Les semaines défilent jusqu'à ce nouveau fait. Yvan Baranowsky ordonne encore à John de se rendre en urgence à Anchorage pour y récupérer des documents très importants pour la gestion de son empire commercial. Johanna s'oppose à cette décision car les conditions météorologiques se dégradent entre Sitka et cette destination. Une forte dépression est annoncée avec de violentes perturbations. Mais rien n'y fait, cette fois-ci Yvan persiste et prend l'avantage sur John. Il invoque son professionnalisme. Après tout, n'était-il pas un pilote émérite dans l'US Air Force. Yvan demande à John de passer le voir dans son bureau.
« John, je vous demande d'aller récupérer un document d'une extrême importance à Anchorage. »
« Monsieur, je crains qu'il faille attendre au moins 36 heures. La météo est compliquée et ce trajet avec mon coucou dans ces conditions est irréalisable. »
« C'est très important. Je ne vous demande pas votre avis. Je vous dis ce que vous devez faire. Faites comme vous croyez que c'est le mieux, mais débrouillez-vous pour rejoindre nos bureaux de la capital. Je ne veux rien savoir d'autres. »
Malgré les avertissements de John, Yvan persiste dans sa décision. John retourne chez lui et prévient Marta. Il prépare son départ alors que le temps se couvre au-dessus de Sitka. L'inquiétude se fait sentir chez Marta mais, ils sont au service des Baranowsky alors pas question de refuser d'accomplir un travail. Marta demande à son mari de redoubler de prudence. L'ancien pilote de chasse en a vu d'autres et sait que malgré son expérience, il doit être extrêmement concentré. Il tente de rassurer Marta mais en vain. En temps normal, ce vol se fait en 3 heures 30 et un plein est juste suffisant. Alors dans des conditions très dégradées, le temps de vol est rallongé et la quantité de carburant plus élevée. Il est 11 heures lorsque John s'envole à bord de son hydravion. Il contacte la tour de contrôle de Rocky Gutierrez, l'aérodrome de Sitka pour signaler son plan de vol. L'aiguilleur de la tour de contrôle le met en garde sur les très mauvaises conditions météorologiques, à mi parcours et tente de le dissuader. Mais John indique qu'il n'a pas le choix et qu'en fonction de l'évolution, il pourrait contourner la dépression. L'aiguilleur l'avertit que cette dépression est immense et qu'il ne sera pas aisé de la contourner. Il lui souhaite bonne chance et indique qu'il va prévenir de ce plan de vol l'aéroport d'Anchorage. Puis la communication s'interrompt. Dans la demi-heure qui suit le départ de John, l'alerte météo est diffusée par les médias pour avertir tous les bateaux, navires et autres bâtiments en mer mais aussi les aéronefs. John est également destinataire de ce message d'alerte. Plus il progresse vers le Nord, plus le ciel s'assombrit de gros nuages sombres et menaçants. Des éclairs au loin déchirent cette masse noire. John a déjà mis en fonction les essuies-glace pour retrouver une visibilité correcte en raison des fortes pluies qui s'abattent sur la région en précédant la dépression. Il n'est pas encore au coeur de celle-ci mais les turbulences qu'elle génère, secouent l'hydravion comme une plume prise dans un violent courant d'air.
Par mesure de sécurité, les autorités de Sitka suspendent les cours en fin de matinée pour permettre aux enfants de regagner leur domicile, comme la procédure le prévoit lorsque les conditions météorologiques l'exigent. Eléna et Lucas retournent sur l'île par une navette. Aucun des deux n'est au courant du départ de John, pour la capitale. Lorsqu'il arrive chez lui, Lucas apprend le départ de son père, par sa maman. On sent l'inquiétude chez elle, qu'elle transmet tout de suite à son fils. Tous les deux scrutent régulièrement la montre. Normalement John devrait arriver à Anchorage entre 14 heures 30 et 15 heures. Alors lorsque l'heure approche, la tension est palpable chez eux. Il est entendu que dès qu'il arrive, c'est John qui appelle sa femme pour la rassurer. C'est une habitude qu'ils ont mis en place. Et c'est la première chose que John fait à chaque fois qu'il doit s'absenter sur de longues missions.
Seul à bord de son minuscule hydravion, John sait qu'il est embarqué dans une énorme galère. La météo se dégrade de plus en plus. Il est contraint de modifier son plan de vol pour contourner cette dépression de Nord-Ouest en se détournant plus à l'Est de son trajet actuel. Cette modification l'entraîne à l'intérieur des terres. John tente de contacter les autorités aériennes pour indiquer son changement de cap, sans succès. Soit, il est trop loin de tout contact, soit les liaisons sont perturbées par la dépression qui s'est installée. Son hydravion n'est pas équipé d'un transpondeur et n'a donc aucun moyen d'être signalé ou localisé. Il est invisible des radars et livré à lui-même alors que l'horizon chargé de gros nuages noirs fracassés par d'intenses éclairs, se rapprochent, poussés par des vents extrêmement véloces. Cette tempête si offensive, qui vient de l'océan s'écrase sur les côtes avant de s'enfoncer à l'intérieur du continent.
A Galankin Island, Marta et Lucas sont confrontés à cette longue attente, d'un appel de John. 15 heures, puis 30, puis 16 heures mais aucune nouvelle de John. Les minutes suivantes deviennent des heures qui invariablement renforcent leur angoisse. Marta contacte Johanna qui confirme qu'elle n'a pas de nouvelles de son côté. L'hydravion n'a pas été annoncé à Anchorage. Aucune nouvelle même en fin de journée. L'inquiétude est à son comble sur l'île. Yvan contacte les autorités aériennes locales pour signaler l'absence de nouvelles et de contact de l'hydravion et lancer les premières recherches. Dans l'immédiat et comme la tempête est toujours en cours, aucune recherche physique ne peut être déclenchée. La levée de l'alerte, sur le littoral, est estimée en deuxième partie de nuit, par les météorologues. Aucune recherche aérienne ne pourra être entreprise avant le levé de soleil. Jusque là, les autorités aériennes déclenchent les recherches de niveau 1. Dans ce protocole les premières mesures concernent la diffusion de la disparition de l'hydravion à toutes les stations jalonnant l'itinéraire présumé de l'aéronef et des appels en l'air. Ce premier niveau permet souvent de rétablir le contact avec des pilotes d'aéronefs qui se sont détournés de leur route ou se sont égarés et évite des recherches aériennes lourdes et coûteuses dans cette partie sauvage de l'Alaska. Mais au final, dans ce cas, elles n'ont pas permis d'avoir des informations ni sur la position de l'hydravion, ni sur la situation du pilote. A Galankin Island, la nuit a été longue pour Marta et Lucas, qui n'ont pas fermé l'œil. Yvan use de son influence pour que les opérations de recherches soient lancées. Par ailleurs et même s'il ne se sent pas responsable de cette situation, c'est sa femme qui l'oblige à tout mettre en œuvre pour retrouver John. C'est bien lui, qui l'a contraint à se lancer dans cette tempête.
Malgré d' incessantes recherches tout au long du littoral et dans les terres, au bout de sept jours, elles sont abandonnées. Selon les secours aériens, tout espoir de retrouver l'aéronef de John est perdu. Au cours des semaines suivantes, aucun signe de vie de John ne se manifeste ni de son hydravion. Sa disparition est officiellement acquise. Mais Marta ne peut l'accepter et n'arrive pas à faire son deuil car ni son mari, ni son corps n'ont été retrouvés. Avec Lucas, ils en veulent à Yvan, qui l'a obligé à prendre les airs malgré l'annonce de cette tempête. Sarah est triste pour elle-même, car John était un très bon ami mais également pour Marta et Lucas. D'ailleurs suite à cet événement, elle change radicalement de comportement envers lui et tente un rapprochement. Pourtant, Lucas refuse toutes ses tentatives et lui en veut car elle est la petite-fille de l'homme qui a provoqué la mort de son père. Le garçon s'enferme dans sa bulle et refuse tout contact avec Sarah. Marta est complètement dévastée par cette perte. Johanna tente de soulager l'intense souffrance de son amie mais n'y parviennent pas.
Un mois et demi vient de s'écouler depuis le dernier vol de John et toujours aucune nouvelle. La douleur ne s'est pas apaisée et Marta reste encore très fragile. Lucas a encaissé le choc de la disparition de son père, qui lui manque toutefois énormément. Johanna reste la plus présente auprès de son amie Marta. Elle consacre une grande partie de ses journées pour la soutenir. Mais ce matin là, ce n'est pas Johanna qui vient voir Marta. Elle est souffrante. Rien de grave mais juste suffisant pour l'empêcher d'aller lui rendre visite. C'est Yvan qui s'en charge. Étrangement, il est particulièrement attentionné pour Marta.
« Comment allez-vous ? »
« Je vous remercie, ça peut aller. Il me manque tellement. Mais où est Johanna ? »
« Elle ne se sentait pas très bien alors j'ai pris l'initiative de venir vous voir, à sa place. »
« Merci. Mais ce n'était pas la peine. »
« Avez-vous besoin de quelque chose en particulier. »
Connaissant Yvan, Marta trouve cette démarche surprenante. Et elle n'a pas tout à fait tort. C'est son penchant pour la gente féminine, qui le pousse à venir voir la belle Marta. Son côté obscur s'exprime une fois de plus. Et c'est bien à dessein qu'il est venu voir la séduisante et fragile veuve. Avec son addiction pour la frivolité, il ne peut s'empêcher de commettre l'irréparable en faisant des propositions indécentes à la malheureuse. Outrée, Marta en pleures le chasse de sa maison. Yvan n'insiste pas et décampe rapidement pour reprendre le court normal de sa journée, comme si de rien n'était. Marta est encore sous le choc des avances de ce goujat. Elle parvient tout de même à évacuer ce stress supplémentaire. Lucas, n'en saura rien de ce malencontreux épisode. La seule qui sera dans la confidence, c'est Johanna, l'épouse d'Yvan. Elle est profondément désolée par le comportement de son mari. Une violente dispute en sera la conséquence dans les jours qui suivent, entre elle et Yvan. Puis la vie reprendra son cours. Maintenant, Marta ne supporte plus la présence d'Yvan. Elle redoute qu'à un moment ou à un autre, il se manifeste une fois de plus et peut-être avec plus de vigueur. La seule option, c'est de partir. Elle rumine longuement ce départ, qui au final devient une évidence. Plusieurs semaines après les avances d'Yvan, Marta aura une discussion avec son fils pour lui proposer son projet de départ. Elle n'évoquera pas la cause réelle de cette décision. Maintenant que plus rien ne les retient ici, Lucas accepte ce départ, d'autant qu'il échappera à ses tortionnaires. Mais il s'interroge sur leur future destination. Sa maman lui dit qu'elle a déjà fait quelques recherches pour s'installer à Seattle. C'est une grande ville avec tout sur place et là-bas elle retrouvera plus facilement du travail. Elle aurait déjà trouvé un meublé dans la banlieue et ses recherches d'emplois lui donnent de l'espoir. Le meublé est situé dans un quartier très proche d'un lycée. Marta ne souhaite pas qu'Yvan sache où ils se retirent et demande à Lucas de ne révéler à personne leur prochaine destination. Ils préserveront ainsi leur intimité et leur tranquillité. C'est auprès de Johanna, qu'intervient la plus grande difficulté pour tenir secret leur nouvelle adresse. Marta justifie son silence par le fait qu'elle ne veut pas qu'Yvan la connaisse. Johanna comprend son amie et le regrette profondément. C'est le même regret chez Marta car les deux femmes se sont tellement rapprochées et liées. Eléna n'échappe pas à cette nouvelle. Plusieurs sentiments se télescopent en elle. Tout d'abord la tristesse de perdre Marta, qu'elle considère comme sa seconde mère, tant elles sont proches et complices. Puis une sensation très étrange, où se mêlent comme une sorte de soulagement du départ de Lucas, mais aussi du chagrin car soudainement elle prend conscience de cette passion secrète et refoulée, qui l'a lie à lui. Elle tente un rapprochement vers Lucas, durant les jours suivants, lorsqu'ils sont ensemble pendant les parcours scolaires. Elle oblige même ses amis à ne plus l'embêter. Pour Lucas, ce revirement arrive trop tard et de toute façon, son esprit et déjà à Seattle. Il n'oublie pas pour autant ses vrais amis, dont Pamela. C'est vers eux qu'il se tourne avant son départ définitif. Il les assure de sa reconnaissance pour leur soutien pendant toutes ces années de harcèlement silencieux.