28 mai 2023
Monaco
Esmée panique. Elle fouille dans son sac à main sans parvenir à mettre la main sur son badge. Bloquant les gens derrière elle, elle finit par se décaler sur le côté en s'excusant devant la sécurité. Elle ne se souvient plus de ce qu'elle a fait de ce pass nécessaire pour rentrer dans le paddock.
La dernière fois qu'elle l'a vu c'était sur la table de la cuisine de leur appartement parisien. Pierre l'a laissé le jeudi avant de partir, et Esmée est persuadée de l'avoir mis dans son sac à main en partant ce matin.
L'espagnole se retrouve comme une idiote à rester plantée devant l'entrée du circuit, sans pouvoir y entrer alors que l'heure du départ se rapproche un peu plus à chaque minute écoulée.
Elle vide entièrement son sac avant de se résigner qu'elle a oublié son badge comme une idiote. Elle finit par saisir son téléphone pour appeler Pierre, même s'il y a peu de chances qu'il réponde. Elle l'appelle une première fois sur son numéro personnel, il ne répond pas et ça ne surprend pas la pianiste.
Elle hésite un court instant avant d'appeler sur son portable professionnel, quelques sonneries raisonnent avant que Pierre décroche, elle entend sa voix dans le combiné tandis qu'il prévient :
- Je dois aller en réunion là, je vais devoir te laisser.
- Je n'ai pas pu rentrer, déballe Esmée à toute vitesse avant qu'il ne raccroche. J'ai perdu mon badge, je suis bloquée à l'entrée et...
Elle entend le pilote lâcher un juron, elle s'excuse immédiatement de l'avoir dérangé même si Pierre sait pertinemment qu'elle l'appelle sur ce numéro en cas d'urgence. Il ne garde que son téléphone professionnel à porter de main lors d'un week-end de course.
- J'arrive, déclare Pierre. T'es à quelle entrée ?
Esmée lui indique sa position et elle patiente quelques minutes avant d'apercevoir Pierre par dessus les tourniquets de l'entrée du circuit. Il trottine dans sa direction, sa combinaison de course tombant sur son bassin.
Pierre s'approche avant de discuter quelques secondes avec un membre de la sécurité, paniqué par tout l'engouement que Pierre créé au niveau des barrières. Le pilote désigne la brune d'un doigt et Esmée finit par s'approcher les lèvres pincées en étant infiniment gênée.
Elle finit par passer par le tourniquet suite à l'intervention d'un agent de sécurité après que Pierre ait discuté durant de longues secondes avec ce dernier. Elle rejoint Pierre à l'intérieur du paddock et se confond en excuses :
- Je suis désolée, j'ai dû oublier mon badge ou le perdre. Je n'en sais rien, j'étais sûre de l'avoir pris ce matin.
Pierre acquiesce, il effectue une courte étreinte à la pianiste pour la rassurer que ce n'est pas bien grave. Elle se blottit un instant contre lui en s'arrêtant de s'excuser, elle comprend que Pierre ne lui en veut pas quand il ajoute :
- Je m'inquiétais de ne pas te voir arriver, p'tit cœur. Allez, viens.
Il attrape sa main dans la sienne pour traverser le paddock. Personne ne vient interdire l'accès à la pianiste en la présence de Pierre et en arrivant au niveau du garage, un membre de l'équipe d'Alpine se précipite pour donner un nouveau badge à Esmée.
- Évite de perdre celui-ci, soulève Pierre en le passant autour de son cou.
Un rictus amusé étire ses lèvres et Esmée lui ordonne d'arrêter de se moquer d'elle publiquement.
- Les concerts ne rendent pas vraiment célèbres, rétorque-t-il tandis qu'il reçoit un petit coup de coude dans les côtes.
Pierre finit par embrasser tendrement la joue de la brune avant de disparaître dans une salle pour commencer une réunion de stratégie de dernière minute sur les arrêts au stand très critiques lors de ce grand-prix de Monaco.
Esmée quitte l'hospitalité Alpine pour parcourir le paddock en ébullition une demie heure avant le départ. Elle déambule parmi les motorhome, discutant avec Charlotte qui est particulièrement stressée puisque le monégasque part une nouvelle fois en pôle position à domicile.
- Esmée !
Elle sursaute une main sur le cœur avant de se retourner pour faire face aux parents de Pierre. Un grand sourire étire ses lèvres avant qu'ils ne saluent d'une étreinte affectueuse, la pianiste ne savait pas qu'ils viendraient. Elle ne cache pas sa surprise, peut-être que Pierre a donné cette information sans qu'elle n'écoute.
- Ta représentation d'hier s'est bien passée ? questionne Pascale.
Esmée n'est pas étonnée qu'elle soit au courant. Pierre a du la prévenir qu'elle ne viendrait qu'aujourd'hui en étant à la Philharmonie tout le reste de la semaine.
- Oui ça a été, j'ai une petite pause de quelques jours pour aller voir mes parents. Il faudrait que vous vous rencontriez aussi, ajoute-t-elle sans hésitation.
Et le sourire de Pascale s'agrandit un peu plus en approuvant. Elle finit par jeter un coup d'œil à son mari, ils constatent que l'heure du départ approche et sans un mot, ils se déplaçent vers le garage de l'écurie française pour regarder les écrans.
C'est la première désillusion pour Pierre depuis le début de la saison, un mauvais arrêt au stand le fait finir hors des points pour la première fois depuis qu'il se trouve chez Alpine. Les arrêts aux stands coûtent chers dans la principauté. Il n'a pas vraiment les mots en interview, il préfère ne pas parler beaucoup par peur de s'emporter.
En l'attendant dans sa driver-room, Esmée est assise sur sa table de massage et Pierre rentre en étant dépité. Il hausse simplement les épaules en avançant, et, sans un mot, il se blottit dans les bras de la pianiste. Ses défenses cèdent tandis qu'il avoue d'une voix étranglée :
- Comment ruiner un week-end, je pars sixième et... putain... je leur ai dit que je ne voulais pas de double arrêt et je suis le couillon qui s'arrête en deuxième...
Esmée n'a rien à ajouter, elle se contente de passer une main dans le dos du pilote pour l'apaiser. Sa déception est entièrement justifiée.
- Charles est passé, est-ce que tu veux aller à sa soirée pour fêter sa victoire ?
- Est-ce qu'il va m'en vouloir si je ne viens pas ?
- Je ne suis pas très objective, répond simplement Esmée.
Pierre comprend ce qu'elle veut dire, s'il va à cette soirée, leur départ pour Barcelone ne sera retardé au lendemain alors qu'ils pourraient rentrer ce soir en prenant le dernier avion de nuit. Il se pince les lèvres en réfléchissant, il n'a pas vraiment envie de rester sur la principauté et il préfère qu'Esmée passe plus de temps avec sa famille.
- Je ne pense pas qu'il m'en tiendra rigueur, conclut Pierre en brisant leur étreinte. Par contre, je vais dire au revoir à mes parents avant de partir.
•••
- Ils dorment ? questionne Pierre en se garant dans la banlieue de Barcelone.
Esmée acquiesce, il n'y a aucune lumière émanant de la maison familiale. Ses parents doivent travailler le lendemain, ils doivent sans doute déjà dormir. Il est déjà plus de minuit quand le couple descend de la voiture que Pierre a récupéré à l'aéroport.
Esmée s'approche, elle soulève un petit vase sur le côté du pallier. Elle récupère une paire de clés en esquissant un sourire malicieux en direction du pilote. Elle déverrouille la porte et ils pénètrent dans la maison endormie. Ils regagnent rapidement l'étage en s'effondrant dans le lit de la pianiste, Esmée se blottit dans les bras de son fiancé en murmurant :
- Merci d'être venu bien plus tôt ici, je sais que tu le fais pour que je puisse voir mes parents.
- Ça serait idiot de ne rester que quelques jours à Barcelone sans profiter, souffle Pierre avant de s'endormir.
