Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (1/4)

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Nous nous dirigeons vers le versant de la colline. Nous pouvons déjà apercevoir le fleuve vrombissant telle une bouillard pleine à rebord, mais en bien plus bruyant. Cela ne semble pas empêcher les petites bêtes de la forêt de s'y baigner. Certains y entrent, puis en sortent aussitôt pour y retourner la seconde d'après.

Un passage nous apparaît. C'est un pont constitué des racines de l'arbre géant. Il donne droit vers l'immense. Je file vers tous les points de route pour rejoindre le fameux seigneur Lupe. Je considère d'autres e-motios entrain de monter vers le ciel. Ils sont des dizaines à prendre leur envol sous une forme lumineuse telles des feux follets, dont les nuances variées colorent le paysage rendant ce district plus intrigant. La brume étant toujours là, donne à penser que l'humidité est maitresse de chaque parcelle de terrain de ce territoire. Le flot de la tristesse, me paraît moins indiqué. A moins qu'une averse s'invite.

Je remarque à ma gauche, un spectacle d'une tout autre valeur. Des e-motios d'élégance, à l'apparence humaine, exécute un ballet à couper le souffle sur la surface du fleuve. Des sauts, des pirouettes, des reprises sur une patinoire, elle se donnait à leur passion. Leurs paupières fermées, je distingue des visages féminins, dont les cheveux serrés et liés à l'arrière du crâne donnent à penser qu'une discipline similaire à celle des hommes leur est accordée.

Brusquement, leurs pas arrêtés m'indiquent la fin de la danse. La plus grande d'entre elles lève la face et me dévisage. Un sourire se trace sur son visage pour le moins glacé, d'une pâleur prisée. Curieusement, pour des créatures hors de la civilisation, elles sont vêtues de robes bleues, cousues à partir de grandes feuilles de la couleur nommées, mais il n'est possible de remarquer la nature du matériau utilisé, qu'en l'ayant déjà vu.

Je ne lui fais aucun signe et continue à la regarder.

— Agrippina te salue, me murmure Mentio. C'est l'e-motio d'élégance la plus haut placée dans ce district, voire des trois districts confondus. Ses suivantes que tu aperçois derrière elle, sont : Vaganova, Lucia, Tamara, Adeline, Cecchetti et Vestris... d'ailleurs...

J'ignore comment cela s'explique, mais une voix se met à me déranger. C'est une voix masculine : « On peut dire que je suis dans un sacré pétrin. »

Je continue la marche tout en contemplant les e-motios d'élégance me considérant toujours de la tête. Mais la voix refait surface : « ils m'ont bien niqué... était-ce ma faute ? Je ne sais pas, peut-être... »

J'ai droit à un flash redondant. Je vois apparaître un jeune homme de vingt-trois ans. Dans une pièce dont l'exiguïté donne l'impression d'être dans le fond d'une alimentation.

— Mais qu'est-ce que t'as foutu, Debs... Ça ne se fait pas... tu ne sais donc pas utiliser ta cervelle ?

Celui qui vient de parler est un homme d'une quarantaine d'années avec une casquette sur la tête et un polo bleu, dessinant le ventre proéminent qui le façonne.

— Je comprends, monsieur Sheridan... Mais laissez-moi vous expliquer...
— Tu n'as rien à m'expliquer. Cela ne m'étonne point de toi. Tu avais déjà commis deux conneries du genre, la fois passée. Écoute ! Cet homme que t'as servi est un gros bonnet du circuit. Tu sais qui c'est ? Hum ? Évidemment que tu n'sais pas qui c'est... C'est Ross Galler, le plus gros investisseur immobilier de la région. Ce que tu fais dans ta vie, ça te regarde, mais au boulot, j'te conseille d'être plus assidu. Merde, t'as failli nous créer un conflit avec les hautes sphères. Tu sais qu'à cause de toi, je risque ma carrière, là ?!

L'homme avec une chemise manche courte dont le tablier dépasse, garde la tête inclinée. À la fin de sa réprimande, il hoche de la tête en assurant à son supérieur qu'il est apte à se contrôler.

— Je ne vais pas prendre ce risque, cette fois-ci... tu seras à l'arrière, dorénavant.
— Non, Henri, tu ne peux pas me faire ça, tu sais bien que j'ai besoin de ce surplus pour arrondir mes fins de mois et je...
— Fallait pas déconner. Cela t'aidera à réfléchir. Si tu vois à nouveau un tel geste de ma part, c'est sûrement lorsque je serai bourré. Sois heureux que je ne t'aie pas renvoyé.

Le flash se coupe pour me positionner telle une caméra devant l'humain revenu chez lui, apparemment. Il s'est effondré au sol en écartant ses jambes comme s'il venait de recevoir une balle dans la tête. Vu son visage dépité, cela est tout comme. Je l'entends prononcer : « tout cela pour se retrouver... Tous ces sacrifices pour... »

Je reviens à moi. Je vois l'e-motio me tourner tout autour, en scandant mon nom.

— Tu m'as fait peur... Je t'ai appelé plus d'une fois... Il t'est arrivé quelque chose ?
— Je... J'ai eu une vision et même eu droit à entendre tout ce qui se disait. Jusqu'à voir quelques heures de sa vie, sans même me concentrer.
— C'est sûrement tes aptitudes qui s'améliorent. Rien d'étonnant...
— Mais à quel moment ai-je eu à m'exercer pour...
— Pas t'exercer... C'est lorsque tu as tenté de survivre face à l'e-motio de la dépression. Il a cherché à te supprimer. Et le degré d'intensité avec lequel il t'a attaqué psychiquement, t'a certainement ouvert de nouveaux horizons. Ce qui est évident, c'est que tes facultés vont te servir à gagner du temps, lors de tes recherches. Et... C'est quoi tes capacités déjà ?

Je le fixe avec un brin d'effarement. Il ne connaît même pas les talents d'un aventurier basique, comment peut-il assurer qu'il s'agisse d'un dépassement de ma conscience ?

— Je suis capable de me connecter avec les humains sur terre à travers le canal d'émotion, à l'intérieur des e-motios. Cela me permet de les aiguiller vers différentes possibilités pour stabiliser leurs émotions.
— Donc, maintenant, il suffit que tu y penses pour ?...
— Détrompe-toi... C'est comme si... J'avais été appelée par cet homme et cela, sans que je ne pense à un seul e-motio. La vision m'est apparue. A chaque fois que cela m'arrive, le temps semble s'arrêter, les objets se ternir... et ce bruit... on dirait que j'avais une de ses vieilles machines des années 1860, servant à prendre des photos... cela s'enclenche à chaque fois que je me déplace dans son quotidien.
— A prendre des photos ? Ces machines humaines me sont inconnues. Nous aurons à nous y atteler plus tard... Eh... regarde ! Nous sommes arrivés près de Lupe.

Je lève mes iris pour contempler cet immense arbre, dont les branches me paraissent infinies. D'un vert authentique, ses feuilles ont la même taille que celle d'un arbre inferieur. Cela c'est à sa gauche, quant à sa droite, de grosses feuilles prennent bien plus de place. Le vert de ce côté est foncé. Tout me semble terne à la jointure entre les racines et le tronc, due à la brume. Des milliers de ces feux follets volants, viennent éclairer ma route, en émettant un son infime et régulier comme le ronronnement d'un chat.

Je marche lentement vers ce qui laisse imaginer être la source de toutes les réponses. Son visage se distingue à l'approche de la plante. Un tronc gris dont des centaines de plis forment une face aux paupières fermées, comme dans les contes pour enfant, avec un nez piteux et des lèvres sèches et craquelées.

 Un tronc gris dont des centaines de plis forment une face aux paupières fermées, comme dans les contes pour enfant, avec un nez piteux et des lèvres sèches et craquelées

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