Chap XI : Un Peu De Chance (2/2)

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Soudain, l'animal au centre, sous les chants qui me semblent funèbres, sourit. À ce moment, de sa gueule jaillit une lumière éblouissant tout le lointain paysage. Elle commence à s'avancer progressivement effaçant les premiers corps au-devant.

Je commence à me débattre comme une sauvage, je tente tout ce que je peux pour me libérer. J'ai beau forcer, la toile ne cède pas. Je vois la lumière se rapprocher. Je ne sais plus quoi penser. Même mes lames aux bottes ne sortent pas.

Dans la seconde où le temps semble s'être arrêté, je sens un choc dans mon dos. J'entends alors le crissement de lame affûtée dégainée. Je me sens subitement arrachée de la toile, me liant à la paroi. Je n'ai pas le temps de finir au sol que je me vois emportée loin de la lumière qui continue son avancée de plus belle.

Au mouvement non saccadé, je comprends que je suis transportée par une sorte d'oiseau. Je remarque des jambes à ma droite. Des jambes humaines. Je suis transportée par un être humain. Et vue la silhouette, c'est une femme.

La lumière se rapproche. Nous avons beau forcer l'allure, la lumière semble n'être qu'à cinq mètres de nous, me laissant ressentir la terrible chaleur l'émanant. Alors que je crois que tout est perdu, nous virons à droite, laissant la lumière continuer sa route.

Nous sommes hors de la paroi. La lumière s'est dirigé jusqu'au ciel, traversant presque de part en part les infimes nuages planant sur son passage.

Nous finissons par atterrir près d'un petit sentier, comparable à celui que j'avais emprunté la première fois à quelque chose près qu'un arbre fait obstacle.

Je commence à tousser sévèrement. Ma respiration est saccadée et j'ai du mal à examiner l'affaire dans son intégralité. Comment tout ceci était arrivé ? Non, la vie est ainsi faite. Elle m'avait prévenue, pourtant : « ici, l'agneau dévore le loup et inversement. »

C'était un peu plus clair. Je m'étais simplement figurée que celle qui me guidait avait réellement besoin de moi. À aucun moment, je ne l'avais suspecté.

J'ai assez récupéré. La chaleur de tout à l'heure s'estompe. Je reprends peu à peu ma température ambiante. Je me retourne pour considérer ma sauveuse. Je reste abasourdie en découvrant qu'il s'agit de la jeune femme qui s'était inclinée devant moi, près du sentier.

Elle baisse à nouveau la tête m'offrant une révérence que je ne mérite pas.

— Je t'en prie, ne fais pas cela, m'empressé-je de la supplier, en me rapprochant quelque peu. C'est moi qui devrais te remercier ainsi.

Elle relève la tête et me fixe de ses yeux bleus saisissants. Elle m'a l'air de n'être absolument pas surprise par mon geste.

— Tu devrais te méfier, me lance-t-elle.
— Quoi ?
— Lorsque tu es sauvée, de quelques manières que ce soit, par un inconnu, cela ne veut pas signifier que cette personne te veut sincèrement du bien.

Je m'arrête dans mon élan, réalisant ce qu'elle venait de prononcer.

— Pourquoi m'as-tu sauvé, rétorqué-je, à mon tour.
— Mon père m'a demandé de veiller sur toi. Il avait remarqué l'ombre de Porneia sur ta tête. Nous n'avons pas l'habitude de nous mêler des problèmes de la Toile, mais comme père te l'a susurré, tu es l'une des nôtres.
— Comment ? Je ne connais ton père...
— Père doit savoir quelque chose que nous ignorons. Il voit souvent le futur des autres d'un regard.
— Mais si tu me suivais, pourquoi ne m'as-tu pas sauvé plus tôt.
— Ce n'est que récemment que j'ai reçu cet ordre. Je t'ai cherché partout et ne te trouvant nulle part, j'en ai conclu que tu devais être dans l'antre de l'e-motio du vice de la luxure.
— La Toile renferme plus de secrets que ce que j'imaginais.
— D'autres secrets te seront certainement révélés en temps voulu.
— Et comment se fait-il que vous viviez tranquillement ici ? Mieux encore, que vous connaissiez les recoins de ce district comme votre poche ?
— C'est une question à laquelle je ne peux répondre, me dit-elle sèchement.

Un silence des plus insupportables s'installe. Tant de question que j'avais conservée quelque part, dans ma mémoire, ne veulent curieusement pas me sauter au nez.

— Mais je peux au moins t'assurer que ton voyage, ici, va bientôt s'achever... et qu'un autre plus grand encore t'attend.
— C'est bon à savoir.
— Je te conseille de te diriger vers l'étang. Une étoile égarée t'y attend.

Elle laisse sortir de son dos une paire d'aile aux plumes blanches visible même dans des ténèbres plus profonds encore. Je vois ce mouvement de départ loin de ma position. Je la considère quelques minutes encore, s'éloignant au loin, avant de me retourner, me demandant si je trouverai l'étang à nouveau.

Après quelques minutes de réflexion, je comprends qu'elle m'a déposé forcément dans les environs dudit étang.

Je presse le pas, repoussant une ou deux branches, puis des palmes sur mon passage. À un moment donné, je perds l'équilibre comme décontenancée. Je me rends compte que je ne sors finalement pas indemne de cette aventure.

Je reprends courage et me relève. Ce ne sera point la dernière à vouloir profiter de la naïveté d'un être vivant.

J'écarquille des yeux en entendant à nouveau la voix d'Emy, dans ma tête.

— Tu étais toujours là ? questionné-je, adossée un arbre.
— Oui... et j'ai tout entendu... tu dois avoir vécu quelque chose d'effrayant, pas vrai ?
— Il se trouvait que mon informateur était un prédateur... il m'a traqué depuis un autre district pour me mener jusqu'ici...
— Elle t'a fait quelque chose ?
— Non, heureusement... Elle aurait pu me dévorer tout cru dès ma perte de conscience... Mais, son appétit, doublé d'un désir de dévorer en masse d'un seul acte, l'ont fait perdre une proie... Je ne sais pas si je dois en rire ou me mettre en colère...
— Je ne sais pas si j'aurai la force de me relever si je tombais sur ce genre de... Alpha, ce que tu fais... ton travail... est hyper dangereux... je ne connais personne capable de tenir sous un tel niveau de stress... C'est carrément la jungle, là où tu es... et tu dois en plus te pencher pour écouter nos petits problèmes... Franchement, tu es unique...

Je toussote légèrement. Je pense au souci d'Emy, à présent. Se pourrait-il qu'un e-motio dévoreur ait son canal en son sein ? Son cas s'apparente à une tension restée encore en elle, devenant angoisse... et les événements dont elle a assisté sont les seuls repères qui la maintiennent loin de sa crainte : la peur de la foule. Non seulement, elle évite la foule, mais en plus, il lui suffit d'y penser pour avoir à nouveau peur.

— Alpha, je ne sais pas si c'est le bon moment pour en parler, mais...
— Tu sais bien que je suis là pour toi...
— Alors, je me lance...

Au bout d'une quinzaine de minutes, je débouche sur le fameux étang, toujours aussi sombre. Je ne sais comment Porneia s'y est prise pour me paralyser, mais je crois qu'elle ne se serait pas déplacer elle-même. Je ne sais si j'ai vraiment envie d'aller lui poser la question.

En relevant la tête, je reconnais une silhouette de l'autre côté de l'étang. Une lumière vive éclaire le centre du lac. Cela n'empêche point l'eau de me sembler toujours aussi sombre.

Je reconnais la face du prêtre dont les prunelles ne peuvent cacher une montée d'émotion.

Je reconnais la face du prêtre dont les prunelles ne peuvent cacher une montée d'émotion

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Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now