Chap VI : La Raison D'une Mort (3/3)

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Ces deux e-motios levèrent leurs mains, comme pour offrir des offrandes dans un temple. Les mains écartées se ralliaient pour être à la verticale, comme pour recevoir un présent du ciel. Je redresse mon visage pour considérer un quelconque élément à l'horizon. Je constate des nuages, dont les éclairs se précipitent au sol, en formant un cercle telle une tornade. Le vent souffle. Le ciel dégagé se trouve dévoré par le noir ombragé de ses nouveaux instants.

— Qu'est-ce que...

Le temps de comprendre, un éclair traverse le champ de vision des bêtes. Tout le parterre est frappé par la foudre.

La pluie bat son plein. J'ai été renvoyée dans un endroit sec mais dur. Je sens une vive douleur à la nuque.

— Ah, tu es vivante, s'écrie une voix dans ma tête que je ne reconnais que trop bien.
— Comment m'as-tu perdu ? Je croyais que tu étais connectée avec...
— Non, pas du tout. J'ai vu ces créatures t'emporter... J'ai crié mais tu ne m'as pas entendu. Tu étais comme paralysée !

Ça, je le sais. Mais, j'aurai voulu être mise au courant avant mon entrée, dans ce district. Il me faut des détails sur ce district.

— Bon, on va reprendre là où nous en étions. Comment t'appelles-tu ?
— Appelles-moi Synda. Je suis une e-motio spirituelle de la prestance.
— La prestance. Hum... Je vois. Qu'est-ce que tu sais au sujet de cette partie de la forêt ?
— Il se trouve que dix des e-motios les plus dangereux de la Toile s'y trouvent. Une guerre sans fin sévit dans ce district. Les plus grands comme les plus petits veulent s'effriter. De connivence, ils sont les plus efficaces de la Toile. Ils cherchent à posséder un titre comme leur seigneur, Izanami et Izanagi.

A la prononciation de ces noms, je me remémore les actions des deux créatures au sommet, exécutant une sorte d'invocation achevant de déverser sur leurs semblables toute une coulée d'eau mêlée de particules d'éclairs dans tous les coins.

Rien d'étonnant d'entendre ces noms. Mentio avait déjà fait allusion à ses deux gouverneurs. Je me retrouve aux prises avec un monstre de la taille d'un éléphant juste à ma droite. Il fait une sieste pendant que d'autres taille antilope, se battent comme des chiffes molles.

Je me passe la main sur le cou et me découvre une de ses crampes. Mon corps a bien souffert de ce voyage et même de cette jetée dans le canal. Je me sens comme une machine complètement à la ramasse. Je devine un corps dur et puissant pouvant permettre un maintien de l'ordre immédiat à mes côtés. Mais de la grotte où nous sommes, tout est visible. À noter que nous sommes à plus de cinquante mètres du sol. Et il pleut des cordes.

— Ceux qui sont à tes côtés...

La fameuse Synda reprend là où elle en était avec ses explications et me précise un peu mieux la nature de mes sinistres compagnons.

— Eh bien, je t'écoute, dis-je, ennuyée.
— Le plus grand est un monstre très impressionnant de la race des défenseurs. Ils sont en nombre élevé dans ce district et ont pour mission de contrôler les lieux de conflits. Ils suivent les ordres des gouverneurs. Chaque être vivant est bien plus à cran qu'ailleurs. Leur peau épaisse fait office de barrière contre les attaques à arme blanche...

» Ce que tu aperçois entrain d'échanger un ou deux coups sont des jeans. Ils ont pour particularité d'être de sales pestes dévorant aussi vite que des termites. Ils sont assez bébêtes, c'est pour ça qu'ils ne sont pas craint, au premier regard. Mais comme tu peux le constater, ils ont une face de rat... vraiment hideuse !

Leur face ou leurs loisirs sont le cadet de mes soucis, en ce moment. Je dois connaître leur point faible et leur manière de réfléchir.

— Ces jeans, dis-moi, repris-je, à basse voix, sont-ils dépourvus de capacités particulières ?
— Ah, je vois ce que tu veux dire. Je peux t'assurer qu'ils sont faibles. Ils n'ont pas de spécialités si ce n'est qu'ils sont acharnés et têtus. Il suffit qu'ils soient deux pour réaliser mille et une conneries. Ils ont tenté de me mettre la pression par tous les moyens et de me rendre complètement fêlée une fois. Ils aiment les petits conflits et naturellement, c'est leur nombre qu'il faut craindre. Aussi, faut-il se méfier des apparences. Vous pouvez les croire morts, mais vous vous rendez vite compte qu'ils veulent votre peau, par tous les moyens.
— Ils sont en effet un poil gênant. Et combien sont-ils dans cette grotte à partir des quatre que j'étudie en cercle, autour du feu.

Les jeans. Ces créatures ont une silhouette squelettique et leur peau a comme été arrachée et il ne leur reste plus que les muscles leur donnant l'aspect de survivant d'une attaque chimique. Leurs yeux globuleux ont l'air d'essayer de sortir de leur orbite.

Je considère l'extérieur sous l'averse et j'avoue n'être pas en état d'affronter toutes ces bêtes et le reste de la forêt, s'ils se mettent à ma poursuite. Le pire est que je ne connais pas ce district. Je peux tomber sur une de ces bestioles, à tout moment.

Je me surprends à avoir des réticences au combat. Moi, qui ai toujours foncé dans le tas. Serais-je entrain d'avoir un peu peur ? Suis-je entrain de récupérer mes émotions ? En y pensant bien, si jamais il m'arrivait de les recouvrer, que m'arriverait-il ? Est-ce que je commencerai à fuir mes ennemis ou à réfléchir de longues heures avant de me décider ? M'arrivera-t-il de perdre mon sang-froid face à une situation contraignante ?

Il suffit de ces questions, pour l'instant. Ce que je sais en ce moment même, c'est que je possède toute la force nécessaire pour rester debout. Et comme mon orgueil atteint les proportions d'un building de quinze mètres de haut, je vais les expulser, tous, même le gros lard.

Chose décidée, chose accomplie. Je me lève et me place au milieu de la grotte. Pour gagner du temps, je sors une de mes lames et signale ma présence :

— Hey !

Les bêtes cessent leurs jacasseries et me considèrent d'un œil noir. Avant même qu'ils aient eu le temps de comprendre, je les jette hors de ma nouvelle demeure et comme tout conflit n'est bon qu'à en appeler un autre, le géant se lève et engage un violent combat avec moi. Comme vous pouvez vous le figurer, j'ai gagné (par la ruse). J'ai réussi à le foutre dehors.

Je m'accroupis. Je respire avec empressement, les muscles engourdis. Je dégouline de sueur. Un tic résonne dans ma tête, une migraine passagère comme je pouvais m'y attendre. Je suis rappelée à l'ordre en imaginant ses misérables, ameuter leurs confrères et les voir monter jusqu'ici pour m'éliminer. Je stoppe ma réflexion là où elle tente de conclure et prépare un piège à l'intention de mes invités, sous l'assistance du feu appartenant à mes sauvages. Je dissémine un peu partout des aiguilles dans tous les recoins de la grotte.

Un message subliminal me serait fort nécessaire, en ce moment. J'ai beau tenter de me reposer, je n'arrive pas à m'endormir.

Peu importe, ce soir, je dormirai assez pour me préparer aux chocs de demain.

Peu importe, ce soir, je dormirai assez pour me préparer aux chocs de demain

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Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now