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Pierre reste de longues minutes à tenter de calmer la brune. C'est en passant sa main sur son front qu'il constate qu'Esmée est brûlante de fièvre.
- C'est rien, souffle-t-elle. J'ai juste un peu froid.
Il pense tout de suite à un coup de froid et s'active pour chercher une couverture dans le petit appartement. Un plaid attire son attention et il s'empresse d'enrouler Esmée dedans et s'assoit près d'elle dans le canapé, elle vient se blottir dans ses bras en reniflant péniblement.
- J'ai perdu mon fils, dit-elle précipitamment. Ça va bientôt faire deux ans, il avait huit mois quand il est décédé.
Pierre ne répond rien et resserre son étreinte autour de la pianiste. Il porte un regard et constate que ses pomettes sont confrontées à l'humidité de ses larmes.
- Je ne sais pas pourquoi je t'en parle, je crois que j'ai besoin d'en parler à quelqu'un d'extérieur.
Pierre saisit sa main dans la sienne pour affirmer sa présence. Ça ne le dérange pas, il se souvient encore deux ans auparavant avoir raconté à un inconnu ce qu'il avait sur le cœur, après sa dégradation d'une écurie à une autre en formule un. Mais ce n'est pas comparable, rien n'est comparable. Pierre sait que personne ne réagit de manière identique face aux situations.
- Le pire dans tout ça, c'est que j'ai rien vu et qu'on a été accusé de maltraitance, moi et son père, Benjamin. Il avait des hématomes crâniens conséquents, on a été placé en garde à vue pour être soumis à des interrogatoires alors que c'était sa nounou.
Pierre déglutit difficilement, il baisse les yeux sur leurs doigts entrelacées et il constate qu'elle joue avec sa chevalière, s'amusant à la tourner autour de son auriculaire.
- Elle n'a rien avoué, elle était même à l'hôpital avec nous pendant les scanners et elle m'a tenu la main quand il est décédé alors qu'elle l'avait secoué six heures plutôt.
Pierre retient difficilement ses larmes, ses sentiments sont partagés entre l'horreur et la colère tandis qu'Esmée ne paraît plus rien ressortir en disant ses mots. Elle vide sa parole et ses émotions d'une pierre deux coups.
- J'ai vu le rapport du médecin, il avait un hématome dorsal. Ce dernier a été clair, elle l'a jeté contre le mur pour qu'il arrête de pleurer.
Pierre n'est pas très bien, il a la nausée et évite le regard de la brune. Il se demande comment elle peut tenir avec un espoir si infime alors que la vie lui a tout arraché avec tant de brutalité.
- Je me dis souvent que je devrais arrêter de perdre mon énergie dans ce procès mais je le fais pour qu'elle arrête d'exercer, pour pas qu'un autre enfant ne meurt comme mon Timéo.
- Si tu ne vas au bout du procès, ça te bouffera toute ta vie, Esmée.
- Ça me bouffe déjà, tu sais. J'aurai jamais du laisser mon gamin à cette femme, murmure-t-elle les yeux clos.
