Follow your fire

By NeoQueenSerenity28

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"Il faut suivre son coeur, suivre sa flamme, faire de notre feu intérieur le phare de notre vie. Quitte à se... More

Un petit mot & TW
Playlist
1 - El : Falling apart
2 - Phoebe : Back home
3 - El : A way out
4 - Phoebe : I need a drink, please.
5 - El : Never let a boy get you down
6 - Phœbe : I knew you were trouble
7 - El : Stand up
8 - El : To smile again
9 - Phœbe : Your fault
10 - El : Fall back and get up again
11 - El : Let's do this
13 - Phoebe : Dance with me
14 - El : Dancing till dawn
15 - Phoebe : Talk to me
16 - El : Not alone anymore
17 - El : Scream if you want to
18 - Phoebe : Good person, good time
19 - Phoebe : I need you
20 - El : Hold me tight
21 - El : Take care of you
22 - Phoebe : Did you give up on me ?
23 - Phoebe : Lost without you
24 - El : A full heart
25 - Phoebe : I wasn't ready to say goodbye
26 - El : Where I belong
27 - El : I See You
28 - Phœbe : Afraid of myself
29 - Phœbe : Don't Let The Fear Win
30 - Phoebe : Are You Flirting With Me ?
31 - El : Let there be the light
32 - Phoebe : Better a heartbreak than nothing
33 - El : Feeling the wave
34 - Phœbe : Only You
35 - Phoebe : Are we too far gone ?
36 - El : The final countdown

12 - Phoebe : A stranger or a ghost ?

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By NeoQueenSerenity28

Quelques heures plus tôt...

— Phœbe, il faut t'arracher tes livres des mains ou tu te sens capable de les fermer toi-même ?

Je relève la tête, avachie sur mon bureau au milieu de mes livres et de mes cahiers éparpillés. Cora est encore en tenue de serveuse, et ses yeux bruns me dévisagent avec impatience tandis qu'elle essuie la sueur de son front avec le dos de sa main. Ses cheveux sont nonchalamment retenus en un chignon, et quelques mèches retombent sur son visage. La journée a été longue, visiblement, mais une lueur d'excitation anime son regard. Et ça, on le doit à la fameuse sortie à l'Inferno prévue ce soir. Cora est déterminée à m'emmener avec eux, cette fois. Que je le veuille ou non. Mais une promesse est une promesse, alors sans soupirer, je commence à ranger mes affaires. Un sourire se devine dans ses yeux tandis qu'elle me regarde m'activer.

— Enfin ! C'est à croire que tu caches quelque chose.

Elle lève les yeux au ciel, puis ajoute plus sérieusement :

— Si ça n'allait pas, tu m'en parlerais, hein ?

Je me fige, et ma dispute avec Connor se rejoue dans ma tête. Pendant une seconde, je considère l'idée de tout lui déballer, pour alléger mes épaules de la tension qui ne les quitte plus depuis trois jours. Mais je me souviens aussi de mon mensonge, et la honte finit par me convaincre de ne rien dire. De toute manière, ce n'est pas comme si j'allais avoir besoin de lui en parler un jour, hein ? Je vais trouver une solution à ce problème.

— Bien, ne dis rien, s'agace Cora. Ce que tu peux être insupportable, je te jure. Je donnerais tout pour voir ce qui se passe dans ta tête...

— Oh, je ne te le souhaite pas, murmuré-je. Désolée, je suis juste fatiguée.

— Arrête avec cette excuse débile. Tu es en vacances, tu devrais passer tes journées avec un cocktail à la main, pas avec un livre et une tête déprimée...

— Cora, l'avertis-je, parce que ma vie est déjà assez chaotique sans ses reproches.

— Oui, oui, pardon, souffle-t-elle. Je m'inquiète pour toi, c'est tout.

— Cora Watson, inquiète ? Le monde ne tourne plus rond, ironisé-je, tandis que je me lève de mon siège pour la rejoindre, sur le pas de ma porte.

— Hahaha, réplique-t-elle en un faux rire. Très drôle. Chacun ses tares, Miss Kinley.

Nous échangeons un regard complice, et j'étreins son épaule. Cora a raison. Au lieu de trouver refuge dans les livres, je pourrais faire un effort et le trouver auprès de mes amis. J'ai à peine discuté avec Noah ces derniers jours, et ce constat me rend soudain très triste.

— Tu te prépares avec nous ? J'ai plein de jolies choses qui pourraient te plaire dans mon dressing, me glisse Cora, mais rien dans son ton n'indique que j'ai le choix.

Je souris tout de même, parce que lui faire plaisir me fait plaisir.

— Elle a dit oui ? s'exclame soudain une voix, tandis que la tête de Kaia apparaît dans l'encadré de ma porte, au-dessus de l'épaule de Cora.

— Entre les mains de fées de Cora, tu seras splendide, ajoute Fallen, qui traverse le couloir à ce moment-là, disparaissant derrière un tas de robes.

Les filles m'observent intensément, sûrement en train de passer en revue dans leur tête les différentes tenues qu'elles me voient porter. Je lève les yeux au ciel, plus embarrassée que réellement agacée. Mes mains se resserrent autour de mon sweat, et je croise les bras devant ma poitrine. Pour dissiper mon malaise, je grogne :

— Vous avez l'air rincées, dans les deux sens du terme.

Ma remarque a le mérite de les remettre en marche.

— Ouais, on a surfé toute l'aprèm, confirme Kaia, avec un grand sourire. El a même réussi à tenir sur la vague !

El. Éléonore, bien sûr. En l'espace de deux semaines seulement, la jeune Française a réussi à se faire une place au sein de notre petite bande — et c'est bête, mais une petite voix en moi est jalouse. J'ai peur qu'elle ne me remplace. Elle semble être tout ce que je ne suis pas : sociable, sûre d'elle, disponible, enthousiaste. Et très jolie, en plus de cela. Elle s'habille si bien ! L'envie de grimacer me prend tandis que je pense à ma collection de pulls et de sweats, variant du gris au beige en passant par le marron et le bleu marine. Plus passe-partout, tu meurs.

Je souris malgré tout, chassant mes idées noires.

— Et les garçons ? Toujours à Angels' lagoon beach ? demandai-je, d'une voix neutre.

— Ouais. Et la prochaine fois, je les accompagne, annonce Kaia. Les vagues ici et là-bas n'ont rien à voir. Si je ne m'entraîne pas correctement, je ne serais jamais à la hauteur pour les qualifications.

— Mais si, la rassure sa copine, qui se dirige vers la salle de bain avec une pile de serviettes propres.

— Ils parlent de se rendre sur la Gold Coast pour en trouver de la bonne, dit Cora en s'asseyant sur mon lit.

La World Surf League est prévue dans un peu moins de deux mois. En conséquence, les garçons et Kaia s'entraînent régulièrement ces derniers jours, et souvent sur des plages différentes pour s'approprier au mieux n'importe quelle vague. Le meilleur spot le plus proche se trouve à quelques kilomètres de la ville : Angels' lagoon beach. Ils s'y rendent très souvent, en ce moment. La Gold Coast est un incontournable, connue comme le paradis des surfers ; ça ne m'étonne pas qu'ils comptent y aller.

— Bon, Fallen, active, reprend Kaia, un peu tendue, tandis que sa copine effectue un énième aller-retour – cette fois, avec sa panoplie de shampoings et d'huiles pour le corps. Tu es tellement lente !

— Elle est juste jalouse parce que j'ai gagné au pierre-papier-ciseaux pour la douche, nous crie soudain Fallen d'une voix étouffée, derrière la porte de la salle de bain.

Kaia ouvre la bouche pour répondre, rouge, mais le bruit de la douche la prend de court. Inutile de crier quoique ce soit, Fallen n'entendra rien. Kaia soupire, et finit par quitter l'embrasure de la porte, en faisant la moue.

— Espérons qu'elle ait fini d'ici moins de deux heures, où les garçons arriveront quand je rentrerai, dit-elle entre ses dents.

Je réprime un rire en me mordant la lèvre, tandis qu'une nouvelle légèreté me soulage de la pression accumulée au cours de la journée. Mes yeux divaguent vers Cora, et mon sourire faiblit tandis que les yeux de ma meilleure amie se plantent sur moi. Elle traverse ma chambre d'un grand pas et m'attrape le bras, m'obligeant à quitter mon bureau.

— Tu rigoleras moins quand j'en aurai fini avec toi, dit-elle.

Avec une force que je ne lui soupçonnais pas, elle m'emmène hors de la chambre. Dix minutes plus tard, sans que je ne sache trop comment, nous nous retrouvons dans la rue menant à l'appartement qu'elle partage avec Gabriel. Ce dernier se situe en bordure du village, dans l'un des trois bâtiments aux allures de motels qui servent d'immeubles.

