Jeral Eisner

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L'immense chevalier avait beaucoup de mal à se faire à sa nouvelle vie au sein de la garde de Seiros. Il avait commencé comme simple soldat au sein des armées du roi de Faerghus, vu beaucoup de ses frères d'armes mourir par loyauté. Quand l'archevêque de la sainte Église de Seiros était venu pour célébrer la paix nouvelle et surtout soutenir le royaume et son peuple. Il avait agi par réflexe et s'était positionné entre l'assassin et le corps frêle de la sainte.

Il aurait dû mourir ce jour-là. La lame noire empoisonnée l'avait profondément traversée. Il s'était senti partir, rejoindre ses amis, sa famille disparue tous emportés par le feu de la guerre. Pourtant ses yeux se sont rouvert.

Allongé dans l'infirmerie du monastère de Garreg Mach, siège de l'Église de Seiros, c'est là qu'il l'a vu la première fois, un ange. Elle passait un linge humide sur son front et ses longs cheveux vert en cascade tombé sur son visage et venaient caresser ses joues. Elle était belle dans la lumière du jour et resplendissait dans celle de la nuit. Il ne souhaitait qu'une chose ne jamais aller mieux, être pour toujours son patient. Elle riait de le voir se plaindre, lui cet homme immense, alors il se plaignait encore et encore. Chouinant d'avoir mal ici et là pour qu'elle lui prodigue des soins et à chaque fois elle s'appliquait, consciencieuse, déployant mille remèdes sur lui, jouant son jeu. Elle était maligne, ça se voyait dans ses yeux, elle maniait les mots comme il maniait le fer et sans effort elle l'avait fait parler. Tout ce qu'il avait de plus lourd et pesant en lui elle avait réussi à le lui faire dire.

Ils avaient joué longtemps au jeu du malade et de la soignante avant que l'archevêque ne vienne lui proposer un poste au sein de sa garde rapprochée, après tout il l'avait sauvé. Elle était prête à faire de lui, encore soldat, un chevalier, à lui confier des hommes, des responsabilités. Cela l'effrayé mais on ne dit pas non à l'archevêque comme on ne dit pas non au roi lorsqu'il appelle l'ainé de chaque famille à rejoindre les rangs de son armée.

Rester, devenir chevalier, cela signifiait-il qu'il pourrait la revoir. Entendre son sourire, sentir sa voix dans ses oreilles et voir son parfum de fleur des champs voler autour d'elle. Il l'espérait, il accepta.

Il avait changé, physiquement. Cette guérison miracle n'était pas normale. Il mit du temps à le remarquer et à le comprendre. Ses blessures se régénéraient sous ses yeux, détruisant tout prétexte pour qu'il puisse la revoir. Sa force nouvelle le surprenait et l'inquiétait.

C'est tremblant qu'il s'est rendu auprès de l'archevêque pour comprendre ce qui lui arrivait. Sans détour elle lui a expliqué que pour sauver ce soldat qui s'était si courageusement interposé elle lui avait offert son sang et son pouvoir. Que de fait elle avait fait de lui plus qu'un homme et que maintenant qu'il en était conscient elle espérait sa loyauté la plus sincère. Il avait plié le genou, reconnaissant et terrorisé par le don de la sainte.

Dans cette posture de soumission il avait entendu la porte s'ouvrir, et tournant la tête par réflexe avait aperçu le visage magnifique de son infirmière adorée. La jeune femme s'était excusé, elle ne pensait pas qu'elle dérangerait. Elle était simplement venue proposer un thé à Rhéa. La sainte, l'archevêque à la tête de l'Église, de la puissance la plus forte de tout le continent Fodlanais, avait ri, simplement, cassant l'image dure qu'il avait d'elle. Appelant la jeune fille "mon enfant" et acceptant joyeusement l'offre, invitant même ce soldat, perdu qu'il était, à se joindre à elles.

Il avait accepté, hésitant, envieux de reparler avec le jeune fille mais effrayé par la présence de celle qui l'emploie. Sans comprendre il était devenu le centre de leurs attentions, sujet nouveau d'étude pour l'archevêque déconnecté du monde réel et pour cette jeune femme prénommée Sitri qui n'avait jamais quitté le monastère.

Sitri avait grandi élevé par la grande Rhéa, prisonnière du monastère de par sa santé fragile, elle était affamée d'aventure et de découverte et voyait au delà des mots. Il suffisait à Jeralt de parler du royaume, de la plaine enneigée d'Itha, de décrire les soldats Sreng, ennemis du Royaume pour devenir son livre à elle. Elle lisait dans sa voix et rapidement a lu sur sa peau, derrière chaque cicatrice une histoire, toujours plus triste.

Il ne le savait pas mais c'est son cœur qui avait besoin d'être soigné. Et elle était un baume, un élixir délicieux. Ils se sont aimés, mille fois, sans restriction aucune.

Il rentrait de mission lui rapportant les plus belles fleurs qu'il trouvait, pour qu'aux travers de leurs pétales, elle qui était si fragile puisse voir le monde. Et est apparu ce que l'amour peut offrir de plus beau. Sitri a vu son corps changer et Jeralt a accepté ce changement avec une joie qui lui semblait étrangère tellement elle était profonde et envahissante. Jamais il n'aurait cru un jour être père. Partir en mission est devenu un calvaire, quitter Sitri le terrorisé. Il voulait être là chaque instant, lui tenir la main, voir son corps changer, lui masser les épaules et la porter lui-même chaque jour jusqu'à leur lit.

Si seulement il avait su. Sitri était une fleur et après avoir essaimé sa graine, son enfant, elle s'est éteinte.

Il a pleuré, incapable d'accepté la situation. Jamais il n'avait connu de mort plus brutale, jamais il n'en connaitrait d'autres aussi dure. Il aurait aimé accompagner sa femme dans son dernier voyage, comme il aurait aimé rejoindre sa famille, ses compagnons de combat au travers de ce geste désespéré qu'il a eu et qui a sauvé l'archevêque.

Il lui faudrait pourtant vivre pour sauver, son enfant, l'enfant de Sitri.

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Jeralt Eisner (Fire Emblem Three Houses)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant