Cœur Obscur [Tome 2]

Av NyxMiller_

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~ L'Appel de La Lune ~ Du haut de son ciel étoilé, la Lune s'amuse aux dépens de Jasper. Mettre son âme sœur... Mer

| Avant-Propos |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 3 |
| Chapitre 4 |
| Chapitre 5 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 8 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Chapitre 11 |
| Chapitre 12 |
| Chapitre 13 |
| Chapitre 14 |
| Chapitre 15 |
| Chapitre 16 |
| Chapitre 17 |
| Chapitre 18 |
| Chapitre 19 |
| Chapitre 20 |
| Chapitre 21 |

| Chapitre 1 |

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Av NyxMiller_

Il est temps de dire au revoir.

Égoïstement, dans le plus grand des silences.

Mon regard se perd sur le costume d'un joli bordeaux que Rebecca m'a gentiment préparé pour l'union entre Isaac et Reyes. Une amertume se répand dans mon palais au rappel d'un certain loup aux yeux gris, ce même loup avec qui j'ai aimé partager chaque moment de mon séjour ici. Des yeux qui ont été bercés par la souffrance mais qui, malgré ça, nous a volé une place dans notre cœur à tous. La confiance n'était qu'un supplément, qu'un moyen plus rapide de nous charmer et d'atteindre son plan en nous laissant aveugle. Encore une fois, j'ai fait une erreur. Et celle-ci aussi a failli nous être fatale à tous.

Une explication a suffi à lui donner le pardon. Ce n'est pas mon cas, ça m'est impossible. Après ce qui s'est passé, après toutes ces révélations, je ne peux pas accepter une telle trahison tout en sachant qu'il était au courant depuis le début. Pas comme ça, c'est trop facile. J'ai beau être heureux pour lui qu'il soit enfin libéré de ses entraves, ça s'arrête là. Ça n'a plus d'importance, maintenant. Comme la première et la deuxième fois, je boucle la dernière page de mon livre pour en re-démarrer un nouveau. Je reprends la route sans connaître ma prochaine destination.

Je suis un électron libre. Ni rien ni personne ne pourra changer ça. Encore moins la Lune qui, de toute sa grandeur, assiste sans doute à l'union de deux êtres afin de veiller à ce que la suite de leur vie ne soit que joie et amour. Tout ça se passera sans moi.

Du bout des doigts, j'effleure le costard dans un sourire en coin aux allures amusées.

- J'imagine que, ça, tu ne l'avais pas vu venir. N'est-ce pas Isaac ?

Je me détache de cet appel ridicule à descendre rejoindre les camarades de meute qui étaient autrefois les miens. Certains ayant réussi à devenir bien plus que ça en dépit de ma réticence et de mes barrières. Red Moon a tous les critères pour promettre une existence chaleureuse et conviviale. Le revers de la médaille, comme tous, est la concurrence avec les autres meutes, clans, troupes et que sais-je encore. Celle-ci apporte le malheur et la destruction, comme il y a quelques jours à peine. Mais elle en vaut la peine, largement. Si tout avait été différent, si je n'étais pas l'homme que je suis, je serais resté. Pour toujours.

Détourné, je me charge de faire disparaître les derniers plis de la couverture du lit afin que tout soit parfait. Un passage à la salle de bain, je rassemble les draps secs et propres pour les ranger dans les armoires de la chambre que j'occupais. Je regarde autour de moi et saisis les lanières de mon sac de sport, celui-ci comportant le strict minimum que je traîne toujours avec moi. Brosse à dents, shampooings, rechanges et un plaid en cas de besoin. Je hoche la tête pour moi seul et respire calmement, satisfait de n'y percevoir que des brides de mon odeur. Pour l'avoir aéré et ce, malgré le froid hivernal, il vaut mieux.

Je dépose le téléphone sur la table de chevet, juste à côté de son câble. Avec hésitation, j'extirpe de ma poche le papier plier en deux et l'abandonne sur l'oreiller bombé par mes soins. Si je ne dis rien, ce connard se lancera à ma poursuite et me collera au cul jusqu'à ce qu'il ait eu une explication qui lui convienne. Autant dire qu'il n'y en a aucune.

Cet homme-là est bien trop dangereux pour moi.

Il m'affaiblit.

Un second bout de papier en main, je sors de la chambre et referme soigneusement la porte derrière moi. Je descends les marches et pars poser le mot sur la table du salon. M'apprêtant à tourner les talons pour de bon, je me stoppe sur le sapin décoré de mille feux par les soins de ma banshee. J'aurais au moins apprécié chaque instant avec cet imbécile, avec une sincérité indéfectible. Au moins, ça aura eu le mérite d'apporter un peu de vie dans cette habitation froide.

Mes doigts se raffermissent autour des sangles de mon sac. Le courage en fuite, je le rattrape et me coupe de cette vision pour prendre le chemin de l'entrée. Je déverrouille la porte et l'ouvre, accueillant le vent à bras ouverts. Un pied sur le perron, je relève la tête vers le ciel étoilé et je souris de toutes mes dents. À quelques jours de Noël, c'est le pire moment pour partir. Qui sait ? J'aurais peut-être eu le droit à des Ferrero Rocher avec un peu de chance. Et si je m'autorise à rêver davantage, à un groupe de femmes et d'hommes qui danseront rien que pour moi.

J'ouvre ma belle Suzie, une Chevrolet Impala digne des frères Winchester. Mon premier et unique amour. Je balance mon sac à l'arrière et referme la portière. Celle du côté conducteur prête à m'accueillir, je flatte la carrosserie avec tendresse.

- J'ai bien fait de te voler à ces barbares, Suzie, je chantonne. Tu es bien mieux avec papa Jasper.

Je ricane et m'apprête à m'engouffrer à l'intérieur. Une seule fragrance de terre boisée et de pluie fraîche momifie mon corps. Mes doigts crispés autour de ma Suzie, je rehausse le menton et oriente mon regard vers ce maudit loup qui, visiblement, n'a toujours pas lâché son petit air grognon. Avec l'âge, il ne fait que s'embellir. Incroyable mais vrai. Étonnant qu'il soit célibataire. Enfin, étonnant... rares sont les personnes qui vont vivre dans le bayou. Croiser des êtres humains là-bas, voire des métamorphes, c'est plus rare que de gagner au loto.

De l'autre côté de la rue, il ne fait rien d'autre que me regarder. Les mains dans les poches, je ne peux retenir un sourire amusé de s'immiscer sur mes lèvres. Lui et ses chemises bûcheronnes, une grande histoire d'amour qui perdure. Jamais je n'ai osé penser qu'on se retrouverait un jour, d'autant plus dans une telle situation. Comme je n'aurais jamais osé penser qu'il me reconnaîtrait après tout ce temps. Il faut dire que j'ai beaucoup changé. Je suis devenu un homme mortellement sexy, forcément. Je ne suis plus ce garçon brisé et effrayé par le moindre bruit.

Sensiblement, mon cœur s'emballe. Le voir me comble de bien-être autant que, paradoxalement, il m'oblige à me souvenir de la raison de notre première rencontre. Chaque jour, je cherche à oublier. Et chaque soir, ma mémoire s'amuse à me titiller les nerfs. Mis à part certains, pour une raison que je refuse d'envisager.

- Tu pars ?

Le timbre de sa voix calme me parvient sans mal. Et ce simple son fait resserrer ma poigne autour de la portière. Ça fait bien longtemps, maintenant. Trop de choses se sont produites depuis.

- Oui.

Lentement, il acquiesce.

- Définitivement ?

- Tu connais parfaitement la réponse.

- J'aimerais surtout en connaître la raison.

- Elle ne regarde que moi, je me contente de répondre, faisant mine d'entrer dans la voiture.

- Pas quand elle implique des proches. Tu choisis la solution de facilité. Encore.

Ma mâchoire tressaute. Message reçu. Ça, c'était un gentil et adorable pic.

- Au revoir, Carl. Prends soin de ta nouvelle famille.

- Quelques phrases de leur part suffiraient à te faire rester, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu pars sans rien dire.

- Par contre, tu devrais être plus discret à l'avenir, je poursuis sans gêne. Je t'ai vu lorgner le petit cul de ce Simon pas mal de fois, tu sais ?

Je glousse lorsque le loup solitaire détourne le regard, fier de mon tour.

Et toc, mon vieux.

J'ai des yeux de lynx.

- Si je t'avais demandé de rester, tu l'aurais fait ?

Mon début d'amusement disparaît dans un souffle. Mon regard tombe sur ma Suzie, fuyard.

- Tu l'aurais fait si tu avais su ?

- La question ne se pose même pas, Jasper.

- Je ne serais pas resté, j'admets difficilement.

Je relève mon attention sur lui pour le voir encaisser mes paroles. Je ne suis pas un menteur, je ne peux pas lui dire ce qu'il souhaite entendre. À cette époque, j'étais bien trop aveuglé par la colère et la haine. Et parfois, encore aujourd'hui, elles m'effleurent, tel un mirage du passé.

J'écarte un peu plus la portière en signe de départ. M'attarder ici est bien trop risqué. Je renvoie incontestablement l'image d'un métamorphe qui part la queue entre les jambes. Et ça, aucun d'eux ne l'acceptera.

- Et si je te demandais de rester, le feras-tu ?

- Ne le fais pas. Ne me le demande pas.

- Jasper.

- Carl, je l'interromps sèchement.

- C'est simplement Carl désormais ?

Je pose mes fesses dans le siège conducteur et dérive mes prunelles foncées vers lui. Il n'a pas bougé de là où il est et m'observe être sur le départ, sans rien faire. Et intérieurement, je l'en remercie.

La main autour de la poignée de la portière, j'inspire brièvement et passe ma langue sur ma lèvre inférieure.

- Tu m'as manqué, vieux con.

- Toi aussi, tu m'as manqué, Jasp.

- N'avertit personne de mon départ.

- Comme tu voudras.

- Puissions-nous nous retrouver.

- Puissions-nous nous retrouver, confirme-t-il dans un souffle.

Je referme la portière dans un claquement et mets la clé dans le compteur dans un sourire de bienheureux. Sortir cette phrase, en écho avec cette série tv, me réjouis plus que de raison. Parce que je sais à quel point elle est significative, à quel point elle est marquante. À quel point, inconsciemment, j'espère qu'elle soit vraie pour nous.

Je démarre le moteur, l'attention rivée sur Carl. Peut-être que cette phrase fera en sorte de nous réunir pour de bon, un de ces jours. Bien que j'aie peu d'espoir pour ça, je sais que ça ne se produira pas. C'est bien mieux comme ça. Je ne trouverais jamais un endroit, un lieu, qui me ferait me sentir comme à la maison. Un endroit qui, dès que je le quitterais, me donnera envie d'y retourner. Un endroit qui me donnerait cette sensation agréable et chaude d'être chez soi.

Alors que je m'éloigne, j'ose un regard dans le rétroviseur. Aucune tête familière ne me court après, aucune connaissance ne tend la main vers moi pour me retenir. Même Carl n'est plus là. Ici, dans cette voiture, il y a juste moi. Comme toujours. Je ne suis rattaché à personne.

Le cœur en manque d'oxygène, j'allume la radio et raffermis ma prise autour du volant. Les hurlements de loup se joignent à la Lune, la chasse ayant sans doute débuté.

[Maintenant que tout va bien, il est temps pour moi de m'en aller. Ne cherchez pas à me retrouver, c'est inutile. Je ne reviendrais pas.

Merci Reyes pour tout ce que tu as fait. 

Au revoir, mon frère.

Prends soin de ta famille pour moi.]

******

À l'angle d'une rue mal éclairée, j'avance Suzie sur le parking d'un hôtel miteux et coupe le moteur dans un bruyant soupir. Mon regard voyage sur les néons dudit hôtel qui clignotent par rythme irrégulier, visiblement en fin de vie. Au vue de l'état du bâtiment, si j'avais l'espoir de dormir dans une chambre au moins sécurisée, je peux abandonner cette idée. Il ne m'inspire rien de bon, pas même une douche prometteuse et rafraîchissante. L'eau elle-même doit être de l'acide, sans exagération. Je grimace dans un frisson de dégoût et engouffre mes clés de voiture dans la poche de ma veste.

Je lorgne la banquette arrière, certain que je ne trouverais rien de plus agréable pour me reposer qu'ici et ce, dans un endroit plus sûr. Néanmoins, après avoir traversé deux villes de suite, je n'ai qu'une envie : sortir me dégourdir les pattes et être ailleurs que dans une cage d'acier aussi belle soit-elle. Un sourire amer me vient alors que je pose un pied à l'extérieur et me prends le vent glacial de Décembre en pleine face.

Ouais, me dégourdir les pattes hein...

Comme une bonne vieille grand-mère, je saisis les pans de ma veste et les referme autour de moi dans une protection vaine. Je trottine jusqu'à l'entrée de l'hôtel et entre à l'intérieur. Cette fois-ci, ce n'est pas un vent glacial qui me violente mais une multitude d'odeurs tout à fait charmantes. Sueurs, clopes, sexe et alcools. Peut-être même un peu de pisse et de vomis dans un coin de ce couloir au papier peint jauni. Il n'y a pas à dire, cet endroit fait rêver. Bien meilleur qu'un cinq-étoiles.

La femme de l'accueil, suffisamment âgée pour avoir plus d'un orteil de prêt dans la tombe, relève son nez de travers sur moi. Je retrousse mes lèvres dans un sourire charmeur et glisse une main dans mes cheveux blonds, conscient que ce geste fonctionne toujours pour attirer les regards. Il est hors de question que je paye le tarif complet pour un lieu pareil.

- Bonsoir, auriez-vous une chambre de libre pour moi ?

Ses yeux, plus morts que vivants, me balayent avec attention. Ses lunettes sur le bout de son pif remontent à l'aide de son index peu après que son dos se soit reposé sur le dossier de son siège.

Un sourire en coin, la bonne femme acquiesce.

- Bien sûr. J'imagine que vous vous êtes perdu pour atterrir dans cette ville à la con, hm ?

- Je préfère dire que...

Je dépose mes avant-bras sur l'accoudoir de l'accueil et me penche sensiblement. Ma langue passe sur ma lèvre inférieure, action qui ne passe pas inaperçue pour mamie.

- ... le destin m'a amené jusqu'ici. Jusqu'à vous.

- Eh bien, reprend-elle une fois une profonde inspiration prise, vous maniez les mots avec efficacité, aussi nuls soient-ils. Combien de personnes avez-vous réussi à embobiner avec votre petit jeu ?

De surprise, je bats des cils avant de sourire brièvement avec sincérité. La chance n'a pas envie d'être de mon côté ce soir, faut croire.

- Trop de personnes, pour être honnête.

- Vous avez bien failli m'avoir, glousse-t-elle.

- Je suis curieux de savoir ce qui vous a mis la puce à l'oreille.

- Votre regard.

- Mon regard ? je répète, les sourcils arqués.

L'hôte quitte son siège et se détourne un instant pour saisir une clé où, accrochée à elle, un badge numéroté indique la chambre.

- Vous avez un regard tout à fait renversant mais apparemment, aujourd'hui, vous n'avez pas spécialement passé une bonne journée.

- Vous n'avez pas tort, je souris. Impressionnant.

- Vous savez, quand on travaille dans un hôtel de ce genre, vaut mieux faire attention aux détails. Ou fermer les yeux sur certaines choses, ajoute-t-elle. Et... vos hématomes ne vous aident pas non plus.

- Je ne peux que vous croire. Combien pour la chambre ?

- Je vous la fais à vingt balles si vous ne ramenez pas de clients. Nettoyer ce genre de choses est infernal, je préfère me contenter de la pisse.

- Mes clients ?

Son regard me dévisage silencieusement. Finalement, sa mâchoire se décroche.

- Oh. Vous n'êtes pas une... ?

- Une ?

- Vous n'êtes pas une pute ?

- Vous êtes en train de me traiter de pute, là ?

Les yeux écartés comme deux soucoupes, c'est à mon tour de la dévisager de la tête aux pieds. Scandalisé, je porte une main à ma poitrine et recule d'un pas.

La bonne vieille femme s'agite, terriblement honteuse.

- Oh mon Dieu, non ! Bien sûr que non !

Dans un rire nerveux, elle me tend la clé.

- Ça fera dix euros pour vous. Et n'hésitez pas à descendre au bar au coin de la ruelle. Dites au barman que vous venez de la part de Marie, vos verres seront gratuits comme ça. Pour me faire pardonner, précise-t-elle.

- Merci, je murmure, blessé.

- La chambre est à l'extérieur, montez l'escalier à droite et cherchez la porte 17.

Je sors un billet de dix de ma poche et chope les clés. Sans un mot de plus, je me détourne et ouvre la porte d'entrée.

- Vous êtes un bon gars, n'est-ce pas ? m'arrête la vieille femme, légèrement craintif.

- À vous de me le dire, je lance.

Une fois dehors, je me retiens difficilement de rire comme une dinde et grimpe deux à deux les marches pour rejoindre l'étage, mon sac de sport à la main. Si la phase séduction ne fonctionne pas, la culpabilité peut facilement rattraper le coup. Ou la peur, tout dépend. Franchement amusé, je ne peux m'empêcher de penser à Isaac. Sans le voir, l'entendre, je sais qu'il m'applaudirait pour cette performance absolument ridicule, bien trop habitué à me voir faire l'acteur.

Aussitôt, mon humeur retombe et mon sourire s'envole à cette pensée. Ouais, c'est probablement ce qu'il aurait fait. Pour le coup, il aura été un meilleur acteur que moi.

- Non, non, laisse-moi..., supplie une voix féminine. Je te dis que je ne veux pas... !

Face à la porte 17, je fronce les sourcils et dérive mon attention à l'autre bout du couloir extérieur. Là, contre le mur crade de cet endroit merdique, un homme écrase de tout son poids une femme et bécote son cou comme un affamé. Ses mains courent sur sa peau bronzée et pétrissent sa poitrine en dépit des supplications audibles de la demoiselle. En dépit de ses tentatives pour se sortir de son emprise.

L'entièreté de mon être se paralyse lorsque, avec brusquerie, ce connard la retourne et plaque son buste contre le second mur. Dos à moi, je sais qu'il est en train de défaire son pantalon par ses mouvements, prêt à commettre l'irréparable et briser une personne de plus pour satisfaire ses besoins. Une vague dangereuse soulève mon estomac, dictée par la présence de mon loup qui ne tarde pas à remonter à la surface. Les images se confondent et se superposent inlassablement. Un cri, un seul, envoie un éclair se répandre dans les muscles de mon corps.

Ni une ni deux, mon sac tombe par terre. Mes mains empoignent la veste de ce fils de pute et le balancent violemment contre une des portes de ce putain d'hôtel. Un grognement plaintif chantonne à mes oreilles. Ce son me fait presque ronronner d'appréciation. C'est exactement ce dont j'avais besoin. Ce bonheur de mettre à exécution une quelconque punition. Ce bonheur de laisser parler quelqu'un d'autre.

- Ben alors, on n'entend pas la dame dire « non » ?

- Lâche-moi connard ou tu vas le regretter !

- Hm, j'émets dans une réflexion. Peut-être que ce n'était pas suffisamment parlant pour toi, comme le : « je ne veux pas » ou le « laisse-moi ».

- Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, crache-t-il.

Plus sauvage encore, le type se met à se débattre avec plus d'énergie.

- Malheureusement pour toi, aujourd'hui je ne suis pas vraiment de très bonne humeur. Et pourtant, je me sens d'humeur généreuse. Je vais t'apprendre la réelle signification du mot « non », histoire que tu ne le confonde plus avec un « oui ».

Une main autour de sa nuque, je le guide fermement de l'autre côté et fracasse sa tête contre la rambarde. Une fois, puis deux. Un grognement résonne et amène une nuée de frissons le long de mon échine. Un cri de douleur danse autour de moi, le sang flatte mon odorat et fait gronder ma bête.

Mes doigts agrippent les cheveux gras du vilain garçon et l'obligent à relever son visage vers moi. Le nez pété, je souris de toutes mes dents devant son regard noir.

- Je m'arrêterai quand tu me diras non et me supplieras d'arrêter. Qui sait ? Peut-être que moi aussi je ne les entendrais pas. J'aime être satisfait, tu comprends ?

- Va te faire foutre, bâtard ! gueule-t-il.

Dans un bruit loin d'être plaisant, il se racle la gorge et me crache à la figure. Je ferme les paupières et le relâche pour essuyer ma joue du dos de ma main. Sans prendre la peine d'ouvrir les yeux, je balance mon genou à la rencontre de son abdomen. Ma seconde jambe, elle, frappe méchamment dans ses tibias et le fait chuter au sol.

J'aspire une goulée d'air frais et baisse mes iris émeraudes sur ce chien. Son regard croise le mien juste avant que mon pied ne s'appuie contre sa gorge et se mette à la compresser.

- Tu es vraiment mal élevé. Tes parents ne t'ont pas appris le respect ?

- Pas plus que les tiens ! siffle-t-il.

- Ah, je soupire. Mauvaise réponse.

J'exerce plus de pression autour de son cou tandis que ses mains essayent tant bien que mal de repousser ma jambe. Sans détacher un seul instant mon regard de son visage rougi, je l'observe suffoquer et chercher désespérément son air.

J'incline la tête sur le côté, le visage fermé.

- Essaie encore. Et ne me déçois pas.

Frénétiquement, ses mains se mettent à taper contre mon mollet. Juste pour entendre ce qu'il a à dire, je refrène mon envie et allège mon poids.

- Arrête, articule-t-il avec peine.

- Continue, c'est ça que tu me demandes ? Eh bien, on dirait que tu aimes ça, hein.

- Non, non ! J'ai dit d'arrêter ! réplique-t-il.

La pointe de ma chaussure oppresse sa gorge. D'abord doucement, de façon allégée, puis de plus en plus fort. L'asticot recommence à s'agiter, en manque d'oxygène. Il tousse, inspire autant qu'il peut et prononce des mots incompréhensibles dans des gargouillis flatteurs. Un coup d'œil à son entrejambe me confirme qu'il ne bande plus. Sans surprise.

Je mordille ma lèvre inférieure, l'attention rivée sur ses prunelles qui s'humidifient. Une chaleur divine migre dans le bas de mon ventre. Au bout du compte, je retire mon pied par dépit et le laisse reprendre un minimum son souffle. Je m'abaisse et empoigne ses bourses afin de le remettre debout. Comme avec ma jambe, ses doigts se cramponnent à mon poignet.

J'avance d'un pas, ne lui donnant pas le choix de reculer. Ses lèvres se meuvent et sa voix, fine, tente de dire ce que j'attends de lui. Et il le fait mais je prends plaisir à jouer à la sourde oreille. Pour ce genre de fils de pute, je n'ai aucune foutue pitié. Aucune.

Je le relâche afin de harponner son col et le bascule de moitié au-dessus du vide, le bas du dos pressé contre la barre en fer de la rambarde.

- Bordel de merde, je t'ai dit de me lâcher ! Je t'ai dit non ! perd-il patience, les yeux écarquillés par diverses émotions.

- Allons, on commence juste à s'amuser, je rechigne.

- T'es complètement barré !

- Et dis-moi, ton trou n'a jamais été baisé par un homme ou une femme, j'imagine ?

Instantanément, il s'immobilise. Des vagues de peur émanent brusquement de chacun de ses pores. Mon loup trépigne d'impatience, tout aussi excité que moi par ce qui se passe.

L'odeur de sang, la peur, tout est un stimulant divin pour nous. Et comme toujours, comme un vieux drogué, j'en veux encore.

Toujours, toujours plus.

- Tu dois être serré, je continue. Si bien que je suis certain que je sentirais à la perfection tes chairs se refermer et spammer autour de ma bite. Ça te tente ?

- Non !

- J'étais sûr que tu dirais oui, je souris, content.

Je le ramène sur terre et le jette contre le mur. Je roule des épaules et esquisse plusieurs pas vers lui à mesure qu'il recule pour fuir, bien trop apeuré pour se relever et user de ses jambes.

- J'ai dit non ! Je n'en ai pas envie, putain de taré de merde !

- Non ? je m'arrête.

- C'est ça, j'ai dit non !

- D'accord, j'acquiesce.

Un profond soulagement gonfle à l'intérieur de son corps recroquevillé. Ma bête, de son côté, grogne et me bombarde de l'intérieur, frustrée. Je chancelle dans une singerie et l'ignore autant que je le peux encore.

- C'est vrai ? ose-t-il demander.

- Tu as dit non. Maintenant, je pense que tu comprends ce que ça veut dire.

Devant son silence, je hausse les sourcils.

- À moins que tu n'en as pas eu assez. Je me ferais un plaisir de me charger de toi.

- J'ai compris, j'ai compris ! s'exclame l'homme.

- Barre-toi.

Ce bâtard n'attend pas une minute de plus pour sauter sur ses jambes et cavaler comme s'il avait le diable au cul. Je soupire longuement et frotte mon visage de mes mains, fatigue de cette journée merdique.

Je pivote légèrement vers la jeune femme. Celle-ci est toujours paralysée contre le mur de son agression. Son état me comprime le cœur et enrage ma bête.

Je détourne le regard et insère la clé dans la serrure de la chambre 17, les doigts tremblants.

Plus vite.

Ouvre-toi.

- Tu n'as rien à craindre. Rentre chez toi, maintenant.

- M-Merci, murmure-t-elle, encore sous le choc. Merci...

La porte déverrouillée, je saisis mon sac de sport et me hâte de m'engouffrer à l'intérieur. Le cœur fou, ma respiration s'accélère et je tombe à genoux dans un grognement de douleur. Le front pressé contre la moquette de la chambre, je déboutonne mon pantalon et empoigne mon sexe auquel je me mets directement à offrir des va-et-vient.

Putain de merde.

*******

Fortsett å les

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