Intrication

By TempestaireV2

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Seo se réveille à bord d'une station spatiale ennemie après l'évacuation de sa colonie. Outre la perte brutal... More

Chapitre 1 - La Catastrophe du Vide
Chapitre 2 - L'Entropie du Vide
Chapitre 4 - L'Énergie du Vide
Chapitre 5 - Le Principe d'Incertitude
Chapitre 6 - La Mécanique Ondulatoire
Chapitre 7 - Fond Diffus Cosmologique
Chapitre 8 - Le Principe Anthropique
Chapitre 9 - L'Expérience des Fentes
Chapitre 10 - Superposition Quantique
Chapitre 11 - Conjonction Supérieure
Chapitre 12 - Désintégration du Vide
Chapitre 13 - L'Univers Primordial
Chapitre 14 - La Théorie des Cordes
Chapitre 15 - Le Mouvement Propre
Chapitre 16 - Les Dimensions Supérieures
Chapitre 17 - La Théorie du Tout

Chapitre 3 - L'Horizon des Evénements

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By TempestaireV2

Je m'éveillai dans une vaste pièce blanche où les lits étaient isolés par des cloisons de verre dépoli. Je n'étais plus sur une table d'examen mais dans un lit confortable et les bruits feutrés et les chuchotements autour de moi avaient quelque chose d'apaisant. Je me souvenais de presque tout maintenant. L'annonce de l'éruption de l'étoile, les heures d'angoisse qui l'avaient précédée, les préparatifs inutiles, le regard braqué vers la boule de feu qui semblait vouloir nous incinérer. Je me souvenais de la voix du spécialiste à la radio, la façon grave dont il avait dit les mots « catastrophe sans précédent », et « notre survie n'est pas certaine ». Je me rappelais quand il avait dit « je recommande à chacun de rester avec ses proches ».

Je me souvenais du transmetteur de mon père qui ne répondait pas. Il était avec les autres mineurs, il était avec ses proches et je n'en faisais pas partie.

Quelqu'un apparut soudain derrière le panneau de mon box.

― Bonjour Seo ! me salua la voix connue d'Opsoei.

J'écarquillai les yeux, et dévisageai l'inconnu. La veille, quand il s'était occupé de moi, la lumière était tamisée pour ne pas m'éblouir et j'avais encore la vue floue et l'esprit égaré. À présent, je le voyais parfaitement. Sa peau était d'une texture veloutée aux reflets violets, il avait des yeux fins en amande, ses iris étaient deux orbes améthyste cerclés d'une bordure noire et percés d'une pupille en forme d'étoile aux pointes irrégulières qui s'agrandissaient ou s'étrécissaient en fonction de la lumière. Ses cheveux indigo semblaient avoir la texture de douces plumes et son sourire était plein de chaleur.

Il n'y avait que des humains sur Sénéry, c'était la première fois que je voyais de mes yeux une autre espèce que la mienne.

D'autres choses me revinrent.

La manière dont il m'avait caressé, le contact de ses doigts sur mon intimité, ses mots de réconfort juste avant de m'introduire l'espèce de petite sphère. Je me sentis rougir jusqu'à la racine des cheveux.

― Eh bien ? Tu ne me reconnais pas ?

― Si... Si, pardon, je suis encore un peu déphasé. Bonjour Opsoei. Combien de temps est-ce que j'ai dormi ?

― Quatorze heures ! Bien plus que la durée d'effet du somnifère. Tu étais épuisé. Comment est-ce que tu te sens ?

― J'ai l'impression que ça va.

― Tes yeux ?

― Aucune douleur, et ma vue est complètement revenue.

― Bien. Tu as mal quelque part ?

― J'ai de légères courbatures.

― Mh. Je ne pense pas que ce soit un effet du voyage en caisson, ça a plutôt tendance à ramollir les muscles quand le trajet se prolonge plusieurs années. À mon avis, ça vient plutôt du traitement.

Du traitement ? Ah oui. Oh...

Il souleva la couverture blanche qui me recouvrait et sous laquelle j'étais entièrement nu, et la repoussa jusqu'à mes genoux.

Je me crispai.

― La pudeur, ça ne vous dit rien, hein ?

Il rit et m'adressa un regard pétillant.

― Excuse-moi, je n'ai pas l'habitude des mœurs de ta société, je n'ai jamais travaillé avec un humain qui n'appartienne pas à l'Intelligence. Mais je peux te promettre que je ne te veux aucun mal. Et nos méthodes sont approuvées par l'Intelligence, donc elles fonctionnent. Tu peux me faire confiance.

Et avec douceur, ses mains se posèrent sur mon ventre. Il me palpa doucement.

― Où sont tes contractures ?

― Au niveau des abdominaux et aux cuisses.

― Je vois, ce sont les muscles sur lesquels tu as forcé pour essayer de te soustraire au traitement. Maintenant que tu sais que ça ne fait pas mal, tu resteras bien sage.

Je me pétrifiai. Il ne pensait pas sérieusement à recommencer, hein ?

― Euh... à ce sujet, Opsoei... Il n'y aura pas de prochaine fois. Je vais bien, il est hors de question que vous recommenciez à me...

Je n'arrivai pas à formuler ça. Il replaça la couverture sur moi et hocha la tête d'une manière compréhensive.

― Je comprends tes réticences. Nous en parlerons avec Opsyma. Pour l'instant, je voudrais que tu essayes de marcher. Est-ce que tu t'en sens capable ?

― Je pense que oui.

― Bien. Un instant.

Il disparut derrière la cloison et revint quelques secondes plus tard avec une longue tunique blanche qu'il m'aida à enfiler.

― Elle devrait te couvrir jusqu'à mi-cuisses, tu n'es pas très grand.

Je le regardai bizarrement. Si, en fait, j'étais plutôt grand. Mais lorsque je sortis du lit et me mis debout avec précautions, je découvris qu'il me dépassait d'une demi-tête et je compris ce qu'il avait voulu dire. Ce n'était pas que j'étais petit, mais plutôt qu'il appartenait à une espèce de géants !

Je fis quelques pas dans l'espace réduit, puis, voyant que je ne faisais pas de malaise, Opsoei m'indiqua où se trouvaient les toilettes des humains. J'entrai dans une petite pièce au carrelage noir, au sol et sur les murs, éclairé d'une lumière bleue. J'en ressortis une minute après, pour lui demander, un peu gêné, comment fonctionnait le dispositif.

― Oh ! Excuse-moi, Seo. Je te montre.

Il entra avec moi et enclencha une commande. Une sorte de cuvette sortit du mur, ainsi que plusieurs appareils compliqués. Le tout sentait les produits désinfectants et était éclatant de propreté.

― Assieds-toi sur la cuvette.

J'obéis, en levant un sourcil perplexe.

― Pour la suite, je pense que je peux m'en sortir tout seul.

― Non, je n'en suis pas certain. Nous avons des règles d'hygiène très strictes au sein de la station. Pour tes besoins, tu sais effectivement faire, et la cuvette doit ressembler à n'importe quelle installation humaine, en revanche...

Il me montra une sorte de pompe et je craignis de comprendre ce que je devais faire avec.

― Comme certaines espèces peuvent en féconder d'autres, y compris de façon accidentelle, il est obligatoire d'être stérile en permanence.

― Attendez, quoi ?

― Ne t'inquiète pas, ce n'est rien de compliqué, cela veut juste dire que cet appareil va entièrement vider tes testicules de tous tes spermatozoïdes. Cela peut être un peu désagréable les premiers temps mais tu vas très vite t'habituer. Tu devras le faire après chaque passage aux toilettes, tout au long de la journée. Des contrôles spontanés sont effectués fréquemment, s'il s'avère que tes testicules n'ont pas été correctement vidés, tu seras obligé de te rendre deux fois par jour à l'infirmerie de l'aire où tu travailleras pour qu'un médecin s'en charge. Si tu n'y tiens pas, respecte bien le protocole.

Je le regardai avec des yeux horrifiés, mais il se contenta de me sourire.

― Ne fais pas cette tête, c'est une norme partout dans l'Intelligence.

Il me montra un deuxième dispositif.

― Une fois que tu auras terminé tes besoins et que tu auras les testicules vides, presse le cercle bleu ici. Cela enclenchera le nettoyage. Tes organes externes vont êtres arrosés avec un jet doux, et tu vas recevoir un lavement à l'eau tiède grâce à cet embout.

― Attendez, stop, qu'est-ce que c'est tout ça ? Je veux juste aller aux toilettes, pas être humilié, vous ne pouvez pas me demander ça, je ne suis pas membre de l'Intelligence. Je suis sûr que je peux formuler une requête pour être exempté de tous ces trucs.

Opsoei secoua la tête négativement.

― Non, aucune chance, ce sont des protocoles d'hygiène publique. Si tu ne t'y soumets pas volontairement, tu seras contraint de le subir dans un milieu médical, ce ne sera pas dans une petite pièce intime, mais dans un espace ouvert, au milieu de médecins, tous les jours pendant au moins un mois. Étant donné ta pudeur, je te recommande vraiment de faire tout ça sérieusement.

Je rougis de honte et de colère. Quel peuple de... Je n'arrivais même pas à choisir une insulte. Tout cela dépassait de loin tous les mots blessants que je connaissais. Comment pouvaient-ils imposer une chose pareille ? Chaque jour ! Plusieurs fois par jour ! Il n'y aurait pas une seule partie de mon intimité qui ne serait pas contrôlée par des machines. Comment cette société pouvait-elle supporter de vivre sous le joug de l'Intelligence ? Je commençais à comprendre pourquoi tant d'humains avaient refusé de se soumettre à sa domination avilissante.

― Prends ton temps, Seo. Je sais que c'est beaucoup pour toi. Reste autant que tu en auras besoin. La porte ne se verrouille pas, appelle-moi si quelque chose te fait peur ou te met trop mal à l'aise, je t'entendrai si tu cries.

Comment pouvait-il avoir l'air aussi gentil après ce qu'il venait de m'expliquer ? Il sortit des toilettes et je fixai la porte qui s'était refermée derrière lui. Je commençai par prendre ma tête dans mes mains. J'étais tellement, tellement en colère !

Et puis après avoir songé à arracher tous les dispositif du mur, ou a frapper les médecins, ou à faire une crise de larmes pas très adulte pour qu'on me remette dans mon caisson et qu'on m'expédie en direction de l'arche – ce qui n'était pas possible puisque sans la programmation par la base, je ne pourrais pas y être rattaché, même si mon caisson arrivait à l'atteindre, ce qui n'était pas non plus possible puisqu'un caisson de voyage ne pourrait jamais rattraper un vaisseau arche – je finis par mettre de côté mes plans nuls et commençai par faire mes besoins comme un humain normal, en essayant de ne pas penser à la suite.

Une voix moins rebelle en moi, me rappela que même si leur hospitalité laissait vraiment à désirer, ils m'avaient sauvé, ils m'avaient recueilli. J'aurais pu être jeté dans une cellule ou condamné à mort, remis en hibernation et envoyé à une colonie d'esclaves... Au lieu de ça, ils prenaient soin de moi à leur manière. Opsoei m'avait caressé pendant presque trois heures la veille, il me témoignait de la compassion et de la considération. Même si je ne reconnaissais pas spécialement le bien fondé du traitement qu'ils m'avaient infligé, ils avaient été bienveillants avec moi.

Après un long moment d'hésitations et de délibérations, je soupirai et me mordis la lèvre en saisissant l'espèce de pompe. Je repoussai complètement ma tunique et glissai mon membre mou à l'intérieur. Immédiatement, mon sexe fut aspiré et la pompe se pressurisa en se collant à mon pubis. J'eus un hoquet de surprise, et je sursautai carrément en sentant une sorte de petit sac recouvrir complètement mes bourses et se serrer à la base de mes testicules. L'air se vida à l'intérieur et soudain, le sac comprima mon scrotum en envoyant une sorte de courant électrique.

Je poussai un petit cri, mon sexe durcit malgré moi, et après quelques longues secondes douloureuses, mon sperme jaillit dans la pompe. Ce ne fut pas du tout comme jouir, cependant. Je n'éprouvais pas vraiment de plaisir, c'était plutôt comme se faire traire. Ma semence fut aspirée, encore et encore, par saccades, répondant aux impulsions électriques du sac. Mes bourses étaient fermement comprimées, et le courant électrique provoquait des petites contractions puissantes comme des crampes. J'en avais les larmes aux yeux, alors que je regardais le tuyau transparent relié à la pompe aspirer toute ma semence, jusqu'à ce que malgré les petits spasmes, plus rien ne sorte.

Heureusement, la torture ne dura pas plus de trois minutes. Ensuite, la pompe cessa d'aspirer, se dépressurisa, et l'espèce de sac électrique me libéra et se replia avant de disparaître dans le dispositif. Je touchai mon sexe tendu, et massai mes bourses douloureuses. Elles avaient diminué de volume et étaient très sensibles. Je pris le temps de me calmer, de me remettre du sentiment cuisant d'humiliation.

Allez, m'exhortai-je. Plus qu'une chose et ce sera fini. Appuie sur ce bouton bleu, inspire un bon coup, vide ton esprit et quand ce sera terminé, tu pourras partir et oublier que tu as fait ça.

J'essayai de m'en convaincre, de ne pas du tout penser au fait que j'habitais ici, maintenant, sur cette station, que je ne pouvais pas rejoindre les miens. J'essayais de ne pas imaginer ce que cela pourrait être de subir tout ça à chaque fois que j'irais aux toilettes, tous les jours, toute l'année.

J'expirai, me forçai à ne penser à rien, et appuyai sur le cercle bleu.

Le bruit pourtant connu de la chasse d'eau me fit sursauter. Et soudain, un jet d'eau tiède m'aspergea l'entrecuisse, ce qui, il fallait le reconnaître, était un peu bizarre mais plutôt agréable. Et puis je le sentis. Une sorte d'embout souple, large comme un doigt, se pressa lentement contre la raie de mes fesses, je me figeai des pieds à la tête, l'objet tâtonna et vint appuyer contre mon anus. Ce fut trop pour moi. Je me levai d'un bond dégoulinant d'eau propre, et me tournai vers les toilettes où l'espèce de gros tuyau attendait dans le vide, comme une menace.

Je respirai vite, le cœur battant à tout rompre. Le petit cercle bleu devint soudain rouge et la cuvette cessa d'envoyer de l'eau.

― Nettoyage interrompu, dit soudain une voix d'assistant virtuel. Veuillez vous rasseoir jusqu'à la fin de la procédure.

Il me fallut peut-être dix minutes pour accepter de me rasseoir. Mon regard passait de la cuvette à la porte. J'avais tellement envie de m'enfuir ! Ce fut la menace qu'avait formulée Opsoei, qui me convainquit. Je ne supportais déjà pas de subir cela ici, alors si des médecins devaient me l'infliger dans une salle ouverte, à la vue de tous, pendant un mois...

Je me rassis et le cercle redevint bleu. Le jet d'eau m'éclaboussa à nouveau et l'embout revint se placer contre mon anus. Je plaquai la main sur ma bouche. Il se pressa contre mon petit orifice vierge, et tout doucement, le pénétra sans me faire mal après avoir frotté son extrémité en silicone pour m'aider à m'ouvrir.

Je poussai une série de petits gémissements effrayés alors que l'embout progressait sur au moins dix centimètres, d'une façon qui devint progressivement douloureuse. C'était tellement, tellement dur, de subir ça sans bouger, alors que personne ne m'y forçait, qu'il n'y avait pas de menace immédiate. C'était pire que tout parce que c'était un peu comme si j'étais d'accord, comme si je voulais bien sentir ce tuyau s'installer paresseusement en moi. J'étais en train de me laisser faire, pourtant.

Et l'instrument cessa finalement de bouger. Une fois installé dans mon petit canal et fermement enserré par mes chairs, il m'envoya un jet puissant d'eau tiède. Je criai cette fois, et plaquai une main sur mon ventre alors que l'autre était toujours sur ma bouche.

― Tout va bien Seo ? me demanda la voix d'Opsoei derrière la porte. Tu veux que j'entre ?

― Non ! Enfin Oui, tout va bien, n'entrez pas ! J'ai juste été surpris.

― D'accord, appelle-moi si tu as besoin.

Je grognai une réponse qui ressembla à un gémissement de détresse. L'eau coulait en moi en grande quantité, la sensation était complètement bouleversante, irréelle, profondément intime et intrusive.

Mais le plus stupéfiant, fut que l'expérience n'était pas que sensorielle, elle devint peu à peu visuelle quand j'aperçus que mon bas-ventre commençait à gonfler, comme une gourde souple qu'on replie. Je gémis de crainte, entre mes dents. Est-ce que c'était normal ? Est-ce que je devais appeler Opsoei ? J'aurais peut-être dû mais la sidération m'empêchait de bouger et je regardais avec horreur ma peau se distendre.

Je n'avais pas vraiment mal, mais j'étais choqué que le lavement ne soit pas le faible filet d'eau que j'avais imaginé. Il s'agissait d'une véritable inflation. Je me mis à nouveau à haleter, et finis par appuyer mes mains sur mes genoux, mon bas-ventre distendu commençait à être un peu lourd et douloureux. L'eau arrivait toujours à flot, et l'embout me fermait si bien qu'elle ne pouvait pas ressortir par mon anus.

Hypnotisé, je regardai mon ventre s'arrondir, jusqu'à devenir assez imposant.

Puis, soudain, je sentis l'eau se couper, et l'eau fut aspirée dans l'autre sens. Je soupirai longuement de soulagement, alors que le tuyau me vidait lentement. Mon ventre reprit progressivement sa forme normale, jusqu'à redevenir parfaitement plat. C'était fini. J'en aurais pleuré de joie !

Le tuyau se dégagea alors de moi, me faisant gémir d'inconfort, un dernier filet coula, et le cercle bleu devint vert.

― Procédure terminée, merci d'avoir patienté, déclara l'assistant virtuel. Pensez à vous laver les mains avant de sortir !

Je sortis de la petite pièce, livide et tremblant... après m'être effectivement lavé les mains, de peur qu'un autre châtiment terrible m'attende si je ne le faisais pas.

Opsoei vint directement vers moi, me tendis le bras avec douceur, et me fit asseoir sur un banc auto-suspendu.

― Ça tire un peu ? devina-t-il. C'est souvent le cas les premières fois, c'est le temps que ton corps s'habitude, et surtout, le temps que toi tu t'habitues, et que tu te détendes.

― Je n'ai pas envie de m'habituer à ça, dis-je, au bord des larmes. C'était douloureux et dégradant, et profondément inutile ! Je ne vais féconder personne, surtout pas par accident !

Il rit.

― Toi non, mais d'autres espèces peuvent le faire. Les Aphaïs, par exemple, peuvent ensemencer des mâles, leur semence forme un cocon dans le corps de l'hôte, il n'est nul besoin d'organes reproducteurs adaptés. Et ils se reproduisent par pollinisation, comme les plantes à fleurs. Alors crois-moi, quand tu te promèneras sur ce vaisseau, tu seras heureux qu'ils respectent les protocoles d'interdiction des gamètes fécondants.

― Vous voulez dire qu'il y a des Aphaïs à bord ?

Encore une espèce que j'aurais préféré ne jamais rencontrer.

― Ils sont quinze pourcent de l'équipage.

― Mais puisque je ne suis pas de leur espèce...

― Les règles doivent être les mêmes pour tous, dans la mesure du possible. Il est bien moins déplaisant d'observer une loi que tout le monde respecte.

Je soupirai.

― Je comprends. Mais je crois que j'aurais besoin de plus de temps, c'est trop difficile pour l'instant, je ne vais pas tenir.

Il s'assit à côté de moi sur le banc.

― Si, tu vas tenir. Nous allons t'y aider, te guider et te soutenir. Quand les humains ont voulu rejoindre l'Intelligence, il y a des siècles, ils ont fait comme toi, ils ont réclamé un temps d'adaptation, et l'Intelligence le leur a accordé. En fin de compte, quand on leur a demandé de respecter les règles, ils ont refusé et ont quitté l'Intelligence. Tu ne parviendras jamais à t'intégrer à nous, si tu fonctionnes différemment. Je veux que tu apprennes dès maintenant, et tout en même temps. Même si tout est difficile et choquant pour toi, et que tu traverses déjà une épreuve très dure. Je veux que tu fasses partie de notre grande famille, dès à présent.

Je le regardai sans réussir à décider si c'était une personne bienveillante ou un terrible sadique.

― Ça me touche, dis-je finalement. Mais j'aurais préféré que vous ne me disiez pas ça après qu'une machine m'a infligé un lavement.

Il rit.

― Je pensais que le lavement serait le plus facile. Malheureusement, c'est le plus important pour ton espèce, il faudra vraiment que tu t'y soumettes avec sérieux.

Je fronçai les sourcils.

― Pour quelle raison ?

Il eut un petit sourire énigmatique.

― Je ne crois pas que tu sois prêt à ce que je t'explique ça. Tu as l'air sur le point de craquer. Et puis, j'ai averti Opsyma que tu ne voulais plus de ton traitement, il veut te voir. Suis-moi.

Et d'une petite tape sur l'épaule, il m'incita à me relever. Les tiraillements dans mon bas-ventre et mes bourses avaient presque complètement reflué. Il ne persistait maintenant qu'une légère chaleur qui, en réalité, n'était pas désagréable.

Opsoei me conduisit jusqu'à une sorte de cabinet avec un bureau, plusieurs chaises et une table d'examen dans le fond.

Opsyma s'y trouvait, consultant un fichier holographique ouvert devant lui au-dessus du bureau. Il leva les yeux vers moi en m'entendant entrer.

Je fus à nouveau soufflé par la singularité de ce visage non-humain. Opsyma était semblable à Opsoei dans la régularité harmonieuse de ses traits, la couleur de ses cheveux, la forme de ses yeux. En revanche, il avait quelque chose de plus rigide dans son visage, des traits fins mais plus anguleux, une façon de plisser les yeux, de pincer les lèvres... Et ses iris étaient d'une couleur différente, pas améthyste, mais azurin, d'un bleu presque blanc, rendant le contraste du cercle noir et de la pupille en étoile irrégulière, plus saisissant encore.

― Ah, Seo, tu marches, c'est parfait. Comment est-ce que tu te sens ?

― Déboussolé, admis-je, un peu coupé dans ma colère par la surprise de le trouver si fascinant.

― Les soins obligatoires de stérilisation quotidienne, et le nettoyage par lavement lui sont très pénibles, intervint Opsoei.

― Mh, je comprends. Malheureusement, ils sont nécessaires. Et le lavement par l'eau est la méthode la plus douce, les autres pratiques ne te plairont pas davantage. C'est la même chose pour l'extraction de gamètes, les autres techniques pourraient entraîner des dégâts définitifs, si elles étaient pratiquées au quotidien. Nos pratiques sont les plus adaptées au corps humain, tu vas t'habituer, accorde-toi un peu de temps. Il est désagréable d'être à ce point perturbé par un changement de vie brutal et non désiré, mais tu vas trouver tes repères.

Opsyma parlait d'une voix plate et pleine de bon sens pragmatique, comme si j'étais un enfant un peu obtus qu'il essayait de raisonner, c'était assez humiliant dans la mesure où je ne venais pas pour négocier des friandises mais le droit de disposer de mon corps.

Je soupirai, épuisé par tout ça. Je sentais que je n'avais pas les ressources nécessaires pour me battre. J'aurais dû, j'aurais vraiment dû. Ma vie allait être profondément bouleversée, et je n'étais peut-être pas capable de supporter en plus des sévices sexuels journaliers. Il fallait que je me défende, que je leur fasse comprendre que c'était au-dessus de mes forces.

Mais ça aussi, c'était au-dessus de mes forces. Se battre était trop dur et trop fatigant, j'avais tellement besoin de me sentir réconforté...

Je décidai de changer de sujet.

― Il y a autre chose. Je souhaite ne pas recommencer le traitement. Ce que vous m'avez fait hier, sans mon accord, c'était...

― C'était efficace, termina Opsyma avec froideur. Tu serais toujours en état de choc si nous ne l'avions pas fait, et peut-être en état de catatonie. Tu ne réaliserais pas tout à fait où tu te trouves et tu serais en proie à des angoisses entrecoupées de longs vides émotionnels où tu ne ressentirais plus rien. Le traitement donne de très bons résultats, il n'est pas question de l'interrompre.

Cette fois je craquai et me mis vraiment en colère.

― C'est la chose la plus humiliante, et la plus dégradante, que j'aie subie de ma vie, pire que le lavement parce que vous étiez là, et que vous me regardiez ! Hier j'étais complètement sous le choc, c'est vrai, et vos méthodes m'ont peut-être aidé, mais il n'est pas question que vous recommenciez maintenant que j'ai l'esprit clair ! C'est trop... C'est... Je ne peux...

Je me mis à trébucher sur les mots, à bafouiller péniblement, les larmes au bord des yeux, sur le point d'éclater en sanglots et de supplier.

― Il faut que tu te calmes, me dit tout doucement Opsoei en me poussant à m'asseoir sur un fauteuil devant le bureau, on va en discuter ensemble. Respire tranquillement par le nez ou tu vas saturer ton filtre à oxygène et tu vas faire une crise de tétanie.

Je me laissai tomber dans le fauteuil en serrant les poings, ils me laissèrent un moment pour respirer et me ressaisir, plus patients que je l'aurais imaginé.

― La santé de nos patients nous tient vraiment à cœur, reprit finalement Opsoei. Il serait terrible de te laisser livré à toi-même, affronter une nouvelle vie, un nouveau quotidien, alors que tu es fragile, et hanté par la profonde douleur de la perte. Pour l'ordre des médecins, les prescriptions de l'Intelligence ont valeur de loi. On peut ajuster un traitement, mais pas y renoncer, ce serait criminel. Ce serait savoir à l'avance que tu vas souffrir, être malheureux et démuni, et ne rien faire pour te venir en aide. Si ton état s'aggrave, il y a des risques majeurs pour toi, tu peux souffrir de dépression, de manque, être traversé par des pensées de mort, voire même tenter réellement de mettre fin à tes jours. On ne peut pas te laisser comme ça.

Opsyma ne disait rien, laissant l'autre médecin essayer de me convaincre.

― On peut ajuster le traitement ? demandai-je désespéré de trouver une solution qui me rende les choses moins dures.

― Bien sûr. On peut renoncer à t'attacher, si tu es volontaire et que tu ne bouges pas trop. On peut aussi pratiquer la stimulation dans un espace plus intime, si cela te rassure, par exemple la chambre qui va t'être attribuée. On peut baisser la luminosité, tu peux être en présence d'un seul médecin, et tu peux en choisir un autre que moi, si tu le souhaites.

― Est-ce qu'il est possible que je sois couvert d'un drap ?

― Non, Seo, tu dois être complètement nu, les caresses sont presque plus importantes que la stimulation électrique. Les contacts physiques sont essentiels, et sur peau nue, ils sont plus efficaces.

Je me pris la tête dans les mains, épuisé par tout ça.

― Regarde, dit finalement Opsyma en attirant mon attention sur un écran holographique qui montrait une sorte de tableau à deux entrées, vide. La barre bleue, tout en haut du graphique, représente notre objectif : un seuil hormonal stable qui te permette de rechercher ton bonheur et d'avoir les ressources émotionnelles d'affronter ta nouvelle vie. Voilà ton état hormonal hier à ton réveil.

Un petit segment rouge apparut sur l'image, très, très bas par rapport à la barre bleue.

― Voilà le reste de la journée.

Une courbe se traça, elle descendait d'abord abruptement, avant de remonter d'un coup, en pic vertigineux, loin de la barre encore, mais avec une efficacité encourageante.

― C'est le traitement, compris-je.

― Oui. Et voilà ton évolution depuis.

La courbe se stabilisa pendant mon temps de sommeil, diminuant légèrement vers la fin. Puis elle chuta de manière catastrophique. C'était la petite heure qui venait de s'écouler : mon réveil, l'épreuve des « soins » quotidiens, la prise de conscience de tout ce que j'avais perdu, et de l'endroit où je me trouvais, et enfin cette conversation désagréable.

― Le dernier scan du système indique que ton niveau hormonal est en chute libre, et va baisser encore pendant les prochaines heures. Tu ne seras pas en état de choc comme hier, mais tu peux te sentir mal, vraiment très mal. Pire que maintenant. Et je pense que tu ne te sentirais pas beaucoup mieux si je te disais qu'on ne fait pas ce traitement, et que tu es exempté des soins quotidiens. Tu serais vaguement soulagé, mais ce ne sont pas les vraies raisons de ton état, et tu plongerais lentement malgré ça.

La main d'Opsoei se posa sur mon épaule.

― Tu ne peux pas gérer seul. C'est trop terrible ce qui t'arrive, dit-il d'un ton vraiment compatissant. On peut te forcer, mais le traitement serait bien moins efficace. Accepte notre aide, s'il-te-plaît. Je sais que tu nous vois comme des étrangers et des ennemis de ton peuple, mais nous voulons réellement ton bien. Et même si nos méthodes ne sont vraiment pas celles que tu aurais choisies, elles fonctionnent, elles donnent même d'assez bons résultats sur toi.

Il laissa passer un silence. Je réfléchissais. À leur sincérité, surtout, c'était en réalité l'argument qui me touchait le plus.

― Accepte, insista Opsoei avec un air vraiment suppliant.

Je pris une profonde inspiration, regardai la courbe pour me convaincre que c'était ce qu'il fallait, et relevai les yeux vers le médecin en me sentant rougir.

― D'accord, soupirai-je. D'accord, j'accepte le traitement. Mais avec des aménagements.

Le sourire éblouissant d'Opsoei fut une récompense en soi.

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