Chapitre 4

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Pour la première fois depuis plusieurs semaines, Félicité se réveille en se sentant bien. Pas de douleur au ventre, pas de nausées et pas de migraine comme elle en a l'habitude. Elle pourrait presque croire qu'elle ressent une certaine paix au fond de son cœur. Elle a une sœur.Certes, elles ne le sont pas par le sang, mais Marie lui a fait comprendre qu'elles font partie d'une seule et même famille, et que jamais elle ne l'abandonnera. Marie lui a aussi expliqué que si elles partageaient encore la chambre, bien qu'elles appartiennent à deux groupes différents, c'est dû à une requête spécifique de son amie auprès de la Mère Supérieure. Le sourire aux lèvres, elle se dirige vers le jardin intérieur avant le début du cours de Sœur Abigaïl. Elle y cherche, sans s'en rendre-compte, ce réconfort qu'elle a eu la veille quand elle était assise à côté des bougies. Elle s'installe sur l'un des bancs en pierre et fixe le puits. Elle continue d'espérer qu'un jour elle aura la capacité de rentrer dans ce puits. Qu'un jour,elle aura cette chance de voir la couleur de ses cheveux changer.Elle se demande de quelle teinte ils auraient pris et quel élément l'aurait choisi. L'apprentie s'est toujours sentie à sa place dans l'eau, peut-être aurait-elle pu être une sorcière de cet élément, comme Marie. Peut-être est-ce pour cette raison qu'elles sont si proches.

— Voilà Félicité ou la non-sorcière qui rêve de l'être.

La jeune femme relève la tête et croise le regard amusé d'Élisabeth. Elle n'en revient pas de sa détermination pour faire de sa vie un véritable enfer. Décidément, elle ne peut pas être une fille de Gaïa.L'apprentie s'étonne de penser que si la Novice face à elle est si différente des autres, c'est peut-être parce qu'elle est le mal. Un enfant du Démon. Elle ne peut l'imaginer qu'en Sorcière de l'Esprit, celle qui manipule les personnes qui l'encerclent et leur fait voir ce dont elle a envie. Elles sont rares, mais une seule est capable de semer le chaos.

— Élisabeth,laissez-moi.

— Ou bien quoi,ma chère ? Allez-vous me transformer en grenouille ? Bien sûr que non puisque pour ça, des pouvoirs que vous ne possédez pas sont nécessaires.

L'ensemble des filles autour d'elle explose de rire. Félicité sent son cœur s'accélérer, tout comme sa respiration. De multiples frémissements atteignent le bout de ses doigts. Elle tente de les calmer en serrant ses mains sur la pierre du banc, à tel point que les jointures de ses doigts blanchissent. La jeune apprentie voit rouge. Elle était enfin parvenue à retrouver le sourire, mais il a fallu que Élisabeth la ramène face à cette vérité qu'elle essaie chaque jour de contourner. D'oublier.

— Mesdemoiselles,vous allez être en retard. Allez vite en classe.

La voix de Sœur Anne retentit dans la cour. Toutes les Novices se précipitent à l'intérieur du bâtiment pour rejoindre le cours de sensibilisation à la magie. Élisabeth se rapproche de Félicité afin de lui murmurer quelques mots à son oreille.

— Un jour arrivera où personne ne pourra venir te sauver, Étrangère.

Un petit rire s'échappe de ses lèvres puis elle se retourne pour retrouver les autres apprenties. L'utilisation du tutoiement a été volontaire de la part d'Élisabeth. À ses yeux, Félicité n'est qu'un être inférieur à elle. Félicité ne supporte plus de subir toutes ces moqueries. Pourquoi est-il si compliqué de l'ignorer ? Elle ravale les sanglots menaçant de couler et se lève. Sans comprendre ce qu'il se passe, Félicité se retrouve en train de tourbillonner dans les airs tels une tornade. Elle aperçoit dans l'ombre d'un pilier du cloître son ennemie faisant tourner un de ses doigts. Elle sait qu'Élisabeth s'en amuse, tout comme les autres apprenties qui regardent le spectacle sans rien dire. L'enfant prodige accélère le rythme et n'espère qu'une seule chose : que la non-sorcière la supplie d'arrêter. Mais ça, jamais Félicité ne le fera. Elle préfère encore passer pour ridicule que faible.Elle avait réalisé cette promesse à Sœur Anne un soir après qu'Élisabeth l'avait malmenée. Elle entend à nouveau les paroles de son aînée et sent sa peau douce sur ses petites joues pour sécher ses larmes :

Lune de sang : La prophétie de l'orphelineWhere stories live. Discover now