Livre 1: Eokard, chapitre 6

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L'aube pointait à peine lorsque la calèche les déposa dans le quartier dit de la « Cour annexe », un ancien quartier des plaisirs voisin du palais royal et destiné à la noblesse, mais passé de mode depuis la fin de l'Arlauriëntur. La Rose royale était une structure très similaire aux autres bâtisses du quartier : deux étages à peine, une architecture simple, mais non sans élégance, entourée de quelques plates-bandes extravagantes.

À peine descendue, Kyoshi eut la surprise de voir une nuée de personnes se saisir de sa malle et de ses autres bagages, l'aider à descendre, lui proposer un petit plateau de fruits coupés en guide de bienvenue et, très accessoirement, lui demander de confirmer sa réservation. Le personnel ne portait pas à proprement parler d'uniforme, mais leurs tenues étaient de coupe traditionnelle et arboraient toutes, discrètement, le monogramme des lieux.

La malle et le sac à dos de Kyoshi prirent place sur un monte-charge, qui disparut dans le sol, pendant que leur hôte – Jaelkar, un élégant Atalen à l'anglais galactique impeccable – la dirigeait vers l'intérieur, Daeithil dans sa foulée.

— Cette dame fait aussi partie de ta suite ?, demanda-t-il à Kyoshi.

Elle se retint très fort de lâcher un « oui ! » retentissant, le genre de réponse qui vient du fond du bas-ventre. Le trajet s'était fait à un train de sénateur et Daeithil, qui s'était installée face à Kyoshi, avait constitué une spectaculaire concurrence au paysage. La Terrienne, qui n'avait pas une grande habitude des Eyldar et un voyage quasi-monacal derrière elle, se retrouvait face à une beauté qui transcendait presque tout ce qu'elle avait pu connaître – et, qui plus est, qui semblait fascinée par sa personne.

Elle se contenta de bafouiller une vague réponse qu'elle espérait négative. Jaelkar hocha la tête et le trio entra.

La salle d'eau qui marquait l'entrée de l'hôtel était largement plus impressionnante que ne le laissait supposer l'extérieur : un bassin en forme de rose stylisée, où le marbre le plus précieux côtoyait des laçages de fibre optique, qui convoyaient la lumière de plusieurs torchères situées en hauteur. Kyoshi avait presque l'impression de marcher sur du feu.

— Si vous souhaitez laisser vos vêtements ici, les loges sur le côté servent de vestiaire.

— Euh, ça ira, merci.

Kyoshi savait que la nudité domestique était la norme chez les Eyldar, mais pas du tout chez elle. Elle s'efforça de garder une contenance et poursuivit :

— J'aimerais d'abord voir ma chambre.

Jaelkar les conduisit vers une plateforme, qui donnait sur la cour intérieure du domaine – une bonne vingtaine de mètres en contrebas. Dans les premières lueurs du jour, on pouvait déjà distinguer le petit lac, alimenté par la cascade venue du bassin qu'elles venaient de passer. Autour, un vaste jardin d'où émergeaient quelques petits bassins secondaires, une poignée de pavillons et quelques places dallées.

Kyoshi eut à peine le temps de se remettre de sa surprise que Jaelkar reprit sa marche :

— Par ici, mes Dames !

Presque sans qu'elles ne le remarquent – Daeithil était moins impressionnée que la petite Terrienne –, la plateforme était descendue de deux étages et Jaelkar les conduisit à la chambre. Il passa sa main devant la porte, qui s'ouvrit ; puis, s'effaçant pour laisser passer ses invitées, il appela une fenêtre holographique avec les codes d'ouverture.

— Nous nous sommes permis d'aménager ta chambre selon des standards terriens : porte sécurisée, grand lit, salle de bain annexe, domotique standardisée. Si tu souhaites que cet aménagement soit modifié, le service d'étage est à ta disposition quelle que soit l'heure. Si tu n'as plus besoin de moi, je prends congé.

Erdorin, Chroniques de l'Arbre-MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant