12. Volé.

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9 août 2019.

Ils passent le portail et contournent la bâtisse typique pour déposer les vélos sur la terrasse. Le trajet s'est déroulé en silence, chacun digérant à sa manière les événements qui viennent de s'écouler.

Pierre savoure ce qu'il préfère voir comme une victoire. Un premier pas nécessaire à la conquête de sa liberté. Il espère que la quête de la jeune fille saura l'inspirer. Et qu'il trouvera ainsi les réponses à ces questions qui ne cessent de le torturer.

Asha est perdue. Elle n'a pas été à la hauteur de ses héroïnes. Elle a placé sa confiance en un parfait inconnu qui avait simplement promis de la rattraper. Et il l'a laissée tomber. Quant à elle, elle a échoué. Elle a chuté lors d'une activité qui, pour tout le monde, semble être une simple banalité.

Elle n'est que plus désemparée. Parce qu'avant, la bulle qu'elle avait formée autour d'elle lui suffisait amplement. Elle n'était pas jalouse de ces aventures qu'elle lisait dans ses romans. Mais maintenant que la brune a goûté quelques secondes à ce sentiment de liberté, elle se sent lésée. Les protections qu'elle a durement érigées sont en fait des barreaux qui la maintiennent enfermée. Ses angoisses sont ses chaînes et jamais plus, elle n'aura le courage de les briser. Elle est condamnée à errer dans cette prison mentale dans laquelle on l'a placée alors qu'elle était toute jeune, et qu'elle a toujours eu peur de quitter. Et personne ne l'y a encouragée.

Voilà les deux jeunes adultes arrivés devant la baie vitrée. Et aucun d'eux ne sait comment se comporter.

Pierre veut la rassurer. Et puis aussi insister. La convaincre de réessayer. En lui affirmant qu'il sera présent. Alors il prend les devants. Il s'approche de Asha et l'enlace de ses bras. Il sent son corps frêle se crisper, réagissant à cette étreinte que jamais personne ne lui a donné. Le pilote n'en a pas conscience. Mais il est le premier à se préoccuper de son bien être.

Elle n'ose pas bouger. Elle reste là, entourée des bras puissants du normand, sans lui rendre pareil geste pour autant. Ses membres supérieurs reposent docilement le long de son corps. Elle est surprise par la chaleur du torse du jeune homme, elle qui a toujours froid. Sauf lorsque, quelques instants plus tôt, elle a eu peur.

Alors qu'elle se sentait tomber, son cœur s'est emballé. Asha frissonnait, tremblait. Mais pas de froid cette fois. De peur. Et elle sentait dans son corps se répandre cette chaleur. Ce mécanisme de protection qui l'enveloppait poussant le moindre de ses sens à rester en alerte. Elle avait tâté tout son corps pour vérifier qu'elle n'était pas blessée. Et puis, elle avait chercher à se calmer. À reprendre son souffle, pour apaiser son corps qui venait de s'affoler.

Une longue respiration. Compter sur ses mains. Toucher la pulpe de ses doigts jusqu'à réussir à extraire tout once d'énergie brûlante de la surface de sa peau. Cette soudaine ardeur qui prenait le contrôle et qui s'amusait à dévoiler ses pensées en laissant le sang affluer sur ses joues marquées. 

La brune ne voulait pas que cette source chaude diffuse dans ses veines toute la négativité qu'elle représentait à ses yeux. Cela signifiait qu'elle affrontait un danger auquel elle n'était pas préparé. Cela traduisait ses peurs et ses faiblesses.

Mais alors que Pierre la serre toujours dans le creux de ses bras, elle ne comprend ce que le pilote peut bien redouter pour que sa peau soit si réchauffée. De quoi peut-on avoir peur lorsqu'on roule à trois cent kilomètre/heure ?

Et si la chaleur lui est normalement insupportable, elle se surprend à apprécier ce contact. Elle se sent bien contre sa peau qui est loin d'être glacée. Elle se sent apaisée.

Elle revient à la réalité lorsqu'elle entend la baie vitrée coulisser. L'instant après, le normand s'est éloigné. Elle n'a toujours pas bougé. Et elle regrette que ses membres se refroidissent alors que Pierre n'est plus assez proche pour les réchauffer.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now