13 juillet 2022
Milan
- Pierre qu'est-ce que tu fais, souffle Esmée la tête dans l'oreiller. Éteins cette lumière et viens dormir.
- Il y a un moustique !
- Il va pas te manger, gémit-elle fatiguée.
- Je l'entends me tourner autour, ça me rend fou, dit-il en inspectant les murs d'un regard critique. Il est juste là.
- Il te drague parce que tu sens bon... Pierre... s'te plaît, je dormais bien pour une fois...
La pianiste tend une main pour essayer d'attraper Pierre, elle tâte du vide. Elle se redresse pour observer le pilote, debout face au mur, son oreiller dans la main qu'il projette fortement contre la surface plane en poussant un cri victorieux :
- Je l'ai eu !
- Que campeón... murmure-t-elle dans sa langue natale.
Elle se penche près du bord du lit, au dessus du vide, et ses doigts aggripent le bras de Pierre qu'elle tire violemment vers elle, pour qu'il revienne dormir à ses côtés comme depuis trois jours. Il s'écrase sur le lit avant que les mains de sa copine ne se referment autour de sa nuque, elle le détaille en souriant et dépose un baiser sur le bout de son nez.
- C'est pas le bon endroit, murmure Pierre.
- Si, ça l'est.
- Fais attention à toi, je pourrai t'abandonner dans Milan et tu ne retrouveras jamais ton chemin, suggère-t-il.
- C'est une menace ?
- Je tiens bien trop à toi pour te menacer, voyons.
- Ça fait quatre jours qu'on visite la ville, je la connais comme ma poche, souffle-t-elle.
- C'est toi que je connais comme ma poche, maintenant.
Elle rougit devant son petit air enfantin qu'il a eu en prononçant ses mots qui ne la laissent pas indifférente. Esmée se laisse embrasser sur les lèvres avant de s'endormir une nouvelle fois dans les bras du pilote, elle adore ça.
Esmée se réveille la première le lendemain matin, son téléphone portable vibrant sur la table de nuit, accompagné des protestations de Pierre.
- Reste un peu, murmure-t-il en sentant la pianiste glisser de ses bras pour décrocher.
- Tu peux rester dormir encore, si tu veux, dit-elle en embrassant sa tempe.
- S'il te plaît p'tit cœur...
- T'es mignon le matin, remarque-t-elle en riant.
- Je suis toujours mignon.
Il ouvre enfin les yeux pour observer la brune souriante et rajoute avant de l'attirer vers lui pour l'embrasser :
- Et toi, t'es toujours aussi belle.
- Voilà que j'ai raté l'appel, souffle-t-elle en sentant les lèvres du brun dans son cou
- Tu regarderas après.
Esmée acquiesce, préférant prolonger un peu ce moment de tendresse matinale entre les câlins et les baisers qu'elle raffole. Elle finit par se lever en prenant son téléphone sous les yeux de Pierre, redressé sur son coude, il demande :
- C'est qui ?
- Benjamin.
- Rappelle-le.
Elle hausse les épaules et ne se fait pas prier pour lancer l'appel, elle ramasse la chemise de Pierre au sol qu'elle enfile pour se couvrir un minimum. L'ingénieur son décroche aussitôt et elle murmure :
- Salut, ça va ?
- Je suis passé chez toi ce matin, t'étais pas là, dit-il sur un ton accusateur mêlé de tristesse.
Esmée est surprise puisque que Benjamin ne passe plus réellement à son appartement, à part pendant des situations délicates ou lorsqu'il a des choses importantes à dire. Elle est encore plus surprise de constater le ton qu'il emploie, elle s'excuse aussitôt de son absence :
- Je suis à Milan avec Pierre. Ça s'est fait sur un coup de tête la veille du dernier concert, et j'ai complètement oublié de te prévenir. Je suis désolée.
- C'est rien, t'as pas à te justifier, souffle Benjamin d'une voix qu'elle ne lui reconnaît pas.
- Y a quelque chose dont tu voudrais parler ? s'inquiète Esmée.
Une absence de réponse s'ensuit, semant le doute dans les pensées de Esmée, face à cette hésitation inhabituelle. Elle fait signe à Pierre qu'elle s'éclipse sur le balcon où la chaleur milanaise est écrasante. Elle ébranle tous ses sens mais ce n'est rien comparé aux paroles frêles du blond :
- Je suis passé à Nanterre aujourd'hui.
Sa voix n'est qu'un murmure presque inaudible pourtant elle se répercute en Esmée tel un écho, traversant son corps et raisonnant dans sa boîte crânienne.
- J'ai remis des fleurs, dit Benjamin d'une voix brisée. J'ai l'impression que ça fait plus mal que l'année dernière.
Esmée se laisse tomber contre le mur, désabusée par les sentiments qui se succèdent et les émotions qui la transpercent. Une grande culpabilité écrase ses épaules et elle se sent acculée ayant peur de perdre sa respiration, elle ne fait qu'écouter la voix de Benjamain, d'une oreille distraite par la douleur martelant sa poitrine.
- Ça fait deux ans et j'ai toujours cette douleur qui ne s'en va pas. La douleur, elle est comme au premier jour, souffle-t-il. Je me sens vide et je comprends enfin ce que tu disais, moi aussi j'ai envie de crever.
- J'ai oublié que c'était aujourd'hui, avoue-t-elle.
Elle se sent coupable de ne pas avoir compris avant les raisons de cet appel, Esmée se sent coupable d'avoir oublié cette date dans l'euphorie de ces jours passés à côté de Pierre, elle a l'impression d'être passé à côté de quelque chose d'important et elle retient difficilement les sanglots prenant sa gorge à l'assaut.
- Esmée...
- Je suis là, souffle-t-elle entre deux sanglots.
- Je suis désolé, j'aurais pas du t'appeler, regrette-t-il aussitôt. C'est juste que...
Il s'arrête au milieu de sa phrase et Esmée sait ce qu'il veut dire, il ne voulait pas être seul et qu'elle est la seule à réellement comprendre ce qu'il se passe dans sa tête en cet instant.
- Je sais ce que c'est et ne reste pas tout seul aujourd'hui, supplie-t-elle. Tu devrais aller chez Céleste...
- C'est ce que je comptais faire quand j'ai vu que t'étais pas là, dit-il.
- Je suis désolée, Benjamin.
- C'est pas de ta faute, tu sais.
- C'est pas de notre faute, corrige-t-elle d'une petite voix. Tu fais attention à toi, ok ?
- Ouais.. toi aussi, Esmée... reste pas toute seule ce soir...
La pianiste acquiesce en sentant un regard azur porter sur elle, elle sait qu'elle ne sera pas toute seule comme l'année dernière, qu'elle sera entre les bras protecteurs du pilote, qui encerclent déjà ses épaules, pour l'attirer contre son torse.
- Je vais te laisser, je suis presque devant chez Céleste, souffle l'ingénieur dans le combiné.
- D'accord, je te laisse alors, murmure-t-elle.
Benjamin raccroche le premier laissant la pianiste désemparée, la sonnerie de fin d'appel raisonnant toujours sur son téléphone. Elle est incapable d'appuyer sur le bouton, c'est Pierre qui prend le soin de raccrocher à sa place.
- J'y ai pas pensé, j'ai oublié, répète-t-elle doucement.
- T'as le droit d'oublier, même aujourd'hui et même tous les autres jours de l'année, assure Pierre. Personne t'en voudra pour ça surtout pas toi.
Esmée connaît une descente brutale, de l'euphorie à la tristesse, et c'est dans les bras de Pierre qu'elle comprend que deux années ne sont pas suffisantes pour faire un deuil et qu'on ne se remet jamais réellement de la perte d'un être aimé.
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merci à tous pour votre accueil sur la fiction avec Charles 🫶🏼❤️
Le prochain chapitre sera posté demain soir pour Syndrome et ça sera mon préféré ❤️
Et bon grand prix !!