— Il se prépare chez Noah, m'informe-t-elle, tandis qu'elle glisse sa clé dans la césure. Ce qui est pratique avec les garçons, c'est que c'est très simple de les habiller. Je lui ai fait un sac avec une chemise blanche, un pantalon beige et son parfum — il n'aura qu'à suivre mes instructions à la lettre.

— Tu avais tout prévu, à ce que je vois, fais-je remarquer avec ironie. Pauvre Gabriel, jeté hors de son propre chez lui.

— Mon dressing est grand, mais pas assez pour accueillir trois personnes. Il s'en remettra, lance-t-elle avec désinvolture, tandis que nous gravissons les escaliers.

Elle me guide jusqu'à sa chambre, bien que je connaisse cet endroit par cœur. Je m'assieds sur son lit tandis qu'elle disparaît dans son dressing. Je l'observe s'activer, ayant depuis un petit moment accepté que je n'aurai pas mon mot à dire ce soir. Et je dois dire : c'est assez agréable de se laisser porter.

— Bien, soupire la jolie afro, un quart d'heure plus tard. Je t'ai trouvé la tenue idéale.

Pour illustrer ses paroles, elle jette un jean, un bustier en cuir noir et des escarpins sur le lit. Je regarde avec curiosité les vêtements qui s'échouent à côté de moi, et manque de m'étrangler quand je détaille le fameux bustier — et les escarpins. Merde, ils font bien dix centimètres !

— Quelle chance que nous faisions la même pointure, commente-t-elle avec malice.

— Cora, je ne suis pas capable de porter ça.

— Bien sûr que si. Il est temps que tu te détaches de ces sweats que tu trimballes comme des doudous. Ça me rend malade de te voir te cacher, comme ça. Sérieusement, je tuerais pour un physique pareil.

— Tu as le même, Cora.

— Peut-être, mais moi je m'arrache à la salle et je ne mange rien. Alors que toi, c'est génétique !

— Comment ça, tu ne manges rien ? m'indignai-je, réellement inquiète.

— Façon de parler, me glisse-t-elle en secouant la tête, comme si c'était de moindre importance. N'essaye pas de changer de sujet ! Je disais donc —.

Je disais que je ne pourrais pas porter ça ! Ces talons sont bien trop hauts, et...

Oh my god, tu es si mignonne. Tu as déjà entendu l'expression, « il faut souffrir pour être belle » ?

— Expression pour le moins archaïque et culpabilisante, dis-je entre mes dents.

Ma remarque est accueillie par un grognement animal, qui me dissuade d'ajouter d'autres commentaires. Non sans lui jeter une œillade désapprobatrice, je saisis le bustier, le jean et les escarpins d'une main exaspérée et pars m'enfermer dans la salle de bain.

— Tu me remercieras plus tard ! s'exclame Cora, dont je crois deviner le sourire dans sa voix.

Je secoue la tête, la nervosité me gagnant tandis que je me déshabille. J'ai à peine le temps de me trouver en sous-vêtements, que mon amie toque à nouveau furieusement contre la porte.

— Quoi ? criai-je.

— Ouvre !

Je m'exécute, en prenant garde de ne lui montrer que ma tête. Cora a l'air de trouver ma gêne parfaitement ridicule, car elle soupire et m'oblige à reculer. Quand elle remarque mes dessous, elle ouvre de grands yeux et lève un sourcil.

— Sérieusement ? Une culotte et un soutien-gorge couleur chair ?

— Je ne vois pas le problème, me défendis-je.

— Justement, il n'y a rien à voir, siffle-t-elle.

Quelques secondes plus tard, elle revient avec un ensemble de lingerie, tout en dentelle noire. Tandis que je le prends en main, je suis frappée par sa légèreté, sa transparence, sa finesse. Mes doigts caressent les motifs finement travaillés, tout en élégance. Je garde le silence, hypnotisée, et Cora esquisse un sourire victorieux :

— Je savais que ça te plairait.

Elle m'adresse un rapide câlin, et chuchote à mon oreille :

— Merci pour ta confiance. Que tu acceptes d'essayer signifie beaucoup pour moi.

Je souris, touchée, et elle ajoute d'une voix plus légère tandis qu'elle se recule pour refermer la porte derrière elle :

— La lingerie est notre armure. Elle nous rend plus fortes. Laisse la magie opérer, Phoeb.

Je ne réponds rien, me contentant de lui adresser un regard désabusé.

Un quart d'heure plus tard, je suis habillée, même si mes cheveux sont encore mouillés. Tandis que j'ouvre la porte pour me diriger dans sa chambre, Cora bondit de son lit. Elle est encore en tenue de plage, ayant patienté que je sorte de la douche. Quand elle me voit, sa bouche s'ouvre en grand. Ses yeux pétillent tandis qu'ils me scannent de bas en haut.

— Je suis un gé-nie, murmure-t-elle enfin, après une longue seconde de battement. Viens voir que je te montre mon chef d'œuvre.

Sa main m'attrape le poignet, et je manque de trébucher avec mes talons. Cora me plante devant son miroir sur pied et s'écarte.

Mon cœur rate un battement. C'est moi, ça ?

Mes yeux glissent sur les escarpins qui rehaussent mon mètre soixante-cinq et fusellent mes jambes, avant de remonter le long de mon jean destroy et de s'arrêter sur le fameux bustier. Le cuir est d'un noir mat, qui épouse parfaitement la courbe de ma poitrine. Mes seins n'ont jamais été aussi bien mis en valeur, même si j'ai la sensation qu'ils sont aussi pressés que les oranges que Fallen se fait chaque dimanche matin.

— Je suis vachement serrée, quand même.

Chut, me reprend Cora. Tant mieux, tu n'aimerais pas qu'il tombe pendant que tu danses.

— Jamais je ne danserai avec ces talons, lui rappelé-je.

Bullshit. Crois-moi qu'après quelques verres, tu danseras comme tout le monde.

Je ris, et elle rit en retour. Ses yeux continuent de m'observer dans le miroir, comme si elle n'y croyait pas.

— Je pense que je vais te le donner, ce haut. Il te va bien mieux qu'à moi.

Mes joues rosissent. Je n'en montre rien, mais mon cœur bat fort. Cora a raison. C'est agréable de se sentir belle et désirable, pour une fois. Certes, je ne me suis jamais sentie aussi nue — mais il est vrai que savoir que je porte de la lingerie a quelque chose de nouveau et de grisant. Je continue de me détailler, mi-embarrassée mi-stupéfaite. J'ai l'impression de me trouver dans l'un de ces films que je regarde le vendredi soir en pyjama, comme Princess Diaries ou The Devils Wears Prada — Anne Hathaway, quelle actrice. Only Paolo can take this and this... and give you a Princess, récité-je dans ma tête, sans parvenir à réprimer un rictus.

Peut-être cette tenue est-elle le drapeau que je brandis pour annoncer mon nouveau départ, et mes nouvelles résolutions. Je ne laisserai plus Connor et mes pensées m'empêcher de gâcher mon été. Ce soir, je vais retrouver cette partie de moi que j'ai perdue au lycée, celle qui osait boire et danser avec ses amis, sans se préoccuper de rien d'autre.

Mais, me chuchote une voix, comment penser à cela sans penser à lui ? Cette partie de toi est née avec Connor, tu ne peux pas le nier. Mon cœur se serre.

J'entends à peine ma meilleure amie me crier qu'elle s'occupera de la coiffure et du maquillage plus tard, tandis qu'elle attrape ses affaires pour s'enfermer dans la salle de bain.

*

— Ah, vous voilà !

Depuis la voiture, assis sur le siège passager, Aspen nous adresse un grand signe de la main. Cora écarquille de grands yeux, tandis qu'elle glisse les clés de son appartement dans une petite pochette en cuir assortie à sa jupe.

— Je rêve, ou c'est bien la voiture de Connor ?

— Oui c'est bien elle, murmuré-je en me mordant la lèvre.

— C'est une première depuis bien un mois...

Passée la surprise vient l'appréhension. Si j'en crois ce que je vois, la voiture de Gabriel est déjà pleine. Il ne reste qu'une voiture avec des sièges disponibles... et c'est celle de Connor. Je réalise alors que nous allons faire plus d'une demi-heure de trajet ensemble.

— Pitié, faites que l'autre gnome ne soit pas avec eux, rouspète Cora.

Je ne peux retenir un sourire face à cette nouvelle appellation. Il faut croire que depuis quelques semaines, Cora est inspirée.

C'est avec soulagement que nous découvrons que les trois places à l'arrière de la voiture sont libres, et que Tyler se trouve dans la voiture de Gabriel, avec Kaia, Fallen et Noah.

— Il nous reste encore Éléonore à chercher, et on sera bon, nous informe Aspen avec un clin d'œil, en se retournant depuis le siège passager.

Cora est la première à rentrer, et Connor, visiblement de bonne humeur, lui adresse un grand sourire. Ses yeux glissent le long de sa silhouette, s'attardant sur son haut en dentelle rouge. Un air taquin illumine son visage, et il secoue la tête, admirateur. Je sais qu'il n'y a rien d'ambigu dans son compliment silencieux, toutefois je ne peux réprimer un pincement de cœur.

Ma poitrine s'emballe tandis que je me prépare à ma propre montée dans la voiture. Est-ce que j'aurai, moi aussi, droit à un sourire ? C'est peu probable. Nous ne nous sommes pas adressé un mot depuis notre dispute, trois ou quatre jours plus tôt.

Cora s'écarte pour s'asseoir côté fenêtre, me laissant le champ libre pour me glisser à mon tour dans la voiture. Alors, je deviens extrêmement consciente de mes talons quittant le sol pour se poser sur la moquette noire de la berline, de ma main agrippant la portière, de ma tête évitant le toit de la voiture — rien d'autre ne comptait plus que la consigne écrite en néon rouge dans ma tête : ne pas tomber. Malgré tout, je me risque tout de même à jeter un regard dans le rétroviseur.

Une expression stupéfaite fige les traits de son visage, comme s'il assistait à une apparition surnaturelle. Ses yeux ambre me détaillent avec intensité, et je crois prendre feu. Je ressens avec une intensité accrue la moindre parcelle de ma peau, et a fortiori de ma peau nue que je m'applique tant à cacher d'habitude. Son regard caresse la fine ligne de mes épaules, la courbe de mes seins, remonte le long de ma clavicule. Un frisson me traverse. Je ne respire plus. Il observe d'une vision neuve les traits de mon visage, le mascara sur mes cils, le discret fard sur mes paupières — et le brillant sur mes lèvres, qui accroche les boucles rebelles de mes cheveux. Ses yeux s'attardent sur mes lèvres, et les miens répondent en trouvant les siennes à leur tour.

— On attend quoi, là ? s'impatiente Cora.

Je sursaute. Mes mains trouvent la ceinture de sécurité et s'y accrochent comme si j'allais tomber.

— Gabriel est parti devant, déjà, ajoute mon amie.

— Oui, et il faut encore passer prendre Éléonore, ajoute Aspen.

— On a compris, Golden boy, soupire Connor en filant une bourrade à son ami.

Les deux échangent un regard complice, et l'espace d'un instant, je ne suis pas sûre de ce que j'ai vu. Que s'est-il passé, durant ces trois jours ?

L'habitacle est brûlant ; au moment où je m'apprête à demander à ce qu'on ouvre les fenêtres, Connor appuie sur les commandes de sa portière, et toutes les fenêtres s'ouvrent en même temps. Cora émet un petit grognement de désapprobation, prétextant que le vent est frais dehors, mais le jeune homme ne lui répond pas. D'un mouvement souple, il ouvre un bouton de sa chemise — la peau de son torse et de son cou scintille, comme légèrement humide — puis saisit le volant et fait rouler sa paume sur le cuir pour le faire tourner. La voiture démarre, et par une manœuvre experte, quitte la rue étroite pour rejoindre la route. J'observe ses mains, comme hypnotisée par le ballet que ses doigts exécutent tandis qu'il manipule le volant.

Quelques minutes plus tard, une légère secousse me tire de ma léthargie et je réalise que nous sommes garés devant la maison d'Ana. Sans attendre, Aspen sort de la voiture. Un sourire naît à la commissure de mes lèvres lorsque je remarque le léger sautillement qui anime ses jambes. Puis, naturellement, mes yeux retrouvent leur chemin vers le rétroviseur ; les siens s'y trouvent déjà. Il fronce les sourcils, tandis que sa mâchoire se serre. Je détourne les yeux — je m'étais pourtant promis de passer à autre chose. Ce n'est pas en nous foudroyant du regard dans le miroir que notre relation s'arrangera. Car c'est ce que nous faisions : nos regards étaient explosifs — chargés avec quelle poudre en revanche, je n'en savais rien. Était-ce vraiment de la colère ?

Il détourne la tête et regarde au-dehors, à travers sa fenêtre. Son coude repose sur le bord, et une légère brise soulève ses mèches, qui effleurent les doigts sur son front.

Le bruit de la porte qui s'ouvre me fait sursauter. Aspen guide Éléonore à l'intérieur. Un grand silence accueille son arrivée, tandis que nous détaillons sa tenue. Une petite robe noire. Tout ce qu'il y a de plus simple, et pourtant, la robe semble avoir été créée pour elle, épousant chacune de ses formes à la perfection. Ses longs cheveux bouclés retombent sur ses épaules, encore légèrement humides, et leur couleur noire accentue son teint hâlé. En deux semaines seulement, la jeune Française a davantage bronzé que je ne le pourrais jamais en toute une vie. Je ne peux que noter l'ironie, moi qui suis une Australienne pure souche.

Je suis avec admiration le mouvement de ses jambes tandis qu'elle se hisse avec adresse dans la voiture. Elle porte ses talons comme s'ils n'étaient qu'une formalité, comme s'ils n'étaient que des chaussons à ses pieds. Je me mords la lèvre ; une sensation désagréable me démange la poitrine, et je la chasse aussitôt.

Quand elle lève les yeux, une seconde passe tandis qu'elle m'observe, puis un large sourire étire son visage. Je rougis, et ne peux pas m'empêcher de sourire à mon tour.

Connor, soudain un immense sourire aux lèvres, se retourne ; ses lunettes de soleil sont abaissées sur son nez, quand il siffle :

— Quel canon ! Surtout, n'explose pas, je ne veux pas abîmer mon petit bébé...

Je mets une bonne seconde avant de comprendre la métaphore. Je retiens un ronchonnement moqueur.

— Je ne peux rien promettre, répond Éléonore, en lui rendant son clin d'œil.

Ses mots me font l'effet d'un shot chargé en acide. L'envie de fuir et de sortir de la voiture me prend subitement, et je regrette de me trouver au milieu, coincée entre Cora, Éléonore, et son regard.

Quand Aspen s'installe à nouveau sur son siège puis que la voiture démarre, je m'applique à respirer lentement, pour faire redescendre la vague d'émotion qui me traverse. Je regarde par la fenêtre, déterminée à l'ignorer, et me concentre sur le vent qui s'engouffre par les fenêtres ouvertes. La musique est entraînante, et au bout de vingt minutes, je me prends à chantonner, moi aussi, tandis que Taylor Swift fait trembler l'habitacle. Connor fait voler en éclats toutes mes bonnes résolutions, tandis qu'il commence à chanter avec nous, d'une voix exagérément fausse. Dans le rétroviseur, je l'observe rire avec Aspen, discuter avec Cora et Éléonore — et j'en viens à réaliser que l'homme qui se tient devant moi est celui que j'ai connu il y a six ans, celui qui est devenu mon meilleur ami, et non l'inconnu colérique que je côtoie depuis plusieurs semaines. Un espoir absurde renaît dans ma poitrine tandis que nous hurlons à l'unisson sur une chanson de ABBA. Est-ce un rêve ? Tout est-il enfin redevenu comme avant ?

La réalité me revient en plein visage dix minutes plus tard. Tandis que je tiens la main à Éléonore, qui m'aide à descendre de la voiture, je lui glisse une œillade discrète ; mes yeux remontent le long de son pantalon noir et de sa chemise blanche, ouverte sur son torse. C'est peine perdue : il m'observe déjà, d'un regard sombre ; et là où brillait un sourire un instant plus tôt, ses yeux sont désormais froids et vides — et pointés sur moi, comme deux revolvers chargés à bloc.

« Tu es partie ». La douleur que j'ai lue dans son regard ce soir-là me hante. Une partie de moi se sent coupable et affreusement bête, mais l'autre est simplement révoltée par son attitude et par l'injustice de la situation. Merde, moi aussi j'étais seule ! Il aurait pu appeler, me rendre visite plus souvent, cela nous aurait évité le quiproquo chaotique dans lequel nous nous retrouvons aujourd'hui. Et il n'a pas le droit de m'en vouloir parce que je me suis trouvé un copain — aussi fictif soit-il.

Je réponds donc à son regard en relevant un sourcil, parce que je refuse de me plier à ses petits caprices — Je n'ai rien fait de mal. Mais à l'intérieur, mon cœur bat vite, et quand le cabriolet bleu de Gabriel se gare à son tour sur le parking de la boite, je l'observe comme si je me trouvais derrière une vitre. Noah marche vers moi ; une expression inquiète fronce ses sourcils et froisse le rideau de taches de rousseur sur ses pommettes.

— Tu vas bien ? On dirait que tu as vu un fantôme.

— C'est un peu ça, oui, murmuré-je.

Il fronce un sourcil, mais n'a pas le temps d'en dire plus. Nous sommes entraînés par le reste de la bande, et une fois l'étape du vigile passée, nous rentrons dans le bar. 

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