Lilith
A mon réveil, Jungkook est là et d'habitude, il n'est plus ici quand je sors de mon sommeil. Il dort et son calme le rend si attendrissant. Je caresse sa joue et je pose ma main sur son torse ferme. Les fragments de notre nuit me reviennent en mémoire et je ne culpabilise pas. Mes sentiments sont emmêlés mais je ne regrette pas ce que nous avons fait.
Sans le réveiller, je quitte le lit puis j'enfile des vêtements pour ne pas rester nue. Doucement, je m'assois sur la chaise face au bureau fait de bois contre le mur puis je profite de ce silence pour écrire une lettre à ma mère qui me manque terriblement.
Ici, ils ne sont pas comme nous. Ici, personne ne vit en son âme et conscience. Ils font des choses dangereuses et il me fait peur, maman. Quand il s'approche, j'ai la sensation d'être incendiée. Quand il s'éloigne, je me rappelle que je suis morte et j'ai peur.
Lorsque je respire, je tremble... de vie. Il me pousse à la mort, maman. Pas à l'amour. Mais le pire, ce n'est pas ça. Morte ou vivante, avec lui, j'aime l'être. Je crois que je suis perdue, corrompue. Mais ils m'ont déjà tous prévenue. La fureur de son corps est la douleur de son cœur.
Pour moi, maman, il est trop tard. Il me tuera une deuxième fois...
Je relie ce que j'ai écrit et je pense que je ne pourrai pas être plus honnête que ce que je viens de coucher sur ce papier blanc. Je me souviens de Jungkook dans les ruines et il n'était pas mon mari. Il n'était pas l'homme avec qui j'ai passé la nuit et avec qui j'ai pris plaisir à vivre. Être aux côtés de Jungkook me rend systématiquement incontrôlable. Avec lui, mon corps vit si follement que je me sens au bord de la mort. Je ne sais pas ce qu'il se passe entre nous mais je sais que rien ne sera comparable à ce que je ressens en étant avec lui. C'est dangereusement agréable.
Je n'aurais jamais dû prendre plaisir à recevoir de la cire de bougie chaude sur le corps, ni cette foutue fessée pour me punir mais Jungkook n'a pas peur de me briser. Toute ma vie, les gens me prenaient pour une personne prête à mourir mais Jungkook s'en fiche. Il ne me traite pas comme une femme fragile ou forte. Il me traite comme une personne qui n'a jamais vécu et c'est troublant.
« Bonjour. »
Je me retourne pour regarder mon mari se redresser dans le lit.
« Bonjour. » je lui souris.
Il passe la main dans ses cheveux désordonnés puis il jette un coup d'œil par la fenêtre pour se rendre compte qu'il fait déjà jour. Je le laisse émerger pour pouvoir plier correctement ma lettre alors que je l'entends se vêtir puis il passe à côté de moi. Habillé, il regarde le papier que je glisse dans une enveloppe.
« J'ai écrit une lettre pour ma mère. Tu pourras l'envoyer ? »
Je lui donne et il hoche lentement la tête. Un moment passe avant qu'il dise :
« Je dois aller voir Merryl... »
Ma bulle éclate et je reviens à la réalité. Mon mari n'est pas mon mari mais aussi celui de Merryl, j'avais oublié. Jungkook est réservé à Merryl et moi, je passe ensuite.
« Oh. »
Jungkook se penche vers moi et dépose un simple baiser sur mes lèvres.
« Je n'y vais pas pour coucher avec elle. C'est juste qu'elle est comme une meilleure amie pour moi. »
Oui enfin moi, je ne couchais pas avec ma meilleure amie ! Quoi que me dise Jungkook, même s'il n'est pas un menteur, je n'aime pas le savoir avec Merryl. Je reconnais que j'ai une pointe de jalousie. Il faut la voir pour me comprendre. Elle est sublime, douce, attachante et elle ferait fondre le cœur de n'importe quel homme et Jungkook ne peut pas me contredire. Il revient tout le temps vers elle. Il ne peut pas s'empêcher de lui courir derrière. Pourtant, Merryl n'a pas hésité à trahir Jungkook pour me donner le lieu des ruines. Je pourrais balancer l'information à Jungkook pour garder mon mari uniquement pour moi mais je ne le ferai pas. Je me sens toujours obligée de lui laisser ma place auprès de Jungkook comme si j'empiétais sur son chemin.
« Je n'ai rien dit. Va voir Merryl. Si tu me cherches, je serai sûrement avec Maïra. »
Je lui fais un sourire pour ne pas lui donner la satisfaction de me voir dérangée. Jungkook quitte la chambre sans se retourner.
***
Dans la journée, je ne sais pas quoi faire et puisque j'ai brièvement aperçu Jungkook rire avec Merryl dans la cour alors qu'il lui tendait une fleur, je préfère me changer les idées. Pour cela, j'ai fui la propriété et me voilà en ville. Je découvre tout. Des restaurants, des boutiques éphémères, des épiceries, des boutiques souvenirs. Il y a de tout. Je reste émerveillée devant les passants qui semblent sereins, libres, vivants.
Dans mon clan, nous sommes libres mais nous avons toujours la sensation que les soldats de mon père rôdent dans les alentours pour faire la sécurité. Ici, les habitants ne semblent pas se soucier des dangers potentiels.
« Mademoiselle, vous êtes perdue ? » une jeune femme me demande.
Je la fixe un instant avant de revenir sur Terre.
« Désolée, je suis nouvelle ici et j'aimerais manger. »
Oui, le tourisme commence par la bouffe chez moi !
« Je me rends dans un café, vous voulez vous joindre à moi ? »
J'accepte et nous nous dirigeons vers ce lieu. Nous marchons une dizaine de minutes et nous voilà dans l'enseigne. Tout est grand, spacieux, classe et c'est lumineux. Nous nous asseyons contre les vitres, sur de grands tabourets et nous commandons du café et de quoi grignoter. Personnellement, je ne suis pas sûre de ce que j'ai pris car cela semble être une spécialité d'ici et je ne connais rien.
« Pardonnez-moi ma question mais n'êtes-vous pas la femme de Jeon Jungkook ?
— Comment le savez-vous ? »
Elle me pointe discrètement les yeux pour ne pas être grossière.
« Les yeux violets ne sont pas courants.
— Les yeux, bien évidemment. »
Ceci paraît logique. Je lui souris timidement et nos cafés nous sont ramenés avec nos encas.
« Comment réussissez-vous à vous intégrer ? elle m'interroge.
— Bien, je crois. Je dois assimiler les différences entre nos clans mais je crois que j'y arrive doucement. Heureusement que ma belle-mère est là sinon je ne sais pas comment je ferai pour m'en sortir. Il y a tellement de monde qui vit dans le domaine des Gandharva.
— Vous savez, chez nous, les familles qui dirigent ce clan sont comme des rois et des reines, ici. Jeon Jungkook est un prince tourmenté mais il n'a jamais été désagréable avec son peuple. Son sens de la justice le rend intimidant mais il n'est pas méchant.
— Vous le connaissez bien ? »
L'image que j'ai de mon mari dans les ruines me revient souvent en mémoire et quand ce n'est pas celle-là, c'est celle où il sourit à Merryl. Jungkook a une personnalité difficile à cerner.
« Je connais plus Kim Taehyung que Jeon Jungkook. Je travaillais pour la famille Kim avant le drame qui a touché cette famille. Mais Jeon Jungkook a toujours pris beaucoup de place dans le clan. Il est le maître des sanctions donc tout le monde le connaît. Allez en Chine ou en Australie, les gens le connaissent. Tout le monde connaît les familles qui dirigent le clan.
— Vous avez parlé d'un drame ? je suis curieuse.
— Oh, les Gandharva évitent de parler de ceci. Je pensais qu'on vous en avait parlé mais les ruines sont l'ancienne propriété des Kim. Un terrible accident a eu lieu dedans. Pour en revenir sur votre mari, vous devriez trouver ce qui le tourmente autant. Personne n'ignore qu'il se punit très sévèrement. »
Oui, nous savons tous qu'il se punit. Cependant, je me demande si ce sont vraiment des punitions qu'il s'inflige. Je crois que je suis bien placée pour savoir que Jungkook aime les choses dangereuses et qui peuvent faire mal. Il a quand même renversé de la cire de bougie sur moi cette nuit ! Il m'a également dit qu'il s'était trop familiarisé avec les sangles pour se faire du mal alors qu'il avait dû passer à plus douloureux pour que ça lui fasse un effet plus punitif.
« Je suis arrivée ici il n'y a pas si longtemps. »
Je me défends sur mon ignorance avec cette simple phrase. Nous buvons tranquillement notre boisson chaude et je lui pose une question :
« Tout le monde sait parler la langue des premiers dirigeants de ce clan ?
— Bien sûr, les enfants l'apprennent à l'école, dès la maternelle. »
Super, je suis moins intelligente qu'un enfant de trois piges !
« Oh ! Connaissez-vous un professeur pour m'apprendre la langue ? Mon mari et son homme de main discutent beaucoup dans cette langue et je me sens toujours mise de côté quand cela arrive. Puisque je suis une Gandharva, je devrais réellement me mettre à l'être. »
La femme sourit comme si cela lui plaisait de savoir que je me mélangeais à eux.
« Oh, je pense que si vous demandez à votre beau-père, il pourra vous en trouver un. Sa première femme était une Phoenix alors elle avait dû apprendre la langue natale aussi. Il devrait pouvoir vous trouver cela dans ses contacts. »
Nous discutons de tout et de rien. Elle me dit qu'elle s'appelle MinYah et qu'elle a deux enfants. Elle travaillait dans le personnel de la famille Kim et maintenant elle travaille pour des familles plus modestes pour pouvoir faire vivre sa famille.
En fin de journée, je dois rentrer à la maison pour ne pas inquiéter les personnes pour qui je compte, donc pas beaucoup, mais je remercie MinYah pour avoir passé un moment avec moi en espérant la revoir.
De retour dans la maison, je ne croise personne que j'aimerais voir donc je trace mon chemin dans les couloirs pour rejoindre ma chambre mais en passant devant l'escalier qu'on m'a interdit d'accès, je m'arrête. Jungkook m'a dit que je ne devais pas descendre car c'était se condamner soi-même à une punition mais qu'est-ce qui peut se cacher en bas ? Je zyeute autour de moi et personne n'est ici alors je descends les quelques marches mais c'est très sombre.
« Mais qu'est-ce que je suis encore en train de faire ? » je me dis.
Je descends encore plus de marches pour arriver en bas de celles-ci. Il fait sombre mais des torches fixées sur les murs en pierre m'éclairent un très grand couloir où se trouvent plusieurs portes. Encore une fois, je vérifie que je suis seule puis je m'aventure dedans. Sur le mur, je trouve plus loin une pancarte avec écrit Laboratoire dans une vieille police. Cette dernière m'indique la direction à prendre pour y aller alors je m'exécute et je constate que les portes sont très vieilles ! Néanmoins, arrivée au bout de ce géant couloir aux multiples virages, je tombe devant la porte du laboratoire. C'est une entrée à portes électriques en fer. Quand je suis détectée, les portes se coulissent et me laissent entrer comme si j'allais dans un ascenseur sauf que c'est réellement un laboratoire.
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Il y a des tables d'autopsies avec des corps recouverts de couvertures de survie. Je n'ai pas besoin de les soulever pour le savoir car les pieds dépassent. Je devrais faire demi-tour ! En m'aventurant encore un peu plus dans la pièce, je découvre un tas d'instruments et de machines pour la médecine et c'est clairement du matériel de pros ! Tout est blanc et très lumineux mais il y a une pièce tout au fond qui clignote et c'est ce détail qui m'interpelle. Comme si la lumière connaissait une mauvaise connexion. Je me rends dedans et trouve l'interrupteur pour voir clairement les lieux. C'est une sorte de salle de consultation car un siège étendu est ici, un ordinateur, du matériel, des médicaments, des papiers... Un cercueil ? Mon Dieu, je ne préfère même pas l'ouvrir !
« Je devrais partir. » je me raisonne.
Je m'apprête à le faire mais je découvre un gigantesque frigo aux vitres transparentes. Dedans se trouvent des tubes très fins comportant du sang et pas n'importe lequel... Il y a celui de Jungkook. Encore plus bizarre, il y a des seringues avec des étiquettes portant son prénom. Le liquide est turquoise et ne ressemble à aucun vaccin.
C'est quoi ce bordel ?
J'ouvre la porte en verre puis prends la seringue en faisant extrêmement attention à ne pas la faire tomber car elle est aussi en verre. En tout petit sur cette étiquette, il est aussi inscrit Essai 48. Qu'essaie-t-il ? Je repose la seringue sur le bureau et justement le dossier de Jungkook est ici, signe que Jungkook a été voir Taehyung pour une consultation ou un traitement. Je ne devrais pas me mêler de son dossier médical mais je sens que c'est important. C'est inscrit confidentiel et je veux bien le croire mais j'enfreins cette consigne.
« Pitié, faites qu'il n'y ait rien de bizarre. »
Tant qu'il n'a pas le SIDA...
Je fais tourner les pages mais rien de très intéressant n'est marqué. Son âge, son poids, sa taille, sa masse musculaire, graisseuse, etc... Mais la dernière page me trouble énormément ! La seringue doit avoir un impact sur ses ressentis. Jungkook aime les ressentis alors pourquoi prendrait-il des seringues qui devraient lui faire oublier ses ressentis psychologiques ?
« Qu'est-ce que je ne sais pas ? » je me parle toute seule.
Dans son dossier médical, le médecin qui s'occupe de Jungkook a écrit que les résultats devenaient moins concluants ces derniers temps et qu'il faudrait sûrement augmenter les doses. Qu'est-ce que Jungkook veut supprimer dans ses ressentis ? Est-ce que ceci a un rapport avec ses punitions ?
« J'ignorais que j'avais encore une personne à mettre dans un cercueil, aujourd'hui. »
Je sursaute en fermant le dossier et je me retourne. Taehyung est là et il a du sang sur le visage. Il porte une blouse blanche qui a des éclaboussures rouges. Ce mec m'a toujours fait flipper. Il est encore plus dangereux que Jungkook et ça, je n'ai pas besoin de le connaître pour le savoir. La mort parle dans ses yeux.
« Je... Je cherchais Jungkook.
— Il va te tuer pour être venue, ici. Est-ce que ça te dérange si je reste là pour voir ça ? » il me sourit.
J'avale de travers ma salive et mes muscles se tendent quand il s'approche. Il retire sa blouse pour se révéler en jean noir et en chemise anthracite largement ouverte.
« Taehyung, si Jungkook va me tuer, je peux te poser une question ?
— Oh, j'espère que j'aurais bon ! » il se moque.
Il dépose sa blouse sur le dossier de la chaise puis il s'adosse aux vitres et croise ses bras.
« Pourquoi Jungkook a besoin d'un traitement contre ses ressentis si justement il aime ça ? »
Son sourire taquin disparaît et c'est le danger qui se présente. Tout son visage change et je crois avoir posé la mauvaise question.
« Tu veux la vérité, Lilith ? Tu veux la vérité qui te donnera une image de ton mari plus sombre que jamais ? »
Je ne suis plus sûre de le vouloir mais pourrais-je réellement faire semblant d'ignorer ces détails de mon mari ? Non.
« Oui, je veux savoir. »