Sitri

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Chaque instant est précieux et Sitri le sait plus que n'importe qui d'autres. Elle se cache pour tousser, toujours terrorisée par l'idée qu'on puisse voir le sang qui tâche ses mouchoirs. Elle a peur que le visage souriant de son meilleur ami Aelfric se transforme et se pare d'inquiétude, que ses rires se mus en de fatigantes recommandations et qu'il finisse par la raccompagner jusqu'à sa chambre.

Elle est essoufflée, appuyé derrière l'épaisse colonne qui la dissimule d'un groupe de chevalier rentré de mission. Aelfric ne l'a pas vu partir et maintenant il la cherche dehors, dans les jardins. Elle ne peut pas le rejoindre, pas tant qu'elle n'aura pas repris son souffle et aujourd'hui cela est plus difficile qu'à l'ordinaire. Les pas lourds des soldats indiquent qu'ils se dispersent. Elle se penche pour voir où ils vont, toujours curieuse de tout et sa tête se cogne à celle d'un jeune palefrenier.

Sitri a lâché son mouchoir pour se tenir le front alors que l'adolescent face à elle gémi tout en s'excusant de sa maladresse.

- Alois ! Qu'as tu encore fais !

Alois est à peine plus jeune qu'elle. Il la regarde effrayé avant de se retourner pour affronter l'immense chevalier encore en armure qui vient à sa rencontre. Il s'apprête à répondre bégayant une excuse tout en ramassant les armes qu'il a lâché au sol. Sitri reconnait immédiatement ce chevalier. Comment n'avait-elle pas pu le voir ? Donc Jeralt est revenu de mission ! Voilà qui fait naître en elle un feu de joie. Plus rapide qu'Alois elle s'adresse à l'homme minaudant devant lui.

- Han, te voilà revenu Jeralt et déjà je t'entends crier ! Pourquoi ne pas laisser ce pauvre Alois tranquille et venir me raconter tes dernières aventures ?

Elle adore voir cet homme, si fort, d'apparence sûre de lui, fondre dans son armure. Ses joues prennent immédiatement une teinte rouge alors qu'Alois les observe, à la fois surpris et amusé. Jeralt n'arrive pas à maintenir longtemps ses yeux dans ceux de Sitri beaucoup trop perspicaces pour lui. Son sourire fait remonter ses pommettes, ses lèvres d'ordinaire rose sont un peu plus sombre mais cela ne fait que souligner le vert de ses iris assortis à sa chevelure désordonnée qui tombe jusque sous ses épaules.

La jeune fille a mis son pied sur son mouchoir, rapidement, pour éviter que le trop gentil palefrenier ne le ramasse et constate les tâches qui le macule. Elle ne se penche pas pour le récupérer préférant discrètement enlever une chaussure et glisser à l'aide de son pied le bout de tissu à l'intérieur de son soulier. Jeralt à la recherche de ses mots, n'a rien vu de son petit manège.

- Sitri, Je... C'est toujours une joie de te voir. Mais...

Elle fait le tour du chevalier, inspectant les marques sur les plaques de métal qui compose son armure. Il s'est tu lorsqu'elle a soulevé un de ses bras pour s'assurer que rien ne marqué ses protections au niveau des côtes.

- Humm, pas de nouvelles traces. Serais-tu devenu prudent ?

Alois les fixe abasourdi et Jeralt lui fait signe de partir d'un geste de la main accompagné d'un froncement de sourcil avant de se tourner vers la jeune fille. Qui s'amuse autour de lui.

- C'est moi ou tu es presque déçu de me voir revenir entier ?

Le rire cristallin de Sitri est une mélodie qui semble toujours trop douce aux oreilles de Jeralt pour être vraie. Il sait qu'elle se joue de lui et que ce qu'elle cherche ce n'est pas les marques des combats qu'il aurait pu avoir mais plutôt ce qu'il cache dans le dernier petit livre qu'elle lui a prêté.

- Je dois admettre qu'ainsi tu me prives de la joie de te soigner. Jeralt comment vais-je pouvoir justifier à Rhéa la présence de ta tête sur mes genoux quand tu vas enfin venir me raconter ce qu'il t'est arrivés durant ta mission ?

Jeralt n'en peux plus de rougir. C'est un homme d'action et Sitri sait parfaitement comment le faire réagir. Le colosse l'attrape par les hanches et la place sur son épaule comme si elle n'était qu'un volumineux sac de plumes. Elle rit à en pleurer, se retient de tousser alors que l'homme l'entraîne dans les jardins, à l'ombre de leur arbre favori là où il pourra l'assoir pour mettre sa tête sur ses cuisses et recevoir les caresses de ses douces mains pendant qu'il lui racontera en détaille, inventant un peu, tout ce qu'il a traversé depuis là dernière fois qu'ils se sont vu. Puis il lui tendra le livre qu'elle lui a prêté, un roman chevaleresque mêlant combat et romance. Elle l'ouvrira à la recherche de la fleure séché qu'il cache dedans. Un de leur petit rituel. Depuis qu'il la connaît, elle lui prête ses livres et chaque fois qu'il lui rend un de ses ouvrages il y dissimule une fleur. Toujours une différente, sauvage, de celles qu'on ne voit pas ici.

Sitri sourit au visage de Jeralt, placé sur elle, il lui tend son livre qu'il tient ferment entre ses doigts. Elle enlève sa main de ses cheveux pour récupérer son bien. Les pages sont mal fermées et s'ouvrent d'elle-même au centre de son livre. Un anneau argent serti de pierre iridescente reflète la lumière du soleil.

Sitri se fige, elle comprend sans comprendre. Derrière l'anneau, elle reconnaît le texte, c'est le passage où le preux chevalier se déclare à sa belle. Elle avait pleuré en lisant ce texte et elle pleure à nouveau en le revoyant. Jeralt écarte le livre qui l'empêche d'atteindre Sitri. Il se relève pour l'embrasser.

Elle pleure encore et ses lèvres goûtent le sel et le sang.

Il reconnaît le goût du sang et chaque fois que c'est sur ses lèvres qu'il le sent, il ne dit rien, juste il pleure lui aussi, de l'intérieur. Ses bras se resserrent sur elle et elle le serre en retour. Incapable de parler, profitant seulement du moment présent.

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Jeralt Eisner (Fire Emblem Three Houses)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن