Chapitre 2 / Saddie

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***


J'ouvre un œil, un micromouvement, pour lire l'affichage de l'heure sur mon réveil. Huit heures....

Je le referme, mais un petit quelque chose m'empêche de me rendormir.

— Huit heures !

J'écarquille les yeux, en prenant soudainement conscience qu'il est déjà tard.

— Zut, merde olala olala... les cours sont dans une heure ! me dis-je à voix haute.

Je sors du lit et manque de me vautrer par terre.

— Aïe !!!

Appelez-moi la reine du bordel, je grogne en serrant les dents.

Devant ma penderie, je m'arrête net. Le vide intersidéral me gagne.

Allez, réfléchis, Saddie...

Bon, finalement sans trop me prendre la tête, puisque de toute façon je n'ai plus le temps, j'attrape un t-shirt blanc, avec une grosse inscription KEEP CALM. Pour le coup le slogan tombe à pic. Je chope mon jean slim préféré, j'enfile ma paire de socquettes, et je saute dans mes Cortez Nike blanches que je chéris. Je cours devant mon miroir, je check ma tenue. Très bien, parfait, ça ira. De toute manière, je n'ai pas le temps de me prendre la tête et pour mes états d'âme. Je souffle, je remonte en vitesse mes cheveux décoiffés en chignon, simple et efficace. Un peu de mascara, du gloss et hop le tour est joué. Je mets ma veste en jean, et attrape mon sac.

En sortant de ma chambre, j'entends mon père dans la cuisine. Je m'arrête et tends l'oreille.

— Oh non ! grimacé-je en levant les yeux au plafond.

La cerise sur le gâteau, le rire d'une femme s'échappe d'en bas. S'ensuivent des bruits de bisous et de petits ricanements. Je rêve, elle vient d'imiter un animal là. Une fois de plus, je vais encore avoir le droit à la bimbo en sous-vêtement, les seins penchés dans mes céréales...

En tapant fort des pieds, je descends les escaliers.

— Salut la compagnie ! crié-je haut et fort en entrant.

— Hey salut ma puce ! dit-il, gêné, en s'écartant de la bimbo.

— Papa, s'te plait, évite de m'appeler ma puce !

— Très bien, ma jolie, répond-il avec un petit sourire narquois.

Je vole une pomme dans la corbeille à fruits, et lance un clin d'œil à la nénette à moitié nue dans la cuisine.

Derrière la nana, je fais les gros yeux à mon père et de la main, lui indique que je vais patienter dehors.

Je m'installe dans son Audi, garée dans l'allée de la maison. J'allume mon portable. Il est huit heures trente et le soleil réchauffe déjà l'habitacle. Je profite d'être isolée pour regarder mes messages.

Alma :

Slt réveillée ?

Saddie ?

keske tu fous connasse ?

Moi :

Dsl chui à la bourre, j'arrive dans 15mn !!!

Alma :

Ok. Grouille ton cul, je n'aime pas attendre toute seule devant le lycée.

Mon père ouvre la portière de la voiture et se glisse à l'intérieur. D'habitude, il a toujours un chauffeur, et ne se déplace jamais sans ses deux gorilles. Mais c'est notre truc, depuis la mort de ma mère. Elle était belle et forte, trop jeune aussi quand un cancer nous la prise. Depuis sa perte, il aime bien m'accompagner le matin au lycée. Le nez dans mon portable, je ne lui prête pas attention. Je n'en ai pas envie. Ça me fait chier, papa, de te voir avec une autre que maman. Elles sont prêtes à tout pour se tenir le temps d'une soirée à côté de lui. Le summum, dans tout ça, c'est leur âge. Je me demande parfois s'il ne va pas falloir en déposer une au lycée. Discrètement, je l'observe, il est beau, malgré les petites rides au coin de ses yeux. Elles sont apparues à la mort de ma mère. Il a le crâne toujours rasé, porte une barbe de trois jours. Grand, baraqué, il faut avouer qu'il fait peur, avec son regard de tueur.

Hasta siempreWhere stories live. Discover now