REMÈDE - PIERRE GASLY

Par _vagabondage

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Un remède est sensé guérir. Sûrement pas détruire. DISCLAIMER : Les personnes réelles mises en scène et/ou ci... Plus

Prologue
1. Réalité.
2. Mentir.
3. Petit-déj.
4. Particulier.
6. Sécurité.
7. Un été.
8. Se réveiller.
9. Gagné.
10. Tomber.
11. Sa mission.
12. Volé.
13. Origine.
14. Encaisser.
15. Se trouver.
16. Éternité.
17. Paralyser.
18. Réessayer.
19. Envelopper.
20. Remédier.
21. Victoire.
22. Échapper.
23. Guerrière.
24. Avancer.
25. Asha.
26. Remédier.
27. Choisir.
28. Promis.
29. Décider.
30. Liés.
31. Découvrir.
32. Brisé.
33. Aimer.
34. Avancée.
35. Commencer.
36. Ami.
37. Prochain.
38. Sombrer.
39. Être.
40. Choisit.
41. Jamais.
42. Coché.
43. Éphémère.
44. Hanter.
45. Espoir.
46. Entier.
47. Quitté.
48. Remède.
49. Guérison.
Épilogue.

5. Direction.

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Par _vagabondage

7 août 2019.

Pierre n'ose pas prononcer le moindre mot dans la voiture qui le ramène chez les deux sœurs. Le silence est pesant. Étouffant. Il se répand dans tout l'habitacle du véhicule. Il s'installe dans les moindres recoins et surtout dans leurs esprits. Il va même jusqu'à faire taire les bruits alentours qui ne semblent plus aussi présents. Ils ne sont plus aussi importants.

Le pilote se sent mal à l'aise. Oppressé. Il voulait profiter de son été. Se libérer. Mais dans cette situation, il a comme un poids sur ses épaules, une main invisible qui lui serre le coeur. Le trajet s'étire. Il est terriblement lent. Sans fin. Et il a l'impression que ce silence ne va jamais finir. Il emplit le vide qui existe entre les deux jeunes femmes. Il ne comprend toujours pas ce qu'il se joue ici. Il préférerait qu'elles laissent exploser cette bulle qu'il sent grandir.

Il pense aussi à fuir. Après tout, ils ne s'étaient rien promis. Seulement un petit-déjeuner. Et il veut être égoïste. Il veut penser à lui. Il a choisi de s'isoler pendant quelques jours pour cette trêve estivale. Mais la vérité, c'est que Pierre est bien incapable de se retrouver seul. Il a déjà bien assez de ses nuits interminables pour broyer du noir. Alors, se concentrer sur les problèmes des autres est une alternative alléchante qui lui permet d'oublier qu'il doit régler ses idées malsaines qu'il lui est impossible de chasser.

Il lève les yeux vers le rétroviseur. Il y croise des yeux bleus, perçants, presque transparent comme s'il pouvait y voir à travers. Pourtant, ils sont si difficiles à comprendre. Le pilote doit admettre qu'ils sont d'une beauté saisissante, mais c'est surtout leur expression qui captive son regard. Ils semblent refléter toute la tristesse et la peine qui pèsent sur son âme.

Leur profondeur révèlent un esprit tourmenté, des blessures cachées, des souvenirs douloureux. On peut y voir la détresse et la peur qui l'habitent. Mais il y réside aussi une force certaine qui lui permet de surmonter la souffrance qui y était contenue. On y lit un éclat de détermination et de courage, une lueur brillante qui les rend magnétiques. Cela attire irrésistiblement le regard de Pierre qui souhaite, sans savoir vraiment pourquoi, percer leur mystère.

Il ne peut s'empêcher d'être touché par ces yeux bleus, remplis de tant d'émotions. Ils sont comme une fenêtre sur l'âme, révélant les tourments et les peines, mais aussi les espoirs et les rêves de celle qui les porte. Asha est calme. Assise sur le siège avant. Son expression cachant une certaine distance, un retrait qui empêche les autres de la connaître complètement. Ses mains posées sur ses cuisses. Les poings fermés. Tout son corps crispé.

