4⎜ Amy Wilde

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Texte inspiré par les aquarelles d'Amy Wilde, internée à l'hôpital Saint Anne au début du siècle dernier.

Je voudrais quitter cet endroit. Je ne peux pas. Il paraît que je suis dangereuse. Pour moi ou pour les autres, je ne sais jamais. On ne me l'a jamais vraiment expliqué. Par contre on m'a dit que je ne pourrai plus sortir. Je n'ai pas non plus droit aux visites. Je n'ai pas le droit à grand chose. Mais j'ai droit à l'aquarelle. J'en ai tout pleins de couleurs. Alors je passe beaucoup de temps à peindre. Je peins l'extérieur. Je peins l'ailleurs. Là où je voudrais être.
Je voudrais revoir les sourires, les chants, le bonheur. Pourtant ma toile reste toujours terne. Je voudrais y mettre un Soleil et des criquets et une marelle. Mais quand j'ai fini de peindre, je n'y vois qu'un ciel gris et des arbres morts. Ma maison a-t-elle été désertée ? Mon mari l'a-t-il abandonnée lorsqu'on m'a emmenée ? J'aimerais croire qu'on y vit encore. Mais il ne l'a jamais aimée...
Mes dessins semblent trop lucides. Ils refusent mes mensonges. Ils m'imposent la réalité. Elle est terne. Elle a le poids d'une tristesse sans larme. Elle est une maison vide, un hivers pluvieux, un arbre mort.
Mais s'il n'y a plus personne, où est mon fils ? Je le cherche dans mes peintures. Je ne le vois nulle part. Je dessine des bateaux : peut-être a-t-il pris la mer ? Il n'y est pas. Je ne l'ai pas vu depuis si longtemps. Je voudrais savoir à quoi il ressemble aujourd'hui? Si je peins encore et encore, peut-être le verrai-je avant ma tombe ?



✒️ Jo Seshat

Huis closOù les histoires vivent. Découvrez maintenant