Chapitre 4

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C'est LE jour.

Le dernier chez moi.

Je fixe le plafond depuis un temps indéfini en me perdant dans mes souvenirs. Hier a été une des meilleures journées de ma vie. Tous mes problèmes se sont résolus et maintenant, je dois partir.

Le réveil coupe mes réflexions et m'indique qu'il est temps de me lever. Je soulève lentement la couverture et m'assoie en tailleur. Je me laisse quelques instants pour me rendre compte que tout cela est réel. Les quelques rayons de soleil qui passent à travers les volets atterrissent sur le sac que je vais emporter, comme pour me faire comprendre que je n'y échapperais pas. J'observe lentement ma chambre pour une dernière fois. La commode en bois en face de mon lit, la moquette verte un peu brûlée dans un coin, les murs blancs, les rideaux gris, mon bureau en bazar et les dessins accrochés aux murs.

Je finis par me lever et me diriger vers la porte d'en face qui mène à la salle de bain. Je l'ouvre délicatement car je sais qu'elle grince à partir d'un certain angle. Je ferme la porte et ne réfléchis pas plus. Je prends ma douche et ressors habillée comme il a été prévu dans une tenue discrète, confortable et pratique, composée d'un sweat gris sous lequel je porte mon tee-shirt préféré et d'un jean noir.

Je fais à peine un pas dans le couloir que ma mère me saute dessus les larmes aux yeux. Nous nous serrons l'une contre l'autre en silence. Elle se détache de moi et m'observe quelques seconde avant de sourire et de me dire :

- Je suis fière de toi. Terriblement fière de toi. Maintenant il faut que j'arrête de pleurer sinon je ne vais pas te laisser partir. Je savais qu'un jour l'oiseau quitterait le nid mais pas de cette manière...

Elle m'observe encore quelques seconde puis me repousse vers la salle de bain. Je comprends rapidement ce qu'elle veut faire. Elle sort une brosse à cheveux et s'atèle à démêler ma longue chevelure blanche et, comme quand j'étais petite, me fait une tresse avec douceur.

Nous échangeons un regard à travers le miroir puis elle m'indique que le petit déjeuné est prêt et qu'il m'attend en bas. Je prends mon sac et parcours une dernière fois chaque pièce de l'étage avant de descendre m'asseoir à table.

Toute ma famille est là. Ils devaient m'attendre. Un festin comme je n'en avait pas vu depuis des années recouvre la table : brioches, croissants, œufs, charcuterie, confitures, lait, jus... Mes habitudes m'empêchent de me servir en quantité ce qui me vaut un sermon de mes parents : « Sert toi ! Ta mère et moi savons que tu l'habitude de te limiter mais cette fois ci vas-y ! Nous n'avons pas préparé tout ça pour ne faire que regarder. Et puis, tu auras besoin de force là bas. Nous ne savons pas si tu pourras te nourrir facilement. » . Je reste quelques secondes figée avant de me servir avec gourmandise, puis, je glisse dans mon sac déjà bien plein quelques brioches et de la charcuterie.

*

L'horloge sonne neuf coups : c'est l'heure.

Nos conversations s'arrêtent brusquement et tout le monde semble perdu. Je me lève la première, pousse ma chaise sous la table et récupère mon sac sur le dossier. Les autres le lèvent à leur tour et prennent leurs affaires en silence. Liam me tend ma veste et profite que je la récupère pour serrer contre lui. Mon père ouvre la porte, James entre comme une furie et cela se termine en câlin général. Une larme coule le long de ma joue. Mince, je m'étais interdit de pleurer. Je ravale les autres, j'ai bien trop pleuré ses derniers jours.

Je les pousse délicatement et sors dans la rue. Je les entends me suivre. La rue est bondée, tous sont là pour moi. Les pas de mes proches dans mon dos me rassurent et me permettent d'affronter la foule. J'avance en carrant les épaules, bien droite. Si je suis leur héroïne je doit me comporter comme tel pour qu'ils ne perdent pas espoir.

Dans les rues on me suit et je peux entendre certains commentaires encourageants mais aussi ceux qui pensent que tout cela n'est qu'une comédie. Le temps est long jusqu'à la Centrale. Je décide d'escalader la façade une dernière fois sous les regards ébahis des habitants. Arrivée en haut le vent qui souffle en cette matinée de mars balaie ma tresse et en fait sortir quelques mèches. Je m'approche du bord et observe la foule à mes pieds. Mon cœur se serre en apercevant ma famille qui me sourie. Mon jumeau me fais un clin d'œil et lève le pouce en l'air. Je scrute la foule et tente de retenir le plus de visages possible. Le conseil se détache du regroupement et se place en hauteur sur une estrade. Je m'attends à un discours mais rien. Ils tapent des mains en rythme. Bientôt la foule les rejoint et tout le monde frappe en cœur. Après chaque clappement ils crient un « Jane !». Un élan de courage et de force me submerge grâce à eux. Je m'approche de la batterie centrale. Je ne sais pas ou tout cela va me mener mais je suis prête à tout affronter. Après un dernier regard vers le peuple de T-1 et ma famille, je pose ma main dessus avec une légère hésitation et dans un éclair bleuté, disparaît. Mondes inconnus me voici ! 

Version 1Where stories live. Discover now