Elle est perdue dans ses pensées. Sa soeur lui a tout de suite reproché d'avoir répondu à l'appel du châtain alors que sa blessure était superficielle. Mais comme à chaque fois, elle encaisse. Elle n'a pas le tempérament pour affronter son aînée. Elle s'est toujours effacée face à elle et cette situation s'est instaurée peu à peu pour finir par ressembler à la normalité. Cette routine quotidienne s'est insinuée dans son comportement, insidieusement, contrôlant le moindre de ses faits et gestes.

Mais jamais elle n'a eu la force de la remettre en question. Et cette habitude a fini par prendre le dessus, parasitant sa conscience et sa lucidité, broyant sa volonté. Elle a peur de briser ce qu'elle partage avec sa soeur. Quoique ce soit, d'ailleurs. Même si c'est toxique. Même si ça fait mal. Parce que Cléo est son seul lien avec l'extérieur. Son seul intermédiaire avec le le monde qu'elle fuit pourtant désespérément.

Son aînée est assise à l'arrière, aux côtés de Pierre. Asha n'ose même pas croiser son regard parce qu'elle sait que ses yeux bleus sont ombragés. Une émotion que elle est bien incapable de dégager. Mais elle sait que Cléo est en colère d'être sur la touche pour les semaines à cause de sa blessure. Elle ne pourra pas profiter de l'océan et de ses vagues. Le surf, c'est terminé. Parce que sa cicatrice pourrait s'infecter. Il va falloir qu'elle trouve une autre manière de se dépenser. D'assouvir son besoin de liberté. Sinon, elle sera invivable. Et c'est sa soeur qui en fera les frais.

Parce qu'au contraire de sa cadette, Cléo s'est extraite de la prison mentale dans laquelle elles ont grandie. Elle s'est rebellée et s'est appliquée à devenir l'exact opposé de ce qu'elle était enfant. Elle est tombée amoureuse de cette sensation de liberté dès qu'elle a pu y goûter. Et désormais, elle fait tout pour l'exploiter à nouveau. Pour en profiter au maximum. A chaque seconde. Quoiqu'il en puisse lui en coûter.

Elle aime affronter le danger. Et tant pis ça lui cause quelques fractures. Ça ne lui permet que de ressentir davantage ce sentiment addictif que lui procure le lâcher-prise.

Mais c'est là que réside tout le problème. L'adrénaline est une soif dévorante. Un besoin insatiable. Et elle se retrouve à repousser sans cesse ses limites. Elle a trop souvent goûté au calme et à la tranquillité. Elle s'est sentie lésée. Trop longtemps prisonnière de cet esprit étriqué. Alors elle s'est lancée dans une quête qui ne finira jamais. Parce qu'il y aura toujours de plus grandes sensations à aller découvrir. À aller chercher.

Et c'est en ça que Cléo se sent terriblement chanceuse d'être tombée sur le pilote français. Elle l'envie presque. Parce que lui a cette possibilité de côtoyer le danger à chaque virage. Parce que son métier lui sert ce shoot d'adrénaline régulier auquel la jeune femme est désespérément subordonnée.

Mais en agissant ainsi, elle ne voit pas le mal qu'elle cause autour d'elle. Elle ne voit pas qu'elle entraîne ses proches dans sa course perverse vers un dessein que jamais elle ne pourra pourtant pleinement satisfaire. Elle idolâtre Pierre qu'elle croit sans peur et sans faiblesse. Et elle se reconnaît en lui.

Ce n'est pourtant qu'un mirage. La jeune femme devrait savoir que tout n'est que paraître. Tout le monde a son propre bouclier, une façon de se protéger et de masquer tout ce qu'il souhaite cacher. Pour tenir le monde à distance. Pour se donner une certaine prestance. Et ainsi ne montrer que son excellence.

La jeune brune sait que le monde peut être impitoyable. Et elle-même a appris qu'exprimer ses émotions est une faiblesse à éviter. Alors elle a appris à dissimuler sa vulnérabilité derrière un masque de contrôle, de maîtrise de soi et surtout, de joie. C'est cette image qu'elle renvoie aux gens. C'est cette image qu'elle s'est forgée et qu'elle s'efforce de dévoiler au monde entier.

Tous trois ont chacun leurs problèmes à régler, mais ça semble être la dernière de leurs priorités. Ils survivent comme ils le peuvent dans leur négativité qu'ils semblent effrayés de quitter. La peur de se tourner vers un monde qui leur est, en ce moment, étranger. Et qui paraît surtout inaccessible. Et qu'il leur est impensable de dévoiler leurs vérités. D'affronter la réalité de leurs pensées.

La voiture finit par s'arrêter devant la bâtisse et interrompt le flot de leurs idées. Ils sortent du véhicule et continuent de se murer dans ce silence qui leur a permis de s'évader. Ou plutôt de se noyer dans leur négativité.

Pierre s'arrête avant de passer le portail de la propriété. Il hésite. Il est encore temps de s'éclipser. D'échapper à ce malaise qu'il sent lentement enfler mais qu'il devine être terré là depuis des années.

« Je... »

Il commence et s'apprête à se montrer lâche pour une fois. Il tente de se persuader qu'il n'a rien à prouver. Qu'il peut assumer de se dérober. Mais les mots refusent de franchir la barrière de ses lèvres alors qu'il croise le regard bleu des deux soeurs désormais tournées vers lui. Ils les toisent de sa toute sa hauteur et pour la première fois, ce n'est pas leur ressemble qui le frappe. Mais bien leurs différences.

Leurs regards dont la disparité d'émotions est criante. Et ce bleu unique, si intense.

Leurs visages dont les traits sont puissants mais terriblement divergents.

« Je te dois bien un petit-déjeuner, souffle finalement l'aînée.

- Je ne veux pas vous déranger. Tu as sans doute besoin de te reposer.

- Tu ne me déranges pas. »

Pierre sourcille face à l'emploi de ce pronom. Cléo revendique son fort besoin de dissociation. Entendant ces mots, Asha se retire dans ce qu'il paraît être un automatisme. Ses yeux sont dénués de peine. Mais le coeur du châtain se serre face à cette attitude qu'il juge presque inhumaine.

« Allez, je crois qu'on a de bonnes crêpes qui nous attendent.

- J'adore les crêpes, conclut-il. »

Elle glisse ses doigts au creux de sa main et le tira à l'intérieur. Il note que la plus jeune s'est complètement éclipsée. Elle laisse son aînée prendre tout l'espace pour s'exprimer. Et le pilote est soudainement mal à l'aise.

« Ta sœur n'en veut pas ? demande-t-il poliment en désignant les crêpes qu'il pose sur le plan de travail. C'est elle qui les a préparées non ?

- Il vaut mieux attendre qu'on se calme toutes les deux avant d'être à nouveau dans la pièce même, répond-t-elle d'un sourire presque détaché qui sonne terriblement faux.

- C'est moi qui l'ai appelée, lui fait remarquer le pilote. Elle voulait juste t'aider, elle avait l'air inquiète. »

Il trouve la situation injuste. Et il a horreur de ce sentiment. Il est loin d'être naïf, mais il croit sincèrement que lorsqu'on se comporte de la bonne manière, lorsqu'on se donne les moyens de parvenir à ses fins, on aperçoit toujours une main tendue. Celle de quelqu'un qui croit en nous et qui veut notre bien.

