Chapitre 43

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       Durant un temps, la mer s'est calmée. Du haut de la falaise, j'observais la houle avant que mon attention ne soit attirée par la plage. Je m'apprêtais à m'y rendre quand une vague s'est écrasée violemment contre la roche. Surprise par la force de l'eau dont les éclaboussures m'ont atteinte, j'ai vacillé.

Relevant la tête, j'ai aperçu un tissu ondulant porté par le vent. Le mouvement de l'étoffe m'a hypnotisée. Le temps que je reprenne mes esprits, je fus projetée de l'autre côté de la falaise entre les arbres. Heurtant le sol, j'ai crié en sentant mon poignet craqué en frappant contre racine d'arbre.

Recroquevillée, je peinais à me redresser. Une douleur aiguë me traversait l'avant-bras.

— Oxane.

Mon regard a croisé celui d'Eleanor. Les larmes me sont montées aux yeux. La voyant avancer vers moi, je me suis approchée d'elle. Elle avait le bras levé en direction d'un individu ailé. Le fameux Exxhos rencontré brièvement la veille au manoir de la Triade. Nous avions échangé des futilités. Comme tous les invités, il avait posé un genou à terre. Enfin, il me semblait. À présent, je n'en étais plus si certaine. J'essayais de réfléchir pour agir. Problème, j'étais dans l'incapacité totale de faire quoi que ce soit de sensé. Ma seule priorité : ma sœur.

— Eleanor ! Tu es vivante.

Je me suis jetée dans les bras de mon aînée qui m'a étreinte avec force. Le poids sur mes épaules s'est évaporé. Ma respiration est devenue plus fluide comme si le malheur s'estompait maintenant que je retrouvais cette partie de moi qu'il me manquait.

— Je t'aime, a-t-elle murmuré en attrapant mon visage entre ses mains froides pour mieux me contempler.

Autour de nous, le temps s'est arrêté. Plus rien ne comptait excepté mes retrouvailles avec ma sœur. J'en ai oublié la douleur, la peine et l'horreur d'un sentiment de solitude exacerbé de jour en jour par l'absence d'Eleanor. À ses côtés, tout me paraissait plus simple.

— Moi aussi, je t'aime, ai-je chuchoté entre deux sanglots.

— Alors, viens avec moi.

Je l'ai dévisagée. Sa peau claire et ses joues rosées avaient laissé place à un épiderme laiteux sans aucune imperfection ou rougeur. Plus de grains de beauté, plus de cicatrices dues à une chute de vélo durant son adolescence. Ses grands yeux marron s'étaient éclaircis. J'ai remarqué des éclats gris dans ses iris ternes.

J'ai caressé son visage de ma main valide. Plus tôt, il me semblait avoir aperçu des veines noires le barrer.

— Reviens, ai-je dit. Avant...

— Il n'y a plus d'avant, Oxane. Ce temps est révolu.

— Quel temps ?

— Il y a en toi, en moi, en nous, des pouvoirs dont tu ne soupçonnes pas la portée. Nous pouvons faire évoluer l'humanité. Donner à ce monde, la leçon qu'il mérite. Les humains n'apportent que désolation et violence. L'humanité doit être encadrée, domptée. Elle doit se plier aux forces supérieures.

— Mais... Tu, je... nous sommes ces humains. Pense à papa et maman...

Eleanor a claqué des doigts pour m'interrompre.

— Ne parle pas d'eux, a-t-elle poursuivi. Ils nous ont menti. Ils sont comme tous les autres : des traîtres.

— Non !

— Je sais que c'est dur à entendre. Il m'a fallu du temps. Il t'en faudra tout autant. Je te laisserai cette période de compréhension... Mais. Tu dois te joindre à moi.

Bleu Magnétique (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant