Tiens, ça me rappelle ce soir là, où j'ai fait une bêtise....

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Parfois, je l'avoue, je t'ai quitté juste pour avoir le droit de te reprendre quelques semaines après. Juste pour me prouver que j'étais capable de m'en sortir sans toi. Que j'avais aucun problème. Parce que le vrai problème, c'est pas vraiment toi en fait. On pourrait avoir une belle relation, tous les deux, si j'avais pas tant besoin de toi.

Mais je t'ai connu si jeune. Tu es si fidèle. Tu es toujours là à la place du rien, quand l'espoir déçoit. Tu me redonnes le moral, tu m'aides à tout affronter. Ça aussi c'est inavouable, de dire que tu m'as rendu service, que sans toi je serai plus là, que sans toi j'aurai fait trop de conneries. Personne ne me croirait si je disais que tu m'aides à rester sage.

Tiens, peut-être que si ce soir là -je repense à un soir où j'étais petite et où j'ai fait une grosse bêtise qui m'a valu d'être engueulée correcte- et ben ce soir là, si t'avais été dans ma vie, je serais rester bien sagement à la maison, comme maman m'avait dit.

C'était avant toi, ça, quelle âge j'avais ? Neuf ans, peut-être même un peu moins.

Maman avait trouvé du travail. Elle était contente. Comme papa payait plus la pension, elle en a même pleuré. 

Elle m'a expliqué que la voisine du dessous irait nous chercher à l'école, Talia et moi. Ensuite, on rentrera tous ensemble, mais la voisine gardera ma petite sœur et moi je serai à la maison, à l'étage au dessus, j'aurai ma clef, parce que moi, j'étais grande, j'avais pas besoin d'une nounou, pas comme Talia, hein, pas vrai ?

Alors j'ai eu ma clef. Parce que j'étais grande. La voisine du dessous, Sabine elle s'appelait, elle avait deux enfants aussi, comme nous, mais deux garçons. Talia jouait tout le temps avec Rodrigue qui était dans sa classe et moi je jouais avec Thomas, qu'avait un an de plus que moi. On se voyait souvent. Chez eux, chez nous. Maman me disait, va chercher du sel chez Sabine j'en ai plus. Ou Thomas montait pour nous emprunter la cassette d'Alice au Pays des Merveilles. Dés fois on les emmenait à l'école quand leur voiture démarrait plus. Pis des fois c'était eux. On jouait à cache-cache au pied des HLM. Thomas m'embêtait tout le temps, mais je l'aimais bien.

La première fois, j'étais contente d'avoir ma clef. De pas être un bébé comme Talia. Et puis quand tout le monde est entrée dans l'appartement au quatrième et que la porte s'est refermée, ça m'a fait un pinçon dans la poitrine. Je suis restée quelques minutes sur le palier, j'ai entendu Talia et Rodrigue qui disaient oui oui,moi, j'en veux, je veux des cookies, et puis il y a eu le bruit de la télé, c'était l'heure des Minikeums. La minuterie s'est arrêtée, la lumière s'est éteinte. Je suis montée. 

La Fin des MinikeumsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant