Chapitre 4

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Cette nuit-là Pauline dormit à peine. Elle ne put trouver le sommeil. Elle était trop excitée. Elle était trop pressée. Au plus vite, elle voulait essayer cette nouvelle solution miracle. Prenant son mal en patience, Pauline attendit le lever du jour. Les yeux grands ouverts, elle rêva. Pendant de longues heures, elle rêvassa. Elle s'imagina enfin avoir son homme à elle. Clairement, elle se vit à ses côtés, dans ses bras, collée-serrée. Elle les vit, elle et lui menant une vie de couple épanouie. Comme ils allaient être heureux tous les deux ! Jamais plus Pauline n'allait connaître la solitude. C'était fini les nuits froides à dormir toute seule dans ce grand lit vide. Elle qui avait été déçu par les hommes allait enfin avoir une épaule solide sur laquelle s'appuyer. Son futur mari allait prendre soin d'elle. Il serait tendre, patient et attentionné. Il serait beau surtout. Grand et élégant, il ressemblerait trait pour trait à John Dumelo, ce célèbre acteur ghanéen de Nollywood. Celui-là, il la faisait tellement fantasmer !
Se l'imaginant tel quel, Pauline pensa longtemps à son futur mari. Le temps passa vite ainsi. Sans que Pauline ne s'en aperçoive, le jour parut. L'aube arriva. Pauline se leva. Sautant du lit, elle fit un rapide tour à la salle de bain et elle revint ensuite s'habiller. Contrairement à son habitude, c'est avec un soin tout particulier qu'elle choisit ses vêtements. Les essayages furent interminables. Finalement, Pauline opta pour un ensemble pagne wax très élégant. Dans son complet maxi, Pauline avait fière allure. Elle avait tout d'une vraie dame, une vraie femme qu'on pouvait épouser et mettre dans un foyer. Les beaux bijoux qui complétaient la tenue la faisait ressembler à une reine. Satisfaite de son apparence, Pauline s'observa longuement dans la glace. Un sourire ravi étira ses lèvres. Elle se trouvait trop à son avantage. À coup sûr, elle allait faire des ravages. Aucun homme digne de ce nom ne pourrait rester insensible à son charme. En tout cas surtout pas avec le petit coup de pouce préparé par mama Lokossoué. Le moment fatidique de tester l'efficacité du fameux philtre d'amour était enfin arrivé.
Fébrile à cette seule idée, Pauline ne perdit plus de temps. Exactement comme l'avait recommandé la voyante, elle s'en mit quelques gouttes derrière les oreilles puis se scruta dans le miroir. Rien n'avait changé.
Son reflet était toujours le même. Perplexe, Pauline haussa les épaules.
À quoi s'était-elle attendue finalement ? À se métamorphoser en Emma Lohouès comme par magie ? Sans le savoir, Pauline préféra ne plus y penser.
Pleine d'optimisme, l'enseignante se rendit à son travail. Dehors dans la rue, on la regarda plus que d'habitude. Au collège, les autres professeurs la compliquèrent. Les élèves aussi. Plusieurs fois on lui dit qu'elle était bien habillée. Ce fut tout. Du début de la matinée jusqu'au soir à la descente, il n'y eut pas d'évènement particulier. Pauline ne fit aucune rencontre. Aucun homme ne l'aborda. Le fameux philtre semblait ne pas marcher. Pauline était verte de rage. Frustrée, la jeune femme fonça demander des comptes à sa voisine.

— Ta voyante est une vraie arnaqueuse ! tempêta Pauline dès qu'elle débarqua chez elle. Tous ces trucs à la con-là ça n'a servi à rien.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Coralie s'était exprimée d'un ton détaché. Confortablement installée sur son canapé, la jeune fille qui gardait un œil sur la télé n'accordait qu'une attention distraite à la visiteuse. Ce qui énerva encore plus celle-ci. Les poings sur les hanches, l'enseignante vint se planter devant sa jeune voisine.

— Comment ça qu'est-ce que je raconte ? l'attaqua t-elle furieuse. Tu te fous de moi c'est ça ? Je te dis que le soi-disant philtre de ta vielle là ne marche pas et toi tu me demandes ce que je te raconte ?

D'un bond, Coralie se redressa.

— Pauline s'il te plaît, la pria t-elle alarmée. Moins fort ! Les murs ont des oreilles.

— Quelles oreilles ? répliqua Pauline toujours aussi remontée. Personne n'écoute. Ici, il n'y a que toi et moi.

— Même si ! persista Coralie. Ce n'est pas une raison. Ça ne se crit pas sur tous les toits ce genre de chose...

— Quelles bonnes choses même ? l'interrompit Pauline en la toisant avec une moue dédaigneuse. Tu parles de votre escroquerie-là ?

Coralie vit rouge. Mais la jeune fille ne dit rien. Bruyamment, elle se contenta de soupirer. Intérieurement, elle regrettait. Elle se mordait les doigts pour avoir accepté d'aider sa voisine. Qu'est ce qui lui était passée par la tête ? À cause de cette histoire, elle n'avait plus la paix. Pauline n'arrêtait pas de lui casser les pieds. Jamais contente, il fallait toujours qu'elle se plaigne de tout et parfois de rien. Ce soir, elle allait continuer si Coralie ne réagissait pas. Agacée, la jeune fille prit donc sur elle-même. À contre cœur, elle invita Pauline à s'assoir.

— Qu'est-ce qui ne va pas encore ? lui demanda t-elle conciliante. Va-s'y dis-moi !

— Ce qu'il y a Coralie, déclara Pauline qui avait fini par s'assoir, c'est que le maudit philtre de ta voyante ne marche pas.

— Comment ça ? s'enquit Coralie les sourcils froncés. Je ne te suis pas.

— Ben ce matin, commença à expliquer Pauline un peu plus calmement, j'en ai mis pour aller au boulot et de toute la journée je n'ai pas attiré le moindre prétendant.

— Heee Pauline ! s'exclama Coralie ébahi. Après une seule journée, tu tires déjà des conclusions hâtives là. Il faut attendre un peu. Tu es trop impatiente !

Butée, Pauline se renfrogna.

— Impatiente comment ? Ce truc était censé faire effet...

— Et il fait effet crois-moi, l'interrompit Coralie. Mais pas de manière instantanée comme tu peux le croire. Ce n'est pas de la magie !

— Tiens c'est nouveau ça, lui lança Pauline ironique. Ce n'est pas ce que tu as prétendu quand tu étais occupée à vanter les mérites de ta vielle arnaqueuse là.

Excédée par ces sarcasmes, Coralie finit par céder.

— C'est bon tu as gagné, déclara t-elle de but en blanc. Va te préparer. Si tu es partante on va sortir.

— Sortir ? répéta Pauline étonnée. Sortir pour aller où ? Pour faire quoi ?

— Comment ça pour faire quoi ? lui répondit Coralie. Tu veux avoir une preuve de l'efficacité du philtre d'amour de mama Lokossoué n'est-ce pas ? Pour ça je te propose une solution pratique. C'est mieux que de rester là à tergiverser.

Prise au dépourvu, Pauline demeura un moment perplexe. Elle ne savait même pas quoi en penser.

— Si comprends bien, ton idée c'est qu'on sorte harponner les hommes c'est ça ?

— Autrement comment te prouver que j'ai raison et que toi tu as tort ? répondit Coralie qui perdait de plus en plus patience. Les hommes, ça s'attirent dehors pas cloîtré chez soi. Je te propose donc qu'on sorte se balader ou....je ne sais pas moi, qu'on aille manger un morceau quelque part et tu verras si tu n'attires pas quelqu'un dans tes filets.

Indécise, Pauline réfléchit à cette proposition inattendue. Sortir rencontrer des hommes ! À cette heure avancée de la nuit ? Après tout, pourquoi pas ? Haussant les épaules, Pauline accepta.

— Ok d'accord, déclara t-elle en dissimulant son enthousiasme. Sortons ! Allons attirer les hommes dans notre filet.

Mari de nuit : un incube dans la villeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant