Chapitre 10: Une nouvelle direction

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 Mon corps s'est figé. Mes oreilles se sont mises à bourdonner. Si mon cœur avait encore battu, le rythme cardiaque aurait augmenté de façon drastique. Vivante, j'aurais certainement fait un malaise mais morte... J'ai commis une grave erreur en croyant Antoine coupable ! 

Après le départ de l'inspectrice, Antoine est retourné dans la cuisine auprès de nos enfants et de ses parents. Jacques lui a lancé un regard rempli de fierté malgré la situation. Le regard d'Irène était plutôt songeur. Ma belle-mère est une femme intelligente, elle sait qu'il s'est passé quelque chose de grave, elle doit se poser mille questions.

Je ressens le besoin de m'isoler pour réfléchir à la suite, posément pour ne plus faire la même bêtise. 

- Caliel, j'ai besoin d'être seule un moment. Va donc aider une autre âme en détresse, s'il te plaît? Mon ton s'adoucit légèrement. 

Je sens sa présence dans mon dos, elle se décale sur le côté pour observer mon profil. 

- Simone, tu n'avais pas d'autres choix que de le soupçonner. Tout le monde est coupable jusqu'à preuve du contraire. 

- C'était mon mari, l'homme aux côtés duquel j'ai choisi de vivre, le père de mes enfants et je n'ai eu aucun scrupule à le voir comme le coupable de mon meurtre. Je n'arrive pas à croire que je l'en cru capable.

- Regarde le bon côté des choses, me sourit Caliel. 

- Je suis désolée mais là, tout de suite, je ne vois pas où est le bon côté ! 

Je deviens agressive et soupe au lait, moi qui étais autrefois calme et posée, je m'en rends bien compte mais c'est plus fort que moi. Encore une fois, je n'arrive pas à maîtriser ce que je ressens. Les émotions montent en moi de façon tellement violente. 

- Le bon côté, Simone, reprend Caliel d'une voix légère, c'est que tu peux rayer un autre nom de ta liste. 

Et il s'évapore me laissant seule face à sa réflexion. 

J'ai du mal à l'admettre mais effectivement, je peux retirer Antoine de la liste des suspects. C'est un soulagement tout compte fait. L'homme de ma vie n'y est pour rien sur ce qui m'est arrivé. Je peux donc passer au nom suivant, que je ne connais pas encore. La meilleure chose à faire, c'est de me rendre au bureau, en espérant que l'annonce de ma mort n'ait pas encore été faite. 

J'ai hâte de voir la réaction de mes collègues. 

Je m'apprête à jeter un dernier regard sur ma famille quand Antoine prend Valentin, qui s'est mis à pleurer, dans ses bras  Le trésor fatigue, il est l'heure de la sieste. Antoine s'apprête à le monter dans sa chambre quand Hugo tire sur sa manche. 

- Papa, je veux faire dodo avec Valentin, s'il te plaît. 

-Bien-sûr mon chéri, nous allons aller tous les trois dans le grand lit. 

Antoine prend Hugo par la main, Valentin pose sa petite tête sur l'épaule de son père et, ensemble, vont tous se coucher. J'aimerais tellement les rejoindre et profiter de ce moment pour, moi aussi, me reposer quelques instants, auprès d'eux. 

Les parents d'Antoine sont en train de ranger la vaisselle sale dans l'évier et de nettoyer les miettes qu'il y a sur la table. 

- Je suis tellement triste pour les enfants et Antoine, dit Irène à Jacques, Je m'en veux de ne pas avoir eu le temps de dire à Simone à quel point c'était une bonne personne. La vie est tellement courte qu'on devrait dire ce genre de chose dès qu'on le ressent et ne pas attendre qu'il soit trop tard. 

- Je suis d'accord avec toi ma chérie. Pour l'heure, que devons-nous faire ? 

- Rentrons à la maison, Antoine nous appellera s'il a besoin de nous. 

Je les vois se diriger vers la porte d'entrée où Jacques met tendrement le manteau de sa femme sur ses frêles épaules et, main dans la main, en silence, sortent de la maison. 

Je me retrouve seule, à nouveau. Je regarde la pièce que j'ai sous les yeux: mon salon. Le divan d'angle gris souris qui fait face à un vieux meuble en chêne dans lequel se trouve la télévision qu'Antoine tenait absolument à avoir. La table basse en verre sous laquelle repose un tapis dans les tons bleus que l'on a acheté durant notre lune de miel, en Turquie. Un peu plus loin, se trouve un buffet contenant le service qu'une de mes vieilles tantes nous a offert à notre mariage. Une lampe dite "liseuse" veille sur mon vieux fauteuil en cuir près de la cheminée. Et sur chaque surface disponible des milliers de cadres exposant nos plus beaux moments. Tout ici n'est que souvenirs joyeux. 

J'aimais passionnément ma vie et en être privée à jamais me donne l'envie furieuse de résoudre, coûte que coûte, mon homicide, de trouver le coupable et de le détruire sournoisement, de le rendre fou. Je vais devenir le Cœur Révélateur de la nouvelle d'Edgar Allan Poe. Je serai ce vieil homme à l'œil de vautour injustement assassiné dont le cœur bat de plus en plus fort et dont le coupable, bouleversé, avoue lamentablement l'horrible vérité. 

Je file en vitesse poser un baiser sur le front de mes hommes qui frissonnent sous mes lèvres. J'ai tellement d'amour pour eux, je sens une larme couler sur ma joue et je m'évapore tout aussitôt. 

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Hugo ouvre lentement un œil en sentant une légère brise rafraîchir son front. Un reflet clair s'estompe déjà. 

- Maman, sourit le petit avant de se pelotonner contre son père et de se rendormir profondément. 

Tout est possible quand on est mortWhere stories live. Discover now