24 août 2022
Milan
Esmée se sent observée depuis que ses doigts parcourent le clavier par le regard bleu du pilote. Elle finit par s'arrêter au bout d'une trentaine de minutes en se tournant vers Pierre, allongé de tout son long sur le canapé et elle s'exclame :
- Arrête ça !
- Quoi ?
- De me regarder, ça me déconcentre !
Pierre hausse un sourcil dans sa direction retenant un rire. Il a toujours les mains croisées derrière la tête et il se moque :
- Et quand tu vas jouer devant deux milles personnes, ça te déconcentrera ?
- Ce n'est pas pareil devant toi, rétorque Esmée.
- Tu sais que je m'y connais rien, avoue le pilote.
Esmée lève les yeux au ciel en soupirant, elle se masse le poignet et cela n'échappe pas à Pierre et son regard inquiet depuis qu'elle est arrivée.
- Fais une pause, lâche-t-il. T'as déjà bien avancé, non ?
- J'ai presque fait la moitié de la partition.
- T'as jamais tourné les pages.
- Je les connais par cœur, souffle la pianiste.
Elle observe la stupéfaction passer sur le visage de Pierre. Il se lève soudainement du canapé pour s'approcher du petit piano et il attrape la partition posée au milieu du pupitre. Il observe les portées et les notes inscrites sur le papier d'un regard critique, Pierre déclare en s'appuyant sur l'accoudoir du canapé :
- T'as près de trente pages où ce n'est que du charabia, comment tu fais ?
- Tu connais bien tous les virages de chaque circuit ? demande-t-elle en haussant les épaules. Et bien, c'est pareil.
- T'es incroyable, souffle Pierre.
Esmée se lève de son petit tabouret et récupère ses chaussettes qu'elle avait retirées pour accéder plus facilement aux pédales. Elle sourit en s'approchant de Pierre pour le serrer dans ses bras et elle murmure en rougissant :
- Je te retourne ce compliment pour cette nuit, champion.
Un rire s'échappe de ses lèvres, faisant vibrer la tête d'Esmée posée sur son torse. Il entoure la pianiste de ses deux bras musclés et dépose un baiser affectueux sur son front, ne souhaitant changer de place pour rien au monde.
- Qu'est-ce que tu veux manger ? demande Pierre.
- Des pâtes ?
Pierre déclare qu'il va préparer des pennes avant de se pencher pour déposer un bisous sur le front de la pianiste. Cependant Esmée le retient en aggripant le bas de son t-shirt, il reporte son attention sur la brune et elle déclare simplement :
- Je t'aime, Pierre
Esmée se sent soulagée d'avoir enfin prononcé ces trois petits mots et quand Pierre l'embrasse tendrement, Esmée est sûre que leur dispute est loin derrière eux. Elle approfondit le baiser en passant ses mains derrière la nuque du pilote et elle ne s'arrête plus de sourire.
•••
25 août 2022
Belgique
- Est-ce qu'on peut échanger ? Ça me fait mal au dos.
Esmée désigne le sac à dos que porte le pilote, ce dernier contient toutes ses affaires, et le synthétiseur dans son sac de transport qu'elle soulève difficilement.
- Oui, oui bien sûr. Désolé, je n'y ai pas pensé, murmure Pierre.
Il attrape la pochette du synthétiseur dans une de ses mains et il garde tout de même son sac dans l'autre sous les yeux attentifs d'Esmée. Arrivés devant les portiques de sécurité du circuit de Spa-Francorchamps, Esmée tire le badge du pilote qu'elle passe sur le capteur, elle fait de même avec le sien.
- Merci, murmure Pierre avec un sourire en entrant dans le paddock.
Ils se dirigent aussitôt vers l'imposante motorhome qu'Alpha Tauri partage avec la prestigieuse écurie RedBull. Pierre a à peine franchi les portes qu'un membre de son équipe se précipite vers lui pour l'accueillir et récupérer ses affaires. Esmée l'observe échanger quelques mots en anglais avant qu'il ne se tourne vers elle :
- Ils vont le poser dans ma driver-room au garage, ok ?
Elle acquiesce et ses yeux fixent une femme s'approchant de Pierre. Il s'agit de la responsable des relations publiques, liée au pilote, à chaque interview. Elle tient un bouquet de fleurs dans ses mains et la pianiste comprend parfaitement ce qu'elle va demander à Pierre avant même de parler.
- Ça te va comme couleur de bouquet ? La forme ?
Pierre déglutit difficilement en fixant les fleurs blanches qu'elle lui présente. Il se tourne vers l'espagnole se tenant juste derrière lui. Son regard perdu croise celui d'Esmée qui s'avance pour aider le pilote pris au dépourvu par toutes ces interrogations.
- Nous avons acheté des fleurs avant de venir, répond simplement Esmée en désignant le bouquet qu'elle tient dans ses mains.
La responsable acquiesce, elle ne paraît pas vexée puisqu'un sourire bienveillant étire ses lèvres quand elle répond qu'elle déposera ces fleurs dans la driver-room de Pierre, comme décoration. Elle disparaît aussi vite qu'elle est arrivée, laissant le couple sceptique.
- Je vais chercher Pyry et l'équipe pour le tour de piste, lâche Pierre au bout de quelques secondes.
- Tu ne veux pas déjeuner avant...
Il secoue la tête en murmurant qu'il n'a pas très faim, qu'il mangera après avoir fait le tour du circuit. Esmée acquiesce simplement et elle se retrouve à accompagner le pilote sur la piste goudronnée en cette fin de matinée, alors qu'ils commencent à apercevoir la montée du Raidillon de l'Eau Rouge.
Elle sent la main de Pierre serrer un peu plus ses doigts au fur et mesure qu'ils avancent vers l'endroit où déposer les fleurs. La pianiste se contente simplement d'effectuer de minuscules cercles sur le dos de sa main jusqu'au moment où Pierre s'éloigne d'elle avec le bouquet dans la main.
Il s'agenouille et restes quelques instants devant l'endroit où son meilleur ami a perdu la vie sous les quelques personnes présentes. Esmée trouve la situation impersonnelle, en observant toutes les personnes autour du pilote, prenant des photographies de ce dernier.
Pierre se relève sans un mot. Seule sa mâchoire contractée montre son émotion, il est soulagé de porter des lunettes de sommeil cachant ses yeux embués de larmes face aux quelques photographes présents.
Il effectue les quelques mètres pour revenir vers elle. L'espagnole l'accueille aussitôt dans ses bras dans une étreinte réconfortante et elle entend ce murmure au creux de son oreille :
- Ça me rend fou d'être pris en photo comme ça.
Et Esmée comprend ce qu'il veut dire. Il a l'impression de perdre toute la naturalité de son geste, d'être forcé de le faire aux yeux du monde entier comme s'il devait prouver quelque chose.
- Merci d'être là, rajoute Pierre d'une voix émue.
Elle a la gorge nouée et ne peut rien répondre, elle ne trouve pas les mots. Esmée passe simplement une main réconfortante dans son dos pour témoigner de sa présence et elle dépose un baiser sur la joue du rouennais pour lui donner un peu de force.
- On continue ? souffle-t-il à son oreille avant de s'éloigner d'elle.
Elle l'observe et tente de déceler ses émotions à travers ses verres teintés, Esmée ne parvient pas à le déchiffrer alors elle acquiesce simplement en liant ses doigts aux siens pour continuer le tour du circuit. Pierre reprend ses marques en discutant avec son équipe sur les zones de freinages et les limites de piste pourtant il n'est pas très à l'aise tant qu'il n'a pas terminé.
En revevant au motorhome, Pierre est embarqué par son équipe pour tourner des vidéos pour les réseaux sociaux et pour signer des affiches à la chaîne. Esmée reste à pianoter sur son synthétiseur durant le reste de l'après-midi.
Esmée s'arrête aussitôt de jouer en entendant la porte de la petite pièce coulisser. Elle jette un coup d'œil à Pierre qui s'approche pour déposer un baiser sur le front de la pianiste en passant près d'elle. Il retire aussitôt son polo à l'effigie de l'écurie italienne pour enfiler un simple t-shirt de civil.
- T'as terminé les dédicaces ? demande-t-elle.
Pierre ne répond rien et la pianiste se tourne vers lui. Ses yeux bleus fixent avec vivacité le bouquet de fleurs déposé sur la petite table, baignant dans un vase rempli d'eau. Les lèvres pincées, il finit par déclarer :
- On peut rentrer si t'as terminé.
Esmée comprend que sa phrase n'est pas une question au vue de la manière dont il récupère le bouquet d'un coup sec, le sortant de son contenant. Il quitte précipitamment la pièce et Esmée s'empresse de le suivre, il traverse les couloirs du motorhome avec facilité, les connaissant par cœur.
Avant de quitter le garage, Pierre ouvre une poubelle en appuyant sur la pédale d'un geste brusque du pied, il y jette simplement le bouquet. Il se tourne vers la brune et tend simplement sa main qu'elle s'empresse de serrer contre la sienne, sans un mot.
j'aime pas vraiment les photos avec les fleurs, tout ça tout ça, je trouve ça tellement impersonnel et les équipes jouent beaucoup trop dessus... enfin bref...