Chapitre 1

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Sur le petit cahier que je tiens en main, je regarde les nombreuses pages noircies  au bic.  Ces lignes, c'est moi qui les ai écrites. Sans m'arrêter, j'ai écrit. Encore et encore. Toute la nuit. Il le fallait si je voulais mettre des mots sur les faits qui m'ont été relaté. Toute cette histoire....Ça me dépasse !
En tant qu'homme de Dieu, je n'ai jamais vu ça. D'ailleurs, je dois l'admettre, je suis perturbé au dedans de moi. Pourtant, il faut que je me reprenne.
Si je veux efficacement  prier pour que cette âme soit délivrée, il faut que je me ressaisisse.
Alors écrire m'a aidé à le faire. De loin, je préfère cette alternative au risque de divulguer une confession. Parceque c'est de cela qu'il s'agit.  Une confession.
Hier, une inconnue est venue me voir. C'était une jeune femme. Une jeune dame bien comme il faut.  Cette jeune dame, elle n'est pas venue dans les locaux de mon église où j'ai l'habitude de recevoir mes fidèles. Non. La jeune femme est venue directement ici, chez moi à la maison. La mine grave, elle a demandé à me parler.
Ma femme à qui elle s'est adressée m'en a informé. Avec la jeune femme, on s'est installé à l'arrière de la maison, dans le jardin. A l'abri de toutes indiscrétions, nous avons discuté. A vrai dire, je n'ai fait qu'écouter. C'est plutôt elle qui a parlé. Elle a beaucoup parlé. Pendant des heures, elle a parlé. Sans omettre un seul petit détail, elle m'a tout raconté de son histoire incroyable.

— Pasteur, a t-elle commencé le visage sombre, j'ai vu le diable !

Sceptique, j'ai haussé un sourcil malgré moi.

— Vraiment ? lui ai-je demandé.

Avec conviction, elle a  gravement hoché la tête.

— Je sais, a t-elle tout de suite reconnu, dit comme cela  c'est difficile à croire. Mais j'en suis sur, quand j'aurai fini de tout vous expliquer, vous n'aurez plus de doute.

N'attendant que cela, je me suis montré plus attentif que jamais.

— Très bien, lui ai-je répondu impatient. Je vous écoute.

Profondément, elle a alors inspiré et puis elle s'est lancée.

Tout commença lors d'une soirée tout à fait ordinaire. C'était un vendredi soir. Sur son trente et un, Pauline— c'est le nom de la jeune dame— était de sortie. Dans un restaurant chic de Marcory Zone 4 à Abidjan, elle dînait en galante compagnie. Mais le rendez-vous de Pauline était un fiasco. Un vrai désastre ! Rien qu'à voir le type en face d'elle, elle n'avait plus de doute. Non seulement il était laid mais en plus, ce dernier n'avait aucune manière. Avec sa grosse tête de phacochère, il se goinfrait comme un porc devant son oge. La bouche ouverte, il ne se gênait pas pour mâcher bruyamment ses morceaux de poulet. Conscieusement, il s'appliquait à broyer chaque os. Le bruit de ce carnage était plus que dérangeant.  L'attiéké qu'il avalait goulûment laissait des miettes au  coin de sa bouche. Dire que ce cingouin  était censé être un chirurgien ! Dépité, Pauline n'osait toujours pas y croire.

—  Tu te régales à ce que je vois, lui lança t-elle.

Bien-sûr, elle ironisait. Mais son phacochère était trop occupé à se remplir la panse. De ses sarcasmes, il ne s'en offusqua pas. Pauline doutait même qu'il les ait relevé.

— C'est très bon en effet, marmonna t-il la bouche pleine. Tu devrais goûter !

A sa proposition, Pauline fit instinctivement une grimace de révulsion.

— Non merci, refusa t-elle avec un sourire forcé. Très peu pour moi.

«Tu as réussi à me couper l'appétit espèce de phacochère », se dit-elle intérieurement. Dire qu' elle avait pourtant faim. Mais vraiment très faim.
En se préparant un peu plus tôt pour ce fameux rendez-vous arrangé, elle n'avait pas eu le temps de manger. Elle était tellement excitée. Elle n'avait rien pu avaler de toute la journée. Elle avait un rencard avec un chirurgien tout de même. Cette rencontre, c'était sa copine Sandra qui le lui avait arrangé. De ce mystérieux chirurgien, elle ne lui avait dit que du bien.

Mari de nuit : un incube dans la villeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant