Chapitre 9 - "Elle voulait juste...dormir. "

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Naomi se frictionna les bras, épuisée, affamée et complètement déboussolée. Elle aurait dû écouter cette petite voix dans sa tête, qui lui criait, hurlait même, de ne pas monter dans cette fichue machine.

Il était désormais trop tard pour faire machine arrière. Elle allait devoir se débrouiller toute seule, en pleine montagne, sans l'aide de la seule personne qui aurait pu l'aider.

La jeune femme avait un fort caractère. Elle avait surmonté nombres d'épreuves durant ses quelques vingt-quatre années d'existence. Mais là, c'était beaucoup à encaissé d'un seul coup. Ravalant ses larmes, elle inspira un grand coup, l'air froid brûlant sa gorge et ses poumons, et expira. 

– Bon, aller ma fille...

Son pied gauche la faisait terriblement souffrir. Légèrement tordu, elle pouvait néanmoins s'en servir comme appui, même si cela lui arrachait un couinement de douleur à chaque fois. Les flocons de neige avaient commencé à tomber depuis quelques temps déjà, et il fallait trouver un abris afin de ne pas mourir de froid. 

Tout en marchant – lentement, son pied ne lui permettant pas de faire des miracles –, Naomi lançait des regards partout autour d'elle, espérant voir la tête inexpressive d'Ange quelques part dans ce paysage enneigé. Mais rien, pas une seule présence humaine, pas même un souffle de vie... ce silence était tout aussi glaçant que le vent qui s'abattait sur la jeune femme.

Elle leva la tête vers la station. Le téléphérique avait certes fait un bout de chemin, mais il restait encore une longue distance qui séparait Naomi d'un quelconque téléphone. D'ailleurs, celle-ci ne sentait presque plus le bout de ses doigts. 

–Allez, ma vieille, tu peux le faire... siffla-t-elle entre ses dents, la mâchoire crispée par le froid.

Mais, en tentant de se redonner un peu de courage, Naomi fit un pas de travers. Une douleur cuisante se fit ressentir à son membre blessé. Elle poussa un cri de douleur, tombant à genoux. Elle avait trop forcé sur sa blessure, et maintenant, elle avait bien trop mal pour se relever. Un frisson glacé lui parcourut l'échine, et les pires scénarios imaginables se bousculaient dans sa tête. Qu'allait-elle faire ? 

– Merde, c'est pas vrai... persifla la jeune femme.

Le vent soufflait de plus en plus fort,et les flocons de neiges, dans leur ballet endiablé, brouillait petit à petit la vision de Naomi. Ses oreilles sifflaient, et le froid paralysait ses membres. Elle ferma les yeux et se laissa tomber, lentement, dans la neige. Elle était épuisée. Elle voulait juste... dormir.


C'était doux, et plutôt chaud. Des mains la tenait par les épaules, et une sorte de son lointain se répétait, comme si quelqu'un... l'appelait ?

Naomi ouvrit doucement les yeux. Elle était enveloppée dans un manteau. Après cette constatation, elle leva les yeux, et constata qu'Ange était assis à côté d'elle, la tenant par les épaules, comme pour éviter que sa tête ne soit en contact avec la neige. Le jeune homme ne portait plus son manteau.

– Naomi. Tout va bien ? fit-il d'une voix légèrement moins plate que d'habitude.

La jeune femme le regarda vaguement, ne trouvant pas vraiment la force de lui répondre. Constatant qu'elle semblait plus épuisée que blessée, malgré l'état de son pied gauche, Ange sembla plus décontracté.  

– On est... ou ?...souffla Naomi, les lèvres légèrement paralysée par le froid.

– Toujours au même endroit, répondit-il, le téléphérique s'est effondré, vous vous en souvenez ?

– Ben...oui...

Avec l'aide du jeune, Naomi pu se redresser. Les flocons ne tombaient presque plus. Elle jeta un oeil sur Ange, et remarqua que, malgré la chute, il semblait plutôt en bon état.

– Vous n'êtes pas blessé ? demanda-t-elle, un peu perplexe.

– Non, tout va bien. Et votre pied ?

– Je pense que ça peut aller. Il est juste un peu tordu, mais ça va, j'ai connu pire.

Naomi se pencha, attrapa son pied et, avant qu'Ange ne puisse dire un mot, elle le fit brusquement tourner dans l'autre sens. Un craquement sinistre retentit de sa cheville, et la jeune femme serra sa mâchoire aussi fort qu'elle ne le pouvait afin de retenir un cri de douleur.

– Mais, enfin !...vous allez vous faire encore plus mal ! s'exclama Ange, abasourdi de ce mouvement brusque.

– Ça va ! cria-t-elle presque pour évacuer la douleur. Aidez-moi à me relever, que je voie si je peux marcher.

Ange s'exécuta, silencieux. Naomi, une fois debout, tangua légèrement, puis se stabilisa. Son pied lui faisait horriblement mal, mais au moins il était dans le bon sens, même si elle ne pouvait pas être sûre que ses os étaient tous bien replacés.

– Ce n'est pas une bonne idée, je ferais mieux de vous portez. déclara Ange, la fixant droit dans les yeux.

– Non, ça va. Je peux marcher. 

Elle fit quelques pas, réprimant un cri de douleur à chacun de ceux-ci. Elle ne pourrait définitivement pas gravir la montagne dans cet état. Ange soupira, et lui attrapa le bras.

– Ecoutez. Je sais qu'il y a un bâtiment pas loin d'ici, qui servait d'observatoire et d'endroit pour faire une pause. Je ne pense pas que vous seriez à l'abri du froid, mais peut-être protégée du vent, et vous pourriez m'attendre là-bas pendant que je vais rejoindre le téléphone.

Naomi lui lança un regard énervé, s'apprêtant à lui lancer une réplique cinglante, mais se ravisa bien vite. Il avait raison, elle ne pourra pas le suivre, et, même s'il le voulait le plus fort du monde, il ne pourrait pas la porter, au vu de sa morphologie. Après quelques secondes, elle abdiqua, se montra enfin raisonnable. 

– Suivez-moi, je vais vous y conduire. C'est tout proche.


Comme à son habitude, le "tout proche" était en fait à une quinzaine de minute de marche. Lorsqu'ils virent enfin le toit de l'observatoire-café, Naomi fut traversée d'une vague de soulagement. Son membre blessé lui faisait terriblement mal, et elle regrettait amèrement d'avoir tenter de le replacer seule.

Le bâtiment, au bord du vide, était dans un état lamentable. Les murs, autrefois beige, était devenus grisâtres, fissurés par endroit à cause du temps et du froid. Le sol était en bois foncé,  plusieurs lattes manquait par-ci par-là et grinçait à chaque pas. Les fenêtres étaient toutes brisées, et des bouts de verres étaient éparpillés au sol. Ce qui devait être auparavant le bar était complètement vide, et le meuble s'était étrangement affaissé sur lui-même, comme si quelque chose d'extrêmement lourd s'y était écrasé. 

– Charmant... souffla Naomi, gelée jusqu'au os.

Néanmoins, malgré la température aussi froide qu'au dehors, elle était plutôt bien protégée du vent, comme escompté. Au moins une bonne nouvelle.

Sous les grandes fenêtres du côté du précipice avait été installé des longs bancs en bois, et tenaient heureusement encore debout. Ils étaient également assez larges pour qu'une personne de morphologie moyenne s'y allonge. Naomi se laissa tomber sur l'un deux, en poussant un soupir de fatigue.

– Tenez, fit-elle en retirant le deuxième manteau qu'elle portait, vous allez avoir froid en chemise et gilet.

– Merci. répondit Ange en le récupérant. 

Il tourna les talons, et, avant de quitter le bâtiment, se retourna vers Naomi.

– Je serais de retour dans une heure ou deux, le temps de monter.

– D'accord, à dans quatre heures alors... 

Ange esquissa un sourire suite à sa remarque, mais celui-ci s'effaça aussitôt.

– Je vous conseillerais de ne pas faire trop de bruit. 

BILLIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant