant gaiement l'autre côté du pont pour s'assoir à côté de sa petite amie. Mes doigts caressent d'un geste distrait la natte qui pend désormais à mon épaule.

– Elle a raison, déclare soudain Connor, et je me tourne lentement vers lui.

Ses yeux ambre me toisent avec intensité. La confusion doit se lire sur mon visage, car il précise :

– Tu pourrais être une sirène.

Je pouffe et lève les yeux au ciel. J'attends le moment où il va rire et ajouter que ces créatures n'existent pas et que c'est une blague, mais il n'en est rien. Mon regard tombe sur la bouteille de vin à moitié entamée à côté de nos assiettes empilées, et je réplique en la désignant d'un mouvement de menton qu'il a sûrement trop bu pour dire une chose pareille.

– Je n'ai jamais eu besoin de boire pour te trouver belle, Love, répond-il alors.

Je me tourne vers lui, le cœur battant. Il me regarde déjà, guettant sûrement ma réaction. Son visage affiche la plus parfaite nonchalance, comme si ce qu'il venait de dire était de la plus grande banalité. Une sensation de déjà-vu me prend tout d'un coup, mais j'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne crois pas l'avoir déjà entendu me le dire en face. Et, soudain, je réalise que le Connor qui vient de prononcer ces mots n'est pas mon meilleur ami ; que ce qui se dégage de ses paroles n'est pas de l'amitié, mais quelque chose de plus grand, de plus fort. Si un inconnu était passé à côté de nous et l'avait entendu, il aurait assumé que nous étions bien plus l'un pour l'autre que des amis. Son discours a changé. Le ton avec lequel il prononce ses mots a changé. Son regard, également. Je ne lis plus aucune retenue, plus aucune pudeur. Si je m'y autorisais, je pourrais lire toutes ses pensées sur son visage ; il semble me les confier sans gêne — plus encore, il semble déterminé à ce que je les entende. La balle est dans ton camp, m'avait-il dit.

Je bredouille un « merci », mais ses yeux ne quittent pas pour autant mon visage. Un moment s'écoule avant qu'il n'ajoute, l'inquiétude assombrissant son regard :

– Cela dit, tu as l'air fatiguée.

– Je dors assez mal, répondis-je du tac au tac, réfrénant mal la vexation dans ma voix.

– Phœbe, me reprend-il en soupirant, se redressant sur ses coudes.

Je dois lutter pour ne pas fixer son torse qui s'étire et ses biceps qui se gonflent dans le mouvement. À la place, je m'applique à regarder mes mains, jointes autour de mes genoux.

– Est-ce que tout va bien ? Tu es bien silencieuse depuis quelques jours.

Non. Tout ne va pas bien. Tu as failli mourir. Éléonore a failli mourir. Tu m'as dit être amoureux de moi depuis des années, et je suis perdue. J'ai peur, peur, peur — peur de te perdre, peur de t'aimer plus que tu ne m'aimes, que tu te lasses et que tu ne retournes auprès de toutes ces filles, plus faciles, plus jolies — peur d'être trop, trop sensible, trop intense et que cela te fasse peur — peur que toutes ces émotions ne me fassent perdre la tête et mon diplôme au passage —

Une urgence soudaine me pousse à tout lui dire, maintenant, tout de suite, mais ma gorge se serre et ne laisse passer aucun mot. Ma tête est si pleine que je n'en distingue plus aucun, de toute façon.

– Tu l'as dit toi-moi : je suis fatiguée, réponds-je à la place.

– Je te connais mieux que personne. Je peux voir que quelque chose ne va pas, insiste-t-il.

– Connor, arrête.

Il se fige. Je me pétrifie. Mon ton s'est fait plus agressif que je ne l'aurais voulu. Ses yeux dorés m'observent, avec une telle intensité que je me sens redevenir petite fille. J'y décèle de la tristesse, de la frustration, et cette chaleur qui ne quitte plus ses prunelles depuis ce soir où il m'a tout avoué. « Je t'ai confié mon cœur. Je te l'ai donné ce premier jour où tu as croisé mon regard — mais tu es partie. Tu es partie à Sydney, et tu l'as pris avec toi. » J'ouvre la bouche pour m'excuser, mais je me sens brusquement horrible, et ridiculisée. Tu fais tout de travers !, siffle une voix en moi.

Malgré le poids de son regard qui m'écrase, je parviens à me relever. Je bredouille vouloir aller me coucher, mais sans me laisser le temps de fuir, il bondit sur ses pieds et me rattrape par le poignet. Je frissonne à son contact.

– Comment est-ce que tu fais ? me murmure-t-il, d'une voix grave.

Ses doigts tremblent autour de mon poignet. Son visage est tendu, sa mâchoire serrée et ses yeux brillants. Je fronce les sourcils, perdue.

Fais quoi ?

– Ignorer ce qu'il y a entre nous. Oublier. Fermer les yeux et refuser l'évidence. Parce que ça fait cinq ans que j'essaye, mais un regard, un toucher de ta part anéantit tous mes efforts. Si tu comptes me laisser à ma misère, si je me suis trompé et que tu ne ressens pas la même chose, j'ai besoin que tu me le dises, Phœbe. Maintenant.

Je déglutis. Mon cœur pèse si lourd dans ma poitrine que je crains que mes jambes ne soient pas assez fortes pour le porter. Mes yeux me brûlent, et je me mords la lèvre. Hors de question, me dis-je en sentant monter les larmes. Il est hors de question que je pleure.

Ses doigts desserrent mon poignet, et le cœur battant, je les observe remonter le long de mon bras nu et frôler la bretelle de mon débardeur, de mon soutien-gorge — en dentelle noire, comme ce soir-là, dans sa chambre d'ami. À cet instant, je maudis Cora, qui m'a convaincue de le garder, car mes joues sont soudain brûlantes. Le souvenir semble nous revenir à tous les deux, car ses doigts s'interrompent dans leur course et ses pupilles se dilatent. Ma respiration se coupe. Cela ne dure qu'une longue seconde avant que ses doigts ne balaient ensuite la peau fine de mon cou, de ma nuque, jusqu'à caresser l'arrière de mon oreille. Un instinct venu des profondeurs de mon ventre m'urge de rejeter la tête en arrière, d'accueillir le contact et de le rechercher davantage, de fermer les yeux, d'entrouvrir les lèvres —

Dis-le, vas-y, m'urge-t-il tout bas. Ose me dire que tu ne ressens pas la même chose.

Son ton est un mélange étrange entre douceur et passion, entre fougue, désir et patience. Il me défie du regard, et je me sens avoir la chair de poule. Dis-le, dis-le, dis-je, chantonne cette voix dans ma tête.

– J'ai peur, déclaré-je alors, si bas que je ne suis même pas sûre de l'avoir dit à voix haute.

Connor me dévisage. Je ne lis aucune surprise dans son regard ; il le savait déjà. Un voile de tendresse apaise ses traits, et il se rapproche, son visage à quelques centimètres du mien. Je ne recule pas.

– Moi aussi, réplique-t-il, d'une voix douce. Laisse-moi être courageux pour nous deux, pour commencer.

Je souris faiblement, mais ne réponds rien. Car, tandis que mon regard se perd au-delà de son épaule, je découvre Aspen et Éléonore, pris dans une étreinte et un baiser qui me laisse le souffle coupé. La belle Française a enroulé ses bras autour du cou de mon ami, et ses joues sont rouges, ses yeux fermés et le visage traversé de désir. Les mains d'Aspen sur sa taille semblent être la dernière chose qui l'empêche de tomber. Celui-ci la serre avec force, la soulevant presque dans les airs, et l'embrasse avec passion. Son visage est lumineux. La scène est magique, avec la lueur des guirlandes créant un jeu de lumière et d'ombres sur leur visage, et la lumière de la lune et des étoiles qui se perd sur l'eau en arrière-plan. Le souvenir du tableau de Zichy, le Baiser, me traverse l'esprit.

La stupeur doit se lire sur mon visage, car Connor fait volte-face. À la vue du couple nouvellement formé, il écarquille les yeux. Mais la stupéfaction laisse rapidement place à la joie, tandis qu'un large sourire étire ses lèvres pleines et découvre ses dents. Il secoue la tête, et s'esclaffe silencieusement. Je relève les yeux vers lui, et au même moment, il se retourne vers moi. Mon regard tombe sur ses lèvres. Son sourire disparait tandis qu'à leur tour, ses yeux fixent les miennes. Mon cœur bat si vite dans ma cage thoracique que je crains qu'il ne s'en décroche. Il reste immobile, patient, à l'affût de mon prochain mouvement.

Je n'ai toujours pas fait un pas en arrière tandis que je déclare, essoufflée :

– Je vais aller me coucher.

Il opine, mais c'est à peine s'il m'a entendue. Je reste une seconde de plus, plantée là, ne sachant quoi faire de mes mains, de mes bras, de mon corps tout entier. La gêne me monte aux joues, et je me sens ridicule. Tu ne sais pas comment faire. Tu n'y connais rien. Tu n'as jamais embrassé personne... et il a des dizaines de filles plus expérimentées avec qui te comparer. Tu ne sais pas faire, répète cette voix dans ma tête, encore et toujours, et je pourrais hurler face à la frustration qui me mord le cœur.

Une seconde plus tard, je fais volte-face si vite que j'en ai presque le tournis. Mes jambes me portent toutes seules, et, en quelques enjambées seulement, trop pressées pour être naturelles, je regagne les cabines du bateau.

*

Son visage est déformé par le chagrin et la douleur. Comme pris de folie, ses yeux parcourent la foule. Je hurle, je hurle, mais aucun son ne franchit la barrière de mes lèvres. Les flammes sont si hautes qu'il disparait presque, et les secondes s'égrainent — le temps avant qu'il ne disparaisse et ne m'échappe à tout jamais m'est compté. Je veux le rejoindre, jouant des coudes pour franchir la masse humaine et sombre qui me sépare de lui ; mes bras les poussent sans vergogne, mes pieds frappent le sol, je tombe à plusieurs reprises et manque de me faire écraser et piétiner. Je cours, cours, cours encore, à bout de souffle, hurlant son nom de plus en plus fort, mais la distance entre nous ne fait que croître. Je réalise avec horreur que loin d'avancer, je ne fais que reculer. Je suis coincée, réalisé-je. Le désespoir qui me prend est si grand que je me sens m'y noyer. Il crie mon nom, je lui hurle « reste, reste, n'y va pas, je suis là », mais il ne m'entend pas, et saute dans les flammes. Aussitôt, la nausée, les bleus sur mes bras, la douleur dans ma gorge pour avoir trop crié disparaissent, remplacés par une souffrance insupportable, celle d'un feu qui me dévore, me consume — et je comprends que ce n'est pas ma douleur, mais la sienne, et qu'il est en train de mourir, par ma faute, ma faute — je tends le bras vers lui, les larmes dévalant mes joues, et l'agonie est si atroce que je tombe à genoux. Le monde se fait silencieux, la foule disparait, libérant mon champ de vision. J'assiste, impuissante, à son supplice, à sa peau qui brûle, à ses pleurs tandis qu'il se débat dans les flammes, sans jamais cesser de crier mon nom. Boum. Boum. Boum. Mon cœur faiblit à mesure que le temps qu'il me reste s'écoule, et je veux lui dire tout ce que je ne lui ai jamais avoué, tout ce que je ne me suis jamais avoué à moi-même, mais il est trop tard —

Je me réveille en sursaut. Les larmes dévalent mes joues, mes cheveux restent collés sur mon front et ma nuque à cause de la transpiration. Le vieux t-shirt qui me sert de pyjama est poisseux contre mon dos. Mon oreiller est lui aussi mouillé par mes pleurs. Je tente de reprendre ma respiration, de prendre conscience de mon environnement, mais ma vision est floue, le noir est opaque et m'effraie ; mes oreilles sifflent et le murmure des vagues, du vent, les claquements des voiles ont disparu. Je n'entends rien d'autre que mon cœur qui bat, ma respiration hachée. Je n'arrive pas à respirer, je n'arrive pas à respirer

Il est mort

Il est mort

Il est mort —

Ma couette vole, et en une seconde, je suis debout, marchant pieds nus dans le couloir qui sépare les différentes cabines. Ma tête me tourne pour m'être levée trop vite, et le bateau qui tangue sous l'assaut du vent nocturne n'aide pas. Je frissonne quand un courant d'air s'infiltre dans mon t-shirt et refroidit mon dos mouillé.

