20 novembre 2023
Abu Dhabi
Esmée n'arrive plus à gérer ses émotions, elle a l'impression de se perdre entre toute la tristesse et la colère qu'elle ressent. Elle est incomprise par le pilote sur ses choix mais elle ne remarque pas que ce dernier est autant perdu qu'elle en rentrant dans leur chambre d'hôtel derrière elle.
La pianiste ne veut qu'être rassurée pourtant Pierre semble avoir instauré une distance conséquente entre eux. Il ne l'observe que du coin de l'œil, ne voulant plus tenter des approches pouvant se terminer par des échecs cuisants depuis le restaurant.
Il reste dans la salle de bain à retirer les boutons de sa chemise avec agacement, il est énervé par la situation qu'il ne parvient pas à calmer. Pourtant, deux petites mains se posent sur ses abdominaux pour l'aider à défaire les attaches de sa chemise en coton, son regard bleu ne lâche pas la pianiste qui est concentrée à l'aider.
Ses doigts fins sont bien évidemment plus agiles que les siens, ces derniers se posent rapidement sur son torse après qu'elle ait retiré sa chemise et ses lèvres ne tardent pas à s'écraser sur les siennes. Elle presse son petit corps contre celui du pilote, cherchant le moindre contact avec lui.
Pierre est pris de court tandis que les mains de la pianiste glissent jusqu'à sa nuque pour approfondir leur échange. Son cœur explose dans sa poitrine face à cette sensation indescriptible qui lui avait manquée à chaque fois qu'elle refusait ses avances.
Mais il n'est pas idiot.
Ses mains se posent sur les épaules de la brune pour la repousser légèrement sous son regard consterné. Esmée l'observe perdue par ce mouvement de refus. Elle se pince les lèvres pour contenir l'assaut de ses larmes face à ce rejet.
- Tu ne peux pas me repousser pendant des jours puis m'embrasser sous prétexte que ça ne va pas, souffle-t-il. Je ne suis pas ton jouet que tu peux utiliser quand ça te chante, c'est blessant.
Sa voix se brise sur ce dernier mot et il recule pour rompre le contact avec la belle brune. Esmée ne répond rien, elle se contente de le fixer de ses yeux humides par les larmes. Esmée aimerait tellement défaire le pli marquant son front montrant son agacement mais elle perd sa contenance.
C'est vrai qu'elle l'a utilisé ces derniers temps, le fuyant à la moindre opportunité, ne lui lançant que des regards noirs d'agacement qui disparaissaient bien vite une fois la nuit tombée lorsqu'elle avait besoin de ses bras pour réussir à s'endormir dans une position convenable avec son vente.
Elle réalise que Pierre prenait sur lui, en essayant de l'aider alors qu'elle ne faisait que le repousser. Ses lèvres tremblent, c'est le signe avant-coureur d'une crise de larmes que le pilote a appris à reconnaître. Il ne flanche pas, pas cette fois-ci en déclarant d'une voix blanche :
- Maintenant sors s'il te plaît, j'aimerais bien me doucher.
Elle obtempère immédiatement face à son regard bleu foudroyant, Esmée referme la porte après sa sortie en traînant des pieds et seule dans la chambre, elle ne peut plus contenir ses larmes en comprenant qu'elle tient un rôle qui ne lui ressemble pas.
Elle n'est pas rancunière, encore moins pour un sujet aussi important pourtant elle se comporte comme la pire des pestes.
Elle sort sur le vaste balcon, s'asseyant sur un transat disposé là, ses yeux se perdent sur la ville d'Abou Dabi s'étendant à ses pieds, mêmes les eaux turquoises des bassins artificiels sont illuminées dans cette nuit noire.
Elle ne compte plus les minutes où elle reste à observer la ville, son cœur pris d'une tristesse implacable. Elle est certaine à cet instant précis que même les touches d'un piano ne réussiraient pas à la faire disparaître de ses veines.
- Tu comptes dormir dehors ?
Esmée tourne la tête vers le pilote, appuyé contre la porte vitrée menant au balcon, il n'est vêtu que d'un short et de ses fameuses chaussettes remontant sur ses mollets.
Elle se pince les lèvres tentant de déterminer s'il est énervé ou agacé par son comportement. Son regard semble s'être adouci, la douche a du faire redescendre la pression. Il s'approche pour s'installer sur le bout du transat aux côtés de la brune, cachant la vue qu'elle pouvait avoir sur la ville.
Elle l'observe les lèvres pincées attendant qu'il parle le premier, elle se sent beaucoup trop honteuse. Ses yeux le détaillent avec attention, il a refait les contours de sa barbe et Esmée trouve qu'il a plutôt bien réussi pour l'avoir fait tout seul.
Ses yeux s'arrêtent sur le cadeau qu'il tient entre ses mains, Pierre remarque qu'elle l'observe avec consternation et il murmure :
- Ce n'est parce qu'on est en froid que je ne te le donnerai pas, surtout qu'il était prévu depuis longtemps.
La pianiste l'observe tendre son emballage cadeau avec hésitation, il ne paraît pas bien sûr de lui ayant sans doute peur d'être maladroit. Ses sourcils se froncent lorsque ses doigts se referment sur le cadeau.
- C'est en quel honneur ?
- Je n'ai pas oublié que c'est son anniversaire, souffle-t-il.
Esmée ne peut détourner les yeux du pilote, elle se pince les lèvres en le remerciant avant même d'ouvrir le cadeau. Il n'aurait pas dû se donner la peine d'acheter quelque chose à son attention. Esmée y a pensé toute la journée, elle n'en a pas parlé mais elle est certaine que Pierre a remarqué son air égaré et son irritabilité.
Elle baisse la tête sur le papier qu'elle déchire doucement pour dévoiler une photographie de son fils dans un cadre flambant neuf. Il s'agit de la même photographie présente dans le cadre qu'elle a cassé lors de leur dernière dispute et elle déglutit.
Son regard croise de nouveau celui de Pierre avant qu'elle ne se loge dans ses bras pour une étreinte qu'il lui rend tendrement. Elle ne pleure pas, son cœur se serre simplement dans sa poitrine lorsqu'elle murmure d'une voix étranglée :
- Je suis désolée.
Elle sent les mains du jeune homme se perdre dans ses cheveux lorsqu'il accentue leur étreinte doucement, venant un peu plus coller le ventre de la brune contre son corps.
- J'avais peur que ça soit maladroit, avoue-t-il.
- Ça ne l'est pas.
Le pilote en est soulagé, il ne lâche pas la brune pour autant attendant qu'elle brise leur étreinte la première. Il sait qu'elle aurait pu arriver demain pour ce week-end de course afin d'aller à Nanterre aujourd'hui. Elle ne l'a pas fait pour rester avec lui, malgré les tensions qui existent depuis le début de la semaine.
- Il aurait dû avoir quatre ans, chuchote-t-elle. Il n'aura jamais fait ses premiers mots, ses premiers pas et même sa première rentrée. Je me sens si triste de me dire que j'ai également manqué tout ça mais en même temps quand il était en soins intensifs, je voulais juste que ça s'arrête.
Sa voix craque et les larmes reviennent à l'assaut aussitôt. Elle les essuie d'un geste de la main en s'éloignant de Pierre pour le faire, elle détourne le regard de ses yeux bleus remplis de bienveillance. Il est sans aucun doute trop bon pour qu'elle mérite sa présence.
- Je ne veux pas revivre ça, Pierre. Je ne veux pas perdre un autre enfant.
- Je sais, regarde-moi p'tit cœur.
Son index se pose sous son menton pour qu'elle puisse relever le regard vers lui, Pierre ne veut pas qu'elle fuit la discussion, il veut qu'elle l'écoute avec attention.
- Et moi je ne veux pas te perdre, avoue-t-il.
Esmée se pince les lèvres en hichant la tête, elle ne veut pas le perdre non plus pourtant elle se sent déchirée en deux depuis qu'elle a évoqué la possibilité de faire ce choix au pilote.
- Pierre...
- Je ne veux pas d'enfant de remplacement, continue-t-il. Comme je ne veux pas de maman de remplacement pour mon bébé, il n'y a aucune femme pouvant t'arriver à la cheville s'il y a des complications.
Esmée sent son cœur s'arrêter, il finit par attraper ses mains dans les siennes et la pianiste comprend qu'il n'a pas terminé de parler. Elle n'ose pas l'interrompre, elle l'écoute avouer ce qui semble évident :
- Je pense qu'on ne pourra pas s'entendre sur ce choix, jamais mais nous ne sommes pas obligés d'être du même avis si il n'y a pas de complications. Si tout se passe bien, ce choix n'aura pas lieu et je veux juste qu'on arrête d'imaginer le pire alors que tout pourrait bien se passer, est-ce que tu es d'accord ?
Esmée se perd dans son regard bleu qu'elle ne peut plus lâcher, elle ne saurait dire par quel moyen ce dernier transmet autant de force et de conviction. Peut-être qu'au fond, cette question s'est posée sur une peur profonde qui n'a pas lieu d'être et qui vient de disparaître par les paroles rassurantes de Pierre.
Elle hoche la tête doucement et cela suffit à convaincre le pilote, ils restent à s'observer durant de longues secondes jusqu'au moment où Esmée brise leur éloignement pour le serrer dans ses bras. Un soupir de soulagement s'échappe se ses lèvres quand il dépose un baiser sur sa joue, son torse brûlant la réchauffe immédiatement.
Sa tristesse s'évapore instantanément dans cette étreinte démesurée d'amour, parsemée des baisers du français sur ses joues, son front, son nez. Elle voudrait s'excuser pour son comportement récent mais Pierre murmure juste avant de capturer ses lèvres :
- Tout est déjà pardonné, alors pas besoin de s'excuser mademoiselle.
Et Esmée sourit en lui rendant son baiser avec ardeur.
chapitre un peu court désolée <3