19 novembre 2023
Paris
Esmée est tirée de son sommeil lorsque le lit s'affaisse doucement sous le poids de Pierre se glissant à ses côtés. Il vient tout juste de rentrer de Las Vegas. Leurs corps ne se touchent pas, elle sait qu'il se trouve juste derrière elle et qu'il doit penser qu'elle dort.
Elle recule jusqu'à heurter son torse et immédiatement les mains de Pierre se posent sur ses cuisses qu'il aggripe afin de l'approcher un peu plus de lui. Habituellement Pierre aurait entouré sa taille de ses bras mais il n'ose pas frôler son ventre par peur que la brune reçoive des coups mouvementés de leur bébé.
Esmée s'en rend compte puisqu'elle attrape la main de ce dernier pour la déplacer jusqu'à son ventre en liant ses doigts aux siens. Ça ne la dérange pas que le bébé bouge à la moindre pression exercée sur la peau de son ventre, bien au contraire et Pierre embrasse sa joue en sentant un autre coup.
- Vous m'avez beaucoup manqué, susurre-t-il au creux de son oreille.
- C'est bizarre que la course soit un samedi, et que tu rentres déjà le dimanche soir, souligne Esmée.
Pierre acquiesce, tout le programme était decallé un jour plus tôt pour cette première course à Las Vegas. Il sent la brune se retourner pour lui faire face, un de ses bras entoure son bassin lorsqu'elle pose sa tête contre son torse dénudé. Elle entremêle immédiatement ses jambes aux siennes avant de soupirer :
- Tes chaussettes...
- Désolé j'ai oublié.
Une main se glisse dans ses cheveux ondulés et Pierre est heureux de la retrouver. Il aime entendre sa respiration qui se cale sur le rythme de la sienne et il aime sentir ses doigts parcourant son flanc qu'elle caresse agréablement.
- Ça se peut que je me sois endormie hier matin après le départ de la course.
- A partir de quel tour ?
- Je ne sais plus mais sept heures c'était trop tôt pour moi.
Elle est sûre que Pierre sourit dans l'obscurité de la chambre. La pianiste se sent si bien dans ses bras et elle a hâte que la fin de la saison arrive afin de profiter un peu plus de sa présence.
- Tu m'as manqué, murmure-t-elle en accentuant son étreinte autour de son bassin.
Sa tête finit par trouver le creux de son épaule, elle dépose un baiser dans son cou tout en respirant son odeur et Pierre ajoute :
- Je ne pensais pas dire ça un jour, mais j'aime vraiment rentrer entre deux grand-prix quand je sais que je vais te retrouver ici.
- T'es mignon.
- Arrête de te moquer, soupire Pierre en souriant.
- Je ne me moque pas, je rougis mais tu ne peux pas voir l'effet que tu me fais.
Elle dépose un autre baiser sur sa mâchoire pour accompagner ses propos. Pierre ne s'arrête plus de sourire, il ne peut s'empêcher de penser qu'elle aussi lui fait beaucoup d'effet, il suffit de voir à quel point son cœur s'est affolé quand il a passé le palier.
Pierre se perd dans ses pensées et il entend vaguement la pianiste chuchoter son prénom dans l'obscurité. Il reconnaît bien trop le ton de sa voix lorsqu'elle est troublée, il passe un bras dans son dos pour assurer qu'il l'écoute attentivement.
- Je suis un peu stressée pour le rendez-vous de demain, avoue-t-elle. Elle va juste donner la date de la césarienne. Je sais qu'il faudra bien qu'il naisse, j'ai hâte que le bébé soit avec nous mais en même temps j'ai un peu peur parce que ça se rapproche.
- Ça va aller, je te le promets.
- Et si... si il y a des complications lors de l'opération, promets-moi que tu diras aux médecins de sauver le bébé en priorité.
Le cœur de Pierre s'arrête sur ses propos, l'idée d'un tel choix ne l'avait encore jamais effleuré. Il se redresse aussitôt comme brûlé par ces mots, il comprend qu'elle a réfléchi à cela depuis bien longtemps à l'entente du ton qu'elle a employé.
Elle est sûre d'elle et elle comprend que Pierre n'est pas de cet avis lorsqu'il se penche pour allumer la lampe de chevet. Esmée se pince les lèvres en apercevant son visage pour la première fois depuis plusieurs jours.
Esmée meurt d'envie de l'embrasser mais elle vient de réveiller une lueur tourmentée dans son regard, illuminée par la lumière dorée de la lampe de chevet. Elle l'observe passer une main dans ses cheveux bruns en soupirant lorsqu'il s'assoit en tailleurs au milieu des draps pour réfléchir avant de parler.
Ses sourcils sont froncés sous la réflexion et Esmée comprend qu'il est déstabilisé par ce qu'elle pense depuis si longtemps, depuis qu'elle a perdu Timéo et qu'elle ne souhaite pas connaître une autre douleur aussi profonde, elle ne s'en remettra pas. Elle ne pourra pas vivre avec la mort d'un second enfant alors qu'elle aurait pu le sauver.
- A quel moment tu t'es dit qu'il y aurait un problème ? A quel moment tu penses à faire ce choix ?
Pierre secoue la tête pour chasser les pires scénarios de ses pensées, mais ça n'empêche pas l'affluence des larmes aux coins de ses yeux. Il reconnaît d'une voix étranglée :
- Je ne peux pas te le promettre car je ne suis pas d'accord avec toi. Des enfants, on peut en avoir d'autres mais que si tu es là, j'en veux qu'avec toi.
- Des enfants de remplacement alors...
La pianiste déglutit difficilement en détournant le regard de Pierre, elle s'extirpe de la couverture avec lassitude. C'est tout ce qu'elle souhaitait éviter, c'est ce qu'elle lui avait dit lorsqu'ils étaient au cimetière pour voir son fils. Elle ne souhaite pas le remplacer par un autre enfant, elle ne souhaite pas l'oublier et par dessus tout, elle ne veut pas connaître cette douleur de perdre l'enfant qu'elle porte en elle.
- Esmée, je n'ai pas dit ça.
- Je ne pourrais pas vivre avec la mort de mon bébé mais t'as pas l'air de le comprendre, maugrée-t-elle.
- Et tu crois que c'est bien pour un bébé de naître sans sa mère ? Tu penses que laisser un enfant avec cette culpabilité toute sa vie, c'est bien ?
- Si tu me choisis, je ne te le pardonnerais jamais.
Sa voix est amère et Pierre l'observe quitter la pièce pour se diriger vers le salon. Il se lève pour la suivre en étant complètement déchiré par ce qu'elle est en train de dire. Il s'arrête dans le couloir, à la frontière du salon, menant vers leur chambre. Il s'appuie contre le mur et il murmure simplement :
- Retourne te coucher, Esmée.
La pianiste peut l'entendre soupirer quand elle secoue la tête signifiant qu'elle souhaite rester ici. Elle se replonge dans son puzzle, cherchant à assembler les pièces de ce dernier. Assise à même le sol, elle essaye de se concentrer même si cela est difficile. Elle aurait préféré pianoter si seulement il ne faisait pas nuit noire.
Le pilote traverse le salon pour se laisser tomber sur le canapé en face de la brune plongée au-dessus de la table basse éclairée par les spots qu'elle a a allumé. Elle assemble ses pièces de puzzle sous le regard azur de Pierre qui souffle :
- Je ne changerai pas d'avis sur ça, peu importe ce que tu me diras. C'est toi ma priorité.
- C'est à moi de faire encore des concessions en cédant ?
Elle a relevé la tête vers Pierre en disant ses mots, son regard est tranchant et le pilote perd sa contenance en constatant qu'elle passe une main sur son ventre dans un geste distrait comme si qu'elle regrettait. Pierre fixe son ventre arrondi et il vient seulement de comprendre ces sous-entendus qui lui fracassent le cœur.
- Être enceinte, c'est ce que tu appelles une concession ? lâche-t-il d'une voix tremblante.
Esmée se pince les lèvres sans réponse et c'est cette même absence de réponse qui brise le pilote. Les larmes affluent aussitôt à ses paupières lorsqu'il balbutie :
- T'en voulais pas de cet enfant ?
La pianiste continue de le fixer, incapable de répondre à ces interrogations. Elle est bloquée par le déchirement qu'elle lit dans le regard de Pierre, il se prend la tête dans ses mains affligé par ce qu'il se passe devant ses yeux.
- Mais Esmée putain, sanglote-t-il. Je t'aurais attendu si tu ne voulais pas d'enfant dans l'immédiat, et même si tu n'en voulais jamais, je serais resté.
Esmée ne peut plus contenir ses larmes lorsqu'elle se lève pour enlacer le pilote. Il ne tente même pas de la repousser quand elle attrape son visage entre ses paumes égratignées de cicatrices, son regard bleu se perd dans le sien. Il pleure autant qu'elle et Esmée murmure :
- Ne crois pas que je ne voulais pas de notre bébé alors qu'il est la personne que j'attends le plus au monde avec toi.
- Je ne peux pas te promettre ce que tu veux, avoue-t-il. Je ne peux pas, c'est trop dur, je ne veux pas détester un bébé parce que j'ai perdu sa mère, je lui en voudrais toute sa vie comme toi tu m'en voudras toute ma vie si c'est le contraire.
Et Pierre attire la brune contre lui, il l'enlace avec force en sachant que l'abcès est loin d'être percé, mais il lui a dit tout ce qu'il avait sur le cœur, en sachant pertinemment qu'il ne pourra jamais être du même avis qu'elle.
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24 novembre 2023
Abu Dhabi
Esmée chasse la main du rouennais venue se poser sur sa cuisse. Elle lui lance un regard noir comme à chaque fois qu'il essaye d'amorcer le moindre contact entre eux. Il déglutit et détourne rapidement le regard, ne parvenant pas à désamorcer la tension régnant entre eux depuis quelques jours.
Esmée en veut au pilote de ne pas être de son avis. Elle se sent incomprise par ce dernier et elle refuse de faire une autre concession pouvant aller dans son sens, surtout pas pour un tel sujet. Son irritabilité est encore plus accrue en ce jour particulier et cela n'arrange pas les choses entre eux.
Elle se contente de poursuivre sa discussion avec Carlos assis à côté d'elle au milieu de cette longue table, réunissant quelques uns des amis des pilotes et leurs compagnes pour ce dernier vendredi soir de week-end de grand-prix.
- Au fait, quand est prévu l'accouchement ?
Cette question de l'espagnol semble attirer l'attention de toute la table et les regards se posent sur les futurs parents assis côte à côte. La troisième échographie a eu lieu avant leur départ pour ce dernier rendez-vous de la saison et depuis ils connaissent enfin la faleuse date que Pierre s'empresse de communiquer :
- C'est le vingt-sept janvier.
- Ça sera peut-être même un peu avant, souligne Charles.
Le couple secoue négativement la tête de manière coordonnée sous les sourcils froncés de leurs amis.
- C'est une césarienne, elle se fait lors de trente-neuvième semaines d'aménorrhée, à huit mois et demi alors il y a peu de chance que je perde les eaux avant, explique la concernée.
- Mais, il y a un problème pour que ça soit une césarienne ?
- Non, enfin c'est juste que je ne peux pas accoucher par voie basse, j'ai le bassin un peu étroit.
Esmée se pince les lèvres suite à ses révélations, elle n'est ni gênée de l'expliquer seulement un peu honteuse de ne pas pouvoir donner naissance comme la majorité des femmes.
Elle est soulagée que la discussion bascule sur un autre sujet lorsque Charles parle avec entrain du saut que lui et Pierre vont effectuer d'un avion à Dubai en début de semaine prochaine.
Esmée esquisse un petit sourire en voyant le rouennais heureux d'y participer, elle se crispe en sentant cette envie pressante d'aller aux toilettes. Elle est mal à l'aise de devoir demander à la moitié des personnes situées sur la banquette de se décaler une nouvelle fois pour qu'elle puisse se lever pour cette deuxième envie pressante en moins d'une heure.
- Pierre, chuchote-t-elle.
Son regard bleu s'ancre dans le sien, il ne paraît pas en colère contre elle malgré les derniers événements. Pourtant il l'écoute avec attention en dépit de leurs différents quand elle demande d'une petite voix :
- Est-ce que vous pouvez vous décaler ? Je dois aller faire pipi.
- Encore ?
Elle acquiesce, elle a bien trop peur d'avoir une autre fuite urinaire depuis que sa vessie est comprimée par le bébé qui prend de plus en plus de place dans son ventre. Pierre fait un signe aux autres de décaler de la banquette pour que la brune puisse se lever.
Esmée se rend immédiatement aux toilettes du restaurant mais c'est déjà trop tard. Les larmes coulent immédiatement sur ses joues rosées de maquillage, elle sait pertinemment que ce n'est pas simplement la tâche présente au fond de son sous-vêtement humide, c'est un tout.
Une accumulation de choses, sa dispute avec le rouennais et le simple fait que la journée d'aujourd'hui soit le vingt-quatre novembre.
Elle tire la chasse d'eau et referme la porte de sa cabine, elle n'a pas le temps d'essuyer ses larmes face à la glace présente au-dessus des vasques que la porte s'ouvre sur Pierre.
Ses yeux larmoyants croisent son regard bleu, elle éclate en sanglots ne pouvant se retenir plus longtemps par la difficulté de cette journée où elle a essayé de ne rien laisser transparaître lors des essais libres. Elle se loge dans ses bras, ses doigts aggripent fermement le bas de sa chemise blanche lorsqu'elle avoue :
- J'ai eu une fuite urinaire, je me suis fait pipi dessus...
- Est-ce que tu veux que j'aille te chercher quelque pour te changer ?
- Non, c'est un tout petit peu, ça ne se voit pas mais ça m'énerve.
Pierre ne rajoute rien, il se contente de serrer la brune dans ses bras jusqu'à ce qu'elle se rende compte de son erreur. Elle a cédé pour la première fois depuis cinq jours, elle se recule en lui lançant un regard noir, plein de rancune avant d'essuyer ses larmes et de quitter la pièce.
Elle laisse Pierre face au miroir, les lèvres pincées. Il sait qu'il n'y a pas que ça, il aimerait tellement réussir à la réconforter en ce jour particulier mais elle n'a fait aucun geste pour lui demander son aide, ne voulant pas céder comme lui.
Même si aujourd'hui, elle avait besoin de lui pour surmonter l'anniversaire de son fils.
Coucou tout le monde, alors le sujet abordé est un vrai sujet que j'ai vu, j'espère que vous comprenez les deux points de vue : celui d'Esmée et de Pierre...
vos avis sur tout ça ? c'est un vrai débat