Ce n'est qu'un cauchemar, non

Non ?

Il est mort —

Avançant à l'aveugle, je suis du bout des doigts le tracé des murs pour me repérer. Je n'ai aucune idée du bruit que je suis en train de faire, avec mon souffle saccadé, les sanglots dans ma gorge, mes pieds qui frappent le sol et se cognent à chaque coin, mes doigts qui glissent contre les murs. Mais je sais qu'en moins de dix secondes, je suis sur le seuil de la cabine des garçons, tentant de repérer dans le noir la couchette de Connor.

Boum. Boum. Boum. La peur me dévore la poitrine, mon cœur bat à toute vitesse, et je me mords la lèvre pour m'empêcher de respirer trop fort. Mes yeux se plissent, tentant de se faire à l'obscurité — et c'est d'autant plus difficile que je suis à un rien de fondre en larmes.

Où est-il

Où est-il —

– Phœbe ? chuchote-une voix enrouée.

La lumière d'un téléphone s'allume, et ses yeux, son visage me fixent d'un air endormi et ébloui. Un sanglot s'échappe de ma gorge. Il est là, il est là, réalisé-je. Mon regard embrasse ses cheveux en bataille, son visage adouci par le sommeil, son t-shirt froissé. Je le dévisage derrière mes larmes, une main sur ma bouche pour taire mes pleurs. Connor pâlit, et en une seconde, nous sommes tous les deux dehors, et je suis dans ses bras.

– Tu es là, tu es là, chuchoté-je, n'arrivant plus à retenir les larmes.

– Je suis là, répète-t-il, et il me serre plus fort.

Sa main caresse l'arrière de mon crâne, plongeant un peu plus mon visage dans son t-shirt. Je m'agrippe de toutes mes forces à son bassin, et inspire, expire profondément plusieurs fois. Une, cinq, dix minutes — je ne sais pas — s'écoulent tandis que je m'applique à retrouver un rythme respiratoire normal. Tu as fait une crise d'angoisse, me dis-je. Ce n'était pas réel. Je me concentre sur son odeur, son contact, et peu à peu, mon corps semble retrouver son centre, son équilibre.

– Je suis désolée, bredouillé-je. Je ne voulais pas te réveiller.

– Non, non, tu as bien fait.

Sa voix est rauque, rassurante. Sa main descend dans ma nuque, et ses bras me gardent au chaud malgré l'air et le vent marins qui soufflent dehors.

– Que s'est-il passé ? me demande-t-il après un silence.

– J'ai... j'ai fait un cauchemar. Je voulais être sûre que... que tu allais bien.

Que tu étais en vie, n'osé-je pas ajouter, moins pour lui que pour moi-même.

Il se fige. Son cœur redouble de vitesse contre mon oreille. Il se détache délicatement, et je dois me retenir de protester. Ses deux mains enveloppent mon visage, et je rouvre les yeux. Ses iris, dorés, endormis, me toisent avec émotions. Un frisson remonte le long de ma colonne.

– Ça t'arrive souvent, ces derniers jours ?

J'opine, la gorge trop serrée pour articuler quoique ce soit.

Il soupire, et serre la mâchoire. Son regard se fait plus ombrageux. Il ajoute, à mi-voix :

– C'est pour ça que tu n'arrives pas à dormir ?

– Entre autres, croassé-je. D'habitude, j'arrive à me... à me rendormir.

Il blêmit un peu plus, et son regard se perd une seconde dans le ciel nocturne. Sa pomme d'Adam roule dans sa gorge. Il reste muet une longue minute. Sur son visage se bousculent mille émotions, et je bredouille, encore une fois :

– Je suis désolée.

Shhh, ne le sois pas. Je les ai, aussi. Ces cauchemars.

Je fronce les sourcils, tandis que ma paume balaie mes joues pour essuyer mes larmes.

– Quoi ?

– Pendant longtemps, je voyais Emy... dans une voiture qui... qui ne voulait pas s'arrêter. Avec des flammes, du sang... tellement de sang. Et je ne pouvais rien faire. Puis, quand tu es partie à Sydney, je suis devenu obsédé par l'idée que tu avais eu un accident, et que je l'apprenais trop tard, que je n'avais pas pu te sauver... le visage d'Emy est devenu le tien. Et depuis quatre jours...

Il s'interrompt. Ses yeux me fuient, sombres et humides.

– J'ai beau savoir que tu n'y étais pas, je n'arrête pas de t'imaginer coincée dans un coin de ce foutu bar, en train de brûler vive... j'entends ta voix, mais je ne te trouve pas.

Il serre les dents. L'expression de son visage est tendue, assombrie par l'angoisse. Il semble loin, tout à coup. Mon ventre se tord de douleur, et je retiens un nouveau flot de larmes face à la tristesse de ses aveux. Je retrouve ma place dans ses bras, dans sa chaleur, et chuchote :

– On ne devrait pas avoir aussi peur de la mort, à notre âge. Ce n'est pas normal.

Connor hausse les épaules.

– Je pense que c'est pour ça aussi qu'on vit aussi intensément. On ne mesure réellement le temps qui passe et la valeur de la vie qu'une fois qu'on les a vu nous filer entre les doigts une première fois.

Je souris tristement.

– Tu te fais philosophe, maintenant ?

– C'est bientôt la pleine lune, et Kaia te dirait que le signe du Poisson dans ma neuvième maison m'aide à exprimer les sentiments.

Je sais que c'est totalement absurde et que ce qu'il dit n'a d'autre vocation que de me faire rire ; mais ça marche. Un rire larmoyant m'échappe, et il s'esclaffe en plantant un baiser sur le haut de mon crâne.

– Allez, viens, retournons nous coucher. On a une journée chargée demain.

J'opine, mais mon sourire faiblit. Ses yeux s'assombrissent tandis qu'il le remarque. Sa main saisit la mienne, et il murmure :

– Tu peux dormir avec moi. Mon lit n'est pas trop petit, ça ira.

Une partie de moi est tentée de refuser, mais elle est rapidement contrainte au silence par la vague de soulagement que je sens se répandre en moi à l'entente de sa proposition. Alors j'acquiesce, trop fatiguée et trop bouleversée pour lutter contre moi-même.

– Au réveil... Les garçons... commencé-je, les joues rouges.

Il me jette un regard, et je vois sa bouche frémir — réprimant sûrement un sourire. Cela ne fait que me faire rougir davantage.

– ... n'apprendront rien qu'ils ne savent pas déjà, déclare-t-il d'une voix grave et espiègle. Me concernant, en tout cas.

Je ne réponds rien. Quelque chose s'envole dans mon ventre. Ma main se resserre autour de la sienne tandis qu'il me guide dans le couloir d'un pas expert.

Nous pénétrons dans sa chambre sur la pointe des pieds. Je réprime un rire en entendant les ronflements de Noah et Gabriel, et en remarquant qu'Aspen dort avec un oreiller sur les oreilles. Il y a deux paires de lits superposés, et Connor dort en dessous d'Aspen. Heureusement, car je nous vois mal grimper à deux sans réveiller toute la cabine.

Connor m'indique silencieusement de passer devant lui, et je m'installe dans son lit, face au mur. Une seconde plus tard, le matelas s'affaisse une seconde fois et une chaleur nouvelle m'enveloppe le dos. Un bras m'enserre la taille, et un souffle régulier s'installe dans le creux de mon cou. Ses jambes frôlent les miennes. Je frémis, mais accueille avec délice cette sensation encore nouvelle, mais si réconfortante. Naturelle.

– Dors, Love. Je serai là demain matin.

J'opine. Blottie contre lui, le contact solide et doux de son corps contre le mien annihile mes pensées noires. Ma respiration est paisible, et mon cœur finit par ralentir. Malgré l'émotion que me procure l'idée de savoir qu'il est tout proche, mes paupières s'alourdissent. Il ne me faut que quelques minutes pour que je ne sombre à nouveau dans le sommeil.

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