RENAISSANCE

By elamyre

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Naviguer dans les ombres de son passé et souffrir d'un présent sans avenir, tel est le quotidien d'Isabella d... More

Préface
1. Rencontre
2. Vrai visage
3. Amer soir d'hiver
4. Douce mélodie
5. Secrets
6. Délivrance
7. Révélations
8. Représailles
9. Empreinte indélébile
11. Sombrer
12. La soirée
13. Sans échappatoire
14. 0101
15. Garder à l'oeil
16. Mutisme
17. Virée nocturne
18. Illusion
19. Hésitation
20. L'ignorance
21. Le dîner
22. Différent
23. Older
24. Chaude pluie
25. Les Ellington
26. Casino
27. Désarmé
28. Le chant du chaos
29. L'océan glacé
30. Apparition
31. Confessions interdites
32. Tulipes
33. Appât
34. Libère-toi
35. Moto
36. Petite fête
37. Si belles sont les fleurs
38. L'amour
39. Sans titre
40. Sans titre
41. Sans titre
42. Isaac
ENGLISH VERSION
Preface
1. Meeting
2. True color
3. Bitter winter evening
4. Sweet melody
5. Secrets
6. Deliverance
7. Revelations
8. Reprisals
9. Indelibly borrows
10. Cold
11. Sink
12. The party
13. No escape
14. 1204
15. Keep an eye
16. Mutism
17. Night trip
18. Illusion
19. Hesitation
20. Ignorance
21. The dinner
22. Different
23. Older
24. Warm rain
25. The Ellington
26. Casino
27. Disarmed
28. The song of chaos
29. Cold ocean
30. Apparition
31. Forbidden confessions
32. Tulips
33. Bait
34. Be free
35. Motorcycle
36. Rave-up
37. Beautiful are the flowers
38. Love
39. No title
40. No title
41. No title
42. Isaac

10. Le froid

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By elamyre

J'étais dans la cuisine en train de me préparer un sandwich lorsqu'un bruit retint mon attention.

Je m'arrêtai dans mon élan. Mes oreilles s'érigèrent comme des sentinelles, captant chaque vibration sonore qui brisait la quiétude de la pièce. Mon regard se porta là où me parvenait le son, c'est-à-dire sur la poignée de la porte d'entrée qui bougeait, comme si quelqu'un essayait de la forcer discrètement.

La panique me pris aux tripes et mon premier réflexe fut de m'enfermer dans ma chambre et d'appeler la police. Je fermai la porte à clé tandis que j'entendis l'individu pénétrer chez moi. Mes mains tremblaient et je sentais ma vue se brouiller par la peur.

Mon portable, mon portable.

Je balançai tout par terre dans une recherche désespérée de ce foutu portable, introuvable au moment où j'en avais le plus besoin.

Ma respiration se coupa lorsque j'entendis l'intrus tenter d'ouvrir la porte de ma chambre. Je portai ma main à ma bouche dans l'espoir de ne faire aucun bruit, mais il savait déjà que j'étais là, c'était certain.

Puis, aucun bruit.

Alors que je crus qu'il s'était en allé, un bruits sourd retentit. Il essayait de défoncer ma porte. Et moi j'étais là, impuissante, à regarder le cadran au niveau de la serrure se fissurer peu à peu.

La crise d'angoisse s'emparait de moi au fil des secondes. Je sentais mes membres faillir, ma gorge se nouer et mes poumons se comprimer.

La porte s'ouvrit enfin sur une personne masquée. Avec un putain de flingue braqué droit sur moi.

- Je ne vais pas te faire de mal, tu vas seulement me suivre gentiment.

Il s'agissait d'une femme.

Ma bouche s'ouvrit à peine qu'un autre bruit parvint de la porte d'entrée, qui détourna son attention de moi.

Et une balle vînt se loger entre ses deux yeux sans qu'elle n'eut le temps de réagir, et sans même que je n'eus le temps de cligner des yeux.

Je restai stoïque, les mains jointes devant ma bouche, avant de porter mon regard sur la porté d'entrée.

- MAIS T'ES COMPLÈTEMENT MALADE !

Voilà la première phrase que j'ai adressée à Isaac en voyant le corps sans vie de l'intruse. Et puis qu'est-ce qu'il faisait ici d'abord ?

Une flaque de sang gisait sur le sol tout autour de ta tête et ses yeux était vidés de toute trace de vie. C'était déjà le deuxième meurtre auquel j'assistais en l'espace de quelques jours.

Un cadavre de plus.

Lui ne me répondit rien et se pencha pour enlever la cagoule qui recouvrait le visage de l'intruse, son portable collé à l'oreille.

- Nan c'était pas lui... je l'ai directement descendue... j'en ai rien à branler putain... je t'attends, finit-il par dire avant de raccrocher.

La femme avait les yeux marrons maintenant ternis par la mort et je savais déjà que je n'étais pas prête de les oublier d'ici la fin de mes jours.

- T'es un putain de malade mental, lui lançai-je en me tenant debout devant lui tandis qu'il était toujours agenouillé près du corps.

Il était en train de la fouiller de manière totalement impassible et à l'ignorance de ma présence.

- J'te cause là ! lui dis-je alors en perdant patience face à son mutisme.

- N'hausse, jamais, le ton sur moi. Je pensais pourtant avoir été clair, me dit-il en me fusillant du regard. T'aurais peut-être préférée qu'elle te colle une balle en pleine gueule, ajouta-t-il.

Il se leva et s'installa sur le canapé tout en pianotant sur son téléphone d'une froideur troublante. Il agissait comme s'il n'y avait pas un putain de mort au beau milieu de mon appartement, mais cela ne m'étonnait pas lui. Je savais qu'il était comme ça que j'avais croisé son regard lors de notre première rencontre.

- T'aurais pu appeler la police comme tout le monde, merde !

- La police ne doit pas se mêler de ça.

- C'était une putain de voleuse-

- Une voleuse qui voulais te kidnapper ? Ne soit pas si conne, me coupa-t-il froidement. Ce n'était pas une « putain de voleuse » comme tu le dis.

« Kidnapper »

Cette réalisation soudaine me frappa comme un électrochoc.

Mes yeux s'écarquillèrent, et ma colère se dissipa instantanément. Mes mains se serrèrent instinctivement, cherchant un soutien, mais elles tremblaient de manière incontrôlable. Mes lèvres s'entrouvrirent, mais aucun son n'en sortit, le choc paralysant ma voix.

Il avait raison.

Que se serait-il passé s'il n'était pas intervenu ? Les scénarios s'entremêlent dans mon esprit ne faisant qu'accentuer mon mal-être.

Pourquoi voulait-elle me faire une chose pareille ?

En fait, j'avais ma petite idée.

- Pourquoi est-ce qu'elle voulait me... kidnapper ? lui demandai-je la peur immiscée dans mes mots.

Seul le silence me répondit.

Il me regarda, de ses yeux qui perçaient l'âme de quiconque croisait son regard, comme s'ils étaient les portes d'un abîme sans fond. Ils étaient d'un noir profond, dépourvus de toute lueur de chaleur ou d'humanité.

- Je sais que c'est à cause de vous, osai-je poursuivre.

Il arqua un sourcil, les coins de sa bouche remontèrent imperceptiblement, trahissant une lueur d'amusement ou peut-être même de cruauté.

- Comment peux-tu en être si sûre ?

- Arrête de me prendre pour une idiote. J'en suis certaine.

- T'as donc réponse à ta question, pas la peine de me faire d'interrogatoire.

Il reporta son attention sur son portable comme si nous venions d'échanger sur un sujet de conversation futile, indigne d'avoir besoin de s'attarder dessus.

- Pourquoi vouloir me kidnapper moi ? me répétai-je, décidée d'avoir réponse à mes questions.

Quelqu'un apparût à l'entrée.

- J'ai éliminée les deux hommes qui attendaient dans le van, lança Suzan essoufflée, une arme à la main. On se tire d'ici avant que des renforts n'arrivent.

Le brun se leva alors pour suivre son amie.

- Et le corps ? demandai-je naturellement, eux qui semblaient l'avoir oublié comme une vulgaire chaussette.

- Quelqu'un viendra tout nettoyer tout à l'heure. Là, faut qu'on s'tire, me dit-elle.

- Comment ça « on » ? Je ne vais nul part moi, allez-y vous, lui dis-je alors.

Les suivre serait pour moi accepter d'être mêlée à eux pour de bon. Et je voulais tout sauf ça. Je voulais seulement me faire petite, retourner à mon quotidien ennuyant et être invisible aux yeux du monde. Je ne voulais pas de tout ça.

- Attends, tu ne crois quand même pas qu'on va te laisser ici ?

- On ne la laisse pas ici ? s'étonna également Isaac.

Cette question lui valut un regard meurtrier de la part de son amie.

- Il est hors de question de la laisser ici alors que d'autres hommes risquent de débarquer, lui dit-elle alors d'un ton complètement dépassé.

- Tu sais très bien qu'il va encore plus se mépriser si on l'embarque avec nous, lui répondit-il sans que je ne comprenne de qui il parle.

- Mais on ne peut pas la laisser ici sans défense avec le risque qu'ils reviennent tenter de la kidnapper.

- Mais qu'est-ce qu'on en a rien à foutre sérieux, s'indigna-t-il.

- C'est pour ça que t'es là ?

- Je suis là uniquement parce que je pensais qu'il se déplacerait en personne, je n'aurais pas lever le petit doigt sinon, tu le sais très bien, dit-il d'une voix beaucoup plus sérieuse et profonde, les sourcils froncés.

- Je croyais qu'il était de notre devoir d'empêcher d'avoir de nouvelles victimes ? surtout quand c'est de notre putain de faute qui plus est, lui dit-elle droit dans les yeux.

Il étaient tous deux en train de se dévisager et Isaac ne répondit rien comme vaincu.

- Vous pouvez m'expliquer ce qu'il se passe là ? lançais-je alors tandis que les deux semblaient avoir oublier que j'étais la principale concernée dans l'histoire.

Suzan souffla et lança un regard approbateur en direction de son ami qui lui ne laissait rien paraître avant de se tourner vers moi :

- L'homme qu'on cherche à coincer depuis des mois à laisser sa marque sur le cadran de ta porte d'entrée. Il fait ça après avoir repéré le domicile de ses prochaines victimes, c'est sa signature, même si c'est très glauque.

La marque ? Elle parle des initiales incrustés dans le bois que nous avions vu le soir dernier, mais alors-

- Attends, tu savais que j'allais me faire kidnapper depuis ce soir-là ? dis-je après réalisation en me tournant vers le concerné.

- T'aurais directement appelé la police si je te l'avais dit.

- T'as risqué de me faire enlever ! J'y crois pas, y te manque vraiment des cases.

J'étais complètement ahurie, puis une réalisation illumina mes yeux alors que je passais mes deux mains dans mes cheveux.

- Mais alors c'était toi qui attendait dans cette voiture en bas, pas vrai ?

- On avait des chances qu'il se déplace en personne, alors ne crois pas que j'allais laisser passer cette chance, me dit-il en réduisant l'espace qu'il y avait entre nous. Et arrête de flipper, il ne te serait rien arrivé puisque tout était sous mon contrôle. La preuve, t'es toujours intacte, ajouta-t-il dans un sourire narquois en me regardant de haut en bas.

Suzan s'interposa entre nos corps et fit reculer Isaac.

- On pense qu'il veut s'en prendre à toi après nous avoir vu ensemble, me dit-elle. Ce type est un sadique, il essaye de s'en prendre à notre entourage.

- Mais je ne suis pas votre entourage bordel ! m'exaspérai-je.

- Ouais, mais lui ne le sait pas, me répondit-elle.

Ce qu'elle me racontait me paraissait tellement tiré par les cheveux. Je la regardait elle, puis Isaac, puis le corps étendu sur le sol, avant de me demander ce qui avait pu mal tourner dans ma vie pour qu'elle puisse prendre un tel tournant. Je me demandais ce qui allait advenir de ma vie, et si tout finira un jour par s'arranger.

Putain ce cauchemar devait s'arrêter après qu'il ait décampé de chez moi !

- Il faut que tu viennes avec nous, tu ne peux pas rester ici toute seule c'est bien trop dangereux, des hommes peuvent revenir tu comprends ? me dit-elle me ramenant à la réalité.

- Personne ne viendra si on laisse des hommes en bas, poursuivi son ami derrière elle.

- Je ne comptais pas vous suivre, répondis-je sur le coup de l'entêtement.

- Tu vois ? lança-t-il alors à Suzan.

La peur me rongeait de l'intérieur mais je ne voulais certainement pas m'enfoncer dans leurs emmerdes encore plus en m'enfuyant avec eux. Les suivre serait me mêler encore plus à leurs histoires, alors que c'était justement ce que je devais éviter à tout prix.

- Je ne dirais pas non pour que vous postiez quelques hommes en bas au cas où, mais c'est tout.

- Bien, finit par dire Suzan après quelques secondes d'hésitation.

- Sachez qu'au moindre problème j'appellerais la police parce que j'en ai rat-le-cul de devoir passer par quatre chemins chaque fois juste pour vous éviter les problèmes. J'suis une simple citoyenne de cette ville moi, pas un agent secret ou je ne sais quelle autre foutaise. Arrêter de vouloir me mêler à vous et vos problèmes, rajoutais-je pour mettre les points sur les i.

J'étais plus qu'agacée d'être mêlée à leurs histoires qui commençaient sérieusement à m'irriter. C'est ma vie qui était en jeu, merde.

Ô comme je regrette d'avoir croisé ton putain de chemin Isaac.

- Oui ne t'en fais pas, tout rentrera bientôt dans l'ordre, me répondit alors la brune d'un ton qui se voulait désolé et rassurant.

L'autre ne dit rien et me toisait seulement de ses sombres iris.

- N'oublie pas que t'es la seule responsable de ce qui se passe actuellement, finit-il par dire.

J'aurais été étonnée que tout le culot qui débordait de son âme ne fasse pas apparition dans les secondes à suivre de toute façon.

Je savais exactement ce à quoi il faisait allusion, encore et toujours. Et moi je me demandai encore si je l'aurais vraiment aidé ce-soir là si j'avais su que ce n'était que la partie visible de cet immense iceberg auquel je me heurtais actuellement.

Je préférai le fusiller du regard plutôt que de rentrer dans un énième débat contre lui, ils allaient s'en aller de toute façon, inutile d'ouvrir les hostilités maintenant.

°°°

Il devait être près de deux heures du matin et j'étais désormais assise sur mon canapé, une couverture recouvrant mes jambes ramenés à ma poitrine, insomniaque, avec Isaac assis sur le rebord de la fenêtre en train de s'allumer une clope. J'étais en train de me demander ce qui ne tournait pas rond dans ma vie pour que tout aille autant de travers et que rien ne se déroule comme je le souhaitais.

- Ne me regarde pas comme ça, j'voulais pas rester non plus je te rappelle.

Il regardait vers l'extérieur, comme à son habitude, mais avait sûrement remarqué le poids de mon regard sur lui.

Suzan l'avait obligé de passer au moins cette nuit ici au cas où, ne pouvant rester elle-même puisqu'elle devait pirater la communication de l'ennemi, et brouiller les pistes. La mort de quelques-uns d'entre eux devait également être étouffé.

Un homme était passé tout à l'heure pour emmener le corps de la défunte et nettoyer les lieux, mais la tâche de sang avait déjà imprégné le vieux parquet y laissant ainsi une couleur pourpre, à mon plus grand regret.

Sa vue allait me raviver le souvenir amer cette soirée pour le restant de mes jours, moi qui voulait tenter de l'oublier. Je pensai également à ma caution qui allait sauter. Il ne manquait plus que ça.

Je détournai mon attention de cette tâche et la portai vers Isaac.

Ce dernier avait ouvert la fenêtre, s'asseyant ainsi sur son rebord, adossé contre la paroi du mur. Il portait son regard au loin et le clair de l'une se reflétait sur une partie de son corps, accentuant les traits de son profil parfaitement tracés. La fumée qui s'échappait de ses poumons faisait lentement mouvoir son corps.

- Tu t'es retrouvée du boulot ? me demanda-t-il soudainement, non sans me regarder. 

Depuis quand est-ce qu'il en avait quelque chose à foutre de ma vie celui-là ?

- Toujours pas, répondis-je néanmoins.

- Mmh.

C'est moi ou cette interaction forcée est d'un ridicule sans nom ?

- C'est tant mieux que t'ai arrêté de bosser là-bas, me lança-t-il soudainement.

Je fronçais des sourcils. Je ne comprenais pas vraiment sa remarque.

S'amuserait-il de mon sort ? Ma bonne foi me murmurait qu'il ne ferait pas ça, et pourtant, se moquer de moi n'était pas quelque chose qu'il n'avait jamais fait.

Confuse, je ne répondis rien, ne sachant pas si ce commentaire était réellement négatif ou non, mais je sentie néanmoins un bout de colère naître en moi. Il avait toujours le don de m'énerver, c'était fou.

- C'était trop dangereux pour toi, ajouta-t-il après quoi.

Oh.

Puis le silence reprit son cours, il n'y avait plus un bruit, pas même dehors. Il n'avait pas tord, mais la vie serait trop facile si l'on pouvait toujours avoir le choix. Et moi dans cette vie, je n'ai jamais eu droit d'avoir le choix.

Je ne répondis rien, puisqu'il n'y avait rien à dire à ce sujet. Il avait raison.

Finalement, sa remarque n'était pas une critique négative.

- Tu me serai venu en aide l'autre soir si t'avais su qu'il s'agissait de moi ?

Je me surpris moi-même à lui poser cette question. Je crois qu'elle résidait dans un coin de mon esprit depuis cette nuit-là, mais je pensais ne pas espérer de réponse.

- J'en sais rien, dit-ils alors d'un ton las, toujours sans dénier me regarder.

Sa réponse ne me blessa même pas, je n'en attendais pas moins de lui, ce manque d'humanité ne m'étonnait tristement pas venant de lui.

- Bizarre que tu sois intervenu n'empêche, toi qui n'en a rien à foutre du problème des autres habituellement... dis-je pensive.

- Je m'ennuyais.

Je repensai alors à notre proximité, au sentiment d'avoir été en sécurité près de lui, et ne pus m'empêcher de regretter d'avoir piètrement ressentie cela.

- Tu veux toujours me voir six pieds sous terre ? lançai-je.

À croire que cette soirée forcée laissait place aux questions enfouies et à la libération des non-dits.

- Et toi t'en a toujours envie ? me demanda-t-il en me faisant enfin face.

Ses yeux charbonneux se scellèrent aux miens mais n'avaient pas l'air d'attendre de réponse de ma part, comme s'il avait déjà la réponse à sa question. Il devait penser que oui, au vu de la façon dont j'avais voulu me donner à la mort avec cette euphorie singulière sous ses doigts emprisonnants.

- J'en sais rien, avouai-je avec une pointe de mensonge.

Cette conversation n'était qu'un échange de questions et de réponses plus vagues les unes que les autres, mais je supposai qu'elles étaient à notre image.

Puis il détourna de nouveau sa tête pour se désintéresser de moi.

C'était à croire qu'en sa présence je pouvais faire face à mes démons sans les refouler. Comme si je pouvais parler librement face à quelqu'un qui ne me prendrait pas pour une folle suicidaire. Je crois que je pourrais lui dire n'importe quoi, il s'en foutrait, tout simplement.

- C'est toujours aussi sombre, ajoutai-je dans un murmure à peine inaudible.

Ce que j'avais dit était abstrait, je ne parlais évidemment pas de l'environnement qui nous entourait, mais allait-il comprendre ?

Il n'en avait rien à foutre de ce que je pouvais lui confier. Il en avait rien à foutre de mes pensées les plus obscures. Ouais, je sois morte ou vivante, ça lui est égal. Et je crois que c'est ce qui me laissait me dévoiler sans une once de réticence.

- Au moins, plus il fait sombre, mieux on voit les étoiles, murmura-t-il doucement.

Ses mots flottèrent vers moi comme s'ils étaient destinés autant à lui-même qu'à moi, dévoilant une part de son âme habituellement recluse.

Je restai silencieuse, absorbant ses paroles, me demandant combien de couches de sens je devrais déchiffrer. Avait-il compris le réel sens de ma phrase ? La sienne portant également à confusion, je n'en avais pas la certitude, mais laissons le doute planer.

Ses mots s'insinuèrent en moi, et mes yeux se posèrent de nouveau sur cette fichue tâche au sol. Je me demandai s'il était étrange de pas être sensible à la mort. Je secouai la tête pour faire taire ces pensées dérangeantes, et plusieurs questions fusèrent en moi.

- La personne qui voulait me... kidnapper... que voulait-elle faire de moi ? Enfin je veux dire... pour quoi faire ? Seulement pour vous provoquer ?

La lumière rougeâtre de la braise de sa clope se forma tandis qu'il inhalait la fumée.

- Disons qu'on a quelques différends personnels, il recracha la fumée. Mais, reprit-il, c'est un proxénète avant tout, alors j'suppose que tu n'allais pas seulement lui servir de plante verte. Il aurait tiré profit de toi, comme avec toutes les autres.

- Un... proxénète ? répétai-je difficilement.

- Ouais, me répondit-il nonchalamment.

Je sentis des sueurs froides perler le long de mon dos rien qu'en imaginant que je devais être la prochaine sur sa liste. L'ambiance avait changé du tout au tout. Jamais je n'avais été dans de telles situation jusqu'à présent. Jamais je n'aurais crû être la cible de ce genre de personnes. Forcément, on pense toujours que ça n'arrive qu'aux autres, jusqu'au jour où ça nous tombe dessus.

Plus un mot ne sortit de ma bouche, et je me mis à fixer un point imaginaire devant moi, sans réussir à penser à autre chose. Ma gorge était sèche, et je n'arrivais pas à ralentir ces putains de battements de coeur qui ne faisaient que bouillir mon corps d'anxiété.

Et lui alors, pourquoi était-il si détendu ? J'avais l'impression que tout m'échappait. Il rendait la situation si négligeable et le problème si infime.

Mais c'était vrai, lui avait l'habitude de ce genre de choses. Ces sujets n'étaient que broutilles à ses yeux. Je supposais qu'il côtoyait que des types de ce genre au quotidien. C'en était presque flippant. Je me demandais à quoi ressemblait sa vie, ses missions et les choses barbares qu'il devait exécuter avec indifférence, mais mon cerveau ne prenait plus, alors j'arrêtai ça. Nos mondes étaient si différents.

- T'es la personne la personne la plus intrigante que j'ai eu à rencontrer jusqu'à maintenant, me confia-t-il soudainement en me tirant de mes pensées.

Je me demandai s'il détournait le sujet volontairement.

- Intrigante en bien ou en mal ?

- En mal, me répondit-il sans une once d'hésitation.

Sa réponse lui valut mon mutisme quelques secondes. Je suppose que son opinion sur moi avait un peu changé après ce soir-là. Il y avait de quoi. Il devait maintenant penser que j'avais moi aussi mes petits secrets.

Prise d'une soudaine soif, je me levai pour me servir un verre d'eau. Bizarrement, ma vision commença à se brouiller, les contours de la pièce se fondant en une masse indistincte de couleurs et de formes.

Après quelques pas, je pris appui contre le mur sur ma droite. Le regard d'Isaac pesait dans mon dos.

- Combien de temps que tu n'as rien mangé ? me demanda-t-il de là où il était.

Je fermai les yeux, agacée d'avoir cette conversation. Agacée qu'il remarque tout.

- Trois jours seulement.

Prioriser le loyer et toutes les charges qui allaient avait été ma priorité de mois-ci. J'étais déjà à découvert, et manger pouvait attendre.

- T'en étais à deux la dernière fois.

Silence.

Son constat nous permis à tous deux de comprendre que ma capacité à tenir longtemps sans manger s'était améliorée. Et puis pourquoi s'amusait-il à m'observer ?

Mon mal-être s'étant dissipé comme de la fumée, je pris mon verre d'eau, et me réinstallai sur le canapé sous le regard scrutateur du mercenaire. J'avais peur qu'il me fasse la morale, ou qu'il ne me force à manger quelque chose.

Étonnement, et à mon plus grand bonheur, il ne me dit rien de plus. C'est qui était étonnant avec lui. Il ne réagissait jamais comme les autres, il était imprévisible. C'est un putain de mercenaire, ne veut pas jouer la nounou surtout.

Ça me plaisait.

- J'espère qu'après ce soir on ne se verra plus pour de bon, ajouta-t-il en me tirant de mes pensées.

Il jeta son mégot par dessus la fenêtre.

L'atmosphère se refroidît en une phrase à peine. Nous commencions à entrer dans un réel sujet de conversation et il venait de dresser un mur pour nous empêcher d'aller plus loin, laissant croire que même les quelques mots prononcés plus tôt lui étaient une erreur. Sa dureté devait sûrement avoir pour but de couper toute appétence à poursuivre la discussion.

- Sache que je te hais toujours autant.

Je lui avais peut-être dit ça car piquée dans mon égo, ou peut-être pour lui montrer que cet échange nocturne n'avait en rien changé ma façon de le voir, ou mes sentiments à son égard.

- Et c'est toujours réciproque.

Un brise glaciale pénétra dans la pièce faisant ainsi bouger les rideaux à cet instant, mais lui ne sourcilla même pas.

Je me levai alors, faisant tomber la couverture à mes pieds et la chaleur laissée par la couverture sur mes cuisses se dissipa au contact de l'air frais et me fit frissonner jusqu'à mes pieds nus. Je marchai jusqu'à arriver à son niveau, là où il me fit enfin face.

Il était un réel mur de glace.

Voilà, je le savais.

Nous nous regardâmes un instant qui je le crois dura une éternité, où il me scruta et dont je fis de même pour lui. Nous nous regardâmes comme si nous avions milles et unes choses à nous dire mais que nous ne devions pas. Que nous ne voulions pas.

- Il fait froid maintenant, dis-je en portant ma main à la poignet de la fenêtre.

Je ne parlais pas de la température, et il le savait.

Il attendit un peu avant de se lever lentement non sans me quitter du regard; puis alla s'installer sur le canapé, là où ma place devait encore être chaude, tandis que je refermais cette fichue fenêtre.

Il avait eu raison d'avoir mit un terme à cette discussion.

Après tout, nous n'étions que des étrangers ayant eu affaire l'un à l'autre par le hasard de la vie. Des étrangers qui avaient eu des différents.

Il y avait suffisamment de raisons pour maintenir une distance entre nous ce soir. Je ne devais pas me frotter à ce malfaisant.

Je me dirigeai vers ma chambre en l'ignorant, fermai ma porte et me glissai sous mes draps encore frais. Je savais que je n'allais pas réussir à fermer l'oeil de la nuit, pour des raisons évidentes, mais je fis semblant.

Je portai une main à ma poitrine, mais les battements de mon coeur ne voulaient cesser de battre aussi rapidement.

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