Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (4/4)

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Elle prend une légère inspiration et se remet dans la chaise. Elle entame l'histoire de son amie. C'est pendant près d'une heure qu'elle explique.

— Je me suis fâchée contre lui. J'avais littéralement pété les plombs. Il ne voulait pas m'écouter. Il ne voulait rien me dire. Daisy m'avait certainement caché des choses... Peut-être que je me sentais concernée par ses mensonges, mais s'il pouvait cracher la vérité, un poids en moins. Il avait beau le nier, je sentais qu'il y avait quelque chose qui clochait...

» Le jour où il m'a plaqué au mur, je lui ai dit qu'il valait mieux qu'il aille entretenir ses gueuses qu'il se refusait d'avouer. Je tremblais de tout mon être, en le voyant prendre le couloir de la maison. Je me ruais dans la cuisine. Je m'assurais sciemment que cela m'était égal. Je me suis laissé aller à faire un gâteau pour la soirée...

» Soudain, lorsque je me tournais vers la cuisinière, j'ai glissé et me suis cogné contre le carrelage. Lorsque je me suis levée, je... Je n'ai pas su exactement ce qu'il s'est passé, mais comment dire... Une émotion immense me prit.

» Je pleurais, j'avais envie de crier, de lui dire pourquoi ? Pourquoi fallait-il en arriver là ? Que devrais-je faire pour détruire ce sentiment ? Aucune réponse. Je me suis donné beaucoup de mal pour lui. Nous en avons vécu des choses ensemble. Pourquoi abandonner tout maintenant ?

» Lorsque j'entendis le tintement de ses valises, un élan incontrôlable me poussa pour me diriger vers Dylan. Et d'un coup, rien ne fut capable de nous séparer. Il n'y avait que lui et moi. Nous nous sommes retrouvés au sol. Je ne me souviens pas avoir désiré le lâcher, une seule seconde. Je ne me rappelle pas d'un moment plus que sincère, entre lui et moi.

Leurs sentiments me paraissent un peu plus clairs, maintenant. Mais pourquoi une telle douleur ? Pourquoi un tel flou dans une affaire me semblant si simple à démêler ?

Les e-motios sont la chair et le sang des émotions primaires. Cependant, ayant évolué dans des êtres doués de perspicacité, elles se sont complexifiées jusqu'à rendre les nouveaux titulaires, de vrais objets de questions.

À présent, je comprends la forte émotion qui m'avait parcouru, lors de ma synchronisation avec le corps d'Elisa. J'aperçois clairement son humeur du moment. Son état affectif m'avait troublé, mais ce fut une bonne chose.

*
* *

— Alors que je sortais de ma chambre avec mes valises, je suis tombé sur elle. Je m'apprêtais à lui dire de dégager de ma route, quand soudain... Elle s'est accroché à moi... m'a enlacé comme aux premiers jours... Non... peut-être avec un peu plus de passion... une étincelle d'autrefois... Une de ses sensations que nous avions l'air d'avoir banni.

Il me fixe à présent, les sourcils arqués. Des larmes commencent à s'accumuler dans le blanc de ses yeux.

— Je n'avais jamais pleuré comme lorsque j'ai senti ma femme si peinée. À ce moment, j'avais compris... Elle avait mal autant que moi... Elle voulait me croire ou je n'sais plus moi... mais je savais qu'elle tenait à moi. Qu'elle souhaitait tout abandonner : suspicion, enquête, querelles intestines... Elle désirait juste... Oui... juste...

Les larmes coulent. Une douleur profonde qui s'en trouve tapis dans un être plein d'amour au final.

— Depuis... reprend-t-il, en se ravalant une flambée d'émotion montante. Nous n'échangeons que des petits mots. C'est comme creuser un trou en plein chemin. On ne peut plus avancer sans devoir sauter la plaie virulente. Je sais ce qu'elle se dit... dernièrement, je reviens de moins en moins à la maison. Je sais ce qu'elle se dit. Et je sais ce que tu t'apprête à dire.

» Que tu sois venue de sa part ou d'une autre personne, ça, je m'en fiche. Je suis sûr que le monde ne serait pas contre moi, si j'essaie de noyer mes soucis, achève-t-il alors que je l'étudie de ma position.
— Et maintenant, qu'est-ce que tu décides de faire ?

Il me dévisage un instant avant d'afficher une grimace, littéralement harassé.

— Comment ça, qu'est-ce que j'ai prévu de faire ? J'n'ai rien prévu... Ok... Je n'avais pas décidé que Daisy rentre dans nos vies. Je n'ai rien fait, mais l'on s'imagine que j'ai fait quelque chose...
— Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu as décidé quoi ? dis-je, tranquillement.
— Tu commences à me saouler grave... est-ce que...
— Réponds-moi ! T'es un homme ou une lavette ? lâché-je, avec le même calme aussi bien au niveau de mon expression faciale que dans ma voix.
— Tu vas voir si je suis un homme... rétorque-t-il, en tentant de se lever.

Il ressent brusquement un poids sur lui.

— Inutile de te forcer... lui fis-je, remarquer. Je me suis arrangé pour que ta cigarette agisse sur tes nerfs.
— Fumier ! Tu m'as drogué ?
— Réponds à ma question ! tonné-je, en me maitrisant, les prunelles fusillant les siens.
— Je... C'est elle qui ne veut pas comprendre. Elle...
— Pourquoi n'es-tu pas chez toi ?
— J'ai bien le droit de me balader dans la ville...
— Pourquoi n'es-tu pas entrain de lui faire face ? Pourquoi as-tu agis tel un coupable ?
— Je ne peux pas supporter de...
— Pourquoi n'es-tu pas tranquille ? La question serait plutôt de savoir... depuis quand... tu as commencé à n'être plus toi-même ?

Le vent. Nous sommes obligés de nous taire. Le froid glacial qu'il transpire me donne à penser qu'il ferait mieux de se dépêcher s'il ne veut pas attraper une pneumonie.

— Je sais ce que j'ai à faire... mais... ce n'est pas facile... Pas du tout.
— Eh ! dis-je. Ce n'est jamais facile... mais le fait d'oser... oui... ça,... tout le monde s'en souviendra.

Il baisse la tête, serre les dents et hoche de la tête. Il finit par redresser son menton avant de lâcher ce qui me semble être son dernier mot.

— Alors reste à l'écart... Et regarde-moi agir.

*

* *

— Madame Delmas ! débute le psychiatre, en inclinant sa tête. J'ai constaté que vous avez cherché réponse à vos questions, en titillant un peu votre conjoint. Ensuite, un froid s'est installé, entre vous. Mais dîtes-moi, désirez-vous toujours cette relation ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
— Je... Je n'sais pas. Mon cœur... après tous ces évènements... Je... Je crois que je suis incapable de... Vous savez que je vois un collègue, dernièrement... vous savez... question de me changer les idées... oh, je vous arrête tout de suite... Il n'y a jamais rien eu entre nous... C'est juste qu'avec lui, je me sens comme libérée. Pendant un court instant...
— Désirez-vous reprendre votre relation telle qu'elle était, autrefois ?
— Oui... cela va de soi... Si...

Elle incline les yeux avant de faire de même avec son visage.

— Si les choses étaient à refaire, je suis certaine que je voudrais que mon mari soit simplement là. Vous savez... Nous, les femmes... n'en demandons pas beaucoup à vous, les hommes... Une petite place dans vos instants. Bien-sûr, vous n'êtes pas dans nos têtes, mais... Juste une caresse, juste un peu d'attention... en fait...

Elle fixe à nouveau le psychiatre.

— On veut juste que vous soyez là chaque jour, quand notre misérable personne se tue à vous attendre... comme au premier jour où vous nous courriez après... Je...

Elle se calme, descend sa face vers ses mains, au-dessus de ses cuisses. Cela prend quelques secondes avant qu'elle ne lève sa frimousse pour se replonger dans les pupilles de son interlocuteur.

— Je veux mon mari, Monsieur.

— Je veux mon mari, Monsieur

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Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now