Mélodie désaccordée

By ClaireTimgorsen

4.2K 698 6.1K

Prête à tout pour s'éloigner de la relation toxique qu'elle entretient avec son petit ami du moment, Thea Løv... More

𝄞 Avant-propos 𝄞
𝄞 Chapitre 1 : Göteborg 𝄞
𝄞 Chapitre 2 : La Suède à l'honneur 𝄞
𝄞 Chapitre 3 - Une journée au studio 𝄞
𝄞 Chapitre 4 : Diana Ekern 𝄞
𝄞 Chapitre 5 : La tournée 𝄞
𝄞 Chapitre 6 : Édimbourg 𝄞
𝄞 Chapitre 7 : Showtime 𝄞
𝄞 Chapitre 8 : Carmen Odden 𝄞
𝄞 Chapitre 10 : Le contrat 𝄞
𝄞 Chapitre 11 : Stockholm 𝄞
𝄞 Chapitre 12 : Un dénouement inattendu 𝄞
𝄞 Chapitre 13 : Dépôt de plainte 𝄞
𝄞 Chapitre 14 : Mauvaise surprise 𝄞
𝄞 Chapitre 15 : Retour à l'hôtel 𝄞
𝄞 Chapitre 16 : Breakfast 𝄞
𝄞 Chapitre 17 : Argentina 𝄞
𝄞 Chapitre 18 : Kidnapping 𝄞
𝄞 Chapitre 19 : La pampa 𝄞
𝄞 Chapitre 20 : La positive attitude 𝄞
𝄞 Chapitre 21 : À cœur ouvert 𝄞
𝄞 Chapitre 22 : Vacances bien méritées 𝄞
𝄞 Chapitre 23 : Créations 𝄞
𝄞 Chapitre 24 : Le destin 𝄞
𝄞 Chapitre 25 : Toxicité 𝄞
𝄞 Chapitre 26 : Einar Roed 𝄞
𝄞 Chapitre 27 : Les sœurs de Søren Hedgeland 𝄞
𝄞 Chapitre 28 : Midsommar 𝄞
𝄞 Chapitre 29 : Un show pas comme les autres 𝄞
𝄞 Chapitre 30 : Paris 𝄞
𝄞 Chapitre 31 : Le mariage 𝄞
𝄞 Épilogue : Toutes les histoires ont une fin 𝄞
𝄞 Mots de l'auteure 𝄞

𝄞 Chapitre 9 : Celtic Park* 𝄞

109 19 145
By ClaireTimgorsen

Point de vue de Thea :

Le lendemain matin

Remonté comme une pendule, Søren fait les cent pas dans l'ascenseur qui nous emmène au rez-de-chaussée et pince l'arête de son nez. Depuis qu'il a appris l'accroc de la veille, il refuse de me laisser seule et m'escorte partout où je dois me rendre.

— Søren... Calme-toi. Il n'y a pas mort d'homme, je t'assure... tenté-je de l'apaiser.

L'effet inverse se produit. Les jointures de ses mains blanchissent à vue d'œil au fur et à mesure que ses poings se serrent. Un pli profond prend soudain forme entre ses sourcils froncés. Ses prunelles bleues semblent animées par les flammes de l'Enfer en personne et sa mâchoire se contracte. Il ne décolère pas.

— Carmen est allée trop loin. Ce qu'elle a fait est inexcusable... Tu aurais pu mal tomber ! explose-t-il.

— Ce n'est pas le cas, je vais bien.

— Encore heureux... Je remercie d'ailleurs Olav de m'avoir averti. C'est inadmissible. Crois-moi, elle va voir de quel bois je me chauffe !

Embêtée, je mordille ma lèvre et réfléchis à un compromis qui pourrait nous satisfaire tous les deux.

— Non, mais tu te rends compte ? Ses gamineries t'ont mise en danger, reprend-il, furibond. Quelle peste !

— Søren... S'il te plait, ne parle pas de ta copine de cette façon... Ça lui ferait beaucoup de peine de t'entendre dire des choses pareilles.

— M'en fiche, elle le mérite. Comment tu peux rester si calme ? cherche-t-il à comprendre, alors que les portes métalliques s'ouvrent.

— Je te l'accorde, je n'apprécie pas ce qu'elle a fait et j'ai été très mécontente sur le coup. Malgré tout, je préfère laisser couler et ne pas m'abaisser à son niveau, expliqué-je, en remontant l'allée jusqu'au hall de l'hôtel où m'attendent déjà Klara et Diana.

L'air éberlué, il me fixe alors. J'ai conscience que ma manière de réagir peut en surprendre plus d'un. Mais non, Søren, je ne suis pas une extraterrestre qui cache en réalité une peau recouverte d'écailles. Je suis juste moi, Thea Løvdahl, fille de pêcheur qui n'a la chance de travailler que sept mois sur une année et d'une salariée dans la fonction publique qui s'use la santé en bûchant à l'Arbetsförmedlingen*.

— Alors, Thea ? Comme ça tu m'avais caché que tu avais un garde du corps ! me hèle, Diana, qui a fait le déplacement entre deux procès. Il te protège depuis l'incident fâcheux qui s'est passé avec l'autre andouille de Carmen ?

Cette fois-ci rattrapée par un sentiment de honte, je rougis jusqu'aux oreilles. Ma meilleure amie ne pouvait pas mettre plus les pieds dans le plat... Apparemment amusé, le disc-jockey laisse échapper un rire discret.

— Søren, tu viens de rencontrer la surprenante mais adorable Diana, ma meilleure amie. Et Diana, je te présente Søren, le DJ pour lequel je travaille, marmonné-je dans ma barbe.

— Enchantée. Je commençais à me demander quand Thea nous introduirait. Merci à toi de veiller sur elle quand je ne suis pas là. Sache que rien que pour cette raison, je t'apprécie déjà beaucoup, lui assure l'avocate.

— Plaisir partagé, répond-il simplement, la tête rentrée dans les épaules.

Sans doute sous l'effet de la surprise, le visage si avenant de Diana se décompose. Elle aussi aura eu le droit à l'apparente froideur du Suédois. J'aurais dû la prévenir.

La connaissant, elle doit s'interroger présentement sur ce qu'elle a pu faire de mal. Il est temps pour moi de rattraper cette situation délicate en changeant de sujet.

— On va peut-être y aller ? proposé-je.

— Oui, tu as raison.

— Ne traînez pas trop, lance-t-il à mon attention. Le programme s'annonce chargé cet après-midi et ce soir, ça va être la folie.

— Promis, on sera rentrées avant midi !

Et sur ces belles paroles échangées, je salue Søren d'un signe de main, me retourne avec vivacité et cours à l'extérieur pour rattraper mon retard.

·゚: *·゚:*

Quelques heures plus tard, nous regagnons comme convenu l'établissement étoilé au pas de course. D'ailleurs, les trombes d'eau qui commencent à s'abattre sur nous, nous obligent à accélérer encore la cadence. Horripilées à l'idée d'être trempées comme des soupes, nous décidons d'ouvrir les paris et courons nous mettre à l'abri. La dernière arrivée est une poule mouillée !

Victorieuse, je brandis en l'air mes sacs remplis d'articles en tous genres et me retourne vers Diana et Klara qui peinent à me rattraper.

— Bravo, la mal-baisée ! me hèle Carmen dans le hall, d'une voix tonitruante et sous un tonnerre d'applaudissements. Tu as gagné mon éternel respect, se moque-t-elle. Rappelle-moi, tu as quel âge ? Deux ans et demi ?

— C'est toi qui dis ça ? m'enquiers-je, un sourcil arqué par la surprise. C'est gonflé de ta part.

— Qu'est-ce que tu insinues ? laisse-t-elle siffler entre ses dents.

— Oh, je t'en prie, ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Tu es bien des choses mais tu n'es pas idiote...

— Touchée. Effectivement, j'ai bien compris ton petit manège pour me piquer Søren. Ça fait quoi d'être percée à jour ?

Plus aucun doute n'est possible : cette fille est à soigner.

Exaspérée par sa paranoïa continuelle, je lève les yeux au ciel. J'ai beau me remémorer tous les événements passés depuis notre rencontre musclée, je ne parviens pas à trouver ce qui pourrait la laisser penser ça... Ce n'est pas comme si je m'étais jetée sur le musicien ! Notre relation reste purement professionnelle depuis le début.

— Apparemment, tu en as besoin donc permets-moi de te remettre les points sur les i. Søren est un garçon avec qui je passe du temps pour le travail. Ok ? Je viens soutenir Nils dans ses missions. C'est tout. Arrête de t'en prendre à moi à cause de cette jalousie maladive, c'est insupportable.

— Thea, il y a un problème ? intervient Diana, prête à voler à mon secours.

— Non, ne t'en fais pas. Carmen et moi en avons terminé.

Laissant claquer bruyamment ma langue contre mon palais pour témoigner de mon profond agacement, je m'éloigne finalement accompagnée de mes fidèles acolytes. Depuis ma rupture avec Einar, j'ai le sentiment d'être une autre personne. Plus affirmée. Plus confiante. Plus courageuse. Que Carmen n'y revienne pas, elle risquerait de perdre des plumes.

— Thea ! Vous voilà ! nous accueille Olav. Venez donc, nous vous avons réservé une place dans le petit salon qu'on a privatisé. Søren était assez fatigué donc changement de plan : on ne bouge pas cet après-midi.

— Ça marche. Je vais juste déposer mes emplettes dans ma chambre. Je vous dis à tout de suite, les préviens-je.

Puis, après m'être éclipsée une bonne poignée de minutes, je redescends les marches quatre à quatre et rejoins tout ce beau monde. Affalés dans des sofas en cuir molletonné noir et les chaussures reposant sur une large table basse en acajou, l'équipe rit à gorge déployée. Assurément, leur état déplorable est dû aux verres de tequila qui tournoient négligemment entre leurs doigts agiles. Seul Søren reste sobre. Heureusement d'ailleurs. Je n'ose me risquer à imaginer ce qu'il en serait pour le show de ce soir autrement...

— Ne fais pas trop attention à eux, murmure le DJ à mon intention. Les garçons ont pris l'habitude d'extérioriser toute la pression de cette façon. Ce n'est pas la meilleure solution, je l'avoue.

— En effet, l'alcool n'a jamais résolu quoi que ce soit. Ça se saurait... soupiré-je.

Le cœur lourd, je ne peux m'empêcher de repenser au comportement agressif de mon ex petit ami. Lorsqu'il buvait comme un trou, il se métamorphosait en un animal enragé et cruel. Le mieux était de ne pas croiser son chemin dans ces moments. Sadique jusqu'au bout des griffes, il prenait plaisir à aller très loin, tant dans ses insultes que dans ses coups. Le venin mortel qui s'échappait de ses lèvres outrageusement minces me chamboulait un peu plus chaque fois. Son haleine fétide parvenait jusqu'à mes narines, d'où un long et tortueux filet de sang s'échappait la plupart du temps. Je me retrouvais complètement à sa merci et devais attendre que l'orage passe... Sans un mot. Si j'avais le malheur de pousser ne serait-ce qu'un seul cri, ses poings sur mon visage redoublaient d'intensité. Après tout, il ne pouvait pas faillir à sa réputation : il souhaitait se prouver par tous les moyens qu'il était un boxeur renommé. Me détaillant avec un air dégoûté, il me laissait gisant sur le sol et jetait un regard contrarié sur son t-shirt ensanglanté en marmonnant « Merde, il va falloir que j'aille me changer maintenant. ».

— Thea, est-ce que ça va ? s'inquiète Søren. Tu es livide.

Tant bien que mal, je tente d'empêcher mes larmes de couler. Sous le coup de l'émotion, ma gorge se serre. Mes mains deviennent moites et ma respiration est de plus en plus oppressée. Ces souvenirs sont si douloureux...

— Hey, viens-là, reprend-il en m'attirant contre lui.

Son étreinte timide m'enveloppe toute entière, me réconforte en douceur et sont un baume délicieux sur mes trop nombreuses blessures encore béantes. Je ne mérite pas tout ça mais qu'est-ce que ça fait du bien... Bien que spontané, ce geste n'aurait pas plu à Carmen. Si elle n'était pas remontée dans ses appartements, elle m'aurait égorgée. C'est certain... Et pourtant, je n'éprouve aucun remords sur cet instant ineffable.

·゚: *·゚:*

Désormais prise dans le feu de l'action, je m'active avec les grandes sœurs de Søren – Stella et Sara – à satisfaire une clientèle qui ne faiblit pas. Grâce à leur aide non négligeable, nous enregistrons des records. Tant en termes de gains qu'en visites du stand. Le merch n'aura jamais accueilli autant de monde !

L'ayant constaté aussi, Olav arrive ventre à terre pour nous prêter main forte. Enfin... Du mieux qu'il le peut du moins ! Disparaissant derrière un amas de cartons remplis de goodies, il réachalande avec toute l'énergie que je lui connais, notre stock qui s'amenuise à vue d'œil. Ce n'est pas de refus. Surtout à la vue de toutes ces recettes que nous réalisons et qui profiteront à une œuvre de charité locale pour épauler les sans-abris, réfugiés et orphelins.

Et puis ça y est. Tout rentre dans l'ordre. Le rush est terminé.

Complètement éreintée, je me laisse tomber mollement sur un tabouret et en profite pour observer la famille de Søren qui a fait le déplacement depuis Göteborg.

Tout juste trentenaire, Sara a tout d'une femme élégante. C'est une jeune maman épanouie, pleine de vie et au ventre encore légèrement arrondi. Du fait de sa grossesse encore récente, elle garde une silhouette féminine qui laisse se dessiner de jolies formes généreuses sous une tunique ample florale à manches longues et un jean brut. Des bottines à talons hauts la font paraître plus grande qu'elle n'est et mettent en valeur ses jambes galbées. Tombant en cascade dans son dos, ses cheveux châtains lisses encadrent son visage oval, d'où ressortent ses yeux vifs bleus.

Bien qu'elles soient de la même fratrie, Stella, quant à elle, a un squelette assez fin qui tranche avec ses cuisses bien en chair. Sans doute abîmés par les colorations, ses cheveux ondulés teints en blond descendent jusqu'à ses frêles épaules en un carré long. Son front large accentue la légère courbe qui dévie son nez. Ses prunelles inquisitrices m'empêchent de continuer mon examen plus longuement. Elle s'approche de moi, un sourire fixé aux lèvres, et me complimente sur la petite robe noire que je porte.

— Søren s'était bien caché de nous dire qu'en plus d'être compétente, tu étais magnifique.

Peu habituée à recevoir tant d'éloges, je sens mes joues s'empourprer et serre entre mes doigts un bout du foulard en soie autour de mon cou. La ressemblance est tellement frappante que je croirais me retrouver dans la peau du musicien le jour de notre rencontre. Finalement, seul le premier geste lui avait coûté. Ou presque.

— C'est très gentil de ta part, marmonné-je, gênée. Je suis ravie de faire ta connaissance.

— Et le plaisir est partagé. Ne reste pas dans ton coin, viens donc avec nous. me propose-t-elle d'un air complice, en posant une de ses mains fines sur mon avant-bras.

— Avec joie. Merci.

À nouveau sur mes jambes, je la talonne. Suite à une blague pour détendre l'atmosphère, j'éclate de rire et me retrouve aussitôt suivie, dans cet état à la limite de l'euphorie, par les frangines du DJ. De son côté, Søren s'active derrière les platines. À ma grande surprise, il nous repère dans la foule et nous adresse un clin d'œil entendu. Puis, comme si rien ne s'était passé, il se reconcentre. Les doigts placés au-dessus de sa tête, il semble enchaîner les rythmes de la mélodie sur le clavier d'un piano imaginaire. 

Chapeau l'artiste !


* Celtic Park : Stade de football à Glasgow d'une capacité de 60 411 places.

*Arbetsförmedlingen : Il s'agit de l'équivalent de Pôle Emploi en Suède. 

Continue Reading

You'll Also Like

3.3K 624 107
L'heure est venu de régler les comptes, de faire payer. Toute une vie qui va être dévoilée, des mensonges et des trahisons qui ne connaissent pas de...
89.8K 5.8K 50
Je ne veux que lui et c'est uniquement lui que j'attendrais.
KNIFE By Jessie Close

Mystery / Thriller

26.9K 3.4K 16
Un homme, un code, des pulsions inavouables, des milliers de cibles, et une seule règle. Ne soyez pas trop joueurs les amis. Il vous surveille et n...
1.3K 160 74
« Qu'auriez-vous fait à ma place? Continuer de fermer les yeux sur le malheur de votre peuple? Ou bien essayer de vous battre pour avoir une vie plus...