« Elle avait peur pour elle oui... Réplique la brune sans que Pierre puisse comprendre ce que ses mots signifient. Elle croit que j'ai besoin d'elle à chaque fois que je me blesse. Mais je peux vivre sans elle. »

Il met sa colère sur le coup d'une rivalité malsaine. Les deux sœurs se ressemblent tellement. Il comprend le besoin de Cléo d'affirmer ses différences. Ce n'est qu'une âme de plus qui aspire à la liberté. Qui cherche à briser ces chaînes qui semblent la retenir attachée. Elle veut s'affranchir des limites imposées. Et aux plaisirs simplement pouvoir goûter. Être la seule maîtresse de sa destinée.

Pourtant, le normand est persuadé que cette situation est loin d'être une histoire de jalousie. Asha est loin d'être rebelle. D'accord, elle paraît froide et mystérieuse. Mais il a appris à ne pas se fier à ce que les personnes renvoient. Il sait qu'il faut creuser. Parce que chacun oeuvre à construire cette carapace pour se protéger. Se cacher derrière un masque pour fuir cette habitude de juger. Parce que la norme, c'est de tout enfermer. Les émotions. Les peurs. Et les faiblesses. Parce que tout le monde pense que c'est ainsi qu'il sera plus fort. Plus puissants dans leur détresse.

Et avec le temps, cette carapace rassurante devient une prison. Elle isole, elle cadenasse sans raison. Elle empêche de voir le monde tel qu'il est. Et alors qu'on pense la maîtriser, on s'éloigne de la liberté. Ce n'est plus une carapace. C'est un fardeau beaucoup trop lourd. Pierre sait la reconnaître. Parce que cela fait des années qu'il porte la même. Ça n'a jamais été dérangeant. C'est surement la vie d'un pilote, apparement. Mais depuis quelques mois, elle est plus écrasante. Accablante.

Cette main qu'il attend désespérément, il pense l'avoir méritée. Il a bossé. A la tâche, il s'est tué. Et cette main devait désespérément le rassurer. Lui montrer qu'il n'était pas seul à chercher à avancer. Ce n'est qu'un petit geste, mais il fait naître espoir et douceur. Et surtout, elle a ce super-pouvoir de pouvoir tout changer. D'apporter sourire et gaieté.

Et la main que le châtain a saisi en début d'année n'est pas aussi bénéfique qu'espéré. Elle l'emmène en enfer, loin de son univers. Elle n'est pas sincère. Et Pierre ne peut rien y faire.

Et revoilà que ses pensées le hantent. Cléo parle. Ses lèvres bougent. Mais il n'en perçoit aucun son. Il n'entend que son coeur qui palpite. Que son sang qui pulse dans ses veines. Elle parle. Elle parle. Mais ça lui semble dénué de sens. Il n'arrive pas à se focaliser sur autre chose que sur ses propres idées.

Il la coupe. Il lui dit qu'il va y aller. Qu'elle ferait mieux de se reposer.

« Tu vas me laisser tomber maintenant que je ne peux plus surfer ? demande la jeune femme en adoptant un ton mielleux.

- Il reste encore les petits-déjeuners, se moque-t-il.

- Je vois que Monsieur est seulement intéressé.

- Mince, je suis démasqué. »

Elle rit. Mais pour lui, ça paraît faux. Tellement forcé.

« Il faut que j'aille m'entraîner, indique-t-il. Je passe demain ?

- Pour finir ma soirée ? »

Il acquiesce. Et elle se hisse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser au coin de ses lèvres. Elle sourit. Mais ça sonne faux. Le doute. L'impression de n'être que dans une illusion. Une trahison. Une sensation de malaise qui l'envahit sans vraiment de raison. Pierre ne ressent aucune passion. Ce qu'elle avait initié était sans doute une invitation à plus de tendresse. Un appel à partager à cette allégresse.

Mais il tourne les talons. Et il s'en va, en essayant d'oublier que son coeur et son esprit se déchirent et ne regardent pas dans la même direction.

...

Merci de m'avoir suivie après les deux tomes de « Le Soleil et la Lune » 🙏

J'espère que l'intrigue de « Remède » vous plaît ! J'essaye vraiment de me faire plaisir sur l'écriture.

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