Le reste de la semaine passe incroyablement vite et quand le début du grand prix d'Espagne débute, c'est l'euphorie dans la famille Da Costa. Pierre a réussi à avoir des places pour chacun d'entre eux. Le frère de la pianiste est surexcité en arrivant sur le circuit pour le départ du grand-prix si bien qu'Esmée est obligée de le contenir :
- Mais calme-toi, bon sang. Tu me stresses.
Ils commencent à se disputer dans leur langue natale sous les yeux de Pierre amusé tandis qu'ils prennent le petit déjeuner à l'hospitalité Alpine. Sa petite sœur n'est pas présente, elle se trouve à Valence depuis le début du week-end ce qui a lancé des superstitions au sein de la familles.
- Elle a un copain, je te dis.
- Elle me l'aurait dit, rétorque Esmée à son frère.
- On ne te dit pas forcément tout, surenchérit le pilote.
Esmée se tourne vers Pierre, ses lèvres sont entrouvertes tandis qu'elle essaye de passer au-dessus de sa stupeur. Elle pointe son doigt vers son fiancé en le menaçant d'un regard noir.
- Toi, tu vas voir !
Pierre se lève pour débarrasser son petit déjeuner, il dépose un simple baiser sur sa joue avec un sourire amusé avant d'aller se préparer pour la course. Il part une nouvelle fois quatrième et il espère bien décrocher son second podium de la saison.
- On se voit en bas du podium, lance-t-il aux deux espagnols.
Et Esmée lève un pouce dans sa direction afin de l'encourager. Ils finissent par observer le grand-prix depuis les tribunes, la pianiste étant toujours un peu stressée lors du départ, elle est contente que son frère soit à ses côtés pour l'apaiser.
Pierre prend un excellent départ, dépassant immédiatement la Ferrari de Sainz pour récupérer la troisième place. Lors des tours suivants, il se bat avec avec la monoplace rouge de son meilleur ami sans parvenir à le dépasser.
Tout se passe lorsque l'écurie française décide de faire rentrer Pierre pour chausser des pneumatiques neufs. Pierre profite de ces derniers pour refaire son retard sur le monégasque, s'arrêtant le tour suivant mais Charles a perdu beaucoup trop de temps en restant sur ces pneumatiques usés.
- L'overcut ! s'exclame Francesco.
Esmée ne s'arrête plus de sourire quand Pierre passe le drapeau à damiers en étant à la deuxième place derrière le néerlandais. A chaque course, il se rapproche un peu plus d'une victoire et ces points permettent à l'écurie française de conforter sa troisième place au championnat constructeur, devant les Mercedes.
Le sourire de Pierre ne faiblit pas quand il descend du podium, le trophée à la main. Il rejoint la famille catalane, recevant les félicitations de ses parents mais il n'a d'yeux que pour Esmée et il ne peut s'empêcher de l'embrasser jusqu'à en perdre la respiration.
- T'aurais du venir avant, râle-t-elle. Je suis sûre que tu auras des épis sur les photos du podium.
- J'm'en fiche.
Il sourit tandis qu'elle recoiffe tout de même ses cheveux en passant ses doigts entre ses mèches, le faisant un peu plus sourire. Esmée essuie discrètement une larme solitaire sur le coin de son œil, cela n'échappe pas à Pierre qui murmure :
- T'es mignonne.
- Mais tais-toi, gémit Esmée en le serrant dans ses bras.
Elle sait pertinemment que s'il dit un mot de plus, elle finira par éclater en sanglots devant tout le monde. Elle pose ses petites mains sur les joues rosées de Pierre et elle glisse :
- Je pleure parce que je suis fière de toi, champion.
- Merci, souffle-t-il en resserrant son étreinte autour de ses épaules.
Il enfouit sa tête dans le cou de la brune en se moquant bien des gens l'entourant. Il ne veut que cette étreinte qu'il affectionne tant, son cœur rate un battement tandis qu'elle murmure d'une petite voix au creux de son oreille :
- Après minuit ?
Et Pierre dépose ses lèvres sur sa joue comme seule réponse, il a compris.
peut-être que ce chapitre recollera nos cœurs ce soir.... 💙