7 mai 2023
Paris
En sortant de la Philharmonie, Esmée ne souhaite pas rester seule dans son appartement beaucoup trop grand en l'absence du pilote parti pour le grand-prix de Miami. Elle demande à Céleste qui charge sa contrebasse dans le coffre de sa voiture si elle peut venir passer la soirée chez elle.
- Bien sûr, s'empresse de répondre Céleste. Tu veux rester dormir ?
Esmée acquiesce avec soulagement en montant dans la petite voiture de son amie. Elle sait pertinemment qu'il y a également le grand-prix ce soir et qu'elle ne souhaite pas le regarder seule. Le manche de la contrebasse transperce l'habitacle, venant séparer leurs deux sièges et rendant difficile l'accès au levier de vitesse. En arrivant dans le petit appartement, l'espagnole aide Céleste à préparer un repas rapide, de simples pâtes pour ne pas changer et Esmée soulève :
- Normalement c'est Pierre qui fait à manger.
- Il faut que je me trouve un homme comme Pierre, rétorque Céleste.
Esmée esquisse un sourire amusé avant de s'installer à table pour manger rapidement. Puis elles se retrouvent toutes deux dans la salle de bain, elles se démaquillent et quittent leur tenue de représentation pour enfiler un pyjama. Esmée emprunte un à son amie.
Elles finissent par se faufiler sous la couette en allumant la télévision présente dans la chambre pour regarder le grand-prix de Miami où Pierre part septième. Esmée est un peu stressée durant la course, elle est un peu déçue pour le pilote qui le parvient pas remonter dans le classement mais qui conserve tout de même sa septième place, inscrivant quelques points.
Esmée s'allonge dans le lit en sachant que Pierre n'aura pas le temps de l'appeller avec le décalage horaire. Il terminera les interviews bien trop tardivement pour l'heure française, Esmée lui envoie un simple message de félicitations en sachant qu'ils se reverront le mardi à son retour, elle finit par s'endormir aux côtés de Céleste, comme avant.
Esmée regagne son appartement le mardi en fin d'après-midi. Elle vient de sortir d'une exposition d'œuvres d'arts avec Céleste après avoir passé tout le lundi à faire les magasins. Elle est exténuée. Ses yeux brûlent et sa tête est sur le point d'exploser.
Elle s'enferme aussitôt dans sa chambre en fermant les volets pour se plonger dans le noir, attendant que sa sinusite passe. Elle reste allongée dans son lit jusqu'au début de la soirée.
Quand son téléphone vibre, elle l'allume et elle est obligée de plisser des yeux face à la luminosité aveuglante de son écran. C'est un message de Pierre disant qu'il vient d'atterrir et qu'il va bientôt rentrer. Esmée n'a quasiment pas le temps de répondre qu'un second message s'ensuit :
trente minutes pour que ton amant quitte mon lit !
Esmée retient un petit rire en le corrigeant dans son message, il s'agit de leur lit. Elle repose son téléphone sur la table de chevet et se rallonge sur l'oreiller en fermant les yeux. Son crâne tout entier est au bord de l'ébullition, elle finit par brancher ses écouteurs afin d'entendre une douce mélodie de piano dans ses oreilles.
Cela l'apaise légèrement jusqu'au moment où la tête de Pierre apparaît dans l'entrebaillement de la porte, laissant un faible filet de lumière pénétrer dans la chambre. Esmée plisse des yeux dans sa direction avant de détourner le regard de cette source lumineuse fermant de nouveau les yeux.
Pierre s'en rend compte, il referme légèrement la porte derrière lui en la poussant du pied. Il n'est que vingt-heures pourtant la brune est dans le noir, il s'approche doucement et il s'assoit sur le bord du lit pour embrasser tendrement sa joue. Elle finit par papillonner des yeux avant de les ouvrir complètement pour observer le visage du français. Il retire doucement ses écouteurs afin qu'elle puisse l'entendre murmurer :
- Salut toi.
- Coucou.
Sa réponse n'est qu'un souffle et elle se redresse légèrement pour accéder à ses lèvres qu'elle capture avec tendresse avant de se rallonger. Pierre accompagne sa nuque de ses mains pour amortir sa chute tandis qu'elle repose sa tête sur l'oreiller.
- Tu dormais ?
- Non, j'étais juste dans le noir, murmure-t-elle. Je suis allée à une exposition avec Céleste, je n'aurais pas dû.
- Les lumières étaient fortes ?
Elle acquiesce en se frottant les yeux. Elle a l'impression que son crâne va exploser de l'intérieur malgré que deux heures soient passées depuis qu'elle est rentrée de cette exposition dont les lumières étaient bien trop vives.
- Ça va ? questionne-t-elle.
Il hausse les épaules sûrement déçu par cette septième place. Il est habitué à un peu mieux depuis le début de la saison, Esmée ajoute en voyant son air sceptique :
- Tu te rattraperas au prochain.
- Après il y a Imola, puis Monaco et...
- Barcelone, complète Esmée.
Il acquiesce en souriant tandis que l'étreinte de la brune l'attire pour une étreinte. Elle enfouit sa tête contre son torse en respirant son odeur, il lui a beaucoup manqué et qu'est-ce qu'elle aime ces instants de douceur.
- J'espère que tu viendras, murmure simplement Pierre en se redressant.
Le pilote n'est pas du genre à forcer pour qu'Esmée se déplace à ses côtés. Il sait pertinemment qu'elle n'apprécie pas les endroits où il y a trop de monde et de bruits, où ses sens sont plus exploités.
- Tu pourras dormir à la maison si tu veux, souffle-t-elle.
Pierre sourit en comprenant qu'elle viendra pour être à ses côtés. Il la remercie en l'embrassant tendrement sur la joue et il rajoute :
- C'est mieux que l'hôtel.
- Dis-le à maman, ça lui fera plaisir.
- Je lui dirai, dit Pierre en caressant sa joue.
Il reste assis sur le bord du lit à caresser la joue de la brune. Esmée faiblit devant son regard amoureux tandis qu'ils se fixent dans un silence apaisant. C'est ce qu'elle aime bien avec lui, elle peut rester des heures sans rien dire et Pierre comprend ce qu'il se passe, comme à cet instant où il sait la fatigue qu'elle peut ressentir.
Elle a des difficultés à supporter les lumières intenses et artificielles. Elle se focus parfois trop sur des petits détails la fatiguant rapidement, comme poir la lecture de ses partitions provoquant des migraines à répétitions. Ce n'est que son hypersensibilité sensorielle visuelle qui s'exprime encore.
- J'ai acheté du chocolat, murmure finalement Pierre. Beaucoup de chocolat.
- C'est vrai ?
- Si tu me laisses quinze minutes, je te prépare la meilleure fondue au chocolat du monde.
Esmée plisse les yeux dans sa direction avant qu'un sourire n'étire ses lèvres. Elle acquiesce en se redressant doucement pour quitter le dessous de la couverture, elle s'assoit aux côtés de Pierre en répondant :
- Je vais t'aider.
Il acquiesce en sortant de la chambre le premier pour n'allumer qu'une partie des spots de la cuisine afin que la pianiste ne soit pas trop éblouie. Elle finit par arriver, un sourire étire ses lèvres en apercevant le paquet de guimauves colorées.
- Merci, souffle-t-elle en piquant un bout de la pomme que coupe le pilote.
- Je suis sûr que tu es allée manger chez Céleste ce week-end.
Elle ne répond rien et Pierre sait qu'il vise juste en voyant son air innocent. Elle est bien trop prévisible maintenant qu'il la connaît par cœur. Il est heureux de voir son sourire tandis qu'elle plonge ses différents fruits au bout de sa pique dans la marrée de chocolat fondu.
- Je me suis explosée le bide, lâche-t-elle finalement en repoussant son assiette. Merci beaucoup.
Pierre retient un sourire en l'aidant à débarrasser. Ils finissent par s'allonger sous un plaid dans le canapé, en regardant un film que Pierre a choisi sous les conseils du monégasque. Esmée n'est pas trop intéressée, elle reste logée dans les bras de Pierre en ayant les yeux mi-clos. Elle écoute simplement les bruitages et ouvre les yeux de temps en temps quand les lumières ne l'éblouissent pas.
Elle préfère rester avec Pierre plutôt qu'être dans la chambre. Ainsi, elle peut jouer avec ses doigts, elle parcourt les lignes de ses paumes de mains, titille ses nombreuses chevalières en aimant sentir la chaleur de sa peau contre la sienne.
Esmée finit par se tourner légèrement, pour déposer sa tête dans le creux de l'épaule de son fiancé. Elle dépose un baiser sur la chair sensible de son cou, respirant l'odeur qu'il dégage.
Pierre ne réagit pas, elle le trouve un peu distant. Habituellement, il aurait déposé plusieurs baisers sur sa tempe. Il aurait embrassé sa joue ou glisser ses mains dans ses cheveux mais il paraît réellement absorbé par son film.
Elle dépose un second baiser sur sa mâchoire, à la bordure de sa barbe avant de glisser une de ses mains sous l'ourlet de son t-shirt. Elle frôle de ses ongles son flanc gauche en relevant la tête vers lui, essayant de capter son attention. Elle attend une réaction.
Et Pierre finit par retirer la main de la pianiste, ce contact ne dure que quelques secondes le temps de l'éloigner et il a déjà lâché ses doigts, ne les gardant pas entremêler avec les siens.
- Pierre.
Il détourne le regard de l'écran pour observer la pianiste et son air innocent. Le pilote la regarde enfin, il fronce les sourcils en constatant ses lèvres pincées et il questionne :
- Qu'est-ce que t'as ?
- Mais toi, qu'est-ce que tu as ? rétorque-t-elle en attrapant la télécommande pour mettre son film en pause. T'es bizarre.
Elle s'assoit en tailleur pour lui faire face, Pierre hausse simplement les épaules en secouant la tête. Il paraît troublé et quand Esmée attrape de nouveau sa main dans la sienne pour l'encourager à parler, il se dégage encore.
- Pierre...
La voix d'Esmée se brise, elle ne comprend pas vraiment ce qu'il a à fuir le moindre contact qu'elle souhaite avoir. Ses pensées s'embrouillent, des images émergent dans son cerveau qu'elle ne souhaite pas voir. Elle secoue immédiatement la tête pour chasser ses idées obscures, elle s'en veut de penser qu'il a pu la tromper en étant à l'étranger.
Elle ne comprend pas sa réaction et sans attendre, elle écrase ses lèvres sur les siennes pour que ces idées quittent ses pensées. Pierre ne répond pas à son baiser, il la repousse par les épaules.
- J'ai pas envie, Esmée.
- Pourquoi ?
Il hausse encore les épaules en baissant les yeux, Esmée se sent faiblir. Les larmes brouillent sa vision tandis qu'elle attrape le visage de Pierre entre ses mains, l'empêchant de fuir. Elle se perd dans son regard bleu en murmurant d'une voix tremblante :
- Je voulais juste t'embrasser.
- Je suis désolé, balbutie Pierre. Je pensais que tu voulais plus et je ne veux pas ce soir, je suis désolé.
Esmée l'observe, il est tout aussi perdu qu'elle sans qu'elle ne comprenne. Ses yeux azurs se gorgent d'eau et il se met à pleurer face à elle, c'est arrivé qu'une seule fois auparavant que ses larmes se déchaînent à une telle intensité.
Il explose en sanglots et Esmée l'attire contre elle en étant déstabilisée. Les bras de Pierre se resserrent autour de sa taille et ses reniflements sont déchirants, il déballe à toute vitesse :
- Je suis désolé de ne pas avoir envie de t'embrasser, j'ai l'impression que ça sert à rien si ce n'est pas la bonne période de ton cycle. J'ai peur d'être le problème et je m'en veux tellement que j'ai pas envie de faire quoi que ce soit, même t'embrasser.
- Ce n'est pas grave de ne pas avoir envie mais ça ne doit pas te bloquer, murmure-t-elle en caressant ses cheveux. Il faut être patient, il faut continuer de se faire plaisir et je te promets que ça viendra.
- Et si c'était moi le problème... t'as déjà eu un bébé et j'ai peur...
Esmée sent son cœur se briser dans sa poitrine, elle ne pensait pas qu'il remettrait en cause sa propre fertilité en comparant ses dernières expériences. Elle n'avait pas pensé à ça et son étreinte se resserre autour du pilote en comprenant ce qu'il ressent.
- Tous les médecins te diront qu'il faut attendre une année avant de consulter, avant ce délai, il n'y a aucun problème à considérer, déclare Esmée. D'accord ?
Il acquiesce en se séparant de cette étreinte, il essuie ses larmes d'un geste du bras en s'excusant une nouvelle fois de se mettre dans un tel état. Esmée ne lui en tient pas rigueur, elle sait qu'il a beaucoup de fierté et qu'il a toujours un peu honte de pleurer.
- La dernière fois j'ai essayé de te rassurer par rapport à ça, commence la pianiste. Je pensais que ça allait suffire, je me doute que ça te tracasse depuis longtemps et tu as du y penser tout le week-end, n'est-ce pas ?
- Un peu, souffle Pierre les lèvres pincées.
Esmée se prend la tête dans les mains affligée que le pilote ait pu monter dans sa monoplace en ayant la tête ailleurs. Elle s'en veut de ne pas avoir réussi à le rassurer assez pour qu'il puisse avoir les pensées claires.
- Je t'assure que je pensais pas à ça dans la voiture p'tit cœur. Je te promets que j'étais focus.
Elle relève la tête pour l'observer, elle se perd dans son regard bleuté où elle ne lit que la vérité et elle le croit. Sans attendre, les lèvres de Pierre se déposent délicatement sur les siennes pour la première fois de la soirée et elle soupire de soulagement en lui rendant son baiser.
- J'étais en train de m'imaginer plein de trucs mon dieu, qu'est-ce que je m'en veux, avoue-t-elle en se séparant pour reprendre sa respiration.
- Comme quoi ? questionne Pierre avec un petit rictus.
- Tu vas me bouder si je te dis.
- Parle toujours.
- J'ai cru que tu avais vu ton amante.
Pierre s'esclaffe en se laissant retomber dans le canapé, il passe une main dans ses cheveux en étant hilare. La pianiste préfère le voir souriant tandis qu'il rétorque :
- J'en ai même plusieurs.
- J'en ai qu'un, lâche Esmée. Il est parti juste avant que tu n'arrives, tu es sûr de ne pas l'avoir croisé dans l'ascenseur ?
- C'était lui ? se vexe faussement Pierre. Toi, tu vas dormir dans la chambre d'ami si tu continues.
Esmée rit avant de se blottir contre lui, et elle sent le bras de Pierre entourer ses épaules pour la rapprocher un peu plus de son corps.
safe place ici 🫶🏼