8⎜Fenêtre-caméra

4 0 0
                                    

Des cris se font entendre depuis la rue. Le spectacle commence. Je m'adosse au cadre de ma fenêtre et observe. Les pleurs du piano de la voisine donnent le ton : aujourd'hui c'est une tragédie. Façon Corneille au vu des allers et retours de la protagoniste principale. Il a commis un crime d'honneur et sait qu'elle sera contrainte de le quitter. Elle finit dans ses bras. Il ne fait aucun doute qu'elle pleure de devoir lui faire de tels reproches. « Comment as-tu pu ? » Le suspense est installé. Qu'a-t-il pu faire ? Et comment se fera-t-il pardonner ? Elle s'en va ! Elle sort droite cadre, signe qu'elle se dirige vers le futur. Contrairement à lui qui s'assied sur le banc gauche cadre, incapable d'aller de l'avant. Le banc est présent depuis le début : un fusil de Tchekhov d'une grande importance.

La scène d'intro est passée. Quel plan séquence ! Il faudrait sans doute un zoom, un raccord dans l'axe sur Robert... non Antoine, toujours gauche cadre et déprimé...

Je ne sais pas si j'ai vraiment envie d'une comédie romantique où on voit les personnages en pleurs du début à la fin. Il faudrait un peu d'action... Je sais ! Antoine se relève. Il fait tomber quelque chose. Gros plan sur l'objet qu'il ramasse : une plaque de police. Suspense ! Le piano devient plus épique.
Je déplace ma fenêtre-caméra sur Anne. Elle marche vite. Je la suis avec un travelling. Elle rumine. « Quelle idée de faire passer son travail avant le reste ! » Plus elle avance, plus elle s'énerve. Mais il lui faut retourner au travail. Elle met des gants, attache ses cheveux et entre dans un immeuble. Elle observe et, malgré la colère toujours présente, on voit que tout se passe comme prévu grâce à un gros plan sur son visage. Elle commence à crocheter une porte.
Le piano s'accélère. Je laisse la fenêtre caméra devant la porte. Il y a juste quelques bruits de casse. Elle ressort rapidement, le sac lourd. Je la suis en fenêtre-caméra- épaule. Elle s'éloigne dans la rue. Le rythme s'accélère, et finalement culmine lorsqu'elle s'exclame « Quel culot de dire que nos métiers sont incompatibles ! »

Quel suspense ! J'ai hâte de voir comment ils résoudront ce dilemme. En attendant je referme la fenêtre, marquant la fin de l'épisode.

✒️ Jo Seshat

Huis closWhere stories live. Discover now