Le banquier se figea au beau milieu d'une phrase, ce qui sortait suffisamment de l'ordinaire pour sortir Leigh de ses pensées.

- Bertrand, pourquoi ne m'as-tu pas prévenu qu'Anja était invitée ? interrogea-t-il sur un ton qui n'avait plus rien de courtois.

Le père de Thomas ne sembla pas s'en formaliser et répondit laconiquement :

- Parce que tu ne serais pas venu.

- Et j'aurais eu raison !

Le banquier semblait fulminer, ce qui fit rire Bertrand Chesnay.

- Allons Raymond, une femme refuse tes avances, et elle devient indésirable dans toutes les soirées parisiennes ? Ne sois pas ridicule, c'est une très bonne amie de la famille depuis des années...

La dénommée Anja devait posséder un excellent sixième sens, parce que juste à ce moment-là, elle leva les yeux et croisa le regard de De Vaillac. Ils se jaugèrent un instant avant qu'elle ne lui adresse un sourire insolent tout en rejetant théâtralement ses cheveux roux en arrière.

Leigh ne put s'empêcher de sourire, la femme était plus jeune et plus séduisante que lui, et il n'y avait qu'un homme immensément riche pour pouvoir imaginer la mettre dans son lit à presque 60 ans. D'ailleurs elle lui disait vaguement quelque chose, mais elle ne parvenait pas à remettre ce prénom et ce visage dans un contexte. 

L'inconnue s'approcha du bar et s'y appuya légèrement en attendant que le barman prenne sa commande. Elle portait une longue robe pourpre asymétrique auxquels ses ongles vernis étaient assortis.

Le barman tourna finalement la tête vers elle en ouvrant la bouche et se figea en dévisageant la femme en face de lui.

Leigh ne la voyait que de trois-quarts et la femme n'était pas tournée vers elle, mais Leigh et Thomas échangèrent un regard entendu.  Elle devait être très spéciale pour perturber un professionnel des soirées mondaines.

Il fallut deux bonnes secondes au barman pour se remettre de ses émotions, et il lui adressa le plus grand sourire possible.

- Bonsoir madame, que puis-je pour vous ?

- Vodka-martini. S'il-vous-plaît, ajouta-t-elle après une courte pause.

- Mais bien sûr, je vous fais ça immédiatement, susurra-t-il d'un ton mielleux.

Cette fois, Leigh ne put s'empêcher de pouffer, fort heureusement la femme semblait peu attentive à ce qui pouvait bien se passer autour d'elle.

Le pauvre homme s'empressa de préparer le cocktail demandé et Leigh porta sa coupe de champagne à ses lèvres d'un air pensif. L'inconnue saisit son verre, mais le barman la retint un instant.

- N'hésitez pas, si vous avez besoin d'autre chose...

La femme s'était tournée et Leigh pouvait maintenant voir son visage de face.

- On vous paie pour ça non, pourquoi hésiterais-je ? asséna-t-elle.

Le ton qu'elle avait employé se voulait suffisamment cordial pour masquer un mépris sous-jacent qui n'avait échappé à personne autour d'eux.

Anja Marenger. Célèbre journaliste, aussi mannequin et actrice à ses heures perdues. La vision qui s'offrait à Leigh lui avait enfin permis de mettre un nom sur ce visage. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle paraissait beaucoup plus sympathique à la télévision qu'en réalité. Anja, qui n'avait pas esquissé un sourire au serveur, fit quelques pas et disparut parmi les invités. 

Les conversations semblaient avoir repris leur bon train, et Leigh se tourna vers son fiancé.

- C'était quoi ça ? l'interrogea-t-elle.

- Cette femme, c'est... Une amie de mes parents. C'est compliqué. Je t'expliquerai une autre fois. Tu ferais mieux de te tenir à l'écart.

Thomas avait répondu d'un air sombre, presque triste, et Leigh sentit son baromètre de curiosité s'affoler. Elle réussit à le faire taire d'une pensée ferme, fort heureusement. 

- Ah ! Vous êtes là les enfants ! Ça va bien faire vingt minutes que je vous cours après !

Nicole Chesnay agrippa le bras de Leigh et l'entraîna derrière elle.

- Il faut que je vous présente à mes amis, ma chère.

Leigh vit avec horreur que sa future belle-mère l'emmenait au milieu d'un groupe d'une dizaine de personnes, et lorsque le premier lui eut dit son nom en lui serrant la main et que le second fit de même, un léger frisson lui parcourut l'échine. Les usages et la bienséance des soirées mondaines venaient, en une fraction de secondes, de devenir son pire cauchemar.

Éblouissante [gxg]Where stories live. Discover now